âement les unes des autres, lorfqu’il régné entre
elles quelque différence, que confifte en grande partie
la jufteffe du jugement. Si l’efprit unit ou fépare
les idées, félon qu’elles le font dans la réalité, c’eft
un jugement droit. Heureux ceux qui réufliffent à le
former ! Plus heureux encore ceux que la nature
a gratifiés de cette rare prérogative ! ( D . J. )
Jugement , ( Jurifprud. ) eft ce qui eft ordonné
par un juge fur une conteftation portée devant lui.
Ce terme fe prend aufli quelquefois pour juftice
en général, comme quand on dit ejier en jugement,
(lare in judicio, pourfuivre quelqu’un en jugement.
On entend aufli quelquefois par-là l’audience tenante
, comme quand on dit une requête faite en ju gement,
c’eft-à-dire judiciairement ou en préfence
du juge.
Tout jugement doit être précédé d’une demande ;
& lorfqu’il intervient fur les demandes & défenfes
des parties , il eft contradictoire ; s’il eft rendu feulement
fur la demande, fans que l’autre partie ait défendu
ou fe préfente, alors il eft par défaut ; & fi
c’eft une affaire appointée, ce défaut s’appelle un
jugement par forclufion; en matière criminelle, c’eft
un jugement de contumace.
II y a des jugemens préparatoires, d’autres pro-
vifionnels, d’autres interlocutoires, d’autres définitifs.
Les uns font rendus à la charge de l’appel ; d’au-,
très font en dernier reffort, tels que les jugemens
prevôtaux & les jugemens préfidiaux au premier chef
de l’édit : enfin, il y a des jugemens fouverains, tels
que les arrêts des cours fouveraines.
On appelle jugement arbitral, celui qui eft rendu
par des arbitres.
Premier jugement, eft celui qui eft rendu par le premier
juge, c’eft-à-dire devant lequel l’affaire a été
portée en première inftance.
Jugement de mon, eft celui qui condamne un ac-
eufé à mort.
Quand il y a plufieurs juges qui aflîftent au jugement,
il doit être formé à la pluralité des voix ; en
cas d’égalité , il y a partage ; & fi c’eft en matière
criminelle, il faut deux voix de plus pour départager
; quand il n’y en a qu’une, le jugement paffe à
l ’avis le plus doux.
Dans les caufes d’audience, c’eft celui qui prefi-
de qui prononce le jugement ; le greffier doit l’écrire
à'mefure qu’il le prononce.
Dans les affaires appointées, c’eft le rapporteur
qui dreffe le difpofitif.
On diftingue deux parties dans un jugement d’audience
, les qualités & le difpofitif.
Les jugemens fur procès par éc r it, outre ces qualités
, ont encore le vu avant le.difpofitif.
On peut acquiefcer à un jugement &c l’exécuter ,
ou en interjetter appel.
Voye^ dans le corps de droit civil & canonique les
titres de judiciis , de fententiis, de re judicatâ de e'x-
ceptione n i judicatat, & l’ordonnance de 1667, tit.
de Ü exécution des jugemens, & aux mots A p p e l ,
D ispos it if ,- Q u alités , V u . ( A )
Ju gemen t de la c r o ix étoit une de ces épreuves
que l’on faifoit anciennement dans l’efpérance
dé découvrir la vérité. Ce jugement confiftoit à donner
gain de caufe à celui des deux parties qui te-
noit le plus longtems fes bras élevés en croix. Voye^
M.. lepréfident Hénault à l yannée 8q.8i (-^)
~ Jugement de D ieu on appelloit ainfi autrefois
les épreuves, qui fe faifoient par Peau bouillante
, & autres femblables, dont l’ufage a duré jufqu’à
Charlemagne.
On donnoit aufli le même nom à l’épreuve qui fe
faifoit par le duel, dont l’ufage ne fut aboli que par
Henri II,
Le nom de jugement de Dieu que l’on donnoit à
ces différentes fortes d’epreuves, vient de ce que l’on
étoit alors perfuadé que le bon ou mauvais fucçès
que l’on ayoit dans ces fortes d’épreuves, étoit un
jugement de Dieu , qui fe déclaroit toujours pour l’innocent.
Voyejt D u e l , Épreu ve & Pu r g at io n vu l ga
ire-. (^ )
J u g e m e n s par t icu l ier s des R o m a in s ,
( Ht fi. de la Jurifprud. rom. ) Les jugemens chez les
Romains, étoient ou publics ou particuliers. Ces
derniers fe rendoient quelquefois devant un tribunal
au barreau , quelquefois dans les bafiliques, & quelquefois
fur le lieu même où-le- peuple étoit aflem-
blé de piano.
Par jugement particulier on entend la difeuflion ,
l’examen &c la décifion des conteftations qui naif-
foient au fujet des affaires des particuliers. Voici
l’ordre fuivant lequel on y procédoit.
De Ü ajournement. Si le différend ne pouvoit pas fe
terminer à l ’amiable ( car c’étoit la première voie que
l’ontentoit ordinairement ) , le demandeur aflignoit
fa partie à comparoître en juftice le jour d’audience ,
c’eft-à-dire qu’il le fommoit de venir avec lui devant
le préteur. Si le défendeur refüfoit de le fuivre , les
lois des douze tables permettoient au demandeur
de le faifir & de le traîner par force devant le juge ;
mais il falloit auparavant prendre à témoin de Ion
refus quelqu’un de ceux qui fe trouvoient préfens ;
ce qui fe faifoit en lui touchant le bout de,l’oreille.
Dans la fuite il fut ordonné , par un édit du préteur
, que fi l’ajourné ne vouloit pas fe préfenter fur
le champ en juftice, il donneroit caution de fe re-
préfenter un autre jour ; s’il ne donnoit pas caution,
ou s’il n’en donnoit pas une fuffifante, on le menoit,
après avoir pris des témoins, devant le tribunal du
préteur , fi c’étoit un jour d’audienoe , linon on le
conduifoit en prifon, pour l’y retenir jufqu’au plus
prochain jour d’audience, & le mettre ainfi dans la
néceflité de comparoître.
Lorfque quelqu’un demeuroit caché dans fa mai-
fon , il n’étoit pas à la vérité permis de l’en tirer ,
parce que tout citoyen doit trouver dans fa maifon
un azile contre la violence ; mais il étoit alfigné en
vertu d’un ordre du préteur , qu’on affichoit à fa
porte en préfence de témoins. Si le défaillant n’obéif?
foit pas à la troifieme de ces aflignations, qui fe
donnoient à dix jours l’une de l’autre , il étoit ordonné
par fentence du magiftrat, que fes biens fe-
roient poffédés par fes- créanciers , affichés & vendus
à l’encan. Si le défendeur comparoifloit, le demandeur
expofoit fa prétention , c’eft-à-dire qu’il
déclaroit de quelle aélion il prétendoit fe fervir, &
pour quelle caufe il vouloit pourfuivre ; car il arrir
voit fouvent que plufieurs a£fions.concouroient pour
la même caufe. Par exemple, pour caufe de larcin ,
quelqu’un pouvoit agir par revendication, ou par
condition furtive, où bien en condamnation de la
peine du double, fi le voleur n’a voit pas été pris fur
le fait, ou du quadruplé s’il avoit été pris fur le fait.
Deux aâions étoient pareillement ouvertes à celui
qui avoit empêché d’entrer dans fa maifon, l’action
en réparation d’injure, & celle pour violence
faite, & ainfi dans les autres matières. Ënfuite le
demandeur demandoit l’aââon ou le jugement au préteur
; c’ eft-à-dire qu’il le prioit de lui permettre de
pourfuivre fa partie , & .le défendeur de fon côté
demandoit un avocat.
Après ces préliminaires, le demandeur exigeoit,
par une formule preferite , que le défendeur s’engageâ
t, fous:caution, à fe repréfenter en juftice ua
certain jour , qui pour l’ordinaire étoit le furlende-
main : c’eft ce qu’on appelloit de la part du dèman-
deur, reurn vadari, & de la part du défendeur , vadimonlum
promittere. S’il ne comparoifloit pas, pn
difoit qu’il avoit fait défaut ; ce qui s’exprimoit par
vadimonium deferere. Trois jours après, fi les parties
n’avoient point tranfigé, le préteur les faifoit appel-
ler , & fi l’une des deux ne comparoifloit pas, elle
étoit condamnée, à moins qu’elle n’eût des raifons
bien légitimes pour exeuferfon défaut de comparoir»
De Vaction. Quand les deux parties fe trouvoient
à l’audience, le demandeur propofoit fon aâion,conçue
félon la formule qui lui convenoit ; car les con-
clufions de chaque aûion étoient renfermées dans des
formules tellement propres à chacune , qu’il n’étoit
pas permis de s’en écarter d’une fy llabe. On prétend
que C. N. Fulvius , qui de greffier devint édile l’an
de Rome 449 , fut, l’auteur de ces formules ; mais
l’empereur Conftantin les abrogea toutes , & il fit
bien.
La formule de fa&ion étant réglée, le demandeur
prioit le préteur de lui donner un tribunal ou un juge
; s’il lui donnoit un juge , c’étoit ou un jugepro-
prement dit, ou un arbitre ; s’il lui donnoit un tribunal
, c’étoit celui des comntiflaires, qu’on appelloit
recuperatores, ou celui des centumvirs.
Le juge qui étoit donné de l’ordonnance du préteur,
connoiffoit de toutes fortes de matières , pourv
u que l’objet fût peu important, mais il ne lui étoit
pas permis, comme je l’ai déjà d i t , de s’écarter tant
foit peu de la formule de l’aôion.
L ’arbitre connoiffoit des caufes de bonne foi &
arbitraires. Quelquefois dans les arbitrages on con-
fignoit une fomme d’argent, qu’on appelloit compro-
mijfum, compromis ; c’étoit un accord fait entre les
parties de s’en tenir à la décifion de l’arbitre, fous
peine de perdre l’argent dépofé.
Les comraiffaires recuperatores connoiffoient des
caufes dans lefquelles il s’agiffoit du recouvrement
& de la reftitution des deniers & effets des particuliers
: on ne donnoit ces juges que dans les conteftations
de faits , comme en matière d’injure, 6r*
Des juges nommés centumvirs. Je m’étendrai un peu
davantage fur ce qui regarde les centumvirs. Us
étoient tirés de toutes les tribus , trois de chacune,
de forte qu’ils étoient au nombre de cent cinq ; ce
qui n’empêchoit pas qu’on ne leur donnât le nom de
centumvirs. Ces juges rendoient la juftice dans les
caufes les plus importantes, lorfqu’il s’agiffoit de
queftions de droit & non de fa it , fur-tout dans la-
pétition d’hérédité,dans la plainte de teftamens inofficieux
, & dans d’autres matières femblables. Les
jugemens des centumvirs avoient une certaine forme
qui leur étoit propre.
Outre c e la , ces juges étoient aflis fur des tribunaux
, au lieu que les autres h’étoient aflis que fur
des bancs. Il n’y avoit point d’appel de leurs juge-
mens , parce que c’étoit comme le confeil de tout le
peuple. On a lieu de croire que ces magiftrats furent
créés l’an de Rome 519 ou environ, lorfque
le peuple fut partagé pour la première fois en 135
tribus : cela paroît par la loi i z , 5 5 , zg . ff. de C origine
du droit. Après le régné d’Augufte , le corps
des centumvirs devint plus nombreux , & pour l’ordinaire
il montoit à cent quatre-vingt : ils étoient
diftribués en quatre chambres ou tribunaux.
C ’étoient les décemvirs q u i, par l’ordre du préteur
, affembloient ces magiftrats pour rendre la juftice.
Les décemvirs , quoiqu’au nombre des magiftrats
fubalternes , étoient du confeil du préteur , &
avoient une forte de prééminence fur les centumvirs.
11 y en avoit cinq qui étoient fénateurs, & cinq
chevaliers. Le préteur de la ville préfidoit au jugement
des centumvirs, & tenoit, pour ainfi dire, la
balance entre les quatre tribunaux.
On fe contentoit quelquefois de porter les caufes
légères à deux de ces tribunaux, enforte qu’on pou-
Tome IX .
voit mftruire deux affaires eh même-tehis. Les centumvirs
s’affembloient dans les bafiliques, qui.étoient
de magnifiques édifices, où étoit dépofée une piqué
pour marque de jurifdiélion : de-là vient qu’on di-
îbit un jugement de la pique, hajloe judicium , pouf
défigner un jugement des centumvirs. C'étoit les dé-
cemvifs qui recueilloient les v o ix , & cet aéle de
jurifdiûion s’ exprimoit par cés mots,, haftam cogère j
de même que ceux qui préfidoient à d’autres tribu*,
naux étoient dits , judicium cogéré.
De la forme du jugement. Le jugé , comme ^arbitre
, devoit être approuve par le défendeur, & oii
difoit alors que le juge convenoit. Il falloit aufli que
lès deux parties , tant le demandeur que le défendeur
, fouferiviffent le jugement des centumvirs, afin
qu’il parût qu’ils y avoient confenti. On donnoit
pour juge un homme qu’aucun empêchement, foit
du côté des lois , foit du côté de la nature, foit dù
côté des moeurs , n’excluoit de cette fon â ion , &
on le donnoit dans le même tems qu’il étoit demandé
; enfuite on préfentoit les cautions dé payer les
jugemens, & de ratifier celle qui feroit ordonnée.
Celle du défendeur étoit préfentée la première l
ou par fon procureur, en cas qu’il fut abfent, où
par lui-même quand il étoit préfent, ou hors le jugement
, en confirmant ce qui avoit été fait par fon
procureur. Cette caution fe donnoit fous trois clau-
ies ; fçavoir, de payer le jnge , de défendre à' la de*
mande , & de n’employer ni dol ni fraudé ; mais
lorfque l’ajourné étoit obligé de fe défendré en per-
fonne", il n’étoit point aftraint à donner cette eau*
tion ; on exigeoit feulement qu’il s’engageât d’attendre
la décifion, ou fous fa caution juratoire, ou fuf
fa fimple parole , ou enfin qu’il donnât caution fe*.
Ion fa qualité»
Le procureur du demandeur devoit donner eau*
tion que ce qu’il feroit feroit ratifié. Lorfqu’on dou*
toit de fon pouvoir à quelque égard, ou bien lorfqu’il
étoit du nombre de ceux qu’on n’obligéoitpoinÉ
de repréfenter leurs pouvoirs, tels qu’étoient les pare
ns & alliés du demandeur , on prenoit cette précaution
pour empêcher que les jugemens ne devint»
fent illusoires, & que celui au nom duquel on avoit;
agi ne fut obligé d’effuyer un nouveau procès pour1,
la même chofe. Outre cela, fi la prétention du de*i
mandeur étoit mal fondée, l’argent dépofé pour caution
étoit un appât qui engageoit le défendeur à fe
préfenter pour y répondre. Cet argent dépofé s’ap*
pelloit facramentum.
Suivoit la conteftation en caufe, qui n’étoit que?
l’expofition du différend faite par les deux parties
devant le juge en préfence de témoins ',iefiato. Cê;
n’étoit que de là conteftation en câüfe que le juge-{
ment étoit cenfé commencer ; d’où vient qu’avanfi
le jugement commencé , & avant la caufe conteftée ±
étoient deux expteflions équivalentes. Après la con-;
teftatien, chaque plaideur aflignoit fa partie adverfet
à trois jours , ou au furlendemain : c’éft pourquoi
cette aflîgnation étoit appellée comperendinatio , oii
condiclio. Ce jour-là il y avoit uh jugement rendu ^
à moins qu’une maladie férieufe , môrbus foniicüs
n’eût empêché le juge ou l’un des plaideurs, de fè
trouver à l’audience ; dans Ce cas on profôgeoit le,
délai, dies diffendebatur.
Si une des parties manquoît de comparoître fan*
alléguer l’excufe de maladie, le préteur donnoit con*
tre le défaillant un édit péremptoire, qui étoit pré-»’,
cédé de deux autres édits. Si les deux parties com*;‘
paroiffoient, le juge juroit d’abord qu’il jugeroit fuivant
la lo i, & enfuite les deux plaideurs prêtoient
par fon ordre, le ferment de calomnie, c’eft-à-dire f
que chacun affirmoitque ce n’étoit point dans la vûd
de fruftrer ou de vexer fon adverl'aire qu’il piaidoit s
calomniari pris dans ce fens , fignifiojt chicaner. Dans!