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ceufc, capables d’en être féparees dans l ’eau'& de
réfiftér à l’aftion du feu.
Cette matière minérale eft lin genre de foflile très-
abondant. Du tems de Pline, on ne l’a voit encore
découvert qu’eii Egypte, dans les deferts de Judée
, dans l’Eubée près de la ville de Corinthe, &
dans l’ile de Candie, pays dont le lin portoit les
noms. Nos modernes en-ont aujourd’hui trouvé dans
toutes les îles de l’Archipel, en divers endroits de
l ’Italie, fur-tout aux montagnes de Volterre, en Ef-
pag'ne dans les Pyrénées, dans l’état de Gènes, dans
Pile de Corfe, en France dans le comté de Foix , à
Namur dans les pa ys-ba s, en Bavière, en Angleterre,
en Irlande, en Ecoffe, &c. Il faut avouer auffi
que toutes ces nouvelles découvertes ne nous four-
niflent guere que des efpeces d’amiante de rebut,
dont on ne fâuroit tirer parti dans les Arts.
La maniéré de filer cette matière minérale, eft la
feule chofe qui touche notre curiofité. Quoiqu’elle
ait été pratiquée par les anciens orientaux, le fecret
n’en étoit pas connu des Romains, puilqu’au rapport
de Pline, la valeur de l’asbefte filé égaloit le prix
des perles les plus cheres ; & que du tems de Néron,
on regardoit avec admiration, & comme un tréfor,
une ferviette de cette toile que cet empereur poffé-
doit. ^
Les Grecs n’ont pas été plus éclairés fur l’art de
filer l’asbefte ; car à l’exception de Strabon qui n’en
dit que deux mots, aucun de leurs auteurs ne l’a décrite
.- cependant, puifqùe Pline a vu de fes yeux des
nappes de Un v if que l’on jettoit au feu pcmr les nettoyer
lorfqü’elles étoient fales; il en réfulte qu’on
.avoit quelque part le fecret d’en faire des toiles ; &
les ouvrages tilïus de ce fil, qui ont paru de fiecle
jeu -fiecle, prouvent que ce fecret ne s’eft pas perdu,
& qu’il fe trouve du lin incombuflible propre à cette
manufacture.
En effet, l’hiftoire moderne nous apprend que
Charles-Quint avoit plufieurs ferviettes de ce lin ,
■ avec lefquelles il donnoit le divertiflement aux princes
de fa cour, lorfqu’il les régaloit, d’engrailfer &
de falir ces fortes de ferviettes, de les jetter au feu,
& de les en retirer nettes & entières. L’on a vu depuis
à Rome, à Venife, à Londres & en d’autres
viiles, divers particuliers prendre ceplaifir à moins
de frais que cet empereur. On a préfenté à la fociété
royale un mouchoir de lin vif7 qui avoit un demi-
pié de long fur demi pié de large; mais on n’indiqua
point l’art du procédé, ni d’où l’on avoit tiré le
foflile.
Enfin, Ciampini (' JeanJufliri) né à Rome en 1633,
& mort dans la même ville en 1658, a la gloire de
nous avoir appris le premier, en 1691, le fecret de
filer le Un incombuflible, & d’en faire de la toile. Le
leéteur trouvera le précis de fa méthode au mot
A m i a n t e ; mais il faut ici tranfcrire la maniéré dont
]\4. Mahudel l’a perfeûionné , parce que les objets
qui concernent les Arts^font particulièrement du ref-
fort de ce Di&ionnaire.
Choifîifîez bien, dit ce favant, Mém. de littér.
tom. V I . édit, in -a . l’efpece de Un incombuflible,
dont les fils foient longs & foyeux. Fendez votre minéral
délicatement en plufieurs morceaux avec un
marteau trenchant. Jettez ces morceaux dans de l’eau
chaude. Amman veut qu’on les faffe infufer dans une
îefîive préparée avec des cendres de chêne pourri,
& des cendres gravelées, & qu’on les laifle enfuite
îuacérer'ehviron unmois dans l’eau douce. M. Mahudel
prétend que l’eau chaude fuffit en y laiffantles
morceaux d’asbête pendant un tems proportionné à la
dureté de leurs parties terreufes : remuez-les enfuite,
dit-il, plufieurs fois dans l’eau & divifez-les avec lès
doigts en plus de parcelles fibreufes que vous pourrez
, enforte qu’elles fe trouvent infenfiblement dé-
L I N ponillées de l’efpece de chaux qui les tenoit uniesj
cette chaux fe détrempant dans l’eau, blanchit l’amiante
& i’épaiflit. Changez l’eau cinq ou fix fois,
& jufqu’à ce que vous connnoiffiez par fa clarté que
les fils feront fufiifamment rouis.
Après cette lotion, étendez-les fur une claie de
jonc pour en faire égoutter l’eau : expofez les au fo-
leil ; & lorfqu’ils feront bien fecs, arrangez-les fur
deux cardes à dents fort fines, femblables à celles,
des cardeurs de laine. Séparez-lestous en les cardant
doucement, & ramaffez la filafle qui eft ainfi pré-?
parée; alors ajuftez-la entre les deux cardes que vous
coucherez fur une table, où elles vous tiendront lieu
de quenouille, parce que c’eft des extrémités de ces
cardes que vous tirerez les fils qui fe préfenteront.
Ayez fur cette table une bobine pleine de Un ordinaire
filé très - fin, dont vous tirerez un fil en même
tems que vous-en tirerez deux ou trois d’amiante;
& avec un fufeau afiùjetti par un pefon, vous unirez
tous ces fils enfemble, enforte que ce fil de lin
commun foit couvert de ceux d’asbefte, qui par ce
moyen ne feront qu’un même corps.
Pour faciliter la filure, on aura de l’huile d’olive dans
un mouilloir ^où-l’on puifle de tems-en-tems tremper
le doigt, autant pour les garantir de la corrofion de
l’asbefte que pour donner plus de foupleffe à ces fils?’
Dès qu’on eft ainfi parvenu à la maniéré d’en allonger
le continu, il eft aifé en les multipliant ou en
les entrelaçant, d’en former les tifliis plus ou moins
fins, dont on tirera, en les jettant au feu, l’huile &
les fils de Un étrangers qui y font entrés.
On fait actuellement aux Pyrénées des cordons,’
des jarretières & des ceintures avec ce f il, qui font
des preuves de la pofîibilité de les mettre en oeuvre.
Il eft certain qu’avec un peu plus de foins que n’y
donnent les habitans de ces montagnes, & avec de
l’asbefte choifie, il s’en feroit des ouvrages très-délicats.
Cependant, quand on pourroit en façonner de ces
toiles fi vantées par les anciens, de plus belles mêmes
que les leurs, & en plus grande quantité, il fera
toujours vrai de dire que par la friabilité du minéral
dont elle tirent leur origine , elle ne pourront être
de durée au fervice, & n’auront jamais qu’un ufage
de pure curiofité.
Les engraiffer & les falir pour avoir le plaifir de
les retirer du feu nettes & entières, c’eft à quoi fe
rapporte prefque tout ce qu’en ont vu les auteurs
qui en ont écrit avant & après Pline.
L’ufage des chemifes, ou des facs de toile d’amiante
, employés au brûlement des morts, pour fé-
parer les cendres de celles des autres matières com-
buftibles, feroit un point plus intérefiant pour l ’hif-
toire romaine , s’il 'étoit bien prouvé. Mais Pline ,
liv. X I I I . chap. j . dit que cette coutume funéraire
ne s’obfervoit qu’à l’égard des rois.
Un autre ufage du lin d'asbefle étoit d’en former
des meches perpétuelles, qui avoient la propriété
d’éclairer toujours , fans aucune déperdition de leur
fubftance, & fans' qu’il fût befoin de les moucher
quelque grande que pût être la quantité d’huile qu’on
vouloir qu’elles confumaflènt. On s’en fervoit dans
les temples pour les lampes confacrées aux dieux.
Louis V iv e z , efpagnol, qui vivoit au commencement
du quinzième fiecle, dit avoir vû employer de
ces mèches à Paris, Il eft fingulier que cet ufage
commode, & fondé fur une expérience certaine, ne
fubfifte plus.
M. Mahudel aflure avoir obfervé que les filamens
de Un incombuflible , fans avoir été même dépouillés
par la lotion des parties terreufes qui les unifient ,
étant mis dans un vafe plein xle quelque huile ou
graille que l’on voudra, éclairent tant que dure la
fubftance oléagineufe.
Les
l i n
Les TrafifaclioTis philofophiques , Juin tS85 , parlent
d’un autre moyen d’employer le Un incorttbuf-
-tible. On en peut fabriquer un papier allez bien
nommé perpétuel, parce que toutes les fois qu’on
a écrit defltis, on en efface l ’écriture en le jettant
au feu » ©ù H n’^ft Paâ plus endommagé que la toile I
de ce minéral. On dit que fon conferve une feuille
de ce papier dans le cabinet du roi de Danemark ;
& Charlèton témoigne que de fon tems on fabri-
quoit de Ce papier près d’Oxford.
Quant aux vertus médicinales attribuées au lin
in c o m b u flib le , il faut toutes les reléguer au nombre
des chimères. Il eft fi peu propre , par exemple, à
guérir la gale , étant appliqué extérieurement en
forme d’onguent, qu’il excite au contraire des dé-
mangeaifons à la peau. Bruekman a réfuté plufieurs
autres fables femblables , dans fon ouvrage latin
intitulé Hiftoria natüralis lapidis, A B f U n f -
Vig, 1727, in-40. j’y renvoyé les curieux, & je remarque
en finilïànt, que i’asbefte eft le feul lin incombuflible
dont on peut faire des toiles & du papier
; fes mines ne font pas communes ; celles de-l’amiante
le font beaucoup ; mais comme fes fils font
Courts & fe brifent, ori n’en peut tirer aucun parti. ( D . J .) , \ H * Lin j Culture du lin , ( JE conom. rüftiq. ) du choix
•de la graine de lin. On la fait Venir communément de
l ’île de Cafân. On la nomme graine de Riga ou de
tonneau. C ’eû là plus chere, èc elle eft ëftimée la
meilleure. Mais celle du pays, quand elle eft belle,
ne fe diftinguànt pas facilement de Celle de Rig a ,
les commiffionnaires l’enferment dans des tonneaux
femblables, & la vendent pour telle. Elle n’eft pas
mauvaife, mais il faut avoir l’attention de la làiffer
repofer, ou de la femer dans un terrein diftant de
quelques lieues de celui où elle aura été recueillie.
Pour fe mettre à couvert de l’inconvéiîient d’etre
trompé dans l ’achat de la graine, il y a des gens qui
prennent le parti de conferver Iâ féùr, qtfartd elle eft
épuifée, c’eft-à-dire lorfqu’ellê â été fernée trois
ôu quatre fois de fuite au même lieu , & de la garder
un Ou detix ans dans des facs, bien mêlée de paille
hachée. Elle reprend v igueur, ou plfttôt elle devient
par l’interruption , propre au terrêin où l’on en a
femé d’autre, & on l’emploie avec fuccès.
JJes qualités que doit avoir la graine pour être bonne.
Il faut qu’elle foit pefante & luifante. On obferve ,
quand on l’achète, que le marché fera n u l, fi elle
né germe pas bien ; & pour en faire l ’effai, on en
feme une poignée , quelque tems avant la femaille.
Quel e/ï fon prix. Elle n’a point de prix fixe. On
diftingue la nouvelle de la vieille. Au tems où l’on
nous a communiqué ce mémoire, c’eft-à-dire , lorf-
que nous commençâmes cet ouvrage, que tant de
caufes iniques ont fufpendu, la nouvelle Valoit année
commune, vingt francs la raziere. Elle n’eft
pas moins bonne , lorfqu’elle a produit une ou deux
fois. La troifieme année elle diminue de moitié ; la
quatrième, on la porte au moulin pour en exprimer
l ’huile. Alors fon prix eft réduit à fix livres, bon an,
mal an.
La raziere eft une melure qui doit contenir à peu
p rès , cent livres , poids de marc, de graine bien
fèche.
Ce qu'il faut de graine poür femer une mefure de terre,
dont la grandeur fera déterminée ci-aprês, relativement
a la toife de Paris. Un avot fait le quart d’une raziere
fur un cent de terre. Le cent de terre contient
cent verges quarrées , ou dix mille piés de onze
pouces, la verge étant de dix piés ; ou neuf mille
cent foixante-fix, & huit pouces de roi ; ou deux
cent cinquante-quatre toiles, trois piés * neuf pouces
& quatre lignes, Cette mefure eft la feizieme partie
d’un bonnier , & le bonnier eft par conféqüent de
Tome IX .
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quatre mille foixante & quatorze toifes, cinq pouces,
quatre lignes. Mais l’arpent eft de neuf cens toifes ;
il faut donc pour l’équivalent d’un bonnier, quatre
arpetis & demi, vingt-quatre toifes, cinq pouces &
quatre lignes. Voilà la mefure fur laquelle tout eft
fixé dans cet article. Elle ne s’accorde pas avec çelle
du colfat, ôù l’on a fait ùfâge de celle de Paris. Il
y a ÎGi plus d’exaéfitndê.
De la nature de la terre propre au lin. Il n’y faut
point de pierres ; la plus péfante eft la meilleure ,
fur-tout fi fa couleur eft noire , fi elle eft mêlée de
fable, comme à Saint-Amand & aux environs, oît
les Uns font très-hauts & très- fins, & font employés
en dentelles & en toiles de prix. Dans la châtellenie
de Lillé, d’où ce mémoire vient, la hauteur o rdinaire
des Uns eft depuis fix paumes jufqù’à douze
au plus. Il y a peu d’endroits où il monté davantage.'
On feroit content, fi l’on avoit la bonne qualité
, rabondance & la hauteur de huit paumes.
De la préparation dà la terre. Il faut la bien fumer
avant l’hiver. Quatre charretées de fumief fuffifent
pour l’étendue que iioiis avons déterminée^ Chaque
charretée doit pefer environ quatorze cens, poids de.
marc. Ou laboure après avoir fumé.
Lorfque le tems de femer approche, oh donne
lin fécond labour, fur-tout fi la terre ne fe manie
pas aflèz facilement pour qu’il fuffife d’y faire paffer,
deux ou trois fois la herfe, afin de l’ameublir convenablement
; on l’aplanit enfuite au cylindre. On
ne peut l’aplanir trop bien. On feme. On repaffe la
herfe. La fehtenee éft couverte. Un dernier tour de
Cylindre achevé dé l’affermir en terre. .
Il y en a qui emploient à la préparation de la
terre de la fiente de pigeon en poudre, mais elle
brûle le l in , lorfque l’année eft feche. D ’autres
jettent cette fiente dans le pureau des vaches, &
arrofent la terre préparée de ce mélange, ou même
le répandent fur le terrein avant le premier labour ,
afin qu’au printems la chaleur en foit éteinte. Ces
deux cultures font moins dangereufes , mais la der-;
nierè coniomme beaucoup de matière.
Du tems de la femaille. On feme à la fin de Mars
ou au commencement du printems, félon le tems-
Il né le faut pas pluvieux. Plutôt on feme , mieux
on fait. Le lin ne grandit plus lorfque lès chaleurs
font venues. C ’eft alors qu’il graine.
D u prix de la fcrtiaille. Un avot de graine, fur le
pié de vingt francs la raziere, contera cent fols ; les
quatre charretées de fumier, douze francs ; un fac
de fiente de pigeon, quatre livres ; deux labours ,
une livre, dix-fept fols, fix deniers ; trois herfes, au
moins neuf fols ; trois cylindres, au moins neuf fols ;
la femaille , une liv re , trois fols. Tous ces prix peu-,
vent avoir changé.
Faut-il faire à la terre quelque façon après lafemaille ?,
Aucune.
Faut-il faire au lin quelque façon avant la récolté ? Pas
d’autre que de farder. On farcie quand il eft monté
de deux ou trois pouces. Pour ne le pas gâter, le far-
cLeur fe déchauffe. Ce travail eft plüs ou moins coûteux,
felOn que la terre eft plus OU moins fale. On
en eftime la dépenfe année commune, à trente-fept
fols. S’il fe peut achever à fix perfortnes en un jour ,
c’eft fix fols deux deniers pour chacune.
Dans les cantons où le Un s’élève à plus de dix
ou douze paumes , on le foutientpar des ramures j
mais il n’en eft pus ici queftion.
Quel tems lui eft le plus propre dans les différentes
faifons. Il ne lui faut ni un tems trop froid , ni un
tems trop chaud. S’il fait trop fe c , il vient court ;
trop humide, il verfe. Les grandes chaleurs engendrent
fouvent de très-petites mouches ou pucerons,
qui ravagent fa pouffe quand elle commence. Elle
en eft quelquefois toute noire, U n’y a que la pluie
A A a a