melons , St c’eft ce qui a fait dire qu’elle étoit réticulaire
; fous cette membrane, on en trouve une
autre , ou plutôt on trouve une efpece de tiffu
fongueux , formé par les racines des mamelons ,
par les nerfs, & par une fubftance qui paroît médullaire.
On voit en plufieurs fujets, fur la face fupérieure
de la langue , du côté de fa bafe , un trou particulie
r , plus ou moins profond, dont la furface interne
eft toute glanduleufe, 6c remplie de petits boutons,
femblables aux mamelons de la première efpece :
on l’appelle le trou aveugle , le trou cæcum de Mor-
gagni, qui l’a le premier découvert.
Valther a été plus loin , & il y a indiqué des
conduits qui lui ont paru falivaires ; enfin Heifter
a trouvé diftin&ement deux de ces conduits , dont
les orifices étoient dans le fonds du trou cæcum, l’un
à côté de l’autre ; il en a donné la figure dans fon
anatomie.
La langue eft peut-être la partie mufculaire la plus
fouple, 6c la plus aifément mobile du corps humain :
elle doit cette foupleffe St cette mobilité à la variété
finguliere qui régné dans la difpofition des fibres qui
conftituent fa ftruélure ; elle la doit encore aux muf-
cles génio-ftylo-hyogloflés , ainfi qu’à tous ceux
qui tiennent à l’os hyoïde qui lui fert de bafe. C ’eft
à l’aide de tous ces mufcles différens qu’elle eft capable
de fe mouvoir avec tant d’aifance , de rapidité
, St félon toutes les directions poffibles. Ces
mufcles reçoivent eux-mêmes leur force motrice ,
ou la faculté qu’ils ont d’agir de la troifieme branche
de la cinquième paire des nerfs , qui fe diftribue,
par fes ramifications , à toutes les fibres charnues
de la langue. .
Entrons dans les autres détails. Les principaux de
ces mufcles font les génio-gloffes ; ils partent de la
partie poftérieure de la fymphife de la mâchoire inférieure
, & marchent en arriéré féparés par une
membrane cellulaire ; quand ils font parvenus à
l ’os hyoïde, les fibres inférieures de ces mufcles
s’y attachent, les moyennes forment des rayons en
haut 6c latéralement, & lés autres vont à la pointe
de la langue.
Les mufcles ftylo-gloffes fe jettent à fa partie latérale
fupérieure ; ils viennent de l’apophyle ftyloïde,
St vont cotoyer la langue.
Les hyo-gloffes partent de la bafe de l’os hyoïde,
des cornes 6c de la fymphife ; c’eft à caufe de ces
diverfes origines qu’on les a divifésen trois portions
différentes ; l’externe marche intérieurement à côté
du ftylo-gloffe le long de la langue, 6c les autres
bandes mufculeufes en forment la partie moyenne
fupérieure i
On fait mention d’une quatrième paire de mufcles
, qu’on nomme mylo-gloffes ; ils viennent de la
bafe de la mâchoire au-deffus des dents molaires ;
mais on les rencontre très-rarement , 6c toujours
avec quelque variété.
Les mufcles qui meuvent l’os hyoïde ,■ doivent
être cenfés appartenir aufli à la langue, parce qu’elle
en fuit les mouvemens.
Outre cela , la langue eft compofée de plufieurs
fibres charnues , difpofées en tout fens , dont la totalité
s’appelle communément mufcle lingual ; nous
en parlerons tout-à-l’heure.
C ’eft des mufcles génio-gloffes , ftylo-gloffes 6c
hyo-gloffes,St de ceux de l’os hyoïde, que dépendent
les mouvemens de la langue. La partie des génio-
gloffes , qui v a du menton à la bafe de la langue,
porte cet organe en avan t, 6c le fait fortir de la
bouche. Les ftylo-gloffes, en agiffant féparément,
portent la langue vers les côtés , & en haut ; lorf-
qu’ils agiffent enfemble, ils la tirent en arriéré, 6c
ils l ’élevent : chacun des hyo-gloffes, en agiffant
féparément, la tire fur les côtés, 8t lorfqu’ils agiffent
tous les deux, ils la tirent en bas. Elle devient plus
convexe par faction de toutes les fibres des génio-
gloffes , agiffant en même tems , fur-tout lorfque les
ftylo-gloffes font en contra&ion.
On fent bien encore que la langue aura différens
mouvemens , fuivant que les différentes fibres qui
compofent le mufcle lingual, agiront ou feules, ou
avec le fecours des autres mufcles , dont nous venons
de parler. Ces fibres du mufcle lingual ont
toutes fortes de lituations dans la compofition de
la langue ; il y en a de longitudinales, de verticales,
de droites, de tranfverfes, d’obliques, d’angulaires ;
ce font en partie les épanouiffemens des mufcles
génio-gloffes, hyo-gloffes & ftylo-gloffes.
Les fibres longitudinales racourciffent la langue ;
les tranfverfes la retréciffent ; les angulaires la tirent
en-dedans ; les obliques de côté ; les droites compriment
fa bafe, 6c d’autres fervent à baiffer fon
dos. C ’eft par l’aftion de toutes ces fibres mufeu»
laires , qui eft différente félon leur direction, félon
qu’elles agiffent enfemble ou féparément , que la
langue détermine les alimens folides entre les molaires
, & porte ce qu’on mange & ce qu’on boit
vers le gofier , à quoi concourt en même tems le
concert des mufcles propres de cet organe.
Omdécouvre en gros la diverfité 6c la direûion des
fibres qui compofent le mufcle lingual, en coupant
la langue longitudinalement 6c tranfverfalement
après l’avoir fait macérer dans du fort vinaigre ; mais
il eft impoflïble de démêler l’entrelacement fingulier
de toutes ces fibres, leur commencement St leur fin.
On a beau macérer , ou cuire une langue de boeuf
dans une eau fouvent renouvellée, pour en ôter
toute la graiffe : on a beau la dépouiller adroitement
de fon épiderme, de fon corps réticulaire 6c papilla
ire , on ne parvient point à dévoiler la ftruéture
parfaite de cet organe dans aucun des animaux, dont
la langue deftinée à brouter des plantes feches, eft
garnie de fibres fortes, beaucoup plus grandes 6c
beaucoup plus évidentes que dans l’homme.
La langue humaine ainfi que celle des animaux
eft parfemée de quantité de glandes dans fa partie
fupérieure & poftérieure, outre celles qu’on nomme
fublingualts, qui font les principales 6c qu’il fuffit
d’indiquer ici.
Les vaiffeaux fanguins de la langue, font fes artères
6c fes veines ; les arteres lui font fournies par
la carotide externe, 6c fes veines vont fe décharger
dans les jugulaires externes : on les appelle veines 6c
arteres fublinguales, ou arteres St veines ranines. Les
veines font à côté du frein , & les arteres à côté des
veines. On ouvre quelquefois ces veines ranines
dans l’efquinancie ; mais il faut prendre garde alors
de ne pas plonger la lancette trop profondément, de
peur d’ouvrir les arteres, dont l’hémorrhagie feroit
difficile à réprimer.
La langue reçoit de chaque côté des nerfs très-
confidérables, qui viennent de la cinquième 6c de
la neuvième paire du cerveau, 6c qui le diftribuent
dans les membranes 6c dans le corps de la langue. La
petite portion du nerf fymphatique moyen, ou de
la huitième paire , produit auffi un nerf particulier
à chaque côté de la langue.
Tel eft cet infiniment merveilleux, fans lequel les
hommes feroient privés du plaifir 6c de l’avantage
de la fociété. Il forme les différences des fons effen-
tiels pour la parole ; il eft le principal organe du
goût ; il eft abfolument néceffaire à la maftication.'
Tantôt la langue par fa pointe qui eft de la plus grande
agiiiré , donne les alimens-à broyer aux dents;
tantôt elle va les chercher pour cet effet entre les
dents 6c les joues ; quelquefois d’un feul tour, avec
cette adreffe qui n’appartient qu’à la nature, elle le?
prend fur fon dos pour les voiturer en diligence au
fond du palais.
Elle n’eft pas moins utile à la déglutition des liquides
que des folides. Enfin eue fort tellement à
l ’aftion de cracher , que cette aélion ne peut s’exécuter
fans fon miniftere, foit par le ramas qu’elle fait
de laférofité qui s’eft féparée des glandes de la bouche
, foit par la difpofition dans laquelle elle met la
falive qu’elle a ramaffée, ou la matière pituiteufo
rejettée par les poumons.
Je fais que M. de îuffieu étant en Portugal en
1 7 1 7 , y vit une pauvre fille alors âgée de 15 ans ,
née fans langue, 6c qui s’acquittoit, dit-il, paffa-
blement de toutes les fondions dont nous venons
de parler. Elleavoit dans la bouche à la place de la
langue, une petite éminence en forme de mamelon,
qui s’élevoit d’environ trois ou quatre lignes de hauteur
du milieu de la bouche. Il en a fait le récit dans
les Mém. de üaçad. des Sciences, ann. iyi 8 ■
Leficur Rolnad, chirurgien à Saumur, avoit déjà
décrit en 1630 une obfervation femblable dans un
petit traité intitulé Agloffofomographie, ou deferip-
tion d'une bouche fans langue, laquelle parloit, 6c fai-
foit les autres fondions de cet organe. La feule différence
qui fe trouve entre les deux fujets, eft que celui
dont parle Roland, etoit un garçon de huit à
neuf ans , qui par des ulcérés furvenus dans la petite
vérole avoit perdu la langue, au lieu que la fille
vue par M. de Juffieu, étoit née fans en avoir.
Cependant, malgré ces deux obfervationsfingu-
lieres, je penfe que les perfpnnes à qui il ne refte
que la bafe delà langue ne peuvent qu’ébaucher quelques
uns de ces fons, pour lefquels l’adion des le - .
vres, 6c l’application du fond de la langue au palais
font feulement néceffaires ; mais les fons qui ne fe
forment que par la pointe de la langue, par fon re-
courbement, ou par d’autres mouvemens compofés;
ces fortes de fons, dis-je, meparoiffent impoflibles,
quand la langue eft mutilée , au point d’être réduite
à un petit moignon.
Une langue double n’eft pas un moindre obftacle
à la parole. Les Tranfadions philofophiques, Février
6c Mars 1748, rapportent le cas d’un garçon
né avec deux langues. Sa mere ne voulut jamais permettre
qu’on lui retranchât ni l’une ni l’autre; la nature
fut plus avifée que cette mere, ou fi l’on veut
féconda fes vûes. La langue fupérieure fe deffécha ,
& fe réduifit à la groffeur d’un pois, tandis que l’autre
fe fortifia, s’aggrandit, 6c vint par ce moyen à
exécuter toutes fes fondions.
Les éphémerides des curieux de la nature en citant
long-tems auparavant, favoir en 1684 > Ie cas
d’une fille aimable qui vint au monde avec deux langues
, remarquèrent que la nature l’auroit plus favo-
riféeen ne lui en donnant qu’une, qu’en multipliant
cet organe, puifqu’elle priva cette fille de la parole,
dont le beau fexe peut tirer tant d’ufages pour foa
bonheur 6c pour le nôtre.
Théophile Protofpatarius , médecin grec du xj
fiecle , eft le premier qui a regardé la langue comme
mufculaire ; Jacques Berengarius a connu le premier
les glandes fublinguales & leurs conduits ; Mal-
pighi a le premier développé toute la texture de la
langue ; Bellini a encore perfectionné ce dévéloppe-
ment ; Ruifch s’eft attaché à dévoiler la fabrique des
mamelons 6c des houpes nerveufes ; les langues qu’il
a injedées, laiffent paffer la matière céracée par
l’extrémité des poils artériels.. "Walther a décrit les
glandes dont la langue eft parfemée , 6c qui filtrent
les fucs deftinés à l’humeder continuellement ; enfin
Trew a repréfenté fes conduits falivaires, St fes vaiffeaux
fanguins. On doit encore confulter fur cet organe
le célébré Morgagni, Santorini, 6c les tables
d’Euftache 6c de Cowper.
Tome IX %
La langue de plufieurs animaux a encore occupé
les regards de divers anatomiftes , 6c même ils nous
en ont donné quelquefois la defeription, comme s’ils
l a voient tirée de la langue humaine. Mais nous con-
noiffons affez imparfaitement celle des léopards, des
lions, des tigres & autres bêtes féroces, qui ont la
tunique externe du deffus de la langue hériffée de petites
pointes dures, tournées en dedans, différentes
de celles de la langue des poiffons , dont les pointes
font feulement rangées le long des bords du palais*
Il y a une efpece de baleine qui a la langue 6c le
palais fi âpre par un poil court 6c dur , que c’eft
une forte de décrotoir. La langue du renard marin
eft toute couverte de petites pièces offeufes de la
groffeur d’une tête d’épingle ; elles font d’une dureté
incroyable, d’une couleur argentine, d’une figure
quarrée , 6c point du-tout piquantes.
Perfonne jttfqu’ici n’a développé la ftruûure de la
langue du caméléon ; on fait feulement qu’elle eft
très longue ; qu’il peut l’allonger, la raccourcir en
un inftant, 6c qu’il la darde au-dehors comme s’il la
crachoit.
A l’égard des oifeaux, il n’y a prefque que la lan*
gue du pic-verd qu’ôn ait décrit exactement. Enfin il
refte bien des découvertes à faire fur cet organe des
animaux de toute efpece ; mais comme les maladies
& les accidensde la langue humaine nous intéreffent
encore davantage, nous leur refefvons un article à
part. ( D. ƒ.)
Langue, ( Sémiotique.) «Ne vous retirez jamais,'
» confeille fort fagement Baglivi , d’auprès d’un
» malade fans avoir attentivement examiné la lan-
» gue ; elle indique plus fûrement & plus clairement
» que tous les autres lignes, l’état du fang. Les au-
» très lignes trompent fouvenr, mais ceux-ci ne font
» jamais , 011 que très-rarement fautifs ; & à moins
» que la couleur , la faveur & autres accidensde la
» langue ne foient dans leur état naturel, gardez-
» vous , pourfuit-il, d’affurer la guérifon de votre
» malade, fans quoi vous courrez rifque de nuire à
» votre réputation ». prax. medic. lib. I . cap.xïij.
3. Quoiqu’il faille rabattre de ces éloges enthoufiaf-'
tiques, on doit éviter l ’excès oppofé dans lequel eft
tombé Santorius, qui regarde l’art de juger par la
langue , d’inutile , de nul 6c purement arbitraire. Il
eft très-certain qu’on peut tirer des différens états
6c qualités de la langue beaucoup de lumières pour le
diagnoftic 6c le prognoftic des maladies aiguës, mais,
ces lignes ne font pas plus certains que les autres
qu’on tire du pouls, des urines , &c. Ainfi on auroit
tort de s’y arrêter uniquement. On do it, .lorfqu’on
veut atteindre au plus haut point de certitude médi*
cinale, c’eft-à-dire une grande probabilité, raffem*
bler, combiner 6c confulter tous les différens lignes,
encore ne font ils pas néceffairement infaillibles ,
mais ils fe vérifient le plus ordinairement.
C’eft dans la couleur principalement & dans Iô
mouvement de la langue que l’on obferve de l’altération
dans les maladies aiguës. i°. La couleur peut,
varier de bien des façons,* la langue peut devenir
blanche, pâ le, jaune, noire, livide, d’un rouge
v i f , &c. ou fleurie, comme l ’appelle Hippocrate*
Comme ces couleurs pourroient dépendre de quelque
boiffon ou aliment précédent, il faut avoir at-,
tention lorfque l’on foupçonne pareille caufe, de
faire laver la bouche au malade; 6c quand on examine
la langue, on doit la faire fortir autant qu’il eft
poffible, afin d’en voir jufqu’à la racine ; il eft nfême
des occafions où il faut regarder par-deffous , car,
quelquefois, remarque Hippocrate, lib. II. de morb*
la langue eft noire dans cette partie,& les veines qui
y font fe tuméfient St noirciffent.
i °. La tumeur blanche de la langue provient d’une
croûte plus ou moins épaiffe, qui fe forme fur la
l i ij