Cette hiftoire du langage fert à montrer les circonf-
tances où les lignes ont été imaginés ; elle en fait
connoîcre le vrai le ns , apprend à en prévenir les
abus, & ne laiffe aucun doute fur l’origine des idées.
Enfin après avoir développé les progrès des operations
de Famé & ceux du langage , il indique par
quels moyens on peut éviter l’erreur, & montre les
routes qu’on doit fuivre , foit pour faire des decouvertes
, foit pour inftruire les autres de celles qu on
a faites. Selon cet auteur, les fenfations 6c les opérations
de notre ame font les matériaux de toutes
nos connoiffances ; mais c’eft la reflexion qui les met
en oeuvre, en cherchant par des combinaifons les
rapports qu’ils renferment. D es geftes, des Ions, dis
chiffres, des lettres, font les inftrumens dont elle le
fe r t, quelque étrangers qu’ils foient à nos idees,
pour nous élever aux connoiflances les plus fubli-
mes. Cette liaifon nécefîaire des lignes avec nos
idées, que Bacon a foupçonnée, 6c que Locke a entrevue,
il l ’a parfaitement approfondie. M. Locke
s’eft imaginé qu’auffitôt que l’ame reçoit des idées
par les fens , elle peut à fon gré les répéter, les com-
pofer, les unir enfemble avec une variété infinie ,
& en faire toutes fortes de notions complexes. Mais
il eft confiant que dans l’enfance nous avons éprouv
é des fenfations , longtems avant que d en favoir
tirer des idées. Ainfi, l’ame n’ayant pas dès le premier
inflant l’exercice de toutes fes opérations, il
étoit effentiel, pour mieux développer les refforts
de l ’entendement humain , de montrer comment
elle acquiert cet exercice, 6c quel en eft le progrès.
M. Loke , comme je viens de le dire , n’a fait que
l’entrevoir ; & il ne paroît pas que perfonne lui en
ait fait le reproche, ou ait eflayé de fuppléer à cette
partie de fon ouvrage. Enfin, pour conclure ce que
j ai à dire fur cet ouvrage,j’ajouterai que fonprincipal
mérite eft d’être bien fondu , & d’être travaille avec
cet efprit d’analyfe, cette liaifon d’idées, qu’on y
propofe comme le principe le plus fimple, le plus
lumineux 6c le plus fécond , auquel l’efprit humain
devoit tous fes progrès dans le tems meme qu il n en
remarquoit pas l’influeneç.
Quelque diverfes formes qu’ait pris la logique entre
tant de différentes mains qui y ont touché, toutes
conviennent cependant qu’elle n’eft qu’une méthode
pour nous faire découvrir le vrai & nous faire
éviter le faux à quelque fujet qu’on la jpuiffe appliquer
: c’eft pour cela quelle eft appellée l'organe de
la vérité , la clé des Sciences, & le guide des connoiffan-
ces humaines. Or il paroît qu elle remplira parfaitement
ces fondions, pourvu qu’elle dirige bien nos
jugemens : 6c telle e ft, ce me femble, fon unique fin.
Car fi je poffede l’art de juger fainement de tous
les fujets fur lefquels ma raifon peut s’exercer, certainement
dès-là même j’aurai la logique univerfelle.
Quand avec cela on pourroit fe figurer qu’il n’y eût
plus au monde aucune réglé pour diriger la première
& la troifieme opération de l’efprit, c’eft-à-dire la
fimple repréfentation des objets & la conclufion des
fyllogifmes,ma logique n’y perdroitrien.On voit parla
, ou que la première & la troifieme opération ne
font effentiellement autres que le jugement, foit dans
fa totalité, foit dans fes parties , ou du-moins que la
première 6c la fécondé opération Rendent elles-mêmes
au jugement, comme à leur derniere fin. Ainfi'
j’aurai droit de conclure que la derniere fin de la logique
eft de diriger nos jugemens 6c de nous apprendre
à bien juger : enforte que tout le refte à quoi elle
peut fe rapporter, doit uniquement fe rapporter tout
entier à ce but. Le jugement eft donc la feule fin de
la logique. Un grand nombre de philofophes fe récrient
contre ce fentiment, 6c prétendent que la logique a
pour fin les quatre opérations de l’efprit ; mais pour
faire voir combien ils s’abufent, il n’y a qu’à lever
l’équivoque que produit le mot ƒ«,
Quelques-uns fe figurent d’abord la logique ( & à
proportion les autres arts ou fciences ) comme une
forte d’intelligence abfolue ou de divinité qui pref-
crit certaines lois à quoi il faut que l’univers s afîu-
jettifïe ; cependant cette prétendue divinité eft une
chimere. Qu’eft-ce donc réellement que la logique ?
rien autre chofe qu’un amas de réflexions écrites ou
non écrites , appeliées réglés , pour faciliter Sc diriger
l’efprit à faire fes opérations aufli-bien qu’il en
eft capable : voilà au jufte ce que c’eft que la logique.
Q u ’eft-ce que fin préfentement ? c’eft le but auquel
un être intelligent fe propofe de parvenir.
Ceci fuppofé , demander li la logique a pour fin
telles ou telles opérations de l’ame, c’eft demander
fi un amas de réflexions écrites ou non écrites a pour
fin telle ou telle chofe. Quel fens peut avoir une
propofition de cette nature ? Ce ne font donc pas
les réflexions mêmes ou leur amas qui peuvent avoir
une fin , mais uniquement ceux qui font ou qui ont
fait ces réfléxions , c’eft-à dire que ce n’eft pas la
logique qui a une fin ou qui en peut avoir une , mais
uniquement les logiciens.
Je fais ce qu’on dit communément à ce fujet,
qu'autre eft la fin de la logique, 6c autre eft la fin du
logicien ; autre la fin de l’ouvrage , finis operis, &
autre la fin de celui qui fait l’ouvrage ou de l’ouvrier ,
finis operantis. Je fais, dis-je, qu’on parle ainfi communément,
mais je fais aufli que fouvent ce langage
ne fignifie rien de ce qu’on imagine : car quelle fin,
quel but, quelle intention peut fe propofer un ouvrage
? Il ne fe trouve donc aucun fens déterminé
fous le mot de fin , finis, quand il s’attribue à des
chofes inanimées , 6c non aux perfonnes qui feules
font capables,d’avoir 6c de fe propofer une fin.
Quel eft donc le vrai de ces mots finis operis? c’eft
la fin que fe propofent communément ceux qui s’appliquent
à cette forte d’ouvrage ; & la fin de l’ouv
r ier , finis operantis, eft la fin particulière que fe
propoferoit quelqu’un qui s’applique a la meme forte
d’ouvrage : outre la fin commune que l’on s’y propofe
d’ordinaire en ce fens., on peut dire que la fin
de la peinture eft de repréfenter des objets corporels
par le moyen des hneamens & des couleurs ; car
telle eft la fin commune de ceux qui travaillent à
peindre : au lieu que la fin du peintre eft une fin particulière
, outre cette fin commune, favoir de gagner
de l’argent, ou d’acquérir de la réputation , ou Amplement
de fe divertir. Mais en quelque fens qu’on
| le prenne, la fin de l’art eft toujours celle que fe propofe
, non pas l’art même, qui n’eft qu’un amas de
réflexions incapables de fe propofer une fin , mais
celle que fe.propofent en général ceux qui ont enfei-
gné ou étudié cet art. '.
La chofe étant expofée fous ce jou r , que devient
cette queftion, quelle eft la fin de la logique ? Elle fe
réfout à celle -ci : quelle eft la fin que le font propo-
fée communément ceux qui ont donne des réglés 6c
fait cet amas de réflexions, qui s’appelle l'art ou la
fcience de la logique ? Or cette queftion n’eft plus qu’un
point de fait avec lequel on trouvera qu’il y a autant
de fins différentes de la logique, qu’il y a eu de diffé-
rens logiciens. , . . , .
La plupart ayant donné des réglés 8c dirige leurs
réflexions à la forme & à la pratique du fyllogifme ,
la fin de la logique en ce fens fera la maniéré de faire
des fyllogifmes dans toutes les fortes de modes
& de figures , dont on explique l’artifice dans les
écoles; mais une logique où les auteurs ont regardé
comme peu important l’embarras des réglés ^ des,
réflexions néceffaires pour faire des fyllogifmes en
toutes fortes de modes 6c de figures, une logique de
ce cara&ere, dis-je, n’a point du tout la fin de la lo-v
gique ordinaire, parce que le logicien ne s’eft point
propofe cette fin.
Au refte il fe trouvera néanmoins une fin commune
à tous les logiciens; c’eft d’atteindre toujours à la
vérité interne , c ’eft-à-dire à une jufte liaifon d’idées
pour former des jugemens vrais , d’une vérité interne,
& non pas d’une vérité externe, que le commun des
logiciens ont confondue avec la vérité interne : ce qui
leur a fait aufli méconnoître quelle eft ou quelle doit
être la fin fpéciale de la logique.
On demande aufli fi la logique eft une fcience : il
eft aifé de fatisfaire à cette queftion. Elle mérite ce
titre , fi vous appeliez, fcience toute connoiflance infaillible
acquife avec les fecours de certaines réflexions
ou réglés ; car ayant la connoiflance de la logique
, .vous favez démêler infailliblement une con-
iéquence vraie d’avec une faillie.
Mais eft-,elle un art ? queftion aufli aifée à réfoudre
que là précédente. Elle eft l’un ou l’autre, fuivant
le fens que.yous attachez au mot art. L’un veut feulement
appeller arc ce qui a pour objet quelque chofe
de matériel ; 6c l’autre veut appeller art toute difpo-
fition acquife qui nous fait faire certaines opérations
fpirituelj.es ou corporelles, parle moyen de certaines
réglés ou réflexions. Là-defîus il plaît aux logiciens
de difpiirer fi la logique eft ou n’eft pas un art ; 6c il ne
leur plaît pas toujours d’avouer ni d’enfeigner à
leurs difçiples que c’eft une pure ou puérile queftion
de nom.
On forme encore dans les écoles une autre quef-
tion, favoir fi la logique artificielle eft nécefîaire pour
acquérir toutes les Sciences dans leur perfeâion.
Pour répondre à cette queftion, il ne faut qu’exa-
ininey ce que c’eft que la logique artificielle : or cette
logique eft un amas d’obfervations & de réglés faites
pour diriger les opérations de notre efprit; 6c de-là
elle n’eft point abfolument nécefîaire : pourquoi ?
parce que pour que notre efprit opéré bien, il n?eft
pas nécefîaire d’étudier comment il y réuflit. C ’eft
un inftriwnent que Dieu a fait 6c qui eft très-bien
fait. 11 eft fort inutile de difeuter métaphyfiquement
ce que c’eft que notre entendement 6c de quelles
pièces il eft compofé : c’eft comme fi l’on femettoit
à dffîequerd'es pièces de la jambe humaine pour ap-
prendre.â marcher. Notre raifon 5c notre jambe font
trèsrbien leurs fondions fans tant d’anatomies Sc de
préanibules ; il ne s’agit que de les exercer, fans leur
demander plus qu’elles ne peuvent. D ’ailleurs, fi
Tefpfit,ne pouvoir bien faire fes opérations fans les
fecours que fournit la logique artificielle , il ne pourront,
être fur .fi les réglés qu’il a établies font bien
faites. Au refte, nous prouvons que les fyllogifmes
ne font-rien'moins que néceflaires pour découvrir la
vérité. Voyei Sy l lo g ism e s .
La logique fe divife en doc ente 6c utente ; la docente
eft la connoiflance des réglés 6c des préceptes de la
logique, & la logique utente eft l’application de ces
mêmes réglés. On peut appeller la première théoré-
tiquey6c. la fécondé t pratique: elles ont befoin mutuellement
l’une de l’autre. Les réglés apprifes 6c
compriées s’effacent bientôt, fi l’on ne s’exerce fou-
vent à les appliquér, tout comme la danfe ou le
mà-nege s’oublient ailé ment quand ondifeontinue ces
exercices. Tel croit être logicien , parce qu’il a fait
.un cours d t logique ; mais quand il faut venir au fait
.& à-l’application , fa logique fe trouve en défaut :
pourquoi ?; c’eft parce qu’il avoit jetté une bonne fe-
meoçe , mais qu’il l’a mal cultivée.
Difons aufîi que le fuccès de la logique artificielle
dépend beaucoup de la Logique naturelle : celle-ci
varie 6c fe trouve en diftérens degrés chez les hommes.
• Tel comme tel eft naturellement plus agile
ou plus fort que fon Camarade, de même tel eft meilleur
logicien , c’eft-à-dire qu’il a plus d’ouverture
d’efprit.Sc de folidité.de jugement.
L’expérience prouve qu’entre douze difçiples qui
étudieront la même fcience fous le même maître, il
y aura toujours une gradation qui vient en partie du
fonds, en partie de l’éducation : car la logique naturelle
acquife a aufli fes degrés. Avec un mêmeTorids
on peut avoir eu ou^moins d’attention à le cultiver,
ou des circonftances moins favorables. Cette diver-
fitéde difpofitions, tant naturelles qu’acquifes, qu’on
apporte à l’étude de la logique artificielle, déterminent
donc les progrès que l’on y fait.
LOGIS , f. m. ( Gramm. ) c ’eft la mâifon entière
qu’on occupe. On a fon logis dans tel quartier , 8c
l’on a fon logement en tel endroit de la maifon. -
LO GISTE, f. m. ( Aiitiq, grecq. ) MyUmç ; nom
d’un magiftrat très-diftingué à.Athènes, prépofé pour
recevoir les comptes de tous ceux qui fortoient de
charge. Le fénat même de l’Aréopage, ainfi que les
autres tribunaux , étoit obligé à une reddition de
compte devant les logifies, & à ce qu’on croit tous
lés ans.
Les logifies répondoient aflez bien à'ceux qu’on
nommoit à Rome recuperatorespecuniarum repoetunda-
ritin ; mais ils ne répondent pas également à nos maîtres
des comptes en France, puifque la jurifdirtion
6c l’infpertion denos maîtres des comptes ne s’étend
pas à toute magiftrature , comme celle fes.logifies
d’Athènes.
Il faut encore diftinguer les/og’i/ïwdes euthynes,'
tu&ivoi, quoique l’office de ces deux fortes magiftrats
ait la plus grande affinité ; les uns & les autres étoient
au nombre de dix , 6c l’emploi des uns & des autres
rouloit entièrement fur la reddition des comptes :
mais les euthynes étoient en fous-ordre. On doit
donc les regarder comme les aflefleurs des logifies :
c’étoit eux qui recevoient les comptes , .les èxami-
noient, les dépouiUoienr, 6c en faifoient leur, rapport
aux logifies.
■ On élifoit les euthynes, on tiroit au fort Ies logif-
tes. Si ces derniers tro.uyoient que le comptable droit
coupable de délit, fonças étoit évoqué au tribunal qui
jugeoitles criminels. Enfin les logiftes6c\çs eiithynés ne
çonnoifîbient que du fait des affaires pécuniaires,: 6c
renvoyaient la prononciation du jugement de droit
aux autres tribunaux.
Logfie eft dérivé de \oylfyç-aicompter ; nous en
avons vu la raifon. ( D . J . f
LOGISTIQUE , adj. ( Glom. ) pris (ubftantive-
ment, eft le nom qu’on a donné d’abord àda Ioga*
rithmique,& qui n’eftprefque plus en ufâge. Voyez
L o g a r i t h m i q u e .
On appelle logarithme logfiique d’un nombre quel- .
conque donné de fécondés, la différence entre leJjOr
garithme qu’on trouve dans les tablés ordinaires .du
nombre 3600^ = 60" x 6 oÿ= = celui du
nombre de fécondés propofé. On a introduit ces-logarithmes
pour prendre commodément .lies-parties
proportionnelles dans les tables aftronomiques,.
Voyeç-en le calcul 6c l’ufage dans les Infiic.afiron. de
M. ie Mqnnier,^. - 62(T.( O )
LOGOGRIPHË, f. m, (L i t t é r efpece de fymbole
ou d’énigme confiftant principalement .dans un mot
qui en contient plufieurs autres, &c qu’pri;propofe
à deviner, comme, par exemple, dans le mot Roms
on trou ve,les mots, o.rme, or, ré , note de,n>.ufique:,*
mer y ypyc[ E n i g m e . Ce mot eft formé de Aoyoç.9 dif-
cours , 6c de ypupoç, énigme ,* c ’eft-à-dire énigme fur.
un mót.
Le logogriphe confifte ordinairement en quelques
allufions équivoques , ou en une décpmpofitiOn des
mots en des parties q ui, prifes féparémervt., fignifient
des chofes differentes de celles que marque lè mot.
Il tient le milieu entre le rebus 6c l’énigme proprement
dite.
Selon Kircher le logogriphe eft une efpece d’armes
parlantes. Ainfi un anglois qui s’appelieroit Léonard%