LITUITE , {.i.^Hifl. nat.) nom donné par les na-
turalïftes à une ‘pierre formée ou moulée dans une
coquille, que l’on nomme litüus ou te bàtoh-püforcd ;
-elle eft d’une figure conique, garnie de clbifons ou
de concaméraiions ; elle eft droite dans une grande
partie de fa longueur, & enfuite elle fe courbe ÔE
v a en fpirale comme la croffe d’un évêque. "W^allé—
rius la nomme orthociraùtos.
N. B. L’article fuivant qui éil corrigé de la main
de M. de Voltaire, eft d’un miniftre de Laufanne.
LITURGIE, f f. ( Tkéolog. ) c’eft un mot grec,
'Mnvpyia. , il lignifie une oeuvre, un minijhre public - il
eft compofé de x»fcoç, pro xùlcç,publiais,& tpy'ov,opus,
manus ojjîciam, particulièrement confacré au fervice
des autels; il n’eft plus employé aujourd’hui que
pour défigner le culte fie l’office, d ivin, foit .engénéral
toutes les cérémonies qui s’y rapportent.
Suivant cette idée, on peut conclure qu’il y a en des
liturgies depuis que l ’homme a reconnu une divinité,
& fenti la néceffité de lui rendre des hommages.publics
ôe particuliers : quelle fut la liturgie d’Adam ?
c’eft ce qu’il ne feroit pas facile de décider ; il pa-
roît feulement par le récit de Moife, que le culte de
notre premier pere fut plutôt le fruit de la crainte,
que celui de la gratitude ou' de l’efperance. Gen.
chap. iij. v. 10.
Ses fils offroient des facrifices, s’ils Envoient la
même liturgie, on peut conclure que celle de Caïn
n ’avoit pas cette droiture d’intention qui devoit en
faire tout le mérite, qui feule étoit néceffaire dans
ces premiers âges de la religion ; au lieu que dans la
fuite les .objets ôc la vénération religieufe, multipliés
ôe mis par la révélation divine au-deflus de l’intelligence
humaine, il n’a pas moins fallu qu’une
vertu particulière pour les croire ; cette vertu connue
feus le nom de fo i, eft fans doute ce qui donne
toute l’efficace à une liturgie : il paroît que le fuc-
teffeur d’Abel fut l ’auteur d’une liturgie; car fous
lui, dit Moife, on commença d'invoquer le nom de CE-
ternel, Gen. ch. iv. v. 26. Cette liturgie fe conferva
dans fa poftérité jufques à Abraham, fans doute par
le foin qu’Enoch, leptieme chef de famille depuis
Adam, avoit pris de la rédiger par écrit, dans
l’ancien livre de ce patriarche que faint Jude cite,
•v . 14. / 6 , ôe que les Abyffins fe vantent encore d’avoir
dans leur langue.
Mais fous Abraham la liturgie prit une face toute
différente; la circoricifion fut inftituée comme un
figne d’alliance entre Dieu Ôe l ’homme. L’Eternel
•exigea du pere des croyans les facrifices les plus extraordinaires,
les diverfes vifions, les vifites affez
fréquentes des meffagers céleftes, dont lui ôe fa famille
furent honorés, font autant de chofes fi peu
■ rapprochées des relations que nous foutenons aujourd’hui
avec la divinité, que nous ne pouvons
avoir que des idées fort confufes de l’efpece de liturgie
dont ils faifoient ufage.
Quelle fut la liturgie des Hébreux en Egypte ?
c ’eft ce qu’il n’eft pas facile de décider. Adorateurs du
vrai D ieu , mais trop aifément conduits aux diverfes
pratiques religieufes d’un peuple qui ne fembloit oc-
"cupé que du loin de multiplier les objets de fon adoration
, voulant avoir comme'leurs hôtes des dieux
qui marchaffent devant eux ; leur liturgie dut fe ref-
fentir de tous ces contraftes, ôe préfentoit fans doute
quelque chofe de monftrueux.
Moïfe profita du féjour au defert pour reâifier 8e
fixer le culte des Hébreux, cherchant à occuper par
un culte onéreux 8e affujettiffant, un peuple porté à
tous vents de doélrine : cette liturgie refpeûable fut
munie du fceau de la divinité ; elle devint auffi infé-
reffante par desallufions continuelles aux divers objets
d’efpérances flatteufes dont le coeur du peuple
juif étoit en quelque forte enivré.
Sous un roi poète 8e muficien, la liturgie des Hé*
breux releva fes folemnités religieufes par une mufi-
qu’e que l’ignorance entière oh nous femmes de leur
mérite, ne nous permet pas même de deviner ; les
maîtres chantres de David exécutèrent d’abord ces
hymnes facrées, ces pfeaumes, ces Te Deum, dont
la leéhire preferite par les liturgies, fit dans la fuite
une des principales parties du culte.
Salomon bâtit le temple de Jérufalem, la liturgie
devint immenfe : elle régloit un culte des plus faf-
tueux,, 8e des plus propres à fatisfaire un peuple qui
trou voit dans la multitude de fes ordonnances ôe de
fes rites, dans la pompe de fes facrifices, dans le
nombre, ôe dans les divers ordres des miniftres de
la religion, l’image des cultes idolâtres qu’ il regrettoit
fans ceffe, & auxquels il revenoit toujours avec
plaifir.
Jéroboam propofa fans doute au peuple d’Ifraël
une nouvelle liturgie .pour le culte des dieux de Be-
thel 8e de D an; mais ne feroit-ce pas lui faire trop
d’honneur que de la fuppofer plus raifonnable que
les idoles qui en furent l’objet?
Dans l’un & l’autre royaume, le culte religieux
foufïfit des altérations inconcevables, 8e qui durent
apporter les plus grands changemens aux liturgies
générales 8e particulières.
Jamais les Juifs ne furent plus éloignés de l’idolâtrie
que dans le tems que Jélus-Chrift vint au monde,
ÔE jamais les dogmes & la morale n’avoient été
plus corrompus ; les Saducéens dont les erreurs fe
renouvellent aujourd’hui, fit trouvent tant de def-
fenfeurs, étoient une fe&e en crédit à Jérufalem, St
jamais la liturgie n’avoit été plus exactement obfer-
vée ; celui qui nioit l’immortalité de l’ame, les anges,
la réfurreétion, une vie à venir, ne perdoit rien
de l’eftime publique chez un peuple qui crioit au
blafphème pour la petite infraftion à la loi cérémonielle,
fit qui lapidoit impitoyablement un artifan,
pere de famille, qui auroit travaillé un jour de fab-
bat pour fournir à la fubfiftance de fes enfans ; pour
peu qu’on connoifle l’hiftoire de l’efprit humain, on
ne doit pas s’étonner de ces contraftes fit de ces
inconféqu ences.
Jefus-Chrift, l’auteur d’une religion toute divine,’
n’a rien écrit ; mais on peut recueillir de fes dif-
cours une liturgie également fimple 8t édifiante , il
condamne les longues prières fit les vaines redites ;
il veut le recueillement , fit le feul formulaire de
priere qu’il laiffe fit qu’il preferivit à fes difciples eft
également fimple 8t édifiant, il inftitué des cérémonies
r'eligieufes ; leur extrême fimplicité donnebeau-
coup à la réflexion, fit très peu à l’extérieur 8t au
fafte.
L ’inftitution du baptême au nom des troisPerfonnes
fut embraffée par des feftateurs de Platon, devenus
chrétiens ; ils y trouvoient les fentimens de leur
maître fur la divinité , puifqu’iJ diftinguoit la nature
en trois, le Pere, Ventendement du Pere, qu’il nomme
auffi le germe de Dieu j ou l'ouvrier du monde , fie
Came qui contient toutes'chofes ; ce que Chalcidius
rend par le Dieu fouverain, Cefprit ou la providence ,
fit Came du monde, ou le fécond efprit ; o u , comme
l’exprime Numenius , cet autre célébré académicien
, celui qui projette , celui qui commande , & celui
qui exécute. Ordinans , jubens , infinuans.
La liturgie de l’inftitution de la fainte cène eft auflî
dans l ’Evangile d’une fimplicité tout-à-fait édifiante ;
on eut év ité, en la fuivant à la lettre fit dans l’efprit
de fon auteur, bien des difputes St des fchifmes qui
ont eu leur fource dans la fureur des difciples, à
vouloir aller toujours plus loin que leur maître.
On ne doit point pafler fous filënce la liturgie
pour l ’éleâion de faint Matthias, Act. ch. j . v. 24. 26 ê
Elle eft des plus fimples fit des plus précifes ; on
s’eft
s'eft écarté de Cette fimplicité dans les éle&ïôns, à
mefure qu’on s’éloignoit de la première fource des
grâces fit de l’infpiration divine.
Les apôtres St leurs fucceflèurs immédiats avoient
beaucoup de foi St de piété dansles actes de leur
culte fit dans la célébration de leurs myfteres ; mais
il y avoit peu de prières fit peu de cérémonies exté*-
rieures ; leur liturgie en langue.vulgaire, fimple,
peu étendue, étoit gravée dans la mémoire de tous
les néôphites. Mais lorfque les objets de la foi fe
développèrent davantage,qu’on voulut attaquer des
interprétations néceffaires par les reflources de l’e-
loquence , du fafte fit de la pompe , chacun y mit
du fien ; on ne fut bientôt plus à quoi s ’en tenir
dans plusieurs églifes ; on fe vit obligé de régler fit
de rédiger par écrit les prières publiques ,. la maniéré
de célébrer les myfteres, fit fur-tout i ’Eucha-
riftie. Alors les liturgies furent très-voluminenfes,
la plupart marquées au coin des erreurs ou des opinions
régnantes dans l’Eglife , ou chez les divers
doéleurs qui les avoient compilées ; ainfi les liturgies
chrétiennes qui deyoient. être très-uniformes,
furent extrêmement différentes pour le tour, les ex-
preffions , fit fur-tout les divers rites 8t pratiques
religieufes , différence fenfible en particulier fur le
point effentiel, à favoir la célébration de l’Eucha-
riftie.
L ’extrême groffiereté des Grecs, ou plutôt le manque
de politique de leurs patriarches, qui n’ont pas
lu , comme nos papes , conferver en Orient le droit
de chef vifible de l’Eglife , fit s’affranchir de bonne
heure de l’autorité des empereurs, qui prétendoient
régler St le culte 8t les cérémonies religieufes ; cette
groffiereté , ce manque de politique , dis-je , leur
ont laiffé ignorer le dogme important de la tran-
fubftantiation, St toutes les pratiques religieufes qui
en font la fuite, leur liturgie eft reftée, à cet égard,
dans l’état de cette primitive fimplicité, méprifabte
aujourd’hui à ceux qu’éclaire une foi plus étendue >
fit fortifiée par d’incompréhenfibles myfteres. Ils
ne croyoient point la préfence réelle , fit commu-
nioient bonnement fous les deux efpeces. Quelques
Grecs modernes ont profité des lumières de l’Eghfe
latine ; mais efclaves de leurs anciens ufages, ils
ont voulu aflocier leurs idées aux nôtres , fit leur
liturgie offre fur l’article important de l’Euchariftie
une bigarrure peu édifiante.
D ’anciens Gre cs, qui font aujourd’hui les Raf-
ciens St les Valaques, communioient avec un petit
enfant de pâte , dont chacun des communians pre-
noit un membre, ou‘ une petite partie ; cet ufage
bifarre s’eft confervé jufqu’à nos jours dans quelques
églifes dieTranfylvanie fur les confins de la Pologne
; il y a des églifes en Rafcie , où l’on.célébré
l ’Euchariftie avec un gâteau fur lequel eft peint ou
repréfentéL’Agneau paichal ; en général, dans toute
l’églifè grecque, rEuchariftie fe fa it , more majorum,
à- la luire d’une agappe ou repas faeré. La haute
églife d?Angleterre ,• appellée" l'églife anglicane , a
confervé dans l’Euchariftie bien des ufages de i’é-
glife latine ; le faint Sacrement pofé fur un autel,
le communiant vient le recevoir a genoux. En Hollande
, les. commuuians s’affeyent autour- d’une table
dreffée dans l’ancien choeur de leurs temples,
le miniftre placé au milieu bénit fit rompt le pain,
il remplit fié bénit auffi la coupé, il fait pafler le
plat où font les morceaux de pain rompu à droite,
la coupe à gauche ; & dés que les affiftans ont participé
à l’un Ôb à l’autre des fymboles , il leur fait
une petite exhortation , fie les bénit ; une fécondé
table fe forme , & ainfi de fuite.
En Suiffe , fie dans la plupart des églifes protestantes
d'Allemagne, on va en proceffion auprès de
la table,- on'reçoit debout la communion ; le patteur,
Tome IX ,
eu cliftnbliàfft ïe pain & le vin , dit ^ chacun deS
communians un pafihge de l ’Ecriture fainte ; la ce*
rémonie finie, le pafteur remonte en chaire, fait une
priere d’aétion de grâces ; après le chant du cantique
de Siméon > il bénit l’aflemblee & la congédie.
Les collégiansde Rinsburg ne-communiem qu’une
fois l’-année ; ils font précéder le Sacrement d’urt
pain , ou d’une oblation générale , qu’ils appellent
le-baptême & là mort de Ghrijl : ils font un repas entrecoupé
de prières courtes 8t fréquentes , fie le terminent
par I’Euchariftie ou fra&ion du pain , avec
toute la fimplicité des premiers tems de l’Eglife.
Les Quaquers -, les Piétiftes, les Anabaptiftes, ïe§
Méthodiftes , les Môraves ont tous dés pratiques &£
des ufages différens dans la célébration de l’Eucha-
riftie ; les derniers en particulier ne croient leuC
communion efficace , qu’autant qu’ils entrent par la
foi dans le trou myflique du Sauveur, & qu’ils vont
s’abreuver à cette eau miraculeufe, à ce fang divin
qui- fortit de fotl côté percé d’une lance , qui eft
pour eux cette fource d’une eau v iv e , jailliflante en
vie éternelle, qui prévient pour jamais la f o i f , Se
dont Jefus-Chrift parloit à l’obligeante Samaritaine*
Les liturgies de ces diverfes ïeétes règlent ces pratiques
extérieures , fic établiffent auffi les fentimens
de l’Eglife fur un facilement, dont l’effence eft un
des points fondamentaux de la foi chrétienne.
Depuis le xij. fiecle , l’Eglife catholique ne cpnv*
munie que fous une ef|>eee avec du pain azyme i
dans ce pain feul Se dans chaque partie de ce pair!
.on trouve le corps Se le fang de Jefus * Chrift ; fis
quoique les bons ÔE les méchans le reçoivent égalei
ment, il n’y a que les juftes qui reçoivent le fruit ÔE
les grâces qui y font attachées.
Luther ôe fes feéfateurs foutiennent que la fubf*
tance du pain Se du vin reftent avec le corps ôe le
fang de Jefus-Chrift. Zwingle Se ceux qui l'uivent
fa dôékine, peiifent que rEuchariftie n’eft que la
figure dit corps Se du fang du Sauveur , à laquelle
on donnôit le nom des chofes dont le pain Se le vin
font la figure. Calvin cherchant à fpiritualifer en**
core plus les chofes , dit que l’Euchariftie renferme
feulement la vërtu du corps & du fang de Jefus-
Chrift. Pour dire le v r a i, il y a peu de iyftème fie
de philofophie dans ces diverfes opinions ; c’eft
qu’on a voulu chercher beaucoup de myfteres dans
des pratiques religieufes très-fimples dans leur origine
, ôe dont l’efprit facile à failir étoit cependant
moins propofé à notre intelligence qu’à notre foi.
Quoique ces diverfes opinions foierit dffez obf-
eufement énoncées dans les liturgies., leurs auteurs
ont cependant cherché comme à l ’envi à accréditer.
leurs ouvrages , en les mettant fous1 les noms
refpe&ables des évangeliftes, des apôtres, ou des
premiers peres’ de rEglife.
i°. Ainfi la liturgie de faint Jacques, l ’une des plus
anciennes, ne fauroit être de cet apôtre, puifque les
termes confacrés dans le culte, l’ordre des prières fie
les cérémonies qu’elle réglé , ne conviennent abfo-*-
himent point aux tems apoftoliques, Se n’ont été introduites
dans l’Eglife que très-long-tems après. i° . La
liturgie-de S. Pierre, compilation de celle des Grecs
ÔE de celle des Latins , porte avec elle dès preuves
qu’elle ne fut jamais compoféê par cet apôtre. 30. Là
meffe des Ethiopiens, appellée la liturgie de faint
Matthieu , eft vifiblement luppofée , puifque l’auteur
y parle des évangeliftes, il veut qu’on les invoque
; ÔE l’attribuer à faint Matthieu, c’eft lui prêter
un manque de modeftie peu afforti à fon caraâere.
D ’ailleurs les prières pour les papes , pour les rois,
pour les patriarches, pour les archevêques , ce qui
y eft dit dés conciles de Nïcée , Conftantinople ,
Ephefe, &c. font autant de preuves qu’elle n’a de
faint Matthieu que le nom. On peut dire la même