épée. Comme leur ame n’étoit occupée que de la
gloire de confeffer le nom de celui qui avoit été
mené à la boucherie fans ouvrir la bouche non plus
qu’un agneau , ils fe laifferent déchirer à des loups
furieux.
Cependant toute la relation attendriflante du martyre
de la -légion thébéenne n’eft qu’une pure fable. Le
plaifir de groflir le nombre des martyrs , dit l’auteur
moderne de l’Hiftoire univerfelle, a fait ajouter
des perfécutions fauffes & incroyables à celles qui
n’ont été que trop réelles. Quand même il y auroit
eu une Légion thébéenne ou thébaine, ce qui eft fort
douteux, puifqu’elle n’eft nommée dans aucun hifto-
rien, comment Maximien Herctile auroit-il détruit
line légion qu’il faifoit venir d’Orient dans les Gaules,
pour y appaifer une fédition? Pourquoi fe feroit-
i l privé par un maffacre horrible de fix millefix cens
foixante&fix braves foldats dont il avoit befoin pour
réprimer une grande révolte ? Comment cette légion
fe trouva-t-elle toute compofée de chrétiens martyrs
, fans qu’il y en ait eu un feul, qui pour fauver
fa vie , n’ait fait l’aûe extérieur du facrifice qu’on
exigeoit? A quel propos cette boucherie dans un
tems oit l’on ne perfécutoit aucun chrétien, dans l’é-'
poque de la plus grande tranquilité de l’Eglife ?' La
profonde paix, &; la liberté dont nous jouiflions, dit
Eufebe, nous jetta dans le relâchement. Cette profonde
paix, cette entière liberté s’accorde-t-elle
avec le maftacre de fix mille fix cens foixante-fix
foldats ? Si ce récit incroyable pouvoit être v rai,
Euifebe l’eût-i I paffé fous filence ? Tant de martyrs
ont fcellé PEvrangi!e deleurfang., qu’on ne doit point
faire partager■ leur gloire à ceux qui n’ont pas partaleurs
fouffrances.
II eft certain que Dioclétien, dans les dernieres
années de fon empire, & Galerius enfuite , perfécu-
terent violemment les chrétiens de l’Afie mineure èc
des contrées voifines; mais dans les Gaules, dans
lesEfpagnes & dans l’Angleterre, qui étoient alors
le partage ou de Severe , ou de Confiance Chlore,
loin d’être pourfuivis, ils virent leur religion dominante.
.
J’ajoute à ces réflexions, que la première relation
du martyre de la ’légion thébéenne, attribuée à faint
Eucher évêque de Lyon, eft unepiece fuppofée. Pour
prouver que ce petit livre qu’on donne à ce bon évêque,
n’eft point de lui, il luffit d’obferver que faint
Eucher finit fes jours en 454 ; & que dans fon prétendu
livre il y eft fait mention de Sigifmond roi
de'Bourgogne , comme mort depuis plufieurs .années
: or l’on fait que ce prince fut jetté dans un
puits près d’Orléans, où il périt miférablement vers
l ’an 523.
On a démontré que les a&es du concile d'Agau-
num que Pierre François Chifflet a publié dans fon
édition de Paulin, font aufli fiétifsque ceux qu’ont
fiuiviSurius & Baronius.
Les premiers écrivains qui ont parlé du martyre
de la légion Thébéenne, font Grégoire de Tours & Vé-
•nance Eortunat, qui liés d’une étroite amitié , vi-
voient tous deux fur la fin du vj. fiecle. Mais,
commefle cardinal Baronius en convient lui-même,
il faut donner ees chofes & plufieurs autres, d’une
part à la crédulité de l’auteur des miracles de la vie
des faints, & de l’autre à la fimplicité de l ’auteur du
poëme de la vie de faint Martin.
S’il eft encore quelqu’un qui defire une réfutation
pluscomplettedu roman de la légion thébéenne, nous
le renverrons pour fe convaincre à la fameufe dif—
fertation de Dodwell, de paucitaie martyrum, qui eft
la onzième des dijfertationes cyprianicce, imprimées à
part ; 6c à la fin de l’édition de faint Cyprien, publiée
par Jean Fell évêque d’Oxford. Que fi ce quelqu’un
crédule & amateur du merveilleux , n’entend
pas le latin, nous pouvons pour lever fes doutes
, lui recommander la leélure du favant petit ouvrage
de M. du Bourdieu furie martyre de la légion
thébéenne. Cet écrit vit d ’abord le jour en anglois en
1696, &c a paru depuis traduit enfrançois en »705. ■jSH mm L é g i o n , {Art numifmat. ) nom de certaines médailles.
Une légion, en terme de médailliftes, eft une médaille
qui a au revers deux lignes ou étendârts. militaires
, une aigle romaine au milieu , & pour infi-
cription le nom de la légion , LEGIO I. II. X. X V .
&c. Par exemple , ANT. A VG. III. VIR R P C , un
navire ; au revers deux fignes appellés p ila, & une
aigle romaine au milieu , LEG. II. ou X V , &c. &
une autre LEG. XVII CLASSICÆ. Antoine eft le
premier , & Caraufius le dernier, furies médailles
defquelles on trouve des légions. Il y a jufqu’à la
xxiv*. légion fur les médailles que nous poffédons,
mais pas au-delà. Poye^ les recueils de Mezzabarba
& du P. Banduri. Trévoux , Chambers.
L é g i o n , ( Géog. anc. ) ville de la Paleftine, au
pié du mont-Carmel, à 1 5 milles de Nazareth. Elle
eft célébré dans les écrits d’Eufebe & de S. Jérôme :
c’eft apparemment le même lieu qui eft encore aujourd’hui
nommé Légune. Les Romains y entrete-
noient une légion de foldats, pour garder le pcvffagè
de Ptolomaïde à Céfarée de Paleftine ; c’étoit pour
ainfi dire la clé du pays de ce côté-là. Il s’eft donné
plufieurs combats aux environs de cet endroit. I , LÊGIONAIRE , f. m. ( Hiß. anc. ) foldat des légions
romaines ; c’eft le nom qu’on donnoit fur-tout
aux fantaflins, .car les cavaliers retenoient le nom
à?équités. On diftinguoitdans chaque légion de quatre
efpeces de foldats dans l’infanterie : les vélites -
les haftaires , les princes & les triaires. Les vélites ,
autrement nommés anteßgnani, parce qu’on les pla-
çoit avant les enfeignes , aux premiers rangs , &
qu’ils commençoient le combat, étoient armés à la
légère d’un petit bouclier rond , d’un pié & demi de
diamètre, & d’un petit cafque d’un cuir fort ; du
relie, fans armure pour être plus difpos. Leurs armes
offenfives étoient l’épé e, le javelot & la fronde.
Ils ne fervoient que pour efcarmoucher. Us fe
. rangeoient d’abord à la queue des troupes, & de-là,
par les intervalles ménagés entre les cohortes, ils
s’avançoient fur le front de la bataille pour harceler
les ennemis ; mais dès qu’ils étoient une fois
pouffés , ils rentroient par les mêmes interyailes ;
& de derrière les bataillons qui les couvroient , ils
faifoient voler fur l’ennemi une grêle de pierres ou
de traits. Ils croient aufli chargés d’accompagner la
cavalerie pour les expéditions brufques & les coups
de main. On croit que les Romains n’inftituerent les
vélites dans leurs légions qu’après la fécondé guerre
punique, à l’exemple des Carthaginois,qui dans leur
infanterie a voient beaucoup de frondeurs & de gens
de trait. Selon.Tite-L ive , il n’y avoit que 20 vélites
par manipule ; ce qui faifoit foixante par cohorte ,
& fix cens par légion, quand la légion étoit de fix
mille hommes. Avant qu’ils fuflent admis , les foldats
qui compofoient l’infanterie légère , s’appel-
loient rorarii 6i accenß.On fupprima les vélites quand
on eut accordé le droit de bourgeoifie romaine à
toute l’Italie ; mais on leur fubftittia d’autres armés
à la légère. Le fécond corps des légionaires étoient
ceux qu’on' nommoit haftaires , d’un gros javelot
qu’ils lançoient, & que les Latins appellent kaßa,
arme différente de la pique punique : celle-ci eft
trop longue & trop pefante pour être lancée avec
avantage. Ils étoient pefi*mment armés du cafque,
de la cuiraffe & du bouclier, de l’épée efpagnole &
du poignard. Ils faifoient la première ligne de l’armée.
niée. Après eux venoient les princes, armés de même
aufli-bien que les triaires, à l’exception que ceux-
ci portoient une efpece d’efponton cou rt, dont le
fer étoit long & fort. On les oppofoit ordinairement
à la cavalerie, parce que cette arme étoit
plus de réfiftance que les javelines & les dards des
princes & des haftaires. On donna aux triaires ce
nom , parce qu’ils formoient la troifieme ligne ôc
l’élite de l’armée ; mais dans les nouveaux ordres de
bataille qu’introduifit Marins, on plaça les triaires
aux premiers rangs : c’étoient toujours les plus vieux
& les plus riches foldats qui formoient les triaires ,
& c’étoit devant eux qu’on portoit l’aigle de la légion.
On ne pouvoit entrer dans ce corps avant
l ’âge de 17 ans , & outre cela il falloit être citoyen
romain : cependant il y eut des circonftances où
l’on y admit des affranchis ; & après l’âge de 46 ans
on n’étoit plus obligé de fervir. Le tems du fervice
des légionaires n’étoit pourtant que de 16 ans. Avant
Septime Severe il n’étoit pas permis aux légionaires
de fe marier , ou du moins de mener leurs femmes
en campagne avec eux. La difcipline militaire de
ces foldats étoit très-févere ; ils menoient une vie
dure , faifoient de longues marches chargés de pe-
fians fardeaux ; & foit en pa ix, foit en guerre , on
les tenoit continuellement en haleine, foit en fortifiant
des places & des camps ,, foit en formant ou
en réparant les grands chemins : aufli voit-on peu
d’occafions où cette infanterie romaine ne foit demeurée
viâorieufe.
LEGIS, foies legis, ( Çomm. ) elles viennent de
Perfe, & font les plus belles après les fousbafli ou
cherbaflï. Elles font en balles de 10 battemens cha--
cune , le battement de fix occos , ou 18 livres 12
onces, poids de Marfeille , & 15 livres poids de
marc. Il y a les legis vourines, les Legis bourmes ou
bourmep, les legis ardaffes. Ces dernieres font les
plus grofles. Voye[ le dictionn. de Commerce.
LÉGISLATEUR , f. m. ( Politiq. ) Le légijlateur
eft celui qui a le pouvoir de donner ou d’abroger
les lois. En France , le roi eft le légijlateur ; à Genève
, c’eft le peuple ; à Venife , à Gènes , c’eft la-
nobleffe ; en Angleterre, ce font lés deux chambres
& le roi.
Tout légijlateur doit fe propofer la fécurité de l’état
& le bonheur des citoyens.
Les hommes , eft fe réunifiant en fociété, cherchent
une fituation plus heureufe que l’état de nature
, qui avoit deux avantages, l’égalité & la liberté
, & deux inconvéniens, la crainte de la violence
& la privation des fecours, foit dans les be-<
foins nécefîaires, foit dans les dangers. Les hommes
, pour fe mettre à l’abri de ces inconvéniens ,
ont confenti donc à perdre un peu de leur égalité &
liberté ; & le légijlateur a rempli fon objet, lorfqu’en
ôtant aux hommes le moins qu’il eft pofîible d’égalité
& de liberté , il leur procure le plus qu’il eft
poflible de fécurité & de bonheur.
Le légijlateur doit donner, maintenir ou changer
des lois conftitutives ou civiles.
Les lois conftitutives font celles qui conftituent
l’efpece du gouvernement. Le légijlateur, en donnant
ces lo is , aura égard à l’étendue de pays que
poflede la nation, à la nature de fon fol , à la
puiflance des nations voifines, à leur génie, & au
génie de fa nation.
Un petit état doit être républicain ; les citoyens
y font trop éclairés fur leurs intérêts : ces intérêts
font trop peu compliquéspour qu’ils veuillent laiffer
décider un monarque qui ne feroit pas plus éclairé
qu eux ; l’état entier pourroit prendre dans un moment
la même impreflion qui feroit fou vent contraire
aux volontés du roi ; le peuple, qui ne peut conf-
tamment s’arrêter dans les bornes d’une jufte liber-
Tome IX ,
te , feroit indépendant au moment où il voudroit
l’être : cet éternel mécontentement attaché à la condition
d’homme & d’homme qui o b éit, ne s’y bor-
neroit pas aux murmures , & il n’y auroit pas d’intervalle
entre l’humeur & la réfolution.
% Le légijlateur verra que dans un pays fertile , &
où la culture des terres occupe la plus grande partie
des habitans, ils doivent être moins jaloux de
leur liberté , parce qu’ils n’ont befoin que de tranquillité
, & qu’ils n’ont ni la volonté ni le tems de
s’occuper des détails de l’adminiftration. D ’ailleurs ,
comme dit le préfident de Montefquieu, quand la liberté
n eft pas le feul bien , on eft moins attentif à
la defendre : par la même raifon, des peuples qui
habitent des rochers , des montagnes peu fertiles ,
font moins difpofés au gouvernement d’un feul ;
leur liberté eft leur feul bien ; & de plus, s’ils veu-
lent, par l’induftrie & le commerce, remplacer ce
que leur refufe la nature , ils ont befoin d’une extrême
liberté.
Le légijlateur donnera le gouvernement d’un feul
aux états d’une certaine étendue : leurs différentes
parties ont trop de peine à fe réunir tout-à-coup
pour y rendre les révolutions faciles : la promptitude
des refolutions & de l’exécution , qui eft le
grand avantage du gouvernement monarchique ,
fait paffer, quand il le faut & dans un moment,
d’une province à l’autre, les ordres, les châtimens ,
les fecours. Les différentes parties d’un grand état
font unies fous le gouvernement d’un feul ; & dans
une grande république il fe formeroit néceffaire-
ment des faélions qui pourroient la déchirer & la
détruire : d’ailleurs les grands états ont beaucoup
de voifins , donnent de l’ombrage, font expofés à
des guerres fréquentes ; & c’eft ici le triomphe du
gouvernement monarchique ; c’eft dans la guerre
lur-tout qu’il a de l’avantage fur le gouvernement
républicain ; il a pour lui le fecret, l’union , la célérité
, point d’oppofition , point de lenteur. Les
viâoires des Romains ne prouvent rien contre m oi;
ils ont fournis le monde ou barbare , ou divifé , ou
amolli ; & lorfqu’ils ont' eu des guerres qui met-
toient la république en danger , ils fe hâtoient de
créer un diélateur , magiftrat plus abfolu que nos
rois. La Hollande, conduite pendant la paix par
fes magiftrats, a créé des ftathouders dans fes guerres
contre l’Efpagne & contre la France.
Le Légijlateur fait accorder les lois civiles aux lois
conftitutives : elles ne feront pas fur beaucoup de
cas les mêmes dans une monarchie que dans une république
, chez un peuple cultivateur & chez un
peuple commerçant ; elles changeront félon les tems,
les moeurs & les climats. Mais ces climats ont-ils
autant d’influence fur les hommes que quelques auteurs
l’ont prétendu, & influent-ils aufli peu fur nous
que d’autres auteurs l’ont affuré ? Cette queftion mérite
l’attention du légijlateur.
Partout les hommes font fufceptibles des mêmes
paflîons , mais ils peuvent les recevoir par différentes
caufes & en différentes maniérés ; ils peuvent
recevoir les premières impreflions avec plus ou
moins de fenfibilité ; & fi les climats ne mettent
que peu de différence dans le genre des paflîons ,
ils peuvent en mettre beaucoup dans les fenfations.-
Les peuples du nord ne reçoivent pas comme les
peuples du midi, des impreflions v ives, & dont les
effets font prompts & rapides. La conftitution ro-
bufte , la chaleur concentrée par le froid, le peu
de fubftance des alimens font fentir beaucoup aux
peuples du nord le befoin public de la faim. Dans
quelques pays froids & humides , les efprits animaux
font engourdis , & il faut aux hommes des
mouvemens yiolens pour leur faire fentir leur exif-
tance.
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