
L ’origine de ces main-mortes coutumières vient :
Kles Gaulois & des Germains ; Céfar en fait mention.
*lans fes Commentaires, lib. FI. Plebs pamkfervorum
•habetur loco , quæ per fenihillaudet & nulli adhibetur
<on(iLio, plerique cum autcere aliéna, aut magnitudine
-tributorum , aut injuria potentiorum premuntur,fejh in
Jervituttm dicant nobilibus, in hos eadem omniafunt
juraquoe-dominisinfervos. y > \ i
Le terme de main-morte vient de ce qu’apres la
mort d’un chef de famille ferf, le feigneur a droit
dans plufieurs coutumes de prendre le meilleur meuble
du défunt, qui eft ce que l’on appelle droit de
^meilleur ,-catsl.
Anciennement lorfque le feigneur du main-mor-
table ne trouvoit point de meuble dans la maifon du
décédé,on coupoit la main droite du défunt, & on
la préfentoit au feigneur pour marquer -qu’il ne le fer-
viroit plus. On lit dans les chroniques de Flandres
qu’un évêque de Liege nommé Albero ou Adalbero,
mort en 1x41, abolit cette coutume qui étoit antienne
dans le pays de Liege.
La main-morte oufervitude perfonnelle eft appel-
ïéc dans quelques provinces condition ferve, comme
<m Nivernois & Bourbonnois ; en d’autres taillabi-
iité. comme en Dauphiné & en Savoie, dans les
deux Bourgognes & en Auvergne, on dit mainmorte,
. . .
Il eft affez évident que la main-morte tire fon Origine
de l’efclavàge qui avoit lieu chez les Romains,
de dont ils avoiefit étendu l’ufage dans les Gaules ;
«n effet \&.main-mortc apris naiffance auffi-tot quel ef-
clavage a celle ; elle eft devenue aufli commune.
Les main-mortables font occupés à la campagne au
même travail dont on chargeoit les efclaves , & il
ïi’eft pas à croire que l’on ait affranchi purement &
Simplement tant d’efclaves dont on tiroit de l’utilité,
fans fe referver fur eux quelque droit.
Enfin l’on voit que les droits des feigneurs furies
main-mortables , lont à-peu-pres les memes que les
maîtres ou patrons avoient fur leurs efclaves ou fur
leurs.affranchis. Les efclaves qui fervoient à la campagne,
étoient glebce adfcriptitii, c eft-à-direqu ils furent
déclarés faire partie du fond, lequel ne pou-
voit être aliéné fans eu x, ni eux fans lui.
Il y avoit aufli chez les Romains des perfonnes
libres qui devenoient ferves par convention, & s o-
bligeant à cultiver un fonds.
En France , la main-morte ou condition ferve fe
■ contraâe en trois maniérés ; fayoir, parla naiffance,
par une convention expreffe, ou par une convention
(tacite , lorsqu’une perfonne libre vient habiter dans
un lieu mortaillable.
Quant à la naiffance , l’enfant né depuis que le
pere eft mortaillable, fuit la condition du pere -, fétus,
des enfans nés avant la convention par laquelle
•le père fe feroit rendu ferf.
Ceux qui font ferfs par la naiffance font appelés
gens de pourfuite, c’eft-à-dire, qu’ils peuvent être
pourfuivis pour le payement de la taille qu’ils lui
•doivent , en quelque lieu qu’ils aillent demeurer.
Pour devenir mortaillable par convention ex-
■ preffe, il faut qu’il y ait un prix ou une caufe légitime
, mais la plupart des main-mortes font fi ancien^
aies que rarement on en voit le titre.
•Un homme libre devient mortaillable par conven?
tiontacite, iorfqu’il vient demeurer dans un; lieu de
main-morte, & qu’il y prend un meix ou tenement
fervile; car c’eft par-là qu’il fe rend homme du
feigneur, ;1- • ' ' , j
. L’homme franc qui v a demeurer dans le meix
«nain-mortable de fa femme, peut le quitter quand
bon lui Semble, foit du vivant de fa femme ou après
/on décès dans l’an & jou r, en laiffant au feigneur
tous les biens étant en. la main-morte, moyennant
tjuoi il demeurelibre ; mais s’il meurt demeurant eti
la main-morte, il eft réputé main-mortable , lui 8t
fa poftérité.
Quand au contraire une femme franche fe marie à
un homme de main-morte , pendant la vie de fon mari
elle eft réputée comme lui de main-morte ; après le
décès de fon mari, elle peut dans l’an & jour quitter
le lieu de main-mortey & aller demeurer en un lieu
franc, moyennant quoi elle redevient libre, pourvu
qu’elle quitte tous les biens mainmortables que te-
noit fon mari, mais fi elle y demeure plus d’an &
jou r, elle refte de condition mortaillable.
Suivant la coutume du comté de Bourgogne
l’homme franc affranchit fa femme mainmortable ,
au regard feulement des acquêts & biens-meubles
faits en lieu franc , & des biens qui lui adviendront
en lieu de franchife ; & fi elle trépaffe fans hoirs de
fon corps demeurant en communion avec lui, &
fans avoir été féparés , le feigneur de la main-morte
dont elle eft née emporte la dot & mariage qu’elle a
apporté , & le trouffeau & biens-meubles.
Les main-mortables vivent ordinairement enfem-
ble en communion, qui eft une efpece de fociété non-
feulement entre les différentes perfonnes quicompo-
fent une même famille , mais aufli quelquefois entre
plufieurs familles, pourvu qu’il y ait parenté entre
elles. Il y en a ordinairement un entr’eux qui eft
le chef de la communion ou communauté ,& qui ad-
miniftre les affaires communes ; les autres font fes
communiers ou co-perfonniers.
La communion en main-morte n’eft pas une fociété
fpéciale & particulière , & n’eft pas non plus une
iociété pure 6c fimple de tous biens ; car chacun des
communiers conferve la propriété de ceux qu’il a
ou qui lui font donnés dans la fuite , & auxquels il
fuccede fuivant le droit & l'a coutume, pour la prélever
lorfquela communion ceffera. Cette fociété eft
générale de tous biens, mais lés affociés n’y confèrent
que le revenu , leur travail & leur induftrie ;
elle eft contrariée pour vivre & travailler enfemble ,
& pour faire un profit commun.
Chaque communier fupporte fur fes biens perfon-
nels les charges qui leur font propres, comme de
marier fes filles, taire le patrimoine de fes garçons.
Les main-mortables, pour conferver le droit de
fuccéder les uns aux autres, doivent vivre enfemble,
c’eft-à-dire au même feu & au même pain, en un
mot fous même toît & à frais communs.
Ils peuvent difpofer à leur gré entrevifs de leurs
meubles & biens francs ; mais ils ne peuvent difpofer
de leurs biens par des aftes de derniere volonté ,
même de leurs meubles & biens francs qu’en faveur
de leurs parens qui font en communion avec eux
au tems de leur décès. S’ils n’en ont pas difpofé par
des adfes de cette efpéce, leurs communiers feuls
leur fuccedent ; & s’ils n’ont point de communiers ,•
quoiqu’ils ayent d’autres parens avec lefquels ils ne
lont pas en communion , le feigneur leur fuccede
par droit de chute'main-mortable.
La communion paffe aux héritiers & même aux
enfans mineurs d’un communier.
Elle fe diffout par le partage de la maifon que les
communiers habitoiènt ènfemble.
L’émancipation ne rompt-pas la communion, car
on peut obliger l’émancipé de rapporter à la maffe
ce qu’il a acquis. uai f " . : : : ‘;
Le fils qûis’èft affranchi ne céffe pas non plus d’être
communier de fon pere, & ne perd pas pour cela
lé droit de lui fuccéder ; autrement ce feroit lui ôter
la faculté de recouvrer fa liberté.
La communion étant une fois rompue, ne peut
être rétablie que du confentement de toiis les communiers
que l’on y veut faire rçntrer; il faut aufli
le confentement du feigneur.
Quoique
■ Quoique l ’habitation féparée rompe ordinairement
la communion à l’égard de celui qui établit fon
domicile à part ; dans le comté de Bourgogne, la
fille qui fe m arie, & qui fort de la maifon de fes pere
& mere, peut continuer la communion en faifantle
reprét, qui eft un a&e de fait ou de paroles, par lequel
elle témoigne que fon intention eft de continuer
la communion, pourvu qu’elle retourne coucher
la première nuit de fes noces dans fon meix &
héritage.
■ Dans le duché de Bourgogne, le parent proche
qui eft communier , peut rappeller à la fucceflion
ceux qui font.en égal degré, quoiqu’ils aient rompu
la communion.
Il peut aufli y avoir communions entre des perfonnes
franches qui poffedent des héritages mortail-
lables; & fans cette communion, ils ne fuccedent
pas les uns aux autres à ces fortes de biens, fi ce
n’eft les enfans à leurs afeendans de franche condition.
. Les fiicceflions ab inteflat des main-mortables, fe
règlent comme les autres, par la proximité du degré
de parenté ; mais il faut être communier pour
fuccéder, fi ce n’eft pour les héritages de main-morte
délaiffés par un homme franc, auxquels fesdefeen-
dans fuccedent quoiqu’ils ne foientpas communiers.
, Quelques coutumes n’admettent à la fucceflion
des ferfs que leurs enfans ; d’autres y admettent tous
les parens du ferf qui font en communauté avec lui.
, Les autres charges de la main-morte confident
pour l’ordinaire,
x°. A payer une taille au feigneur fuivant les facultés
de chacun, à dire de prud’hommes, ou une
certaine Comme à laquelle les feigneurs ont compofé
ce qu’on appelle taille abonnée.
20. Les mortaillables ne peuvent fe marier à des;,
perfonnes d’une autre condition, c’eft-à-dire francs,
ou même à .des ferfs d’un autre feigneur ; s’ils le font,
cela s’appelle for-mariage ; le feigneur en ce cas prend
le tiers des meubles & des immeubles fitués au-de-
dans de la feigneurie ; & en outre, quand le main-
mortable n’a pas demandé congé à fon feigneur pour
fe formârier, il lui doit une amende.
30. Ils ne peuvent aliéner le tenement fervile à
d’autres qu’à des ferfs du même feigneur, autrement
le feigneur peut faire un commandement à l’acquéreur
de remettre l’héritage entre les mains d’un
homme de la condition requife ; & s’il ne le fait dans
l’an & jour, l’héritage vendu eft acquis au feigneur..
La main-morte finit par l’affranchiffement du ferf.
Cet affranchiffement fe fait par convention ou par
çlefaveu : par convention, quand le feigneur affranchit
volontairement fon fer f; par defaveu , lorfque
le ferf quitte tous les biens mortaillables, Se déclare
qu’il entend être libre, mais quelques coutumes
veulent qu’il laiffe aufli une partie de fes meubles au
feigne.ur.
Le facerdoce, ni les dignités civiles n’affranchif-
fent pas des charges de la main-morte, mais exemptent
feulement de fubir en perfonne celles quiavili-
roient le caraftere dont le mainmortable eft revêtu.
Le roi peut néanmoins affranchir un ferf de mainmorte,
foit en i’ennobliffant direâement, ou en lui
conférant un office qui donne la nobleffe ; car le titre
de nobleffe efface la fervitude avec laquelle il eft incompatible
: le feigneur du ferf ainfi affranchi peut
feulement demander une indemnité.
La liberté contre la main morte perfonnelle fe pref- j
crit comme les autres droits, par un efpace de tems
plus au moins long félonies coutumes; quelques-
unes veulent qu’il y ait titre.
Les main-mortes réelles ne fe preferivent point,
.étant des droits feigneuriaux qui font de leur nature
jmprefcriptiblcs. Vrye^ Coquille, des fervit, perfon-
Tonié IX,
nelles\ le traité de la main-morte par Dunod. ( A j
Main au pe c t, ou sur la poitrine, fe di-
foit anciennement par abbréviation du latin adptclus,
& par corruption on difoit la main au pis. Les ecclé-
fiaftiques qui font dans les ordres facrés, font ferment
en maintenant la main adpeclus, au lieu que les laïcs
lèvent la main, Foye[ A f f i r m a t i o n & S e r m
en t . (A )
Main-m o r te , Statut de, (Hifi. d'Angl.) ftatut
remarquable fait fous Edouard I. en 1278, par lequel
ftatut il étoit défendu à toutes perfonnes fans
exception, de difpofer direâement ni indirectement
de leurs terres, immeubles, ou autres bien-fonds,
en faveur des fociétés qui ne meurent point.
Il eft vrai que dans la grande charte donnée par le
roi Jean, il avoit été déjà défendu aux fujets d’aliéner
leurs terres en faveur de l’églife. Mais cet artic
l e , ainfi que plufieurs autres , ayant été fort mal
obfervé, les plaintes fur ce fujet fe renouvcllerent
avec vivacité au commencement du régné d’Edouard.
On fit voir à ce prince qu’avec le tems
toutes les terres pafferoient entre les mains du clergé
, fi l’on continuoit à fouffrir que les particuliers
difpofaffent de leurs biens en faveur de l’églife. En
effet, ce corps ne mourant point, acquérant toûjours
& n’aliénant jamais, il de voit arriver qu’il pofféde-
roit à la fin toutes les terres du royaume. Edouard
& le parlement remédièrent à cet abus par le fameux
ftatut connu fous le nom de main-morte. Ce ftatut
d’Angleterre fut ainfi nommé parce qu’il tendoit à
empêcher que les terres ne tombaffent en main-morte,
c’eft-à-dire en mains inutiles au fervice du roi & du
public , fans efpérance qu’elles duffent jamais changer
de maîtres.
Ce n’eft pas que les biens qui appartiennent aux
gens de main-morte l'oient abfolument perdus pour
le public , puifque leurs terres font cultivées Sc
qu’ils en dépenfent le produit dans le foyaume -
mais l ’état y perd en général prodigieufement, en
ce que ces terres ne contribuent pas dans la proportion
des autres , & en ce que n’entrant plus dans le
partage des familles, ce font autant de moyens de
moins pour accroître ou conferver la population. On
ne fçauroit donc veiller trop attentivement à ce que
la maffe de ces biens ne s’accroiffe pas, comme fit
l’Angleterre dans le tems qu’elle étoit toute catholique.
(Z>. ƒ.)
Main- so u v e r a in e , ( Jurifprud.') en matière
féodale lignifie la main du roi, c’eft-à-dire fon autorité
à laquelle un vaffal a recours pour fe faire recevoir
en foi & hommage par les officiers du bailliage
ou fénéchauflee, dans le diftriû defquels eft le fièf’
lorfque fon feigneur dominant refufe fans caufe légitime
de le recevoir en foi, ou qu’il y a combat de
fief entre plufieurs.feigneurs ; ou enfin lorfqu’un feigneur
prétend que l’héritage eft tenu de lui en fiëf ,
& qu’un autre foutient qu’il eft tenu de lui en roture.
Cette réception en foi par main-fouveraine, ne
peut être faite que par les baillis. & fénéchaux, &
non par aucun autre juge royal ou feigneurial.
Pour y parvenir, il faut obtenir en chancellerie
des lettres de mainfouveraine adreffantes aux baillifs
& fénéchaux.
Il faut aflîgner le feigneur qui refufe la foi par-devant
les officiers du bailliage, pour voir ordonner
l’entérinement des lettres de main-fouveraine.
S’il y a combat de fief, il faut aflîgner les feigneurs
contendans à ce qu’ils aient à fe concerter entre eux.
Mais il ne fuffit pas de fe faire recevoir en foi par
le juge, il faut faire des offres réelles des droits qui
peuvent être dûs, & les configner.
Quand le combat de fiefeft entre le roi & un autre
feigneur, il faut par provifion faire la foi & hommage
au roi, ce qui opéré l’effet delà réception par
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