É |il
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» fentoient toujours le miroir à Junon »,' etetfius
Jpeculum tenere Junoni , s’écrie Senecjue. D ’autres
femmes, animées de pallions différentes, alloient
s’affeoir au capitole auprès de Jupiter , dans l’efpé-
rance d’avoir ce dieu pour amant.
Je voudrois bien fa voir la maniéré dont on repré-
fentoit l’augufte déeffe du ciel dans tous les divers
rôles qu’on lui faifoit jouer. En effet, en la confidé-
rant feulement fous les titres de pronuba, d'opigena ,
de februa, de fiuonia, ou comme préfidant tantôt
aux mariages , tantôt aux accouchemens , tantôt
aux accidens naturels du beau fe x e , il femble qu’elle
devoit être vêtue différemment dans chacune de ces
diverfes cérémonies.
Une matrone majeftueufe , tenant la pique ou le
feeptre à la main , avec une couronne radiale fur
la tê te , & fon oifeau favori couché à fes pieds,
défignoit bien la foeur &. la femme de Jupiter ; mais,
par exemple , le croiffant qu’on lui mettoit fur la
tête , marquoit vraiffemblablement la déeffe Ména,
c’eft-àdire l’empire que Junon avoit tous les mois
fur le fexe.
C ’eft peut-être pour la même raifon qu’on la re-
préfentoit furies médailles deSamos avec des efpe-
ces de braffelets , qui pendoient des bras jufqu’aux
pies , & qui foutenoient un croiffant : peut - être
aufli que ces braffelets ne font point un des attributs
de Junon, mais un ornement de mode imaginé
fous fon nom , parce que cette déeffe avoit inventé
la maniéré de s’habiller & de fe coëffer.
Triftan, dans fes obfervations fur Callimaque , a
donné le type d’une médaille des Samiens , repré-
fentant Junon ayant la gorge paffablement découverte.
Elle eft vêtue d’une robe qui defcend fur fes
piés , avec une ceinture affez ferrée ; & le repli
que la robe fait fur elle-même , forme une efpeee
de tablier. Le voile prend du haut de la tê te , &
tombe jufqu’au bas de la robe , comme faifoient les
écharpes que nos dairies portoient au commencement
de ce fiecle.
Le revers d’une médaille qui eft dans le cabinet
du roi de France , & que M. Spanheim a gravée,
repréfente ce voile tout déployé , qui fait deux angles
fur les mains , un angle fur la tête , & un autre
angle fur les talons.
Sur une des médailles du même cabinet, cette
déeffe eft coëffée d’un bonnet affez pointu, terminé
par un croiffant. On voit fur d’autres médailles
de M. Spanheim , une efpeee de panier qui fert de
coëffure à Junon, vêtue du refte à-peu-près comme
nos religieux Bénédi&ins. La coëffure des femmes
Turques, approche fort de celle deJunon, & les fait
paroîtrede belle taille. Cette déeffe avoit fans doute
inventé ces ornemens de tête avantageux, 8c que
les fontanges ont depuis mal imités.
Junon nuptiale , gamélienne , ou préfidente aux
noces, portoit une couronne de fouchet 8c de ces
fleurs que nous appelions immortelles.On en couvroit
une petite corbeille fort légère, que l’on arrêtoit
fur le haut de fa tête : c’eft peut-être de-là que font
venues les couronnes, que l’on met encore dans le
levant fur la tête des nouvelles époufes ; 8c la mode
n’en eft pas entièrement paffée parmi nous , quand
on marie les jeunes filles.
Il y a des médailles de Maximin , au revers def-
quelles eft le temple de Samos , avec une Junon en
habit de noces , affez femblable à ceux dont on
vient de parler, 8c ayant à les piés deux paons ,
oifeaux q u i, comme l’on fça it , lui étoient confa-
crés', 8c qu’on élevoit autour du temple de cette
déeffe.
Quelquefois l’épervier 8c l’oifon accompagnent
fes ftatues ; le diftamne , le pavot 8c la grenade
étoient les plantes ordinaires que les Grecs lui of-
J U N
frôlent, & dont ils ornoient fes autels ; enfin, la
viftime qu’on lui immoloit communément, étoitl’agneau
femelle ; Virgile nous le dit :
Junoni maclans leclas Je more bidentes.
Il eft tems de finir cet article de Junon ; mais-
quelque long qu’il l'oit, je n’ai pris que la fleur de
l’hiftoire de cette déeffe, fur fon culte, fes temples ,
fes autels, fes attributs , fes ftatues 8c fes médailles.
M. Bayle touche encore un autre fujet dans fon dictionnaire
; c’eft. la conlidération de l’état des mal-,
heurs du coeur qui tirannifoient fans ceffe cette divinité
, félon le lyftème populaire de la théologie;
payenne. Les Poëtes, les théâtres, les ftatues, les)
tableaux, les monumens des temples offroient mille,
preuves des amertumes de fon ame, en peignant
aux yeux de tout le monde fon humeur altiere, im-
périeufe, jaloufe , toujours occupée de vengeances.
& ne goûtant jamais une pleine latisfaélion de fes
luccès. Le titre pompeux de reine du ciel, laféance;
fur le trône de l’univers, le feeptre à la main, le>
diadème fur la tê te , tout cela ne pouvoit adoucir
fes peines 8c les tourmens. L’immortalité même y*
mettoit le lceau ; car l’elpérance de voir finir ua.
jour fes chagrins par la mort, eft une confolation
que nous avons ici-bas. ( D .J .)
JUNONALES ou JUNONIES, f. f. pl. ( Antiq,
rom. ) en latin Junonalia ; fête romaine en l’honneur
de Junon, dont Ovide ne parle point dans fes
faftes, 8c qui eft cependant décrite fort particulièrement
par Tite -L iv e , Décade 3 , liv. VU.
Cette fête fut inftituée à l’occafion de certains
prodiges qui parurent en Italie; ce qui fit que les:
pontifes ordonnèrent que vingt-fépt jeunes filles ,
divifées en trois bandes, iroient par la ville en
chantant un cantique compofé par le poëte Livius;
mais il arriva que comme elles l’apprenoient par.
coeur, dans le temple de Jupiter Stator, la foudre
tomba fur celui de Junon-reine, au mont-Aventin.
A la nouvelle de cet événement, les devins
ayant été confultés, répondirent, que ce dernier
prodige regardoit les dames Romaines , qui dévoient
appaifer la foeur de Jupiter par des offrandes
8c par des facrifices. Elles achetèrent doncunbaflin
d’o r , qu’elles allèrent offrir à Junon fur le mont-
Aventin ; enfuite les décemvirs aflîgnerent un jour
pour un fervice folemnel, qui fut ainfi ordonnée
» On conduifit deux vaches blanches du temple
» d’Appollon dans la v ille , par la porte Carmen-
» taie : on porta deux images de Junon-reine, faites
» de bois de cyprès : enfuite marchoient vingt jeu-
» nés filles, vêtues de robes traînantes, 8c chantant
» une hymne en l’honneur de la déeffe. Les dé-,
» cemvirs fuivoient couronnés de laurier, 8c ayant
» la robe bordée de pourpre. Cette pompe après
» avoir fait une paufe dans la grande place de Ro-.
» me, où les vingt-fept jeunes filles exécutèrent la.
» danfe de leur hymne; la proceflïon continua fa
» route, & fe rendit fans s’arrêter au temple de
» Junon-reine; les viûimes furent immolées par les
» décemvirs, 8c les images de cyprès furent placées
» dans le temple de la divinité. ( D . J. )
JUNONIE, ( Géogr. une. ) la ville de Junon,1
nouveau nom que Carthage reçut de Caïus Grac-
chus, lorfqu’il donna fes foins à la rebâtir & à la
repeupler, près de cent ans avant que Virgile travaillât
à fon Enéide ; ce n’eft donc pas par une {impie
fiâion poétique qu’il a dit de Carthage.
Quam Juno fertur terris magis omnibus unam
Pofi habita coluijfe Samo. Ænéid. I. V. 20.
On voit qu’il a fuivi une tradition reçue & connue
de fon tems. (D . J. )
JUNONS, f. f, pl. ( Mytjiol. ) on appelloit ainfi,
À
il»
\es génies pàrticülïfcrs des femmes, par refeeft pour
la déeffe Junon. Chaque femme aveit fa Junon,
tomme chaque homme avoit fon géniei V G k -
*JIE, { Mythol. Littér. )
Nous trouvons plufieurs exemples de ces Junons■,
génies des femmes* dans les inferiptions anciennes
tau’on a recueillies ; 8c pour n’en citer qu’une exemple
dans un monument confacré à la veftale Junia
Torquata, dont la vertu digne des anciens tems * dit
T a c ite , fut honorée après fa mort d’un monument
public. L’infctiption porte : « A la Junon de Junia
»Torquata, célefte patrone ». Enfin les femmes ju*
Soient par leurs Junons, comme les hommes par
leurs génies. Voye{ les Mèm. des Inferiptions & Bel-
les-Lettres.JD. J. }
JUNSALAM, ( Géogr. ) port d’A fie au royaume
de Siam; c’eft l’alyle de tous les vaiffeaux,. q u i,
allant à la côte de Coromandel, font furpris d’un
ouragan,* ce port eft de çonféquence pour le com*
merce de Bengale, de Pégu, 8c autres royaumes
voifins : fa fituation eft au nord d’une ifle de même
nom. Jpng. lat. 8. «56« (D . J. ) ^
JUNTES, ( Hifi. mod.} confeil, fociefe de plu*
fleurs perfonnes pour quelque adminiftratiom.
Ce terme eft en ufage en parlant des affaires
d ’Efpagne & de Portugal. A la mort de Charles II.
roi d’Efpagne , le royaume fut gouverné par une
junte pendant l’abfence de Philippe V.
Il y a en Portugal trois juntes confidérables. La
junte du commerce, la junte des trois états, 8c la
junte du tabac«'La première doit fon établiffement
au roi Jean IV. qui affembla les états généraux pour
créer le tribunal de la junte des trois états. Le roi
Pierre II. créa en 1675 la junte du tabac. Elle eft
compofée d’un préfident & de fix confeillers*
IVOIRE, f« f. ( Hijl. nati ) e’eft la dent de l’éléphant.
On en fait différens ouvrages. On le brûle,
& il donne un noir qu’on broie à l’eau, & dont on
obtient ainfi des trochiques qui fervent au peintre.
C e noir s’appelle noir d'ivoire, noir de velours«
Ivo ir e fo s s il e , {Hifi. nat.) ibutfoffile, C ’eft
ainfi qu’on appelle des dents d’une grandeur deme-
furée & femblable à de grandes cornes qui ont (ou-
vent été trouvées dnns l ’intérieur de la terre. Elles
font ou blanches, ou jaunâtres, ou brunes ; ü y en
a qui ont la dureté de l'ivoire ordinaire ; d’autres
font exfoliées & devenues plus tendres & plus caf-
fantes : ces variétés pour la confiftenee viennent du
plus ou du moins de décompôfition que ces dents
ont fouffert dans les différens endroits de la terre
où elles ont été enfouies. ,
On a trouvé de ces fortes de dents dans plufieurs
pays de l’Europe, tels que l’Angleterre, l’Allemagne
, la France ; on dit même qu’il n’y a pas long-
tems qu’en creufant la terre on en a trouve une fort
grande au village de Guérard près de Creffy en
Brie ; on ajoute qu’on en a auffi rencontré une femblable
dans la plaine de Grenelle , c’eft-à-dire aux
portes de Paris : mais elles ne font nulle part aufli
abonda'mment répandues qu’en Rufîie & en Sibérie,
& fur-tout dans le territoire de Jakusk, & dans l’ef-
pace qui va de cette ville jufqu’à la mer glaciale î
ces offemens, fuivant le rapport de quelques voyageurs
, font ordinairement mis à découvert par les
eaux des grandes rivières de Lena & de Jenifci qui
arrofent.une grande partie de la S ibérie, & qui détachent
la terre qui eft fur leurs bords, quand dans
les tems de dégel elles charrient des glaçons tres-
Confidérables. . . . .
Les Jakutes, nationTartare, qui habitent ce pays,
croient que ces dents appartiennent à un animal
énorme qu’ils nomment mammon ou manimut. Com*
me ils n’en ont jamais vû de vivans, ils^s imaginent
qu’il habite fous terre, & inçurj aufli-tôt qu il yoit
le jour; cela lui arrive, félon e u x , lorfquedans fa
route fouterreine il parvient inopinément au bord
d’une riviere ; &C c’eft là , difent-ils, pourquoi on y
trouve leurs dépouilles : ils prétendent qu’on en a
trouvé dont la chair n’étoit. point encore, entièrement
confommée, ce qui eft aufli fabuleux que le
refte.
Le Czâr Pierre I. dans la vûe de connoitre à quel
animal appartenaient les dents ou . cornes d’ivoire
fojjiley envoya en 1712 des ordres à tous les Woi-
vodes ou gouverneurs des villes de la Sibérie, afin
qu’ils donnaffent ieurS foins pour avoir un fquelette
entier de l’animal, ou du moins pour raffenibler
tous les offemens qui fe trouveroient auprès de cei
dents monftrueufes. Sur ces ordres fes Jakutes fe
mirent en campagne,.& eii cherchant ils trouvèrent
des têtes entières & des grands plîèmens auxquels
on n’avoit jufques-là fait aucune attention; ils
étoient ceux d’un anitnal, inconnu que M. Gmélin ^
d’après l’examen de fes o s , croit être une efpeçe
de boeuf très-grand, qui n’exifte plus dans le pays,
& que jufqu’à-préfent on n’a point encore découvert
ailleurs. Mais ces offemens different en.tierer
ment de l'ivoire fojjile dont Ù s’agit dans cet article ;
& ce n’eft point à cet animai qu Ont appartenu cei
dents monftrueufes.
Il ne faut point non plus confondre l'ivoire fojjilç
4ont nous parlons, avec les dents du phoca ou de
ia vache marine , qui fe trouvent en grande quantité
fur les bords de la mer glaciale, elles font beaucoup
moins grandes que les dents d'ivoire fojfde, 8c
elles font comme marbrées ou remplies de veineà
& de taches noires. A l’intérieur cependant on dit
qu’elles font même plus dures que Vivoire fojjile, &
qu’on en fait de très jolis ouvrages.
U ivoire fojjile ne doit point non plus être confondu
avec la corne que l’on nomme unicornu foJJîlet
que l’on a aufli trouvée quelquefois en Sibérie*
Voyei Part. LICORNE FOSSILE.
Ôn voit à Petersbourg, dans lé cabinet impérial
des curiofités naturelles, une dent d'ivoire fojjile qui
pefe jufqu’à 183 livres. Le chevalier Hanfloane en
poffédoit une qui avoit ^ piés 7 pouces de longueur^
& dont la bafe avoit 6 pouces de diamètre. On eii
a trouvé une en Angleterre, dans la province de
Northampton, qui étoit blanche, & avoit 6 piés dé
iongueur, M. le baron de Strahlenberg parle dei
quelques dents d'ivoire fojjile trouvées en Sibérie, qui
avoient depuis 6 jufqu’à 9 pouces de diamètre par
leur bafe, & d’un fquelette d’animal qui avoit 36
aulnes rufliennes de longueur, & qui ponvoit bien
être celui d’un éléphant. En effet M. le chevalier
Hanfloane à prouvé clairement dans les Trahfa-
clions philofophiques, n°. 40 3• & dans les Mémoires
de l'Académie des Sciences, année que ces denté
fl grandes ne peuvent être regardées que comme de
Vivoire ou de vraies dents qui ont autrefois appartenu
à des éléphans ; c’ eft ce que démontre leur
ftruéture intérieure, attendu qu’elles paroiffent com*<
pofées de couches concentriques arrangées de la
même maniéré que les cercles annuels qu’on remarque
dans l’intérieur du tronc d’un arbre. Cette yéj_
rité eft encore prouvée par la comparaifon que
M. Gmelin a faite de Y ivoire fojjile avec celui des
éléphans , dans fon excellent voyage de Sibérie ,
publié en Allemand en 4 volumes in-%°. ouvrage
propre à fervir de modèle à tous lès voyageurs. Ce
l'avant naturalifte rend aufli râifon des variétés qui
fe trouvent parmi les différentes dents d'ivoire fof«
' file y tant pour la couleur que pour les degrés de
folidité ou de friabilité ; il les attribue au climat &
à la nature du terrein où ces fortes de dents fonÉ
enfevelies : celles qui fe trouvent proche de la mer
Glaciale où la terre eft perpétuellement gelée à ûné