& que cet objet venant à changer, les itifléurs d a«
bord , & bientôt les lois n’ont pu relier les mêmes.
Lacédémone étôit inllituée pour conferverla liberté
au milieu d’une foule de petits états plus foibles
qu’elle, parce qu’ils n’avoient pas fes moeurs ; mais
il lui manquoit de pouvoir s’aggrandir fans fe détruire.
L’objet de la légiflation de la Chine étoit la
tranquillité des citoyens' par l’exercice des vertus
douces : ce grand empire n’auroit pas été la proie
de quelques hordes de tartares , fi les lègijlateurs y
avoient animé & entretenu les vertus fortes, & fi
on y avoit autant penfé à élever l’ame cju’ à la régler.
L’objet de la légiflation de Rome etoit trop
l’aggrandiffement ; la paix étoit pour les Romains
un état de trouble , de fââions & d’anarchie ; ils
fe dévorèrent quand ils n’eurent plus le monde à
dompter. L’objet de la légiflation de Venife eft trop
de tenir le peuple dans l’efclavage ; on l’amollit ou
l’aviiit ; & la fageffe tant vantée de ce gouvernement
, n’eft que T’art de fe maintenir fans puiflance
& fans vertus.
Souvent un légijlateur borné délie les reflorts du
gouvernement & dérange fes principes, parce qu’il
n’en voit pas affez l’enfemble, & qu’il donne tous
les foins à la partie qu’il voit feule, ou qui tient de
plus près à fon goût particulier, à fon cara&ere.
Le conquérant avide de conquêtes négligera la
Jurifprudence , le Commerce , les Arts. Un autre
excite la nation au Commerce, & néglige la guerre.
Un troifieme favorife trop les arts de luxe, & les
arfs utiles font avilis , ainfi du refte. Il n’y a point de
nation , du moins dè grande nation , qui ne puiffe
être à la fois , fous un bon gouvernement, guerrière
, commerçante, favante & polie. Je vais terminer
cet article , déjà trop lon g , par quelques réflexions
fur l’état préfent de l’Europe.
Le fyftème d’équilibre , qui d’une multitude d’états
ne forme qu’un feul corps, influe fur les réfo-
lutions de tous les lègijlateurs. Les lois conftituti-
v e s , les lois civiles, l’adminiftration font plus liées
aujourd’hui avec le droit des gens , & même en
font plus dépendantes qu’elles ne l’étoient autrefois
: il ne fe paffe plus rien dans un état qui n’inté-
refle tous les autres , & le légijlateur d’un état puif-
fant influe fur la deftinée de l’Europe entière.
De cette nouvelle fituation des hommes il réfulte
plufieurs conféquences.
Par exemple, il peut y avoir de petites monarchies
& de grandes républiques. Dans les premières
, le gouvernement y fera maintenu par des affo-
ciations, des alliances , & par le fyftème général.
Les petits princes d’Allemagne & d’Italie font des
monarques ; & fi leurs peuples fe lafloient de leur
gouvernement, ils feroient réprimés par les fouve-
rains des grands états. Les diffentions, les partis in-
féparables des grandes républiques ne pourroient
aujourd’hui les affoiblir au point de les expôfer à
être envahies. Perfonne n’a profité des guerres civiles
de la Suiffe & de la Pologne : plufieurs puif-
fances fe ligueront toujours contre celle qui voudra
s’aggrandir. Si l’Efpagne étoit une république,
& qu’elle fût menacée par la France, elle feroit défendue
par l’Angleterre, la Hollande , &c.
Il y a aujourd’hui en Europe une impoffibilité
morale de faire des conquêtes ; & de cette impoffibilité
il eft jufqu’à préfent réfulté pour les peuples
plus d’inconvëniens , p eu t-être, que d’avantages.
Quelques lègijlateurs fe font négligés fur la partie
de l’adminiftration qui donne de la force aux états ;
& on a vû de grands royaumes fous un ciel favorable
, languir fans richeffes ô^fans puiflances.'
D ’autres lègijlateurs n’ont regardé les conquêtes
que comme difficiles, & point comme impoffibles,
& leur ambition s’eft occupée à multiplier les moyens
de conquérir } lesi tins ont donné à leurs états une
forme purement militaire, & ne laiffent prefque à
leurs fujets de métier à faire que celui de foldat ;
d’autres entretiennent même en paix des armées de
mercenaires, qui ruinent les finances & favorifent
le defpotifme ; des mâgiftrats & quelques li&eurs
feroient obéir aux lois , & il faut des armées im-
menfes pour faire fervir un maître. C ’eft-là le prin- .
cipal objet de la plupart de nos lègijlateurs ; & pour
le remplir ils fe voyent obligés d’employer les triâtes
moyens des dettes & des impôts.
Quelques lègijlateurs ont profité du progrès des
lumières qui depuis cinquante années fe font répandues
rapidement d’un bout de l’Europe à l ’autre ;
elles ont éclairé fur les détails de l’adminiftration ,
fur les moyens de favorifer la population , d’exciter
l’induftrie , de conferver les avantages de fa fituation
, & de s’en procurer de nouveaux. On peut
croire que les lumières eonfervées par l’Imprimerie
, ne peuvent s’éteindre, & peuvent encore augmenter.
Si quelque defpote vouloit replonger fa
nation dans les ténèbres , il fe trouvera des nations '
libres qui lui rendront le jour.
Dans les fiecleséclairés, ileftimpofliblede fonder
une légiflation fur des erreurs ; la charlatanerie même
& la mauvaife foi des- miniftres font d’abord ap-
perçues, & ne font qu’exciter l’indignation. Il eft
également difficile de répandre un fanatifme deftruc-
teur, tel que celui des difciples d’Odin & de Mahomet
; on ne feroit recevoir aujourd’hui chez aucun
peuple de l’Europe des préjugés contraires au droit
des gens & aux lois de la nature.
Tous les peuples ont aujourd’hui des idées aflèz
juftes de leurs voifins, & par conféquent ils ont
moins que dans les tems d’ignorance l’enthoufiaf-
me de la patrie, il n’y a guere d’entoufiafme quand
il y a beaucoup de lumières ; il eft prefque toujours le
mouvement d’une ame plus paffionnée qu’inftruite ;
les peuples en comparant dans toutes les nations les
lois aux lois, les talens aux talens, les moeurs aux
moeurs, trouveront fi peu de raifon dè fe préférer à
d’autres,que s’ils conferventpour la patrie cet amour,
qui eft le fruit de l’intérêt perfonnel, ils n’auront plus
du moins cet enthoufiafme qui eft le fruit d’une eftir
me exclufive.
On ne pourroit aujourd’hui par des fuppofitions
par des imputations, par des artifices politiques inf-
pirer des haines nationales auffi vives qu’on en inf-
piroit autrefois ; les libelles que nos voifins publient
contre nous ne font guere d’effet que fur une foible
& vile partie des habitans d’une capitale qui renferme
la derniere des populaces & le premier des peuples.
La religion de jour en jour plus éclairée, nous
apprend qu’il ne faut point haïr ceux qui ne penfent
pas comme nous ; on fçait diftinguer aujourd’hui
l’efprit fublime de la religion, des fuggeftions de fes
miniftres ; nous avons vu de nos jours les puiflances
proteftantes en guerre avec les puiflances catholiques,
& aucune ne réuffir dans le deffein d’infpirer
aux peuples ce zèle brutal & féroce qu’on avoit autrefois
l’un contre l’autre, même pendant la paix,'
chez les peuples de différentes fe&es.
Tous les hommes de tous les pays fe font devenus
néceflaires pour l’échange des fruits de l’induftrie &
des productions de leur fol ; le commerce eft pour
les hommes un lien nouveau, chaque nation a intérêt
aujourd’hui qu’une autre nation conferve fes ri-
cheffes, fon induftrie, fes banques, fon luxe & fon
agriculture ; la ruine de Leipfick, de Lisbonne & de
Lima, fait faire des banqueroutes fur toutes les places
de l’Europe, & a influé fur la fortune de plufieurs
millions de citoyens.
Le commerce, comme les lumières , diminue la
férocité mais auflî comme les lumières ôtent l’eri-
thoûfiafme d’eftime, il ôte peut-être renthoufiafme
de vertu; il éteint peu-à-peu 1’efprit de dëfintéref-
fement, qu’il remplace par celui de juftice ; il adoucit
les moeurs que les lumières poliflent ; mais en
tournant moins les efprits au beau qu’à l’utile, au
grand qu’au fage , il altéré peut-être la force * la gé-
nérofité & la noblefle des moeurs.
De l’efprit de commerce & de la connoiffance
que les hommes ont aujourd’hui des vrais intérêts
de chaque nation, il s’enfuit que les lègijlateurs doivent
être moins occupés de défenfes ôc de conquêtes
qu’ils ne l’ont été autrefois ; il s’enfuit qu’ils doivent
favorifer la culture des terres' &c des arts, la con-
fommation & le produit de leurs productions, mais
iis doivent veiller en même tems à ce que les moeurs
polies ne s’affoibliflent point trop à maintenir
i ’eftime des vertus guefrieres.
Car il y aura toujours des guerres en Europe, on
peut s’en fier là-deffus aux intérêts des miniftres ;
mais ces guerres qui étoientde nation à nation ne
feront fouvent que de légijlateur à légijlateur.
Ce qui doit encore embrafer l’Europe c’eft la différence
des gouvernemens ; cette belle partie du
monde eft partagée en républiques & en monarchies
: l’efprit de celles-Ci eft aCtif, & quoiqu’il ne
foit pas de leur intérêt de s’étendre, elles peuvent
entreprendre des conquêtes dans les momens où elles
font gouvernées par des hommes que l’intérêt de
leur nation ne conduit pas ; l’efprit des républiques
eft pacifique, mais l’amour de la liberté, une crainte
luperftitieufe de la perdre, porteront fouvent les
états républicains à faire la guerre pour abaiffer ou
pour réprimer les états monarchiques ; cette fitua-
tion de l’Europe entretiendra l’émulation des vertus
fortes & guerrières, cette diverfité de fentimens &
de moeurs qui naiffent de différens gouvernemens,
s’oppoferont au progrès de cette molleffe, de cette
douceur exceffive des moeurs, effet du commerce,
du luxe & des longues paix.
LEGISLATION, f. f. {Gram. & Politiq. ) l’art
de donner des loix aux peuples. La meilleure lég'.fla-
tion eft celle qui eft la plus fimple & la plus conforme
à la nature, il ne s’agit pas de s’oppofer aux paf-
fions des hommes ; mais au contraire de les encourager
en les appliquant à l’intérêt public & particulier.
Par ce moyen, on diminuera le nombre des
crimes & des criminels, & l’on réduira les lois à un
très-petit nombre. Voyeç les articles Législateur
& L o ix .
LEGISTE, f. m. {Gram.') fe dit du maître &
de l’éeolièr en Droit. L’arrivée des légijles au parlement
, fous Philippe de Valois, caufa de grands chan-
gemens; ces gens pleins de formalites qu’ils avoient
puifées dans le D ro it, introduifirent la procédure,
& par-là ils fe rendirent maîtres des affaires les plus
difficiles. Diction, de Trévoux.
LÉGITIMATION, ( Jurijprud.) eft l’afte par lequel
un bâtard eft réputé enfant légitime & jouit
des mêmes privilèges.
Les enfans nés en légitime mariage ont toujours
été diftingués des bâtards, & ceux-ci au contraire
ont toujours été regardés comme des perfonnes défavorables.
Chez les Hébreux, les bâtards n’héritoient point
avec les enfans légitimes, ils n’etoient point admis
dans l’églife jufqu à la dixième génération ; & 1 on
ne voit point qu’il y eût aucun remede pour effacer
le vice de leur naiffance.
Les bâtards étoient pareillement incapables de
fuccéder chez les Perfes & les Grecs*
Pour ce qui eft des Romains, dans tous les livres
du digefte, il fe trouve beaucoup de lois pour délivrer
les efclaves de la fervitude, & pour donner
aux libertins ou affranchis la qualité d’ingénus ;
c ’eft à quoi fe rapportent le titre de jure aureoruin
annulorum, & celui de fiatalibus rejïuüendis ; mais on
n’y trouve aucune loi qui donne le moyen de légitimer
les bâtards ni de les rendre habiles à fuccéder
comme les enfans;
Il n’y avoit alors qu’un fié vil moyen de légitimer
les bâtards & de les rendre habiles à fuccéder, c’é-
toit par la voie de l’adoption à l’égard des fils de famille,
ce que l’on appelloit adrogation à l’égard d’un
fils de famille ; un romain qui adoptoit ainfi un enfant,
l’enveloppoit de fon manteau, & l’on tient
que c’eft de-ià qu’a été imitée la coutume qui s’ob-
ferve parmi nous de mettre fous le poile les enfans
nés avant le mariage.
L’empereur Anaftafe craignant que la facilité de
légitimer ainfi fes bâtards, ne fût une voie ouverte à la
licence, ordonna qu’à l’avenir cela n’auroit lieu que
quand il n’y auroit point d’enfans légitimes vivans,
nés avant l’adoption des bâtards.
Cette première forme de légitimation fut depuis
abrogée par l’empereur Juftinien, comme on le voit
dans fa novelle 89*
Mais Co’nftantin le grand & fes fuccefleiirs introduifirent
plufieurs autres maniérés de légitimer les
bâtards.
On voit par la loi i re, au code de naturalibus li-
beris, qui eft de l’empereur Conftantin, & par la loi
5 du même titre, qu’il y avoit du tems de cet empereur
trois autres formes de légitimation; la loi i re en
indique deux.
L’une qui étoit faite proprio judicio, du pere naturel,
c’eft-à-dire, lorfque dans quelqu’aéte public ou écrit
de fa main, & muni de la fignature de trois témoins dignes
de foi, ou dans un teltamentoudansquelqu’aéle
judiciaire, il traitoit fon bâtard d’enfant légitime ou
defon enfant fimplemenr, fans ajouter la qualité d’enfant
naturel, comme il eft dit dans la novelle 117 ,
cap. ij ; on fuppofoit dans ce cas qu’il y avoit eu un
mariage valable, & l’on n’en exigeoit pas d’autre
preuve* Cette légitimation donnoit aux enfans naturels
tous les droits des enfans lég itimes il fuffifoit
même que le pere eût rendu ce témoignage à un de
fes enfans naturels, pour légitimer auffi tous les autres
enfans qu’il avoir eu de la même femme, le tout
pourvu que ce fût une perfonne libre, & avec laquelle
le pere auroit pu contra fier mariage. Cette
maniéré de légitimer n’a point lieu parmi nous ; la
déclararion du pere feroit bien une préfomption
pour l’état de l’enfant ; mais il faut d’autres preuves
du mariage, ou que l’enfant foit en poffeflion d’être
reconnu pour légitime.
L’autre forte de légitimation dont la même loi fait
mention, eft celle qui fe fait per referiptum principist
c’eft-à-dire, par lettres du prince, comme cela fe
pratique encore parmi nous.
La lo i'5 qui eft de l’empereur Zenon, en renou-
vellant une conftitution de l’empereur Conftantin ,
ordonne que fi un homme n’ayant point de femme
légitime, ni d’enfans nés en légitime mariage, époufe
la concubine ingénue dont il a eu des enfans avant
le mariage, ces enfans feront légitimés par le mariage
fubféquent ; mais que ceux qui n’auroierit
point d’enfans de leur concubine, nés avant la pu-
plication de cette lo i , ne jouiront pas du même
privilège, leur étant libre de commencer par époti-
fer leur concubine, & par ce moyen d’avoir des enfans
légitimes.
Cette forme de légitimation ne devoit, comme on
voit, avoir lieu qu’ en faveur des enfans nés avant
la publication de cette loi ; mais Juftinien leur donna
plus d’ étendue par fa novelle 89, cap. ij. oîi il fem-
ble annoncer cette forme de légitimation par mariage
fubféquent, comme s’il en étoit l’auteur, quoique