heur dont leur nature les rend fufceptibles, & qu’ils
ne peuvent afpirer à un rang plus éleve , qu’au détriment
des êtres fupérieurs quil’-occupent. En effet,
il faut que ceux-ci quittent leur place avant qu’un
autre puiffe y monter ; or il paroît incompatible
avec la nature de Dieu de dégrader un être fupé-
rieur, tant qu’il n’a rien fait qui le mérite. Mais fi
un être fupérieur choifit librement des chofes qui
le rendent digne d’être dégradé , Dieu feinbleroit
être injuffe vers ceux d’un ordre inférieur, qui par
un bon ufage de leur liberté font propres à un état
plus é le v é , s’il leur refufoit le libre ufage de leur
choix.
C ’eft ici que la fageffe & la bonté divine femblent
s’être déployées de la maniéré la plus glorieufe ;
l ’arrangement des chofes paroît l’effet de la plus profonde
prudence. Par-là D ieu a montré la plus com-
plette équité envers fes créatures ; de forte qu’il
n’y a perfonne qui foit en droit de fe récrier, ou
de fe glorifier de fon partage. Celui qui eft dans une
fituation moins avantageule , n’a aucun fujet de fe
plaindre , puifqu’il eft doué de facultés dont il a le
pouvoir de fe fervir d’une maniéré propre à s’en
procurer une meilleure ; & il eft obligé d’avouer
que c’eft fa propre faute s’il en demeure privé : d’un
autre côté , celui qui eft dans un rang fupérieur doit
apprendre à craindre, de peur qu’il n’en déchée par
un ufage illégitime de fes facultés. Ainfi le plus élevé
a un fujet de terreur qui peut en quelque façon diminuer
fa félicité, & celui qui occupe un rang inférieur
peut augmenter la fienne ; par-là ils approchent
de plus près de l’égalité, & ils ont en même-tems un
puiffant aiguillon qui les excite à faire un ufage avantageux
de leurs facultés. Ce conflit contribue au bien
de l’univers , & y contribue infiniment plus que fi
toutes chofes étoient fixées par un deftin nécenaire.
1 30. Si tout ce qu’on vient d’établir eft v r a i, il eft
évident que toutes fortes de maux, le mal d’imper-
feétion , le mal naturel ou phyfique , & le mal moral
, peuvent avoir lieu dans un monde créé par un
être infiniment fage , bon & puiffant, & qu’on peut
rendre raifon de leur origine, fans avoir recours à
un mauvais principe.
14°. Il eft évident que nous fommes attachés à
cette terre ; que nous y fommes confinés comme
dans une prilon, & que nos connoiffances ne s’étendent
pas au-delà des idées qui nous viennent par
les fens ; mais puifque tout l ’affemblage des élémens
n’eft qu’un point par rapport à l’univers entier, eft-
il furprenant que nous nous trompions , lorfque fur
la vue de cette petite partie, nous jugeons, ou pour
mieux dire, nous formons des conje&ures touchant
la beauté , l’ordre & la bonté du tout ? Notre terre
eft peut être la baffe-foffe de l’univers > un hôpital
de fou x, ou une maifon de correction pour des malfaiteurs
; & néanmoins telle qu’elle e f t , il y a plus
de bien naturel & moral que de mal.
V o ilà , dit M. Law , jufqu’où la queftion de l’origine
du mal eft traitée dans l’ouvrage de l’auteur ,
parce que tout ce qu’on vient de dire, ou y eft contenu
en termes exprès, ou peut être déduit facilement
des principes qui y font établis. Ajoutons-y un
beau morceau inféré dans les notes de la traduction
de M. L aw , fur cè qu’on prétend que le mal moral
l’emporte dans le monde fur le bien.
M. King déclare qu’il eft d’un fentiment différent.
U eft fermement perfuadé qu’il y a plus de bien
moral dans le monde , & même fur la terre, que de
mal. Il convient qu’il peut y avoir plus d’hommes
méchans que de bons, parce qu’une feule mauvaife
aCtion fuffit pour qualifier un homme de méchant.
Mais d’un autre cô té, ceux qu’on appelle méchans
font fouvent dans leur v ie dix bonnes actions pour
une mauvaife. M. King ne connoît point l’auteur de
l’objeCtion, & il ignore à qui il a à faire ; mais il dé'
clare que parmi ceux qu?il connoît, .il croit qu’il y
en a des centaines qui lont difpofés à lui faire du
bien , pour un feul qui voudroit lui faire du mal,
& qu’il a reçu mille bons offices pour un mauvais.
Il n’a jamais pu adopter la doftrine de Hobbes,
que tous les hommes font des ours, des loups, &
des tigres ennemis les uns des autres ; enforte qu’ils
font tous naturellement faux& perfides, & que tout
le bien qu’ils [font provient uniquement de la crainte
; mais fi l’on examinoit les hommes un par un ,
peut-être n’en trouveroit-on pas deux entre mille,
calqués fur le portrait de loups & de tigres. Ceux-là
même qui avancent un tel paradoxe ne le conduifent
pas fur ce pié-là envers ceux avec qui ils font en relation.
S’ils le faifoient, peu de gens voudroient les
avouer. Cela v ien t, direz-vous, de la coutume &
de l’éducation : eh bien, fuppofons que cela fo it , il
faut que le genre humain n’ait pas tellement dégénéré
, que la plus grande partie des hommes n’exerce
encore la bienfaifance ; & la vertu n’eft pas tellement
bannie, qu’elle ne foit appuyée par un con-
fentement général & par les fuffrages du public.
Effectivement on trouve peu d’hommes, à moins
qu’ils ne foient provoqués par des pallions violentes
, qui aient le coeur affez dur pour être inaccel-
fibles à quelque p itié, & qui ne foient difpofés à témoigner
de la bienveillance à leurs amis & à leurs
enfans. On citeroit peu de Caligula , de Commode,
de Caracalla , ces monftres portés à toutes fortes de
crimes, & qui peut-être encore ont fait quelques
bonnes aCtions dans le cours de leur vie.
Il faut remarquer en fécond lieu, qu’on parle beaucoup
d’un grand crime comme d’un meurtre, qu’on
le publie davantage , & que l ’on en conferve plus
longtems la mémoire, que de cent bonnes aCtions qui
ne font point de bruit dans le monde ; & cela même
prouve que les premières font beaucoup plus rares
que les dernieres, qui fans cela n’exciteroient pas
tant de furprife & d’horreur.
Il faut ôbferver en troifieme lieu , que bien des
chofes paroiffent très-criminelles à ceux qui ignorent
les vues de celui qui agit. Néron tua un homme qui
éîoit innocent; mais qui fait s’il le fit par une malice
préméditée ! peut-être que quelque courtifan flateur ,
auquel il étoit obligé de fe fier, lui dit que cet innocent
confpiroit contre la vie de l’empereur, &in-
fifta fur la néceffité de le prévenir. Peut-être l’accu-
fateur lui-même fut-il trompé. Il eft évident que de
pareilles circonftances diminuent l’atrocité du forfait
, fi Néron change de conduite. Au furplus il eft
vraiffemblable que fi l’on pefoit impartialement les
fautes des humains, il fe préfenteroit bien des chofes
qui iroient à leur décharge.
En quatrième lieu , plufieurs aétions blâmables fe
font fans que ceux qui les commettent fâchent qu*-
elles font telles. C ’en ainfi que faint Paul perfécuta
l’Eglife, & lui-même avoue qu’il s’étoit conduit par
ignorance. Combien de chofes de cette nature fe pratiquent
tous les jours par ceux qui profeffent des religions
différentes ? Ce font, je l’avoue, des péchés,
mais des péchés qui ne procèdent pas d’une volonté
corrompue. Tout homme qui ufe de violence contre
un autre , par amour pour la vertu , par haine contre
le v ic e , ou par zele pour la gloire de Dieu , fait
mal fans contredit ; mais l’ignorance & un coeur honnête
fervent beaucoup à l’exeufer. Cette confidéra-
tion fuffit pour diminuer le nombre des méchans de
coeur ; les préjugés de parti doivent auffi être pefés ,
& quoiqu'il n’y ait pas d’erreur plus fatale au genre
humain, cependant elle vient d’une ame remplie de
droiture. La méprife confifte en ce que les hommes
qui s’y laiffent entrainer, oublient qu’on doit défentiré
Pétât par dés voies juftes, & non atix dépens 'dé
l’humanité.
En cinquième lieu, de petits fo u lo n s font foii-
vent regarder comme criminels des gens qiii rie lé
font point. Le commerce innocent entre Un horiinie
& une femme , fournit au méchant un fujet de les
calomnier. Sur une circonftance qui accompagné
ordinairement une aCtion criminelle, ori déclaré coupable
du fait même, la perfonne foupçorinéè. Une
mauvaife action fuffit pour deshonorer toute là vie
d’un homme.
Sixièmement, nous devons diftinguer ( & là loi
même le fait) entre les actions qui viennent d’une
malice préméditée, & celle auxquelles quelque violente
paffion ou quelque defordre dans l’efprit portent
l’homme. Lorfque l’offerifeur eft provoqué , &
qu’un tranfport fubit le met hors de lui, il eft certain
que cet état diminue fa faute aux yeux de l’Eternel
qui nous jugera miféricordieufement.
Enfin la confervation & l’accf biffe ment du genre
humain eft une preuve affurée qu’il y à plus de bien
que de mal dans le monde ; car une ou deux aCtions
peuvent avoir une influence funefte fur plufieurs per-
fonnes. D e plus, toutes les actions vieieufes tendent
à la deftruétion c!u genre humain, du-moins à fon
defavantage & à fa diminution ; au lieu qu’il faut ne- !
ceffairement le concours d’iiri grand nombre de bon- j
nés actions pour la confervation de chaque individu. !
Si donc le nombre des mauvaifes actions furpàffoit
celui des bonnes, le genre humain éevroit finir. On
en voit une preuve fenfible dans les pays oh les vices
fe multiplient , car le nombre des hommes y diminue
tous les jours-; fi la vertu s’y rétablit, les habi-
tans y reviennent à fa fuite. Le genre humain ne
jpourroit fubfifter ; fi jamais le v ice étoit dominant ?
puifqu’il faut le concours de plufieurs bonnes actions
pour réparer les dommages caufés par une
feule mauvaife ; qu’un feul crime fuffit pour ôter la
vie à un homme ou à plufieurs : mais combien d’actes
de bonté doivent concourir pour conferver cha-
qüé particulier ?
De tout ce qu’on vient de dire , il réfulte qu’il y
a plus de bien que de mal parmi les hommes, & que '
le monde peut être l’ouvrage d’un Dieu bon, malgré
l’argument qu’on fonde fur la fuppofition que le mal
l’emporte fur lé bien. Tout cela cependant n’eft pas
néceffaire ; puifqu’il peut y avoir dix mille fois plus
de bien que de niai dans tout l’univers, quand même
il n’y auroit abfolument aucun bien fur cette terre
que nous habitons; Elle eft trop peu de chofe pour
avoir quelque proportion avec le fyftème entier ; &
nous ne pouvons que porter un jugement très-imparfait
du tout fur cette partie. Elle peut être.l’hôpital
de l’univèrs ; 8c peut-on juger de la bonté 8c de la
pureté de l’air du climat, fur la vue d’un hôpital où
il n’y a que des malades ? de la fageffe d’un gouver^
nement, fur la vue d’urie maifon deftiriée pour y
héberger des fols ? ou de la Vertu d’une nation , fur
la vue d’une feule prifon qui renfermé des malfaiteurs
? Non que la terre foit effectivement telle ; mais
il eft permis de le fuppofer, 8c toute fuppofition qui '
montre que la chofe peut être , renverlè l’argument
manichéen, fondé fur l’impoffibilité d’en rendre fai- j
fon. Cependant loin de l’imaginer, regardons plutôt
la terre comme un féjour rempli de douceurs ; « Au 1
» moins , dit M. K in g , j’avoue avec la plus vive re-
» connoiffance pour D ieu , que j’ai parte mes jours
>> de cette maniéré ; je fuis perfuadé-que mes parens,
» mes amis, 8c mes domeftiques en ont fait autant,
■ » 8c je ne crois pas qu’il y ait de mal dans la vie qui
» ne foit fupportable, fur-tout pour ceux qui ont des
» efpérances d’un bonheur à venir.
• Au refte , indépendamment des' preuves de- l’il-
luftre archevêque.de Dublin. qui-établiffent que le
Tome IX.
Btert, tarit riafurel que moral, l’emporte dans le
monde fur le mal y le lefteur peut encore confultèr
Sherlock, traité de là Providence ; Hutchefon , On
tlu Nàtùrc aud conducl o f du pajjidns; London, 1728 ;
Leibnitz, effais 'de Théodicée ; Çhubb’s , ficpplement
to the vindication o f God’s Moral Char aiter, &ct 8c
Lucas, "Enqiàry afler Happinefsi
Bayle a combattu le fyftème du do&eur Kirigj
dans l'a réponfe aux cjueftions d’un provincial ; mais
outre que l’archevêque de Dublin a répondu aux
remarques du fàvant dè Rotèrdam; il eft bon d’ob-
l’erver que Bayle a eu tort d ’avoir réfuté l’ouvrage
fins l’avoir lû autreriient que dans les extraits de M,
Bernard 8c des journaliftes de Léipfig. On peut encore
lui reprocher en général d’avoir mêlé dans fes
râifonnemefts, plufieurs citations qui ne font que
des fleurs oratoires, 8c qui par conféquent ne prou--
vent rien ; la méthode de raifonner fur des autorités
eft très-peu philofophique dans des matières de Mé*
tâphyfique. (D . ƒ. )
M a l , ( Médecine.) On emploie fouvent ce mot
dans le langage médicinal 8c on lui attache diffé-1
rentes idées; quelquefois on s’en fert comme d’un
fynonyme à douleur, comme quand on dit mal de
tête, mat aux dents, au ventre, pour dire douleur de
tête , de dents, de ventre ; d’autrefois il n’exprime
qu’un certain malaife , un fentiment qui rfeft
point douleur, mais toujours.un état contré nature,
qu’il eft plus facile de fentir que d’énoncer: c’eft le
cas de la plûpart des maux d’eftomac, du mal au
coeur, &c. 11 eft aufîi d’ufage pour défigner une affection
quelconque indéterminée d’une partie malade.
Ainfi on dit communément, j ’ai mal àuxyeux;
à la jambe, 8cc. fans fpécifiér quel eft le genre, ou
l’efpece dé^ maladie dont on eft attaqué; Enfin ori
fubftitue dans bien des cas le mot mal à maladié, 8c
on l’emploie dans la même lignification. C ’eft ainfi
qu’on appelle l’épilepfie mal caduc, une efpece de
lepre ou de galle mal-mort. On dit de même indifféremment
maladie ou mal pédiculaire, maladie, ou
mal de Siam, .6jc. Toutes les autres maladies .étant
traitées à leur article particulier, à l’exception de3
deux dernieres, nous nous bornerons uniquemenfi
ici à ce qui .les regarde.
Mal p éd icu la ire. Ce nom eft dérivé dii latin
pediculus qui lignifie poux. Le caraftere univoque
de cette maladie eft une prodigieulè quantité de poux
qui occupent principalement les parties couvertes
de poils, fur-tout la tête; quelquefois aufli ils in-,
feûent tout le corps. Les Grecs appellent .cette
maladie ç0e/p<««7ç, du mot qui veut dire poux,
que Gallien prétend être tiré radicalement de tpQmivj
corrompre; {allant entendre par-là que. les poux font
un effet de la corruption. On a vu quelques malades
tellement chargés de ces animaux,que leurs bras 80
leurs jambes:en étoient recouverts; bien plus, ils
fembloient fortir de deffous la peau > lorfque le malade
en fe grattant foulevoit quelque portion d’épiderme;
ce qui eonfirméroit l’opinion de Galien 86
d’Avenzoar qui penfent que les poux s’engendrent
entre la peau'êji la chair. Outre le défagrément &Q
l’efpece de honte pour l’ordinaire bien fondée, qui
font attachés à.eette maladie,elle entraîne à fa luitë
un fymptome bien incommode, c’eft l’extrême de-
mangeàifon. oeeafionnée par .ses poux. C ’eft cette
même incommodité, que Sererius croyant bonnement
qu’il n’y a rien de pernicieux ou même d’inutile
, regarde comme un grand avantage ique la nature
tire de la préfence de cès vilains • animaux*
Voici comme il s’exprime :
Noxia corporibus qucedàm de corpore nojiro
Progehuit natura , volcns abrumpere fomnos
Senjîbus admonitis vig'Uefquc inducere curas, ■
Lib. de mtdici
A A A a à a