:| '
98 JUS
maître, ce n’étoit plus lui qui en étoit-le juge-, ïl
falloit avoir recours au juge ordinaire, en quoi cette
juflice domeftique ne reffemblok point à nos juflices
'fcigficurial.es dont le principal attribut eft de connoî-
tre des caufes d’entre le feigneur & les fujets , oe
■ font même dans certaines coutumes les feules causes
dont le juge du feigneur peut connoître.
D ’autres moins Tiardis fe contentent de rapporter
l ’origine des jijiices Jeigneuriales à l’établiffement des
fiefs, lequel comme on fait ne remonte gueres qu’au
commencement de la première race des rois ou au
plutôt vers la'fin de la fécondé. Les comtes & autres
officiers inférieurs dont les bénéfices n etoient
qu’à vie s ’emparèrent alors de la juflice-e n propriété
de même que des terres de leur gouvernement.
Il y a même lieu de croire que i ’inftitution des
juflices feigneuriales,àu moins pour les fimples juflices
qui n’ont aucun titre de dignité, .ell plus ancienne
que les fiefs tels qu’ils le formèrent dans le tems dont
on vient de parler, & que ces juflices font prefquç
suffi anciennes que l’établiffement de la monarchie,
qu’elles tirent leur origine du commandement militaire
que les poffeffeuri des bénéfices avoient fur
leurs hommes qu’ils menoient à la guerre ; ce commandement
entraîna depuis la jurildiÛion civile fur
ceux qui etoient fournis à leur conduite. Le roi com-
mandoit direôement aux comtes, marquis & ducs,
aux eveques, abb.és & abbeffes que l ’on comprenoit
fous les noms de druds, leudes ou fidèles ; il exer-
çoit fur. eux tous a êtes de jurifdiéhon; ceux-ci de
leur part faifoient la même chofe envers leurs vaf-
faux, appellés vajji dominai, vajji comuum , epifeo-
porum, abbatum, abbatijjarum ; ces vaffaux etoient
comme les pairs & les affefleurs des comtes & autres
grands qui rendoient avec eux la juflice, ils te-
noient eux-mêmes du roi .des bénéfices pour lefquels
ils faifoient hommage au comte ou autre qui étoit
leur fupérieur'& dans l’étendue de leur bénéfice, &
avoient droit de jurifdichon, mais leur pou voir étoit
moins grand que celui des comtes.
f Ces valfaux avoient fous eux d’autres vaffaux
'd un ordre inferieur,' delà vint fans doute la diftinc-:
îion fies juflices royales & des juflices Jeigneuriales &
ries différens degrés de jurifdiûion.
Les leudes, comtes & diics avoient tous au nom
du roi l’exercice entier de la juflice, appellée chez
le s Romains merum imperium, & parmi nous haute
juflice ; mais il n’en fut pas de même des juflices
exercées par leurs vaffaux & arriéré-vaffaux : on
diffingua dans ces juflices trois degrés de pouvoir
plus ou moins étendus, favoir la hapte, la moyenne
& la baffe juflice, & lés feigneurs inférieurs aux
leudes, comtes & ducs n’acquirent pas tous le même
degre de jurifdiûion ; les uns eurent la haute
'juflice, d autres la haute & la moyenne? d’autres la
moyenne feulement, d’autres enfin n’eurent que la
batte juflice; cette différence entre les vaffaux ou
■ feigneurs exerçans la juflice du degré plus ou moins
eminent qu ils avoient dans le commandement militaire.
Quoi qu’il en foit, l ’idée de ces trois fortes de juf-
tices feigneuriales .fut empruntée des Romains, chez
lefquels il y avoit pareillement trois degrés de jurif-
diftion, favoir lë merum imperium ou ju s gladii qui
revient à la^haute juflice ; le mixtum imperium que
l’on interprête par moyenne juflice y & le droit de
juflice appelle Jimplex jurifdiüio qui revient à peu
près à la baffe juflice.
Il nefaut cependant pas mefurer le pouvoir de
ces trois fortes de juflices Jeigneuriales fur les trois
degres de jurifdiôion que l’on diftinguoit chez les
Romains; car le magiftrat qui avoit le merum impe-
num , connoxffoit de toutes fortes d’affaires civiles
&c criminelles, & même fans appel; au lieu que
J U S
parmi nous le pouvoir du haiit-jufticïer eft limité à
certaines affairés. -
Le juge du feigneur haut-jufticier connoît en ma*
tiere civile de toutes caufes , de celles perfonnellëi
& mixtes entre fes fujets, ou lorfque le défendeur eft
fon fujet.
Il a droit dé créer & donner des tuteurs curateurs,
gardiens, d’émanciper, d’appofer lès fcèllés,’
de faire inventaire, de faire les decrets des biens fir
tués dans fon détroit-, •
Il «onnoit des caufes d’entre le feigneur & fes fujets
, pour ce qui concerne les domaines, droits, &
revenus ordinaires & cafuels de la feigneurie ? même
les baux de ces biens & droits. Mais il rie peut connoître
des autres caufes où le feigneur a intérêt,’
comme pour billets & obligations, ou réparation
d’injures.
Il y a encore d’autres caufes dont Ië juge haut jufti-
cier ne peut connoître, & qui font refervées adjuge
royal ; telles font celles qui concèrnent le domaine
du ro i, ou dans lefquelles le roi a intérêt, celles qui
regardent les officiers royaux, & de ceux qui ont
droit dé committimûs, lorfqu’ils veulent s’en l'ervir,
selles des églifes cathédrales, & autres privilégiées
& de fondation royale. -
Il ne peut pareillement connoître dès dixmes, à-
moins qu’elles ne foient inféodées & tenues en fief
du feigneur haut-jufticier ; le juge royal a même la
prévention.
Il ne peut encore connoître des fiefs, foit entre
nobles ou entre roturiers, ni des complaintes en
matière bénéficiale.
Anciennement i l ’ne pouvoit pas connoître de.s
caufes des nobles, mais la derniere jurifprudence
paroît les autorifer.
Suivant l’ordonnance de 1667 , tltrt ' 7 • 1« juge-,
mens definitifs donnés dans les matières fommàires,'
dans les juflices des duchés, pairies & autres, ref-
forriffent farts moyen au parlement, nonobftant op-
pofition ou appellation, & fans y préjudicier, quand
les condamnations ne font que de quarante livres,
& pour les autres juflices qui ne reffdrtiffent pas nué-
ment au parlement!, quand la condamnation n’eft
que.de 2 5 ,livres.
En matière criminelle, le juge du feigneur haut
jufticier connoît de toutes fortes de délits commis
dans fa juflice , pourvu que ce foit par des gens domiciliés,
& non par des vagabonds, & à l’exception
des cas royau x, tels que le crime de lefe-majefté
fauffe monnoie, affemblées illicites, v o ls , & affaf-
finats fur les. grands chemins; & autres crimes ex--
ceptés par l’ordonnance de 1670..
Il peut condamner à toutes fortes de peines affli-
â iv e s , même à mort ; & en conféquence, il doit
avoir des prifons sûres & un geôlier, & il a droit
d’avoir des fourches patibulaires , piloris, échelles
& poteaux à mettre carcan ; mais les fentences qui
condamnent à peine affliftive, ne peuvent être mi-
fes à exécution,. foit que l’accufé .s’en plaigne ou
non, qu’elles n’ayent été confirmées par le parle-*
ment.
L’appel des féntences du haut jufticier en matière
c ivile , doit êtçe porté devant le juge de feigneur
fupérieur, s’il en a un, linon au bailliage royal ; les
appels comme de juge incompétent & déni de renv
o i , &c ceux des jugeniens en matière criminelle,'
font portés au parlement omijfo médio.
Le juge haut-jufticier exerce aufli la police & la
voirie.
Le feigneur haut-jufticier jouit à caufe de fa ju flice
de plufieurs droits, favoir de la confifeation
des meubles & immeubles qui font en fa juflice, ex-,
cepté pour les. crimes de lefe-majëfté & de fauffe-
monnoie ; il a pareillement les déshérences &; biens
j U S
vacahs,Ies épaves ; il a la moitié des tréfors cachés
d’ancienneté, lorfque celui qui les découvre eft propriétaire
du fonds où ils font trouvés, & le tiers lorfque
le tréfor eft trouvé dans le fonds d’autrui.
La moyenne juflice connoît comme la haute de
toutes les caufes réelles, perfonnelles & mixtes &
des droits & devoirs dûs au feigneur, avec pouvoir
de condamner les fujets en l’amende portée par la
coutume ; mais On ne peut pas y faire d’adjudication
par decret.
Elle a la police des chemins & voiries publiques,
& l’infpeftion des poids & mefures ; elle peut Faire
mefurage & bornage, faire élire des meffiers, condamner
en l’amende .dûe pour le cens non payé.
A l’égard des matières criminelles, les coutumes
ne font pas uniformes par rapport au pouvoir qu’elles
donnent au moyen-jufticier.
Plufieurs coutumes lui donnent feulement le pouvoir
de connoître des délits légers d&nt l’amende
n’excede pas 6.0 fols parifis ; il peut néanmoins faire
prendre tous délinquans qui fe trouvent dans fon
territoire , les emprifonner, informer, tenir le pri-
lonnier l’efpace de 24 heures ; après quoi fi le crime
inérite plus grieve punition que 6.0 fols parifis .d’amende
, il doit faire conduire le prifonnier dans les
prifons du haut-jufticier, & y faire porter le procès
pour y être pourvû.
D ’autres coutumes, telles que celles de Picardie
ôc de Flandres, attribuent au moyen-jufticier la con-
noiflance des batteries qui vont jufqu’à effufion de
lang, pourvû que ce ne foit pas de guet-à-pens, &
la punition du larcin non capital.
D ’autres encore attribuent au moyen-jufticier la
connoiffance de tous les délits qui n’emportent pas
peine de mort, ni mutilation de membres.
Enfin, celles d’Anjou, Touraine & Maine, lui
attribuent la connoiflance du larcin , même capital,
& de l’homicide, pourvû que ce ne foit pas de guet-'
ù-pens.
Ces différences proviennent ou des conceffions
plus ou moins étendues, faites foit par le roi, ou par
les feigneurs dont les petites juflices relevoient
immédiatement, ou de ce que tes fèigneurs inférieurs
ont été plus ou moins entreprenans, & de la
pofleffion qu’ils ont acquife.
La baffe juflice qu’on appelle aufli en quelques
endroits juflice foncière , ou cehfuelle, connoît des
droits dûs aux feigneurs, tels que cens & rentes,
& de l’amende, du cens non payé, exhibition de
contrats, Iods & ventes. *
r Elle connoît aufli de toutes matières perfonnel-
îes entre les fujets du feigneur jufqu’à 50 fols parifis.
Elle exerce la police dans fon territoire, & con-
iioît des dégâts commis par des animaux , des injures
légères, & autres délits 4 dont l’amende ne pour-
roit être que dix fols parifis & au-deffous.
Lorfque le délit requiert une amende plus forte;
le bas-juftic:er doit en avertir le haut-jufticier; auquel
cas le premier prend fur l’amende qui eft adjugée
par le haut-jufticier la fournie de fix f. parifis.
Le juge bas-jufticier peut faire arrêter tous les
délinquans ; & pour cet effet., il doit avoir fergent
& prifon, à la charge auffi-tôt après la capture, de
faire mener le prifonnier au haut-jufticier avec l’information
, fans poüvoir décréter.
Le bas jufticier peut faire mefurage ôt bornage I
entre fes fujets de leur confentement.
En quelques pays il y a deux fortes de baffe-
jujlice ; l’une foncière ou cenfuelle, qui eft attachée
de droit à tout fief, & qui ne connoît que des droits
du leigneur ; l’autre perfonnelle, qui connoît de
toutes les matières dont la connoiflance appartient
communément aux baS-jufticicrs.
JUS 99
L’origine de la plûpart desjuflices feigneuriales eft
h ancienne, que la plûpart des feigneurs n’ont point
je titre primitif de conceffion, foit que leur juflice
foit dérivée du commandement militaire qu’avoient
leurs predeceffeurs, foit que ceux-ci l’ayent ufur-
pee dans des tems de trouble & de révolution.
Quoi qu’il en foit des juflius qui font établies ,
elles (ont toutes cenféès émanées du ro i, & lui feul
peut en concéder de nouvelles, ou lés réunir on démembrer;
lut feu! pareillement peut y créer de nou-
veaux offices.
Les j uflicesfeigneuriales font devenues patrimoniales
en meme tems que les bénéfices ont été transformes
en fiefs , & rendus héréditaires.
Uqe mêmt juflice peut s’étendre fur plufieurs fiefs
qui n appartiennent pas à celui qui a la juflice, mais
Y a pomt de juflice feigneuriale qui ne foit attachée
à un fief, & elle ne peut être vendue ni aliénée
lans ce fief.
^ Il<;*ennemeijt feigneurs rendoient eux-mêmes
la juflice ; cela étoit encore commun vers le milieu
du xij. fiecle. Les abbés la rendoient aufli en per-
lonne avec leurs religieux ; c’ eft pourquoi ils ne con-
noiffoient pas des grands crimes, tels que le duel,
1 adultéré, l’incendie, trahifon, & homicide ; mais
depuis on a obligé tous les feigneurs de commettre
des juges pour rendre là juflice en leur nom.
Il n’eft pas néceffaire que les juges de feigneurs
foient gradués, il fuffit qu’ils ayent d’ailleurs les autres
qualités néceffaires.
Ces juges font commis par le feigneur, & prêtent
ferment entre fes mains ; ils font révocables ad nutum,
mais ils ne peuvent être deftitués comme elo-
gio , fans caufe légitime ; & s’ils ont été pourvûs à
titre onéreux, ou pour récompenfe de fervices
réels, ils doivent être indemnifés.
Dans les fimples juflices non qualifiées il n’y a ordinairement.
qu’un feul juge ; il ne peut pas avoir dé
lieutenant, que le feigneur ne foit autorifé par lettres
patentes à en commettre un. *
k l abfence du juge c’ eft le plus ancien praticien
qui tient le fiége.
Dans les affaires criminelles les juges de feigneurs
font obligés d’appeller deux gradués pour juger conjointement
avec eux ; s’il y a deux juges officiers du
fiége, il fuffit d’appeller un gradué.
Le feigneur plaide dans la juflice par le miniftere
de fon procureur-fifcal ou procureur d’office, lequel
fait aufli toutes les fonctions du miniftere public
dans les autres affaires civiles & criminelles ; mais
fur l ’appel des fentences où le feigneur eft intéreffé;
c’eft le feigneur lui-même qui plaide en fon nom.
Les juges de feigneurs ont un fceau pour fceller
leurs fentences ; ils ont aufli des fergens pour les
mettre à exécution, & pour faire les autres exploits
de jiflice.
Les feigneurs même hauts jufticiers, n’ôntpas tous
droits de notariat & tabellionage , cela dépend des
titres ou de la pofleffion ou de la coutume.
Les juflices des duchés & comtés-pairies, & autres
grandes terres titrées, ne font que des juflius
feigneuriales, de même que les fimples juflices. Les
pairies ont feulement la prérogative de reflortir
nuement au parlement ; les juges de ces juflius pairies
prennent le titre de lieutenant général, & en
quelques endroits ils ont un lieutenant particulier*
Dans les châtellenies les juges font nommés chd-
telaihs, dans les fimples juflices, prévôts ou baillifs ;
dans les bafl'es juflices, ils ne doivent avoir que le
titre de maire, mais tout cela dépend beaucoup de
l’ufage. Voye^ Loifeau, des fùgneuries , chap. iv. &
fuiv. Bacquet, des droits de juflice > & Pairie , SEIGNEUR.
( A )
n