
le petit-lait, féparé du lait coagulé par les aeîdes.
Car on peut bien par ce moyen même obtenir un
petit-lait très-doux : il n’y a pour cela qu’à être cir-
confped fur la proportion de l’acide emplôyé ; &
M. Cartheufer n’exige pas qu’on employé l’acide
en une quantité furabondante. En un mot, le fetum
lactis acidulum de M. Cartheufer eft du petit lait ordinaire
, dont nous allons nous occuper fur le champ.
Celui-ci, c’eft-à-dire le petit-lait ordinaire, qu’on
pourroit auffi appeller doux, en le comparant au
précédent, au lait de beurre , cil celui qu’on fépare
du lait coagulé par la preffure ordinaire, ou même,
quoique beaucoup moins usuellement, par des acides
végétaux. La coagulation du la it, pour la préparation
pharmaceutique du petit-lait , & la Séparation
de cette derniere liqueur d’avec le caillé ,
n’ont rien de particulier. On s’y prend dans les
Pharmacies comme dans les Laiteries. F o y e r L a i t ,
Economie rujliq. L’opération vraiment pharmaceutique
qu’on exécute lur le petit lait, c’eft la clarification.
Voici cette opération : prenez du petit-lait
récent, qui eft naturellement très-trouble ; ajoutez-
y A froid un blanc d’oeuf fur chaque livre de liqueur
; mêlez exactement en fouettant ; faites bouillir
, & jettez dans la liqueur pendant l’ébullition, environ
18 ou 20 grains de crème de tartre ; paffezau
blanchet '& enfuite au papier à filtrer.
Quoique ce Soit principalement la faveur & l’élégance
du remede, le jucunde qu’on a en vue dans
cette clarification , il faut convenir auffi que les parties
fromageufes & butireufes qui Sont Sufpendues
dans le petit-lait trouble, non-feulement rendent ce
remede dégoûtant , & Souvent trop laxatif, mais
même peuvent le difpofer à engendrer dans les pre
mieres voies, ces concrétions butyreufes & fromageufes
que nous avons comptées parmi les mauvais
effets du lait. Il faut convenir encore que c’eft vraift
Semblablement une pratique très-mal entendue que
l’ufage confiant de donner toujours le petit-lait le
mieux clarifié qu’il eft poflible. Car quoiqu’il n’en
faille pas croire M. Qu incy, qui affure dans fa Pharmacopée
, que le petit-lait ainfi clarifié , n’eft qu’un
pur phlegme , qui n’eft bon à rien : il eft indubitable
cependant qifil eft des cas où une liqueur, pour
ainfi dire moins feche , plus muqueufe, plus graffe
que le petit-lait très-clarifié , eft plus indiquée que
le petit-lait clair comme de l’eau. Au refte, ces petits-
laits ne différeroient entr’eux que par des nuances
d’aftivité ; & je ne voudrois pas qu’on admît dans
l’ufage l’extrême oppofé au très-clair, c ’eft-à-dire le
petit - lait brut très - trouble , tel qu’il fe fépare du
caillé.
Il eft une troifieme efpece de petit-lait, qui doit
peut-être tenir lieu de ce dernier, du petit-lait éminemment
gras ; Savoir , celui qui eft connu fous le
nom de petit-lait d’Hoffman , & que M. Cartheufer
appelle petit-lait doux, fierum laclis dulce. Voici
comment Frédérick Hoffman en expofe la préparation
dans fa diflértation de fialuberrima fieri lacïts vir-
tute. Il prend du lait Sortant du pis ; il le fait évaporer
au feu nud dans un vaiffeau d’étain ( il vaut
beaucoup mieux exécuter cette évaporation au bain-
marie ) jufqu à Ce qu’il obtienne un réfidu qui fe préfente
lous la forme d’une poudre jaunâtre & grume-
lée. Alors il jette fur ce réfidu autant d’eau quHl s’en
eft difiipé par l’évoparation ; il donne quelques bouillons
, & il filtre. L’auteur prétend, avec raifon, que
cette liqueur, qui eft fon petit-lait ( & qu’il appelle
eau de lait par déco&ion , ou petit-lait artificiel ) , a
bien des qualités au-deffus du petit-lait ordinaire
du moins s’il eft vrai que le petit-lait foit d’autant
meilleur, que la fubftance muqueufe qu’il contient,
eft plus graflé , plus favonneufe : car il eft très-vrai
que les fubftances falines & Sucrées quelconques ,
fe chargent facilement des matières oléagineufes I
lorsqu’elles ont avec ces matières une communication
pareille à celle que la matière fucrée du petit*
lait a , dans la méthode d’Hoffman, avec la matière
butyreufe.
Ce caraCtere, qui diftingue le petit-lait d’Hoffman
d’avec le petit-lait ordinaire, n’a cependant rien
d’abfolu ; il ne peut conftituer qu’une variété dans
le degré d’action, 6c même une variété peu con-
iidérable.
Une livre de petit-lait ( apparemment de vache )
fournie par une livre & demie de lait entier, filtrée
, évaporée au bain-marie, & rapprochée autant
qu’il eft poftible , & cependant imparfaitement,
a donné à M. Geoffroi une once un gros & trois
grains de matière concrète , qui eft le fel ou Sucre
de lait dont nous allons parler dans un moment.
Hoffman n’a retiré, par l’évaporation, d’une livre
de medecine ( qui répond à io ou 12 onces,poids
de marc ) qu’un gros , c’eft-à-dire 60 ou 72 grains
de matière fucrée. La différence prodigieufe de ces
deux produits ne paroît pas pouvoir être raisonnablement
déduite de ce que M. Geoffroi a deffeehé
fa matière au bain-marie, & qu’Hoffman a employé
la chaleur d’un bain de fable. On ne peut cependant
avoir recours qu’à cette caufe , ou à la différence
individuelle des laits que chacun de ces chimiftes
a traités , ou enfin à l’inexaCtitude de l’un d’eux ,
ou de tous les deux : car il ne faut pas Soupçonner
que la matière concrefcible du petit-lait ayant été
une fois deffechée , foit devenue moins foluble
qu’elle ne l’étoit auparavant, & que le beurre 8c
le fromage avec Iciquels elle a été intimement entremêlée
dans cette déification, la défendent contre
l’a&ion de l’eaii. Le fucre de lait eft une fubftance
trop foluble par le menftrue aqueux , pour
qu’on puiffe former raifonnablement cette conjeûure.
Vtrtus ou ufages médicinaux du petit-lait. Prefque
tous les auteurs , fur-tout les anciens , que Fréd.
Hoffman a imités en cela , recommandent par préférence
le petit-lait de chevre. On fe fert en France
principalement du petit-lait de vache , excepté dans
les cantons où le lait de chevre eft plus commun
que celui de vache. A Paris , oit cette raifon de
commodité n’eft pas un titre de préférence , on
diftingue ces deux petits-laits dans l’ufage, & beaucoup
de médecins affurent qu’ils different réellement
en vertu , de même que les Apoticaires ob-
fervent qu’ils présentent des phénomènes différens
dans la coagulation & dans la clarification.
Nous croyons cependant pouvoir regarder ces
différences d’aâion médicamenteufe, comme méritant
d’être conftatées par de nouvelles observations
, ou comme peu confidérables. D ’après ce Sentiment
nous ne parlerons que des vertus communes
à l’un & à l’autre petit-lait. Au refte, comme ou
ne prépare ordinairement que ces deux efpeces , ce
que nous dirons du petit-lait en général ne fera cenfé
convenir qu’à celles-là.
La vertu la plus évidente du petit-lait eft d’être
un laxatif doux & a fiez fu r , peut-être le premier ou
le plus réel des eccoprotiques. Il pouffe aufli affez
communément par les urines. On le donne pour exciter
l’une ou l’autre de ces deux évacuations, ou
Seul, ou chargé de différentes matières purgatives
ou diurétiques. Plufieurs auteurs le propofent même
comme un bon excipienr des purgatifs les plus forts ,
dont ils croyent que le petit-lait opéré une véritable
correélion ; mais ce mélange eft affez chimérique
dans cette vue.
Il n’y a point d’inconvénient de mêler le petit-lait
aux remedes acides, tels que les tamarins, les fucs
acidulés des fruits , &c. Le petit-lait n’eft point,
comme le lait , altéré par ces fubftances ;a u contraiirè
, léuf mélange avec le petit- lait peut êtrë
agréable & falutaire toutes les fois qu’on fc propofe
de rafraîchir & de relâcher. Une légère limonade
pféparée avec le petit-lait au lieu de l’eau , doit mériter
la préférence fur la limonade commune dans
les ardeurs d’entrailles & des voies urinaires , avec
menace d’inflammation , &c% Une déco&ion de ta_-
marins dans le petit la it, vaut mieux aufli que la
décoCtion de ces fruits dans l’eau commune, lorf-
qu’on fe propofe de lâcher le ventre dans les mêmes
cas*L
e petit-lait eft regardé , avec raifon, comme le
premier des remedes relâchahs, humeélans & adou-
ciffans* On s’eti fert efficacement en cette qualité
dans toutes les affeélions des vifeeres du bas-ventre
qui dépendent de tenfions fpontanées ou nerveu-
fes, ou d’irritations, par la préfence de quelque humeur
v itiée, ou de quelque poifon ou remede trop
aftif. On le donne par conféquent avec fuccès dans
les maladies hypochcndriaques & hyftériques, principalement
dans les digeftions fougueufes , les coliques
habituelles d’eftomac, manifeftement dues à
la tenfion & à la féchereffe de ce vifeere, les flux
hémorrhoïdaux irréguliers 8c douloureux, les jau-
niffes commençantes & foudaihes , le flux hépatiques
, les coliques bilieufes , les fleurs blanches les
flux diffentériques , les diarrhées douloureufes , les
tenefmes , les fuperpurgations , &c. Il eft regardé
aufli comme capable d’étendre fa falutaire influence
au-delà des premières voies , du moins de produire
de bons effets dans des maladies qu’on peut regarder
comme plus générales que celles dont nous venons
de parler. On le donne avec fuccès dans toutes
les fievres aigues , & principalement dans la
fievre ardente & dans la fievre maligne.
Il eft utile auffi dans tous les cas d’inflammation
préfente ou imminente des organes particuliers, des
parties de la génération ; par exemple, dans les maladies
vénériennes inflammatoires, dans l’inflamma-^
tion d’une partie des inteftins, après une bleffure ou
une opération chirurgicale, dans les ophtalmies ex-
quifes, &c*
On peut affurer que clans tous ces cas il eft préférable
aux émulfions 8c aux ptifanes mucilagineu-
fes qu’on a coutume d’employer.
Hoffman remarque ( dansfia dijficrtation fiur le petit-
lait ) que les plus habiles auteurs qui ont traité du
feorbut j recommandent le petit-lait contre cette maladie.
M. Lind , auteur bien poftérieur à Hoffman ,
qui a compofé un traité du feorbut très-complet,
le met auffi au rang des remedes les plus efficaces
de ce mal.
Fréd.Hoffman attribue encore au petit-lait, d’après
Sylvaticus, célébré médecin italien, de grandes vertus
contre la manie, certaines menaces deparalyfte,
l ’épilepfie , les cancers des mamelles cornmençans ,
&Cé
Le petit-lait a beaucoup d’analogie avec le lait
d’âneffe. Hippocrate ordonne prefque indifféremment
le lait d’âneffe ou le petit-lait de chevre ; &
Fréd. Hoffman , dans la differtation que nous avons
déjà citée plufieurs fois , attribue ail petit-lait, fur
l’autorité d’Hippocrate, toutes les vertus que cet
auteur attribue au lait d’âneffe , lors même qu’il ne
propofe pas l’alternative dé ce remede ou du petit-
lait.
En général le petit-lait doit être donné à grandes
dofes 8c continué longtems : il faut prendre garde
cependant qu’il n’affadiffe point l’eftomac , c’eft-à-
dire qu’il ne faffe point perdre l’appétit 8c qu’il n’abatte
point les forces ; car c’eft-là fon unique, mais
très-grave inconvénient. On voit bien au refte que
cette confidération ne peut avoir lieu que dans les
incommodités 8c les maladies chroniques ; car dans
les càs Iftgëiîs ; ‘tels que les fievlcs aiguës 8c les inflammations
des vifeeres,l’appétit &les forces muf-
culaircs he font pas des facultés que l’on doive fe
mettre en peine de ménager. Il eft encore vrai cependant
que dans les fievres aiguës il ne faut pas
donner le petit-lait dans le cas de foibleffe réelle.
Petit- lait a l'angloife, ou prépare avec les vins doux'.
Les Anglois préparent communément le petit-lait en
faifant cailler le lait avec le vin d’Efpagne ou de
Canaries On nous rapporte même que c’eft prelque-
là 1 unique façon dont on prépare ce remede à Londres
; mais nous ne le connoiffons en France que
fur quelques expofés affez vagues. Les pharmacoi
pees artgloifes les plus modernes ne font point mention
de cette préparation : il eft naturel de conjec-r
titrer pourtant qu’elle doit varier beaucoup lèlori
la quantité de vin qu’on y employé. Jufqu’à pré-
fent ce remede n’a point été reçu en France ; ainfi
nous ne finirions prononcer légitimement fur lès propriétés
médicinales , qui ne peuvent être établies
que fur des obfervatiotts. Nous ofons avancer pour1
tant que l’ufage de mêler une petite quantité cle vin
d’Efpagne à du petit-lait déjà préparé , que quelques
praticiens de Paris ont tenté avec fuccès dans les fu-
jets chez qui le petit lait pur avoit befbin d’être ai-
guifé par quelque fubftance un peu aâ ive ; que cet
ufage , dis-je , doit paroître préférable à celui du
petit lait tire du lait caillé avec le même vin. Car
de la première façon , la préparation du vin peut
fe déterminer bien plus exa&emcnt ; & il ne feroit
pas difficile, fi l’on defifoit une analogie plus parfaite
avec la méthode angloife , de l’obtenir en
chauffant le vin qu’on Voudroit mêler au petit-lait
jwftp mt degré voifin de 1 ébullition , ou même jufi
qu’à une ébullition légère.
Sel ou fucre de lait. Kempfër rapporte que les
Brachmanes ont connu autrefois la maniéré de faire
\e fiucre de lait; quoi qu*il en foit, Fabricius Bartho-
letus , médecin italien, eft le premier qui ait fait
mention, au commencement du fiecle dernier d.u
fel effentiel de lait * fous le titre de manne ou de
nitre du lait. Ettmuler en a donné une defeription
qu’il a empruntée de cet auteur. T e f ti, médecin vénitien
, eft le fécond qui, fur la fin du dernier fiecle>
a trouvé le moyen de retirer ce fel, 8c il l’a appelle
fiucre de laiti
Ce médecin compofoit quatre efpeces de fiucre dé
lait. La première étoit fort graffe; la fécondé l’étoit
moins; fa troifieme ne contenoit prefque pas de parties
graflês ; la derniere étoit mêlée avec quelques
autres médicamens. Ce fel étoit fujet à fe rancif
comme la graiffe des animaux, fur tout lorfqu’on le
confervoit dans des vaiffeaux fermés, c’eft pourquoi
l’auteur eonfeilloit de le laiffer expofé à l ’air
libre*
M. Fickius, en 1710, publia en Allemagne une
maniéré de faire le fel de lait. Enfin on a pouffé en
Suiffe à fa perfection la maniéré de prépa’rer cette efpece
de fel ; mais on en a tenu la préparation fecrete*
M. Cartheuzer en a donné une préparation particulière
, qu’il attribue mal - à - propos à Tefti ; & qué
l’auteur, dont nous empruntons ce morceau fur lé
fiucre de lait, a tentée fans fuccès.
Il y a en Suiffe un chimifte nommé Creufitis, quia
une manière admirable de compofer ce fe l, mais
malheureufement il ne fait part de fon fecret à per-
fonne, ce qui eft d’autant plus fâcheux, que celui
dont il a la propriété eft infiniment plus beau qué
les autres ; il eft plus blanc, plus doux ; il fe diffbut
mieux fur la langue.
En attendant qu’il plaife à M. Creufiits de pubïief
fon fecret * , voici la méthode la meilleure de faire
* Il eft très vraisemblable que ce fecret confiftc à dégraip
fer le fucre de lait, ou à le rafiner par les mêmes moyens