ce Tel que nous propofe notre auteur, & qui eft celle
qu ’on pratique dans les Alpes du côté de la Suifl’e.
On prépare dans ce pays deux efpeces de fucre de
lait ; l’une eft en cryftaux , l’autre fe vend fous la
forme de tablettes. La derniere efpece fe fait de cette
maniéré : on écréme le Lait à l’ordinaire; on le fait
prendre enfuite avec de la préfure pour en tirer le
petit-lait que i’on filtre à travers un linge propre, &c
que l’on fait évaporer fur un feu lent, en le remuant
doucement, jufqu’à ce qu’il foit réduit en confiftence
de miel. Quand il eft épaiffi de cette façon on le
- moule, on lui donne différentes figures &c on le fait
féchcr au foleil ; c’eft ce qu’on appelle fucrt de lait en
tablettes.
L’autre efpece fe tire de la précédente. On fait
diffoudre dans de l’eau le fucre de lait en tablettes,
on le clarifie avec le blanc-d’oeuf, on le paffe à la
chauffe, on le fait épaifiir par l’évaporation jufqu’à
ce qu’il ait la confiftence d’un firop, & on le met
repofer pour que la cryftallifation fe faffe. Les cryftaux
fe trouvent féparés formant des maffes. .cubiques,
brillantes & très-blanches ; ils font attachés
aux parties du vafe par couches. Si l’on veut encore
faire épaifiir la liqueur qui refte & la mettre en repos,
on en retire de nouveaux cryftaux; on peut
répéter ce manuel trois fois. Les premiers cryftaux
font d’un blanc éblouiffant ; les féconds font paillés ;
les derniers font d’une couleur brune. En les faifant
diffoudre de nouveau dans de l’eau pure, & répétant
la clarification, la filtration & la cryftallifation
, on peut porter les derniers au degré de blancheur
des premiers.
L ’auteur' prétend que, quoique le lait de tous les
animaux foit propre à fournir du fel effentiel, cependant
celui de la femme eft le meilleur, enluite
ceux d’aneffe, de chevre & de vache.
Le fel effentiel de lait eft très-foluble dans l’eau ;
mais le différent degré de chaleur de ce menftrue
fait varier confidérablement la proportion dans laquelle
fe fait cette diffolution. line once d’eau bouillante
diffout parfaitement fept gros de fucre de lait,
tandis que la même quantité a bien de la peine à
fondre dans une livre d’eau qui n’étoit refroidie que
jufqu’au 160 degré du thermomètre deFareneîth.
Quant aux vertus médicinales du fucrt de lait
notre auteur remarque que s ’il convient d’avoir
égard aux éloges que Boerhaave & Hoffman ont donnés
au fucre ordinaire, on doit les accorder à plus
forte raifon au fucre de lait. Le fel effentiel de lait
produit le même effet que le petit-lait, qui n’eft que
le même remede plus étendu. On peut employer le
premier avec avantage pour les eftomacs pareffeux
qui ne font pas en état de foutenir de grandes boif-
fons. Lorfque le petit-lait eft indiqué pour de pareils
lujets, on peut y fubftituer du fucre de lait diffous
dans une liqueur convenable à l’état & aux forces
du malade. T efti, Aloÿfius Afabra, & beaucoup
d’autres auteurs le croient merveilleux dans les af-
feêlions goutteufes & rhumatifmales ; notre auteur
ne croit pas beaucoup à cette propriété que fon expérience
a conftamment démentie. Extrait d'un écrit
de M. Vuilyamoz, médecin de Laufang, inféré dans
le receuil périodique cTobfervations de médecine, & c . i
pour le mois de Décembre i j 56.
On diftribue dans le royaume une efpece de placard
ou mémoire fur la nature & l’ufage du fucre
de lait de Suiffe qui fe vend dans plufieurs villes du
royaume, & principalement à Lyon. Il eft dit dans
ce mémoire que ce précieux remede convient fort
lorfqu’on foupçonne d’avoir quelques reftes de maux
qu’on emploie à rainer le fucre ordinaire , c’eft-à-dire par
l’emploi convenable de la chaux vive & d'une glaife blanche
& pure. Voyc{ Ra f in e r ie cu ü a f in ag e du sucre au
mot S u c r e .
vénériens qu’il eft très-propre pour les enfans
qui peuvent avoir apporté cette maladie en naiffant,
ou qui ont fucé quelques nourrices infeélées. Tout
médecin raifonnable peut affurpr très-pofitivement
au contraire que leJ'ucrede lait eft un remede impuif-
fant dans l’un & dans l ’autre cas.
Tout ce qu’on fait de la nature du fucre de lait,
c’eft que c’eft une matière de la claffe des corps muqueux
du genre des corps doux, & de l’efpecede
ces corps qui eft cara&érifée par la propriété de.
prendre une forme concrète. Le fucre de lait eft dif-.
tingue dans cette divifion par la moindre -pente à
fubir la fermentation fpiriiueufe, & par un degré
de douceur beaucoup moindre que celle des fucres
végétaux avec lefqtiels il a d’ailleurs beaucoup d’analogie.
f 'é y ^ D o u x , Muqueux & Su cre.
Lait d if illé. Le petit-lait diù.ïilé au bain-marie
qui a été mis au nombre des mécficamens,,, doit être
rejette dans la clafîé des eaux diftillées parfaitement
inutiles. Celle-ci eft recommandée principalement
comme cofmétique ; mais on peut avancer que la
très-petite quantité & l ’extrême fubtiiité des principes
propres du lait qui s’élèvent avec ,la partie
aqueufe dans la diftillation, & qui donnent à l’eau
de lait diftillée une odeur, de lait très-reconnoiffa-.
b le , ne fauroit cependant lui communiquer aucune
vertu médicamenteufe. On doit penfer la même
chofe de l’eau diftillée de limaçons avec le petit-lait,
qui eft décrite dans la plupart des difpenfaires fous
le nom d'eau de limaçon,. & d’une autre eau plus
compofée, connue fous le nom à'eau de lait aléxite-
re : du moins e ft-il certain que cette eau dont les
autres ingrédiens font de chardon-bénit, la feabieu-
fe , la reine des prés, la méliffe, la menthe & l’angélique
, ne doit fa vertu médicinale qu’à la plupart
de ces plantes qui contiennent un principe aélif &
yo la til, & plus généralement que, l’eau de lait ale-
xitere, eft une préparation fort mal-entendue.
Le petit-lait entre dans la compofitibn de la con-
feétion-hamec, & en eft un ingrédient fort ridicule. BL
a j t v i r g i n a l , ( Chimie, Mat. méd. ) les Phar-
macopiftes ont donné ce nom à plufieurs liqueurs
rendues laiteufes, c’eft-à-dire opaques & blanches,
par un précipité blanc & très-léger, formé & fuf-
pendu dans leur fein.
Celle de ces liqueurs la plus connue eft une teinture
de benjoin précipitée par l’eau. Une réfine quelconque,
diffoute dans l’efprit-de-vin , & précipitée
par l’eau, fourniroit un lait virginal pareil à celui-
ci , qui n’a prévalu dans l’ufage que par l’odeur
agréable & î ’âcreté modérée du benjoin. Le lait
virginal du benjoin eft un remede externe, recommandé
contre les taches du vifage ; ce cofmétique
n’a , dans la plupart de ces cas, qu’ufi fuccès fort
médiocre. Foye^ Ben jo in , R ésine & T einture.
Une autre liqueur fort différente de la précédente,
& qui porte le nom de lait virginal dans quelques
livres claflîques, dans la Chimie de Lemery, par
exemple, c’eft le vinaigre de Saturne précipité par
l’eau. Ce remede eft vanté contre les dartres, les
éruptions éréfipélatenfes, & prefque toutes les maladies
de la peau. Son ufage mérite quelque confidé-
ration dans la pratique, à caufe de fa qualité réper-
cufiïve. Foye{ Repercussif & Plom b . (b)
L a i t , maladies qui dépendent du, ( Méd. Patholo-
gie. ) nous ne confidérons le lait dans cet article que
comme caufe de maladie, comme contribuant à
grofîir le nombre de celles qui attaquent fpéciale-
ment cette moitié aimable du genre humain, & qui
lui font payer bien cher la beauté, les agrémens &
toutes les prérogatives qu’elle a par-deffus l’autre.
Les maladies les plus communes excitées par le lait
font la fièvre de lait, le lait répanduy le caillement de
lait dans les mamelles, & le poil de lait. On pourroit
encore ajouter aux maladies dont le lait eft la four-
c e , celles qu’il occafionne dans les enfans lorfqu’il
eft altéré. Ces machines délicates, avides à recevoir
les plus légères impreflions, faciles ( cerei ) à s’y
plier, fe reffentent d’abord des vices de cette liqueur
leur feule nourriture, & elles en portent les funeftes
marques pendant tout le cours d’une vie Ianguiffante
& maladive; quelquefois ils payent par une mort
prompte les dérangemens d’une nourrice infeêlée ou
trop emportée dans fes pallions. C ’eft un fait confirmé
par l ’expérience de. tous les jours, que le lait
d’une femme en colere fa it, dans les petits enfans
qui le fucent, l’effet d’un poifon aélif; & perfonne
n’ignore que l’obftruûion des glandes du méfentere,
l ’atrophie, le rachitis, &c. ne doivent le .plus fou-
vent être imputés qu’à un lait vicieux, & fur-tout à
celui qui eft fourni par une nourrice enceinte, qui
pour n’être pas privée d’un gain mercenaire, immole
cruellement ces innocentes vidimes à fes plai-
firs & à fa cupidité. Nous ne pourfuivrons pas cette
matière, parce qu’elle eft traitée plus au long aux
articles particuliers des M a l a d i e s des enfans ; nous
nous bornerons ici à l’expofition fuccinte des maladies
produites immédiatement par le lait dans les
femmes.
Fievre de la it , febris laclea. D ’abord que la matrice
a été débarraffée par l’accouchement de l’enfant
qu’elle contenoit, elle fe refferre; les humeurs
qui s’y étoient ramaffées s’écoulent, les fucs nourriciers
qui y abordoient, deftinés à la nourriture de
l’enfant, prennent une autre route ; ils fe portent
aux mamelles , & concourent à y former le vrai
lait alimenteux, bien différent de cette humeur tenue
&. blanchâtre qui y étoit contenue pendant la
groffeffe, & qui n’a voit rien que de défagréàble au
goût & de nuifible à l’eftomac ; les mamelles pa-
roîtront alors gonflées, diftendues, raffermies par
le lait qui en remplit & dilate les vaiffeaux. Sa quantité
augmente à chaque inftant, & fi l’enfant en tétant
ne vient la diminuer, ou fi on ne l’exprime de
qyelqu’autré façon, les mamelles fe tendent, deviennent
douloureufes , s’enflamment, le lait s’y
épaiflît, empêche l’abord de celui qui vient après,
qui reflue ou refte fans être féparé dans les vaiffeaux
fanguins, & y forme une pléthore de lait. Cette
humeur pour lors étrangère dans le fang, trouble ,
gêne, dérange, & fans doute par-là même anime le ;
mouvement inteftin, & y excite la fievre qu’on ap- I
pelle pour cela fievre de lait. Quelques auteurs ont
prétendu qu’elle n’étoit qu’une fuite du trouble, du I
défordre de l’accouchement & de l’agitation des
humeurs, obligées dans ces circonftances à fe frayer
de nouvelles routes. C ’eft ainfi qu’Hoffman penfe
qu’elle eft produite par les humeurs qui v on t, dit-il,
de la matrice aux mamelles, & qui en irritent les
nerfs. ( De febrib. fymptomat. fecl. //. capit. xiv.
tom. I I . ) Mais pour faire appercevoir tout le faux
& l’inconféquent de cette aflertion, il fuffit de remarquer,
1°. que cette fievre ne fe manifefte que
le trois ou quatrième jour après l’accouchement ;
z ° . qu’elle ne s’obferve bien fenfible que chez les
perfonnes qui ne veulent pas allaiter; les femmes
qui nourriffent elles - mêmes leurs enfans, en font
prcfqu’entierement exemptes. Cette fievre n’a aucun
fymptome particulier que la douleur tenfive des
mamelles , qui fe continue jufques fous les aiffel-
le s , au dos Ô£ aux épaules ; il n’eft pas rare de la
voir compliquée avec la fievre miliaire. Elle fe termine
ordinairement en trois ou quatre jours fans accident
fâcheux ; bien plus, elle fert plus que tout
autre remede à diffiper le lait, à le faire paffer ; elle
en procure l’évacuation par les fueurs principalement
qui font aflèz abondantes, Lorfque la fuppreffion
des vuidanges fe joint à cette maladie, elle en
augmente beaucoup le danger ; & l’on a tout fujet
de craindre une mort prochaine, fi Ton obferve en
même tems pefanteur de tête & tintement d’oreille ;
fi 1 oppreftion eft grande, le pouls foible, petit,
refferre, &c. Si le délire eft confidérable, &c. elle
eft alors une jufte punition de la plupart des femmes,
qui, fous le fpécieux prétexte d’une exceftive
délicateffe, d’une fanté peu folide, d’une foible
complexion , ou Amplement pour éviter les peines
attachées à l’état de nourrice , refufent d’allaiter
elles-mêmes leurs enfans, Te fouftrayant par-là à
une des lois les plus facrées de la nature, & confient
cet emploi important & périlleux à des nourrices
mercenaires, à des domeftiques, le plus fouvent au
grand préjudice des enfans.
■ Cette fievre n’exige aucun lecours, lorfqu’elle eft
contenue dans les bornesordinaires ; il fuffit d’aftrein-
dre la nouvelle accouchée à un régime exa& ; le
moindre excès dans le manger peut avoir de très-
fâcheux inconvéniens ; la diete un peu févere a outre
cela l’avantage réel d’empêcher une abondante
fecretion du lait. 11 faut avoir loin de tenir toujours
les mamelles enveloppées de linges chauds; on
peut meme les humeâer avec les décollions d’anis,
de fenouil, de menthe, de fleurs de fureau , plantes
dont l’ufage eft prefque çonfacré pour favorifer
■ Ja diffipation du lait. Si la fievre miliaire fe met de
la partie, il faudra recourir aux légers cordiaux &
diaphoniques, quelquefois aux velicatoires. Foye^
F i e v r e m i l i a i r e . Si le cours dts vuidanges eft dérangé
, diminué ou fufpendu totalement, il faut
| tourner principalement fes vues de ce côté, & em-
: ployer les fecours propres à remettre cette excrétion
dans Ion état naturel. Foyeç V u id an g e s .
Lait répandu. Le lait répandu ou épanché ne forme
pas une maladie particulière qui ait fes fymp-
tomes propres; il eft plutôt la fource d’une infinité
de maladies différentes, d’autant plus funeftes qu’elles
relient plus long-tems cachées , & qu’elles tardent
plus à fe développer : c’eft un levain vicieux
qui altéré fourdement le fang, & imprime aux humeurs
un mauvais cara&ere, Ôc qui prépare ainfi de
lo in , tantôt des ophtalmies, tantôt des ulcérés,
quelquefois des tumeurs dans différentes parties ;
chez quelques femmes des attaques de vapeurs, dans
d’autres une fuite d’indifpofitions fouvent plus fâ-
cheufes que des maladies décidées. Toutes ces maladies
, effets du lait répandu , font ordinairement
rebelles, & cedent rarement aux renledes ufités •
c’eft auffi une tradition qui fe perpétue chez les femmes,
que ces fortes d’accidens font incurables ; on
voit que cette tradition n’eft pas tout-àrfait fans fondement
: au refte une des grandes caufes d’incurabilité
, eft que dans le traitement on perd de vue cet
objet, on oublie, ou l’on ne fait pas attention que
la maladie eft produite, ou entretenue par un lait
répandu ; ce qui donne occafion au repompement
& à l’épanchement du lait, c’eft l’inattention & l’imprudence
des nourrices, qui étant dans le deflèiif de
ne plus nourrir, négligent tous les fecours propres
à faire perdre leur lait, ou fe contentent de quelques
applications extérieures, inéfficaces, ou trop
a&ives , fans continuer pendant quelque tems de fe
faire teter, ou d’exprimer elles-mêmes leur lait fur-
abondant. La même chofe arrive aux nouvelles accouchées
qui ne veulent pas allaiter, lorfque la fievre
de lait eft foible & de courte durée, & qu’elle
n’eft point fuppléée par des vuidanges abondantes
ou quelqu’autre excrétion augmentée : alors le lait
repompé dans le fang, fe mêle avec lui, & l’altere
infenfiblement.
11 eft plus facile de prévenir les defordres du lait
répandu; que de les réparer ou de les faire ceffer;