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ment embrafées par le feu , & prendre garde que le
plâtre ne foit trop cuit ; car alors il devient aride
8c fans liaifon , & perd la qualité que les ouvriers
appellent l'amour du plâtre ; la même chofe peut arriver
encore à celui qui auroit confervé trop d’humidité
, pour s’être trouvé pendant la cuiffon à une
des extrémités du four.
Le plâtre bien cuit fe connoît lorfqu’en le maniant
on fent une efpece d’onâuofité ou graille,
qui s’attache aux doigts ; ce qui fait qu’en l’employant
il prend promptement, fe durcit de même,
& fait une bonne liaifon ; ce qui n’arrive point lorf-
qu’il a été mal cuit.
Il doit être employé le plutôt qu’il eft poffible,
en fortant du four, fi cela fe peut : car étant cuit,
il devient une efpece de chaux, dont les efprits ne
peuvent jamais être trop-tôt fixés : du-moins n on ne
peut l’employer fur le champ, faut-il le tenir à couvert
dans des lieux fecs ôc à l ’abri du foleil ; car l’humidité
en diminue la force , l’air diffipe fes efprits
Ôc l’évente, & le foleil l’échauffe 8c le fait fermenter
: reffemblant en quelque forte, fuivant M. Beli-
dor, à une liqueur exquife qui n’a de faveur qu’au-
tant qu’on a eu foin d’empêcher fes efprits de s’évaporer.
Cependant lorfque dans un pays où il eft
ch e r , on eft obligé de le conferver, il faut alors
avoir foin de le ferrer dans des tonneaux bien fermés
de toute pa rt, le placer dans un lieu bien fe c ,
^ l e garder le moins de teins qu’il eft poffible.
Si l’on avoit quelque ouvrage de conféquence à
faire , 8c qu’il fallût pour cela du plâtre cuit à propos,
il faudroit alors envoyer à la carrière, prendre
celui qui fe trouve au milieu du foor, étant ordinairement
plutôt cuit que celui des extrémités. Je dis
au milieu du four , parce que les ouvriers ont bien
foin de ne jamais Ielaiffer trop cuire , étant de leur
intérêt de confommer moins de bois. Sans cette
précaution, on eft fûr d’avoir toujours de mauvais
plâtre : car , après la cuiffon, ils le mêlent tout en-
femble ; 8c quand il eft en poudre, celui des extrémités
du four & celui du milieu font confondus. Ce
dernier qui eût été excellent, s’il avoit été employé
à part, eft altéré par le mélange que l’on en fa it , 8ç
ne vaut pas à beaucoup près ce qu’il valoit auparavant.
Il faut auffi éviter foigneufement de l’employer
pendant l’hiver ou à la fin de l’automne , parce que
le froid glaçant l’humidité de l’eau avec laquelle il
a été gâché ( e ) , 8c l’efprit du plâtre étant amorti,
il ne peut plus faire corps ; 8c les ouvrages qui en
font faits tombent par éclats , & ne peuvent durer
long-tems.
Le plâtre cuit fe vend io à i i livres le mnid,
contenant 36 facs, ou 72 boiffeaux, mefure de Paris
, qui valent 24 pies cubes.
Du plâtre félon Jes qualités. On appelle plâtre cru
la pierre propre à faire le plâtre , qui n’a pas encore
été cuite au four, 8c qui fert quelquefois de moilons
après l’avoir expofé long-tems à l ’air.
Plâtre blanc, celui qui a été râblé, c’eft à-dire dont
on a ôté tout le charbon provenant de la cuiffon ;
précaution qu’il faut prendre pour les ouvrages de
îujétion.
Plâtre gris, celui qui n’a pas été râblé, étant defti-
né pour les gros ouvrages de maçonnerie.
Plâtre gras, celui q ui, comme nous l’avons dit,
étant cuit à-propos, eft doux 8c facile à employer.
Plâtre vert, celui qui ayant été mal c u it , fe dif-
fout en l’employant, ne fait pas corps, 8c eft fujet à
fe gerfer, à fe fendre 8c à tomber par morceau à la
moindre gelée. ..
Plâtre mouillé, celui qui ayant été expofé à l’humidité
ou à la pluie , a perdu par-là la plus grande
(c) Gâcher du plâtre, c’eft le mêler avec de l’eau.
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partie de fes efprits, & eft de nulle valeur.
Plâtre éventé , - celui qui ayant été expofé trop
long-tems à l’a ir , après avoir été pulvérilé, a de la
peine à prendre, ôc fait infailliblement une mau-
vaife conftruâion.
Du plâtre félon fes façons. On appelle gros plâtre
celui qui ayant été concaffé groffierement à la carrière
, eft deftiné pour la conftruétion des fondations
, ou des gros murs bâtis en moilon ou libage,
ou pour hourdir ( ƒ ) les clorions,bâtis de charpente,
ou tout autre ouvrage de cette efpece. On appelle
encore de ce nom les gravois cribles ou rebattus,
pour les renformis ( # ) , hourdis ou gobetayes (A).
Plâtre au panier , celui qui eft paffé dans un ma-
nequin d’ofier clair (7%. /J^.), 8c qui fert pour les
crépis ( i ) , renformis, &c.
Plâtre au fa s , celui qui eft fin , paffé au fas (A),
8c qui fert pour les enduits (/) des membres d’archi-
tetture ôc de fculpture.
Toutes ces maniérés d’employer le plâtre exigent
auffi de le gâcher ferré , clair ou liquide.
On appelle plâtre gâché - ferré celui eft le moins
abreuvé d’eau , ôcqui fert pour les.gros ouvrages,
comme enduits , fcellement, &c.
Plâtre gâché clair, celui qui eft un peu plus abreuv
é d’eau , 8c qui fert à traîner au calibre des membres
d’architefture, comme dés chambranles, corniches,
cimaifes, &c.
Plâtre gâché liquide , celui qui eft le plus abreuvé
d’eau , & qui fert pour couler , carier , ficher ôc
jointoyer les pierres, ainfi que pour les enduits des
cloifons , plafonds, &c.
De la chaux en général. La chaux, du latin calx, eft
une pierre calcinée, 8c cuite au four quife détrempe
avec de l’eau , comme le plâtre : mais qui ne pouvant
agir feule comme lui pour lier les pierres en-
femble, a befoin d’autres agens , tel que le fable, le
ciment ou la pozolanne, pour la faire valoir. Si l’on
piloit , dit V itruve , des pierres avant que de les
cuir, on ne pourroit en rien faire de bon : mais fi
on les cuit affez pour leur faire perdre leur première
folidité 8c l’humidité qu’elles contiennent naturellement
, elles deviennent poreufes & remplies
d’une chaleur intérieure , qui fait qu’en les plongeant
dans l’eau avant que cette chaleur foit diffi-
p é e , elles acquièrent une nouvelle force, Ôc s’échauffent
par l’humidité qui , en les refroidiffant ,
pouffe la chaleur au-dehors. C’eft ce qui fait que
quoique de même groffeur, elles pefent un tiers de
moins après la cuiffon.
De la pierre propre à faire de la chaux. Toutes les
pierres fur lefquelles l’eau-forte agit ôc bouillonne,
font propres à faire de la chaux ; mais les plus dures
& les plus pefantes font les meilleures. Le marbre
même, lorfqu’on fe trouve dans un pays oit il eft commun,
eft préférable à toute autre efpece de pierre. Les
coquilles d’huitres font encore très-propres pour cet
ufage : mais en général celle qui eft tirée fraîchement
d’une carrière humide ôc à l’ombre, eft très-
bonne. Palladio rapporte que , dans les montagnes
de Padoue, il fe trouve une efpece de pierre écaillée
, dont la chaux eft excellente pour les ouvrages
expofés à l’air , Ôc ceux qui font dans l’eau , parce
qu’elle prend promptement ôc dure très-long-tems.
( ƒ ) Hourdir, eft mâçonner groffierement avec du mortier
ou du plâtre ; c’eft auffi faire l'aire d’un plancher fur „des
lattes.
(g) Renformis, eft la réparation des vieux murs.
( h ) Gobeter, c’eft jetter du , plâtre avec la truelle , 8c le
faire entrer avec la main dans les joints des murs. ,
( i ) Crépis y plâtre ou mortier employé avec un balai, fans
pafier la main ni la truelle par-deflus. »
(A) Sas eft une efpece de tamis, fig. 140.
(/) Enduit, eft une couche de plâtre ou de mortier fur un
mur de moilon, ou fur une cloifon de charpente.
Vitruve
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Vitruve nous affûre que la chaux faite avec des
cailloux qui fe rencontrent fur les montagnes, dans
les rivières , les torrens ôc ravins, eft très - propre
à la maçonnerie ; 8c que celle qui eft faite avec des
pierres fpongieufes ôc dures , ôc que l’on trouve
dans les campagnes, font meilleures pour fes enduits'
ôc crépis. Le même auteur ajoute que plus une pierre
eft poreufe, plus la chaux qui en eft faite eft tendre ;
plus elle eft humide, plus 1a chaux eft tenace ; plus
elle eft terreufe, plus la chaux eft dure ; ôc plus elle
a de feu , plus la chaux eft fragile.
Philibert Delorme confeille de faire la chaux
avec les mêmes pierres avec lequelles on bâtit,
parce que , dît-il, les fels volatils dont la chaux eft
dépourvue après fa cuiffon, lui font plus facilement
rendus par des pierres qui en contiennent de feirr-
blables.
D e la maniéré clfaire cuire la chaux. On fefert pour
cuire la chaux de bois on de charbon de terre, mais
ce dernier eft préférable, 8c vaut beaucoup mieux ;
parce que non-feulement il rend la chaux beaucoup
plus graffe ôc plus onéhienfe , mais elle eft bien plutôt
cuite. La meilfeitre chaux, félon cet auteur, eft
blanche , graffe , fonore , point éventée ; en la
mouillant, rend une fumée abondante; 8c lorfqu’on
la détrempe, elle fe lie fortement au rabot ,fig. 1 ty.
On peut encore juger de fa bonté après la cuiffon ,
li en mêlant un peu de pulvérifé avec del’éatr que
l’on bat un certain tems, on s’apperçoit qu’elle s’ unit
comme de la colle.
Il eft bon de favoir que plus la chaux eft v iv e ,
plus elle foifonne en l’éteignant, plus elle eft graffe
ôc on&neufe, ôc plus elle porte de fable.
Si la qualité de la pierre peut contribuer beaucoup
à la bonté de la chaux, auffi la maniéré de l’éteindre
avant que de l’unir avec le fable ou le ciment, peut
réparer les vices de la pierre , qui ne fe rencontre
pas également bonne p a r - to u t où l’on veut
bâtir.
De la maniéré <Téteindre la chaux. L’ufage ordinaire
d’éteindre la chaux en France, eft d’avoir deux
baffins A 8c B , fig. 30 & 3 1 . L’un A tout-à-fait
hors de terre, ôc à environ deux pies ôc demi d’élé-
vation , eft deftiné à éteindre la chaux : l’autre B
creufé dans la terre à environ fix piés plus ou moins
de profondeur , eft deftiné à la recevoir lorfqu’elle
eft éteinte. Le premier fert à retenir les corps étrangers
, qui auroient pû fe recontrer dans la chaux
v iv e , ôc à ne laiffer paffer dans le fécond que ce
qui doity être reçu. Pour cet effet, on a foin de pratiquer
non-feulement dans le pàffage C qui communique
de l’un à l’autre, une grille pour retenir toutes
les parties groffieres , mais encore de tenir le fond
de ce baffin plus élevé du côté du paffage C ; afin
que ces corps étrangers demeurent dans l’endroit
le plus bas , ôc ne puiffent couler dans le fécond
baffin. Ces précautions une foisprifes, on nettoyera
bien te premier qu’on fermera hermétiquement dans
fa circonférence , ôc que l’on emplira d’eau ôc de
chaux en même tems. Il faut prendre garde de mettre
trop ou trop peu d’eau ; car le trop la noyé 6ç
en diminue la force, ôc le trop peu la brûle, diffout
fes parties ôc la réduit en cendre : ceci fa it , on la
tourmentera à force de bras avec le rabot (fig.ity •)
pendant quelque tems, ôc à diverfes reprifes ; après
quoi on la Iaiffera couler d’elle-même dans le fécond
baffin , en ouvrant la communication C de l’un à
l’autre , ôc la tourmentant toujours jufqu’à ce que
le baffin A foit vuidé. Enfuite on refermera le paffage
C , ôc on recommencera l’opération jufqu’à ce
que le fécond baffin foit plein.
La chaux ainfi éteinte, on la Iaiffera refroidir
quelques jours, après Iefquels on pourra l’employer.
Quelques-uns prétendent que c’eft-là le moment de
Tome IX.
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remployer, parce que fes fels n’ayant pas eu le tems
de s’évaporer , elle en eft par conféquent meilleure.
Mais fi on vouloir la conferver, il faudroit avoir
foin de la couvrir de bon fable, d’environ un pié ou
deux d’épaiffeur. Alors elle pourroit fe garder deux
ou trois ans fans perdre fa qualité.
11 arrive quelquefois que Fon trouve dans la chaux
éteinte des parties dures ôc pierreufes, qu’on appelle
bifiettits ou recuits, qui ne font d’aucun ufage, ôc qui
pour cela font mis à part pour en tenir compte au
marchand. Ces bifeuitsne font autre chofe que des
pierres qur ont été mal cuites, le feu n’ayant pas été
entretenu également dans le fourneau ; c’eft pour
cela que Vitru ve ôc Palladio prétendent que la chaux
qui a demeuré deux ou trois ans dans Fe baffin, eft
beaucoup meilleure ; & leur raifon eft que s’il fe
rencontre des morceaux qui ayerrt été moins cuits
que les autres, ils ont eu le tems de s’ éteindre ôc
de fe détremper comme les autres. Mais Palladio
en excepte celle de Padoue, qu’il faut, dit-il, employer
auffi-rôt après fa frifion : car fi on la garde,
elle fe brûle ôc fe corrfômmede maniéré qu’elle devient
entièrement irrûtile.
La maniéré que les dnéiens pratiquoient pour
efeindre la chaux, étoit do faire ufage feulement
d’un baffin creufé dans la terre, comme feroit celui
B de la figure 30 , qu’ifs;rénTpFiflbient de chaux,
& qu’ils couvroient enfuite' dè fable , jüfqu’à deux
piés d’épaiffeur : ils l’afpergeoient enfuite d’eau, ôc
l’entretenoient toujours abreuvée, de maniéré que
la chaux qui étoit defibus pouvoit fe diffoudre fans
fe brûler; ce qui auroif très-bien pû arriver, fans
cette précaution. La chaux ainfi éteinte, ils la laif-
fôîent , comme nous favoris d ît , déux ou trôis ans
dans la terré, avant que.de l’employer ; ôc au bout
de-ce rems cette matière devenoit très-blanche, Ôc
fe convertiffoit en une maffe à-peu-près comme de
la glaife, mais fi graffe ôc fi glutineufe , qu’on n’en
pouvoit tirer le rabot qu’avec beaucoup de .peine ,
ôc faifoit un mortier d’un excellent ufage poiti1 lés
enduits ou pour les ouvrages en ftucs. Si pendant
l’efpace de ce tems on s^appercevoit que le fableTe
fendoit dans fa fuperficie, ôc ouvroit un paffagé à
la fumée, on avoit foin aiiffi-tôt de refermer les fentes
avec d’autre fable.
Les endroits qui fourniffent le plus communément
de la chaux à Paris ôc aux environs, font BouIogne,
Senlis, Corbeil, Melun, la Chauffée près Marly, ÔC
quelques autres. Celle de Boulogne qui eft faite
d’une pierre un peu jaunâtre, eft excellente ôc la
meilleure. On employé à Mets ôc aux environs une
chaux excellente qui ne fe fufe point. Des gens qui
n’en connoiffoient pas la qualité, s’aviferent d’en
fufer dans des trous bien couverts de fable. L’année
fuivante , ils la trouvèrent fi dure , qu’il fallut la
caffer avec des coins de fe r , ôc l’employer comme
du moilon. Pour bien éteindre cette chaux, dit M.
Belidor, il la faut couvrir de tout le fable qui doit
entrer dans le mortier, l ’afperger ertfuite d’eau à
différente reprife. Cette chaux s’eteint ainfi fans qu’il
forte de fumée au dehors, ôc fait de fi bon mortier,
que dans ce pays-là toutes les caves en font faites
fans aucun autre mélange que de gros gravier de
riviere, & fe change en un maftic fi dur, que lorf-
qu’il a fait corps, les meilleurs outils ne peuvent
l’entamer.
Comme il n’eft point douteux que ce rie peut être
que l’abondance des fels que contiennent de certaines
pierres, qui les rendent plus propres que d ’autres
à faire de bonne chaux; il eft donc poffible par
ce moyen d’en faire d’excellente dans les pays où
elle a coutume d’être mauvaife, comme on le va
voir.
M M m m m