cft un fluide de cette efpecc, on peut conclure de-là
que la lune doit avoir fon air ; 8c puifque la differente
denfité de notre air dépend de fa différentegravité
6c élafticité , il faut donc auffi attribuer la différente
denfité de l’ air lunaire à la même caufe. Nous ayons
de plus obfervé que l’air lunaire n’eft pas toujours
également tranfparent, qu’il change quelquefois les
figures fphériques des étoiles en ovales, & que dans
quelques-unes des éclipfes totales dont nous avons
parlé , on a apperçu immédiatement avant l’immer-
fion un tremblement dans le limbe de la lune avec
une apparence d’une fumée claire 8c légère qui fe
tenoit fufpendue au-deffus durant l’immerfion, &
qui s’eft fait fort remarquer en particulier en Angleterre
; 8c comme ces mêmes phénomènes s’obfervent
auffi dans notre air quand il eft plein de vapeur , il
cft donc prelque fur que lorfqu’on les obferve dans
l’atmofphere de la lune, cette atmofphere doit être
alors pleine de vapeurs 8c d’exhalaifons : enfin puifque
dans d’autres tems l’air de la lune eft clair 8c
tranfparent , 8c qu’il ne produit aucun de ces phénomènes
, il s’enfuit auffi que les vapeurs ont été
alors précipitées fur la lune , 8c qu’il faut par confé-
quent qu’il foit tombé fur cet aftre de la rofée, de la
pluie ou de la neige.
Cependant d’autres aftronomes prétendent que
quand des étoiles s’approchent de la lune, elles ne
paroiffent fouffrir aucune réfraêlion, ce qui prouve-
roit que la lune n’ a point d’atmofphere , du-moins
telle que notre terre. Ils ajoutent qu’il y a beaucoup
•d’apparence que fur la lune il n’y a jamais de nuages*,'
ni de pluies. Car s’il s’y trouvoit des nuages,
on les verroit, difent-ils , fe répandre indifféremment
fur toutes les régions du dil'que apparent, en
forte que ces mêmes régions nous feroient fouvent
-cachées : or c’eft ce qu’on n’a point obfervé. Il faut
donc que le ciel de la lune foit parfaitement ferein.
Cependant les nuages pourroient fe trouver dans la
partie de Patmofphere qui n’eft point éclairée du foleil
: car la chaleur qui eft très-grande dans la partie
éclairée, l’unique hémifphere qu’il nous eft permis
d’appercevoir, cette chaleur, dis-je , excitée par
les rayons du foleil qui éclairent fans difcontinuer
ces régions de la lune pendant près de quinze fois
24 heures, fuffit, ce femble, pour raréfier l’atmof-
phere de la lune. De plus, au fujet de cette atmofphere
, M. le Monnier dit avoir remarqué en
1736 & 1738 , que l’étoile Aldebaran s’avançoit en
plein jour un peu fur le difque éclairé de la lune , oit
cetté même étoile difparut enfuite après avoir entamé
trcs-fenfiblement le difque , 6c cela vers le
diamètre horifontal de la lune.
8°. La lune eft donc à tous égards un corps fem-
blable à la terre, & qui paroît propre aux mêmes
fins jen effet, nous avons fait voir qu’elle eft denfe,
opaque , qu’ellé^à des montagnes & des vallées ;
félon plufieurs auteurs , elle a des mers avec des
•îles, des péninfules , des rochers 8c des promontoires
, une atmofphere changeant oit les vapeurs 8c
les exhalaifons peuvent s’élever pour y retomber en-
fuite ; enfin elle a un jour & une nuit, un foleil pour
éclairer l’un , & une lune pour éclairer l’autre , un
été & un hiver , &c.
On peut encore conclure de-là par analogie une
infinité d’autres propriétés dans la lune. Les chan-
gemëns auxquels fon atmofphere eft fujette, doivent
produire des vents & d’autres météores, 8c, fuivant
les différentes faifons de l’année , des pluies, des
brouillards, de la gelée, de la neige, &c. Les inégalités
de la furface de la lune doivent produire de leur
côté des lacs , des rivières , des fources, &c.
Or comme nous favons que la nature ne produit
rien en vain, que les pluies 8c les rofées tombent
fur notre terre pour faire végéter les plantes, 8c que
les plantes prennent racine , croiflént & produifent
des femences pour nourrir des animaux ; comme
nous favons d’ailleurs que la nature eft uniforme 6c
confiante dans fes procédés, que les mêmes chofes
fervent aux mêmes fins : pourquoi ne conclurions-
nous donc pas qu’il y a dés plantes & des animaux:
dans la lune ? A quoi bon fans cela cet appareil de
provifions qui paroît fi bien leur être deftiné ? Ces
preuves recevront une nouvelle force , quand nous
ferons voir que notre terre eft elle-même une planète
, 6c que fi on la voyoit des autres planètes, elle
paroîtroit dans l’une femblable à la lune, dans d’autres
à Vénus , dans d’autres à Jupiter, 6cc. En effet,
cette reffemblance, foit optique, foit phyficjue, en-'-
tre les différentes planètes, fournit une préfomption
bien forte qu’il s’y trouve les mêmes chofes. Voye^
T e r r e & P l a n e t e .
Moyen de mefurer la hauteur des montagnes de la
lune. Soit E D ,fig. 19. le diamètre de la „lune ,E C D
le terme de la lumière & de l’ombre , & A le fom-
met d’une montagne fitué dans la partie obfcure,
lequel commence à être éclairé ; obfervez avec un
télefcope le rapport que A E , c’eft-à-dire la diftance
du point A à la ligne Oit la lumière commence,
aura avec le diamètre E D , 6c vous aurez par-là
deux côtés d’un triangle reélangle, favoir A E , C E ,
dont les quarrés étant ajoutés enfemble, donneront
le quarré du 3e, roye^HYPOTHÉNDSE ; vous fouf-
trairez de ce 3e côté le rayon C E , 6c il reliera
A B hauteur de la montagne. Riccioli a diftingué
les différentes parties de la lune par les noms des
plus célébrés favans, 6c c’eft par ces noms qu’on les
marque toujours dans les obfervations des éclipfes
de lune , 6cc. Voye^ en la figure, PL ajiron.fig. 20. •
Parmi les autres obfervateurs qui ont tâché de re-
préfenter la figure de la lune, telle qu’on i’apperçoit
avec des lunettes ordinaires, on compte principalement
Langrenus, Hevelius & Grima ldi. Us ont fur-
tout repréfenté dans leur fénélographie., oudefcrip-
tion de la lune , les plus belles taches. Hevelius qui
v appréhendoit les guerres civiles qui fe feroient élevées
entre les Philofophes modernes , fi on donnoit
leurs noms aux taches de la lune, au lieu de leur distribuer
tout ce domaine, comme il fe l’étoit propofe,
jugea à propos d’y appliquer des noms de notre Géographie.
Il eft vrai que ces taches ne reffemblent
j guere, tant par rapport à leurs fituations qu’à leurs
figures , aux mers 6c aux continens de notre terre ,
dont ils portent le nom ; cependant on a recommandé
jufqu’ici aux Aftronomes, ces noms géographiques
, qui ne fauroient leur devenir trop familiers.,
principalement à ceux qui veulent étudier
dans Ptolomée la Géographie ancienne.
M. le Monnier prétend que de toutes les figures de
la lune qui ont été publiées jufqu’ici, celles qui ont été
gravées en 1635 par le fameux D. Mellan, par ordre
cle Peirefe, fur les obfervations de Gaffendi, 8c
qui confifte en trois phafes ( dont l’une repréfente
la pleine lune, Ôc'les deux autres le premier quartier
& le décours), font fans contredit les meilleures 6c
les plus reffemblantes. Quoiqu’il n’y ait pas plus de
vingt ans qu’elles font devenues plubliques, .ces mêmes
phafes font néanmoins des plus anciennes, puisqu'elles
ont précédé celles d’Hevelius 6c de Riccioli,
qui font celles qu’on a-le plus imitées, 8c dont.les
Aftronomes ont le plus fait d’ufage jufqu’à ce jour.
M. le Monnier a donné dans fes inftitutions aftro-
nomiques, pag. 140 , trois différentes figures ou
phafes de la lune. La première eft celle qu’Hevelius
a publiée en 1645 , avec les termes de la plus grande
& de la plus petite libration ; la fécondé a été publiée
pour la première fois dans les mém. de l’académie
royale des Sciences , pour l’année 1692 ; les
termes de la plus grande 6c de la «plus petite libra-.
tîonn’y font point marqués, mais feulement la fibration
moyenne , c’eft-à-^dire les termes entre la plus
grande & la plus petite. La troifietnetable que-donne
M.,le Monnier eft celle des PP. Grimaldi 6c Ric-
f io.ii, avec la plus grande 6c la plus petite libration.
Ces trois figures du difque de la lune font affez différentes.
entr’elleSi
On a attribué autrefois beaucoup de puiffance à
la lune fur les corps terreftres , 6c plufieurs perfon-
nes. font -encore dans cette opinion , que les Philofophes
regardent comme chimérique. Cependant fi
on examine la chofe avec attention , il ne doit point
paroître impoffible que la lune ne puiffe avoir beaucoup
d’influence fur l’air que nous refpirons 6c les
différens effets que nous obfervons. Il eft certain que
le foleil 6c la lune fu r - to u t , agiffent fur l’Océan ,
& fen caufent le flux & le reflux. Or fi l’aûion de
ces affres eft fi fenfiblè fur la maffe des eaux , pourquoi
ne le fera-t-elle pas fur l’atmofphere qui les
couvre ? Pourquoi ne caüfera-t-elle pas dans cette
atmofpnere des mouvemens & des altérations fen-
fibles ? Il eft vrai que le vulgaire tombe dans beaucoup
d’erreurs à ce fujet, & nous ne prétendons
point adopter tous les préjugés fur la nouvelle lune,
lur les effets de la lune, tant en croiffant ou en décours
, fur les remedes qu’il faut faire quand la lune
eft dans certains lignes du zodiaque ; mais nous
croyons pouvoir dire que plufieurs vents, par exemple
, 6c les effets qui en réfultent, peuvent être attribués
très-vraiffemblablement à l’a&ion de la lune;
que par fon aétion fur l’air que nous refpirons, elle
peut changer la difpofition de nos corps, 6c occa-
fionner des maladies : il eft vrai que comme les dé-
rangemens qui arrivent dans l’atmofphere ont encore
une infinité d’autres caufes dont la loi ne paroît
point réglée, les effets particuliers de la lune fe trouvant
mêlés 6c combinés avec une infinité d’autres,
font par cette raifon très-difficiles à connoître 8e à
diftinguer ; mais cela n’empêche pas qu’ils ne foient
réels , 6c dignes de l’obfervation des Philofophes.
LedoéleurMead, célébré médecin anglois, a fait un
livre qui a pour titre, de imperio folis ac lunce in cor-
port humano , de l’empire du foleil 8c de la lune fur
les corps humains.
Jufqu’ici nous n’avons prefque fait que traduire
l ’article lune tel qu’il fe trouve à peu-près dans l’encyclopédie
angloife, 8c nous y avons joint quelques
remarques tirees de différens auteurs, entr’autres
des inftitutions aftronomiques de M. le Monnier. Il
s’agit à préfent d’entrer dans le détail de ce que les
favans de notre fiecle ont ajouté à la théorie de M.
Newton.
Ce qu’on a lu jufqu’ici dans cet article contient
les phénomènes du mouvement de la lune, tels à
peu-près que les obfervations les ont fait connoître
lucceffivement aux Aftronomes, 6c tels que M. Newton
a tenté de les expliquer : nous difons a tenté, car
quelque eftimable que foit l’eflai de théorie que ce
grand homme nous a donné fur ce fujet, on a dû
v o i r , par ce qui précédé, que cet effai laiffe encore
beaucoup à defirer ; la raifon en eft que M. Newton
ri’avoit point réfolu le problème fondamental, né-
ceffaire pour trouver les différentes irrégularités de
la lune ; ce problème confifte à déterminer au moins
par approximation, l’équation dé l’orbite que la
lune décrit autour de la terre ; c’eft une branche du
problème fameux connu fous le nom du problème des
trois corps. Voyt{ PROBLÈME DES TROIS CORPS.
La lune e ft a t t ir é e v e r s la te r r e en ra i fo n in v e r fe
d u q u a r r é d e la d i f t a n c e , fu iv a n t la lo i g én é r a le d e
la g r a v i t a t io n (voye^ G r a v i t a t i o n ) , 8c en m êm e
tem s e lle e ft a t t ir é e p a r le fo le il ; m a is com m e la
Tome IX,
terre eft auffi attirée par ce dernier aftre , 8c qu’il
s’agit ici non du mouvement abfolu de la lune, mais
de fon mouvement par rapport à la terre, il faut
transporter à la lune en fens contraire, l’aélion du
foleil fur la terre , ainfi que la force avec laquelle la
lune agit fur la terre (voye^ les mém. de l'académie dt
'74^ ■> Paë • 3 ^ 0 > & en combinant ces différentes
a étions avec la force de gravitation de la lune vers
la terre , il en réful'tera deux forces, l’une dirigée
vers la terre , l’autre perpendiculaire au rayon vecteur.
La force dirigée vers la terre eft compofée de
deux parties , dont l’une eft la force d’attraélion de
la lune vers la terre, 8c PaUtre eft très-petite par rapport
à celle-là , 6c dépendante de celle du foleil. II
s’agit donc de trouver l’équation de la courbe , que
la lune décrit en vertu de ces forces , 6c fon intégration
approchée ; or c’eft ce que M. Euler M.
Clairaut 6c moi, avons trouvé en 1747 par différentes
méthodes, qui toutes s’accordent quant au
réfultat. Je donnerai au mot P r o b l è m e d e s t r o i s
c o r p s , une idée de la mienn^ qui me paroît la
plus fimple de tontes ; mais quelque jugement qu’on
en porte, il eft certain que les tfois méthodes con-
duifent exactement aux mêmes ëônclufions. La feule
difficulté eft dans la longueur peut-être du calcul.
On peut en voir la preuve dans les ouvrages que
Meilleurs Euler , Clairaut 6c moi, avons publiés fur
ce fujet. Celui de M. Euler a pour titre Theoria mto*
tus lunoe ; celui de M. Clairaut eft la pièce qui a
remporté le prix à Petersbourg en 1 7 5 1 ,8c le mien
eft intitulé Recherches Jur différens points importons du
fyjlemt du monde.
M. Euler eft le premier qui ait imaginé de donner
aux tables de la lune une nouvelle forme différente
de celle de M. Newton ; au lieu de faire varier l’équation
du centre , il regarde l’excentricité comme
confiante, 8c il ajoute à l’équation du centre une
autre équation qu’on peut appeller éveclion (voyer
E v e c t i o n ) , 6c qui fait à peu-près le même effet
que la variation fuppofée par M. Newton à l’excentricité
, 8t au mouvement de l’apogée. M. Euler a
publié le premier des tables fuivant cette nouvelle
forme , 6c dans lefquelles il a fait encore quelques
autres changemens à la forme des tables de M. Newton
; on peut voir fur cela le premier volume de fes
opufcules , Berlin 1746 : mais fes tables très-commodes
6c très-expéditives pour le calcul, avoient le
défaut de n’être pas affez exaéles. M. Mayer, célébré
aftronome de Gottingue, a perfectionné ces
mêmes tables, en fuivant la théorie de M. Euler,
8c en la corrigeant par les obfervations ; du refte il
a confervé la forme donnée par M. Euler aux tables
de la lune, 6c il l’a même encore Amplifiée ; par ce
moyen il a formé de nouvelles tables , qui ont paru
en 1753 , dans le fécond volume des mém. de l'acad.
de Gottingen, 6c qui ont l’avantage d’être jufqu’icï
les plus commodes & les plus exactes que l’on con-
noilfe ; auffi l’académie royale des Sciences de Paris
les a-t-elle adoptées par préférence à toutes les autres
, dans la connoiffahce des tems pour l’année
1760; cependant malgré toutes les raifons qu’on a
de croire les tables de M. Mayer plus exaûes que
les autres, il eft néceffaire, pour n’avoir aucun doute
là-deflus, de les comparer à un plus grand nombre
d’obfervations ; 6c j’ai expofé dans la troifieme partie
de mes recherchesfurieJÿjlème du monde, les doutes
qu’on pourroit encore former fur l’exaftitude de ces
mêmes tables , ou du-moins les raifons de fufpendre
fon jugement à cet égard, jufqu’à ce qu’on en ait fait
une plus longue épreuve.
M. Clairaut 6c moi avons auffi publié des tables
de la lune fuivant notre théorie ; celles de M. Clairaut,
qui font moins exa&es que celles de M. Mayer
ont encore l’inconvénient de demander beaucoup
A A a a a ij