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rite; que leurs ouvrages ne montrent en cent endroits
de l’efprit, du jugement, des connoiffances ;
qu’ils n’aient même fervila religion, en en décriant
les véritables abus ; qu’ils n’aient forcé nos théologiens
à devenir plus inftruits & plus circonfpe&s;
& qu’il n’aient infiniment contribué à établir entre
les hommes l’efprit facré de paix & de tolérance :
mais il faut auffi convenir qu’il y en a plufieurs
dont on peut demander avec Swift , « qui auroit
» foupçonné leur exiftcnce, fi la religion , ce fujet
» injfpuifable, ne les avoit pourvus abondamment
» d’efprit & de fyllogifmes ? Quel autre fujet ren-
» fermé dans lesbornes de la nature & de l’art , au-
» roitété capable de leur procurer le nom d’auteurs
» profonds , & de les faire lire ? Si cent plumes de
» cette force avoient été emploiées pour la défenfe
» du Chriftianifme, elles auroient été d’abord livrées
» à un oubli éternel ». Qui jamais fe ferôit aviféde
» lire leurs ouvrages, fi leurs défauts n’en avoient été
» comme cachés & enfevelis fous une forte teinture
» d’irreligioiï ». L’impiété eft d’une grande reffource
pour bien des gens. Ils trouvent en elle les talens
que la nature leur refufe. La fingularité des fenti-
mens qu’ils affeftent, marque moins en eux un ef-
prit fupérieur, qu’un violent defir de Je paroître.
Leur vanité trouvera-t elle fôn compte à être Amples
approbateurs des opinions les mieux démontrées
? Se contenteront-ils de l’honneur fubalterne
d’en appuyer les preuves, ou de les affermir par
quelques raifons nouvelles ? Non ; les premières
places font prifes, les fécondés ne fauroient fatis-
faire leur ambition. Semblables à Céfar, ils aiment
mieux être les premiers dans un bourg, que les fécondés
perfonnes à Rome ; ils briguent l’honneur
d’être chefs de parti, en reffufeitant de vieilles erreurs,
ou en cherchant des chicanes nouvelles dans
une imagination’ que l’orgueil rend vive & féconde.
Voyt{ L'art. IN TOLÉRANCE «S* JESUS -C H R IS T .
( G ) m I g
Libertés de l’Eglise Gallicane, ( Jurifp.)
Elles confident dans l’obfervation d’un grand nombre
de points de l’ancien Droit commun & canonique
concernant là difeipline eccléfiaftique que l’E-
glife de France a confervée dans toute fa pureté, fars
fouffrir que l’on admît aucune des nouveautés qui fe
font introduites à cet égard dans plufieurs autres
églifes.
L’auteur anonyme d’un traité des libertés de VE-
glife gallicane, dont il eft parlé dans les oeuvres de
B a y le, tome I. p. 3 20. édit, de i j $ j , fe trompe, lorf-
qu’ ilfuppofe que l’on n’a commencé à parler de nos
libertés que fous le régné de Charles VI.
M. de Marca en fon traité des libertés de VEglife
gallicane, foutient que les libertés furent reclamées
dès l’an 461 au premier concile de Tours, & en
7 9 4 , au concile de Francfort.
Mais la première fois que l’on ait qualifié de libertés
^ le droit & la poffeffion qu’a l’Eglife de France
de fe maintenir dans fes anciens ufages, fut du tems
de faint Louis. fous la minorité duquel, au mois d’A-
vrii 122.8 , on publia en fon nom une ordonnance
adreffée à tous fes fujets dans lès diocèfes de Narbonne,
Cahors, Rhodès, Agen, Arles & Nîmes,
dont le premier article porte, que leséglifes du Lan-
. guedoc jouiront des libertés & immunités de VE glife
gallicane : libertatibus & immunitatibus utantur quibus
utitur Ecclejia gallicana.
Les canoniftes ultramontains prétendent que l’on
ne pourroit autorifer nos libertés, qu’en les regardant
comme des privilèges & des conceffions parti-
culieresdes papes, qui auroient bien voulu mettre
des bornes à leur puiffance, en faveur de l’Eglife
gallicane : & comme on ne trouve nulle part un tel
L I B
privilège accordé à cette églife, ces canonises concilient
de là que no s libertés ne font que des chimères.
D’autres par un excès de zele pour la France, font
confifter nos libertés dans une indépendance entière
du faint fiege, ne laiffant au pape qu’îm vain titre
de l’Eglife , fans aucune jurifdi&ion.
Mais les uns & les autres s’abufent également;
nos libertés, fuivant les plus illuftres prélats de l’E-
glife de France , les doâeurs les plus célébrés, &
les canoniftes les plus habiles, ne confiftant, comme'
on l’a déjà dit, que dans l’obfervation'de plufieurs
anciens canons.
Ces libertés ont cependant quelquefois été appel-*
léesprivilèges & immunités, foit par humilité ou par
refpeft pour le faint fiege , ou lorlqu’on n’a pas bien
p.efé la force des termes ; car il eft certain que le terme
de privilège eft impropre, pour exprimer ce que
l’on entend par nos libertés, les privilèges étant des
exceptions & des grâces particulières accordées contre
le droit commun, au lieu que nos libertés ne confident
que dans l’obfervation rigoureufe de certains
points de l’ancien droit commun & canonique.
En parlant de nos libertés, on les qualifie quelquefois
de fainteSyibit pour exprimer le refpeft que l’on
a pour elles, & combien elles font précieufes à l’Eglife
de France, foit pour dire qu’il n’eft pas permis
de les ènfraindre fans encourir lés peines portées par
les lois : Jancloe quajîlegibus fancitce,
L’Eglife de France n’eft pas là feule qui ait fes libertés
; il n’y en a guère qui n’ait retenu quelques
reftes de l’ancienne difeipline ; mais dans toute l’é-
glife latine, il n’y a point de nation qui ait confervé
autant de libertés que la France , & qui les ait foüte-
nues avec plus de fermeté.
Nous n’avons point de lois particulières qui fixent
précifément les Libertés de VEglife gallicane.
Lorfque quelqu’un a voulu oppofer que nous n’avons
point de conceffions de nos libertés, on a quelquefois
répondu par plaifanterie, qtié le titre eft au
dos de la donation de Gonftantin au papeSylveftre ,
pour dire que l’on feroit bien embarrafféde part &
d’autre de rapporter deâ titres en fait de droits auffi
anciens ; mais nous né manquons point de titres plus
réels pour établir nos libertés, puifque les anciens
ufages de l’Eglife de France qui forment fes libertés,
font fondés fur l’ancien Droit canonique ; & à ce
propos il faut obferver que fous la première race de
nos rois , on obfervoit en France le code des canons
de l’Eglife univerfelle, compofé des deux premiers
conciles généraux, de cinq conciles particuliers de
l’Eglife grecque, & de quelques conciles tenus dans
les Gaules. Ce code ayant été perdu depuis le viij.
fiecle, le pape Adrien donna à Charlemagne le code
des canons de l’Eglife romaine, compilé par Denis
le Petit en 517. Ce compilateur avoit ajofité au code
de l’Eglife univerfelle 50 canons des apôtres, xy du
concile de Chalcédoine, ceux des conciles de Sar-
dique & de Carthage, & les décrétales des papes ,
depuis Sirice jufqu’à Anaftafe.
Tel étoit l’ancien Droit canonique obfervé en
France avec quelques capitulaires de Charlemagne.
Onregardoit comme une entreprife fur nos libertés
tout ce qui y étoit contraire ; & l’oi*- y a encore recours
lorfque la cour de Rome veut attenter fur les
ufages de l’Eglife de France, conformes à cet ancien
droit.
Les papes ont eux-mêmes reconnu en diverfes oc-
cafions la juftice qu’il y a de cqnferver à chaque
églife (es libertés, & fingulierement celle de l’Eglife
gallicane : cap. licet extra de frigidis <S* cap. in geneji
extra de eleclione.
Nos rois ont de leur part publié plufieurs ordonnances,
édits & déclarations, pour maintenir ces
précieufes libertés. Les plus remarquables de cés
lois font la pragmatique de faint Louis en 1168 ; la
pragmatique faite fous Charles VII. en 1437 ; le concordat
fait en 1 5 1 6•; l’édit de 1 5 35 , contre les pe- j
tites dates ; l’édit de Moulins en 1580, & plufieurs
autres plusrécens,
Le parlement a toujours été très-foigneux de maintenir
ces mêmeslibertés, tant par les différens arrêts
qu’il a rendus dansles occafions qui fefontpréfentées,
que par les remontrances qu’il a faites à ce fujet à nos
rois , entr’autres celles qu’il fit au roi Louis XI. en
1461 ,qui font une des principales pièces qui ont
été recueillies dans le traité des libertés de VEglife
gallicane, par pierre Pithou.
Quoique le détail de nos libertés foit prefqu’infini,
parce qu’elles s ’étendent fur-tout notre Droit canonique
; elles fe rapportent néanmoins à deux maximes
fondamentales.
La première, que le pape & les autres fupérieurs
eccléfiaftiques n’ont aucun pouvoirdireft ni indirect
fur le temporel de nos rois, ni fur la jurifdiâion fé-
culiere.
La fécondé, que la puiffance du pape, par rapport
au fpirituel, n’eft point abfolue fur la France , mais
qu’elle eft bornée par les canons & par les coutumes
qui font obfervés dans le royaume ; de forte que ce
que le pape pourroit ordonner au préjudice de ces
réglés, eft nul.
C ’eft de ces deux maximes que dérivent toutes
les autres que Pierre Pithou a recueillies dans Ion
traité des libertés de VEglife gallicane, qu’il dédia au
r o i , & qui fut imprimé pour la première fois en
1609,.avec privilège.
On y joignit plufieurs autres pièces auffi fort importantes
concernant les Libertés de VEgli fe gallicane,
telles que les rémontrances faites au roi Louis, &
plufieurs mémoires & traités de Jacques Cappel,
Jean du T ille t , du fieur Dumefnil, de Claude Fan—
chet, de Hotman, Coquille, &c. l’auteur étoit déjà
décédé»!
Mais le traité de Pithou fur les libertés de VEglife,
eft un des plus fameux de ce recueil. Quoique cet
opufcule ne contienne que huit ou dix pages d’im-
preffion , il a acquis parmi nous une telle autorité ,
qu’on a diftingué les à lima qui font au nombre de
.83 , comme autant d’articles & de maximes ; & on
les cite avec la même vénération que fi c’étoient
autant de lois» • . .... .
Ce recueil a depuis été réimprimé plufieurs fois
avec des augmentations de diverfes pièces, qui ont
auffi pour objet nos libertés.
M. Pierre Dupuy publia en 1639, en x vol. in-4.0.
un commentaire fur le traité des libertés de VEglife
gallicane de Pithou : la derniere édition qui eft de
.1731 augmentée par l’abbé Lenglet.duFrefnoy, com-
pofe 4 volumes in-fol. y compris deux volumes de
preuves.
Les- autres auteurs qui ont écrit depuis fur les libertés
de VEglife gallicane, n’ont fait auffi pour la
plupart que commenter les maximes recueillies par
Pithou.
Pour la confervationde nos libertés, on a recours
en France à quatre principaux moyens qui font remarqués
par P ithou, art. y5 , y 6 , 7 7 , 7 ^ , 6* yc/ ;
où il.dit que les divers moyens ont été fagement
pratiqués par nos ancêtres, félon les occurrences &
les tems.
Ces moyens font, i ° . que l’on conféré avec le
pape ; pour fe concilier à l’amiable fpr les difficultés
qui peuvent s’élevert x°. De faire un examen feru-
puleux des bulles & autres expéditions venant de
Rome, afin qu’on ne laiffe rien publier contre les
droits du roi, ni contre ceux de l’Eglife gallicane. 30.
L’appel au futur concile; enfin l’appel comme d’abus
aux parlemens, en cas d’entreprife fur la jurif-
diôion féculiere, & de contravention aux ufages
de l’Eglife de France.
yoyei les traités faits par du Tillet, Hotman, Dupuy,
Lefchaffier, Bouchel, bibl. du Droit franc, let.
j . verb. jurifdict. bibliot. can. tom. 1 pag. 54J & -$4y*
Dhericourt, loix eccléfiaft. part.I. chap. ty* ( A )
Liberté , ( Infcript. Med. ) La Liberté fur les médailles
, tient de la main droite un bonnet qui eft fon
fymbole. Tout le monde fait qu’on le donnoit à
ceux qu’on affranchiffoit. Appien raconte qu’après
l’affaffinat de Céfar, un des meurtriers porta parla
ville un bonnet au bout d’une pique, en figne de liberté.
Il y avoit fur le mont Aventinun fameux temple
dédié à la Liberté, avec un parvis, autour duquel
régnoit un portique, qu’on nommoit atrium libertatis.
Sous ce portique étoit la célébré bibliothèque d’A-
finius Pollion qui rebâtit cet édifice.
On érigea fous Tibère dans la place publique une
ftatueà la Liberté, dès qu’on fut la mort de Séjan.
Jofephe rapporte qu’après le maffacre de Caius,Caf-
fius Chéréa vint demander le mot aux confuis, ce
qu’on n’avoit point vu de mémoire d’homme, &
que le mot qu’ils lui donnèrent, fut liberté.
Caïus étant décédé, on érigea fous Claude un monument
à la Liberté ; mais Néron replongea l’empire
dans une cruelle fervitude. Sa mort rendit encore la
joie générale. Tout le peuple de Rome & des provinces
prit le bonnet de la liberté ; c’étoit un triomphe
univerfel. On s’empreffa de repréfenter par-tout
dans les ftatues & fur les monnoies , l’image de la
Liberté qu’on croyoit renaiffante.
Une infeription particulière nous parle d’une nouvelle
ftatue delà Libertét érigée fous Galbai
La voici telle qu’elle fe lit à Rome fur la bafe de
marbre qui foufenoit cette ftatue.
Imaginum dottius Aug. cultoribusjtgnum ■
Libertatis ref itutoe, Ser. Galba imperatoris
Aug. curatores anni fecundi ,C. Turranius
Polubius , L. Calpurnius Zena, C. Murdius
Laïus, C. Turranius Florus C. Murdius
Demojlhenes.
Sur le côté gauche de la bafe eft écrit
Dédie, id. Octob. C. Bellico Natale Cos.
P. Cornelio Scipione AJiatico,
Ces deux confuis furent fubrogés l’année 68 de
Jefus-Chrift.
Ce fut fur le modèle de cette ftatue ou de quelque
autre pareille, qu’on frappa du tems du même empereur
tant de monnoies , qui portent au revers , liber-
tas Augufl. libertas reflituta, libertas publica. Les provinces
à l’imitation de la capitale, drefferent de pareilles
ftatues. Il y a dans le cabinet du roi de France
une médaille grecque de Galba, avec le type de la
Liberté, & le mot EXturtpi*. (D . J.')
L i b e r t é , ( Mythol. Iconol. ) déeffè des Grecs &
des Romains. Les Grecs l’invoquoient fous le nom
d’Eleuthérie, & quelquefois ils difoient ©to< EAeutêpo/,
dieux de la liberté. Les Romains qiii l’appellerent Libertas
, eurent cette divinité en finguliere vénération
, lui bâtirent des temples , des autels en nombre
, & lui érigèrent quantité de ftatues. Tiberius
Gracchus lui confacra fur le mont Aventin un temple
magnifique , foutenu de colonnes de bronze, &
décoré de fuperbes ftatues. Il étoit précédé d’une
. cour qu’on appeiloit atrium Libertatis.
Quand Jules Céfar eut fournis les Romains à fon
empire, ils éleverent un temple nouveau en l’honneur
de cette déeffe, comme fi leur liberté étoit rétablie
par celui qui en fappa les fondemens; mais,
dans une médaille de Brutus, on voit la Liberté fous
la figure d’une femme, tenant d’une main le chapeau
, fymbole de la liberté, ôc deux poignards de