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■ qui brilloient fur tous les autres avec tant degran-.
deur & de régularité , fe perfuaderent aifément
qu’ils ëroient les maîtres du monde, & les premiers
dieux qui le gouvernoient. Ils les crurent animés ; &c
comme ils les voyoient toujours les mêmes , &fans
aucune altération, ils jugèrent qu’ils étoient immuables
& éternels.
Dès-lors on commença à fe profterner devant
eu x , à leur bâtir des temples découverts, & à leur
adrelTer mille hommages, pour fe les rendre favorables.
Mais la lune ne paroiffant que la nuit, infpira le
plus de craintes & de frayeurs aux hommes ; fes influences
furent extrêmement redoutées ; de-là vinrent
les conjurations des magiciennes de Theffalie,
celles des femmes de Crotone , les fortiléges, &
tant d’autres fuperftitions de divers genres, qui n’ont
pas encore difparu de delTus notre hémifphere.
Céfar ne donna point d’autres divinités aux peuples
du Nord , & aux anciens Germains que le feu,
le foleil, & la lune. Le culte de' ce dernier aftre
franchit les bornes de l’océan germanique, & paffa
de la Saxe dans la grande Bretagne.
Il ne fut pas moins répandu dans les Gaules ; &
fi nous en croyons l’auteur de la religion des Gaulois
, il y avoit un oracle de la lune deffervi par des
druide lfe s dans l’île de Sain, fituée fur la côte méridionale
de la baffe-Bretagne.
En un mot, on ne vit qu’un petit nombre de phi-
lofophes Grecs & Romains, qui regardèrent la lune
comme une limple planete , & pour m’exprimer
avec Anaximandre, comme un feu renfermé dans
la concavité d’un globe dix-neuf fois plus grand que
la terre. C ’elLlà, difent-ils, que les âmes moins légères
que celles des hommes parfaits, font reçues ,
& qu’elles habitent les vailées d’Hécate, jufqu’à ce
que dégagées de cette vapeur qui les avoit empêchées
d’arriver au féjour céiefte , elles y parviennent
à la fin. ( D . J. )
LUNEBOURG, ( Géog. ) Luneburgum, ville d’A llemagne,
au cercle de la balfe Saxe , capitale du
duché de même nom. Elle étoit autrefois impériale,
mais à préfent elle appartient à l ’éleûeur de Han-
no ver ; elle a une bonne douane & des falines d’un
revenu confidérable , fur le produit defquelles font-
aflîgnées les penfions de toutes les perfonnes en
charge & des gensd’églife ; de forte que ce qui paffe
ailleurs pour un honoraire, eftà Lunebourg un vrai
fàlaire, fi l’origine de ce mot donnée par Turnebe,
à fale , n’eft pas fauffe. Lunebourg fe trouve fituée
avantageufement, près d’une montagne qui lui fournit
beaucoup de chaux pour bâtir, & fur l’Elmenow,
à 14 lieues S. E. de Hambourg, 31 N. de Brunfwick.
Long. 28. i 5 . lat. 2.8.
Sagittarius ( Gafpard) littérateur, & célébréhi-
floriographe d’Allemagne, naquit à Lunebourg en
1643. Ses principaux ouvrages, comme hjftorio-
graphe, tous écrits en latin , font l’hiftoire de la Lu-
face , du duché deThuringe, des villes d’Harder-
w ick , d'Halberftad, & de Nuremberg ; I’hiftoire de
la fucceflion des princes d’Orange, jufqu’à Guillaume
I II , &c. Il a publié en latin comme littérateur,
un traité des oracles , un livre fur les chauffures des
anciens, intitulé de nudipedalibus veterum, la vie de
Tullia fille de Cicéron, & quelques autres, dont
le P. Nicéron vous donnera la lifte dans fes mémoires
des hommes illuftres, tome IV . page 22$. Sagittarius
eft mort en 1694. (D . J. )
LUNEL , ( Blafon. ) on appelle ainfi dans le Bla-
fon quatre croiffans appointés en forme de rofe à
quatre feuilles ; ils ne font d’ufage qu’en Efpagne.
LUN ENS E M A RM O R , ( Hifi. nat. ) nom que
les anciens donnoient à une efpece de marbre
blanc plus connu fous le nom de marbre de Carrare.
LU N
Il étoit très-eftimé chez les anciens ; il eft d’un blanc
.très-pur, d’un tiffu très-ferré, & d’un grain très-fin ;
il s’en trouve encore beaucoup en Italie ; il eft plus
dur que les autres efpeces de marbre , & a plus de
tranfparence. Quelques auteurs font confondu avec
le marbre de Paros ; mais ce dernier n’eft pas d’un
tiffu auffi folide , & n’eft point fi blanc que le marbre
de Carrare, quoiqu’il ait plus d’éclat que lui.
Em. Mendez d’Acofta , hifioire naturelle des minéraux y
page ic,o . . ( - )
LUNETTE, f. f. ( Dioptr. ) infiniment compofé
d’un ou de plufieurs verres , & qui a la propriété de
faire voir diftinttement ce qu’on n’appercevroitque
foiblement ou point du tout à la vue fimple.
Il y a plufieurs efpeces de lunettes ; les plus Amples
font les lunettes à mettre fur le nez, qu’on appelle
autrement bejîcles, & qui font compofées d’un feul
verre pour chaque oeil. Voye^ B e s i c l e s . L ’invention
de ces lunettes eft de la fin du xiij. fiecle ; on l’a
attribuée fans preuve fuffifante au moine Roger
Bacon. On peut voir fur ce fujet le traité d'optique
de M. Senith, & Y hifioire des Mathématiques de M.
de Montucla , tome 1. page 424. Dans cette même
hiftoire on prouve (yoye^la page 433. & les additions
) que l’inventeur de ces lunettes eft probablement
un florentin nommé Salvino de Gl'armatiy
mort en 13 1 7 , & dont l’épitaphe qui fe lifoit autrefois
dans la cathédrale de Florence , lui attribue ex-
preffémerit cette invention. Alexandre Defpina , de
l’ordre des freres Prêcheurs, mort en 1313 à Pife,
avoit auffi découvert ce fecret, comme on le voit
par cepaffage rapporté dans une chronique manuf-
crite ; ocularia ab aliquo primo facla, & communicare
nolente, ipfe fecit 6* communicavit.
Il eft très-fingulier que les anciens qui connoif-
foient les effets de la réfraûion, puifqu’ils fe fer-
voient de fpheres de verre pour brûler ( voye£ A r d
e n t ) , n’ayent pas connu l’effet des verres lenticulaires
pour groflir. Il eft même très-fingulier que
le hafard feul ne leur ait pas fait connoître cette propriété
; mais il l’eft encore davantage qu’entre l’invention
des lunettes fimples , qui eft d’environ 1300
( car il y a des preuves qu’elles étoient connues dès
1299 ), & l’invention des lunettes à plufieurs verres,
ou lunettes d’approche, il fe foit écoulé 300 ans;
car l’invention de ces dernieres eft du commencement
du xvij., fiecle. Voyt-L Varticle TÉLESCOPE,
oii nous détaillerons les propriétés de ces fortes de
lunettes.
Il y a des lunettes à mettre fur le nez, qu’on appelle
des conferves; mais elles ne méritent véritablement
ce nom, que lorfqu’elles font formées de verres
abfolument plans, dont la propriété fe borne-
roit à affaiblir un peu la lumière fans changer rien
d’ailleurs à la difpofition des rayons. Dans ce cas .
ils pourroient fervir à une vue qui feroit bonne d’ailleurs
, c’eft-à-dire, ni myope ni presbyte , mais qui
auroit feulement le défaut d’être bleffée par une .lumière
trop vive. Ainfi les lunettes qu’on appelle conferves
, ne méritent donc point ce nom, parce qu’elles
font prefque toûjours formées de verres convexes,
qui fervent à remédier à un défaut réel de la
vue ; défaut qui confifte à ne pas voir diftinûement
les objets trop proches & trop petits ; ce défaut
augmente à mefure qu’on avance en âge.
Les grandes lunettes d’approche s’appellent plus
particulièrement télefeopes : elles font formées de plufieurs
verres convexes ; les petites lunettes d'approche
, qu’on appelle auffi lorgnettes d'opéra, font compofées
de deux verres, un objeâif convexe, & un
oculaire concave. Voye^ O b j e c t i f , O c u l a i r e ,
& T é l e s c o p e .
Nous avons parlé au mot F o y e r , des variations
que M.Bouguer a obfervées dans le foyer des grandes
L UN
ïunttieSy par rapport aux différens obfervàteurs &
à la différente conftitution de l’atmofphere. Les'
moyens qu’il propofe. de remédier à cet inconvénient,
font i°. de faire en forte que l’aftre pafl’e à peu
de diftance du centre du champ ; i°. de fe fervir
d’un obje&if coloré ; 30. de diminuer beaucoup l’étendue
de l’objedif en couvrant les bords d’un diaphragme
; ce qui fuppofe un obje&if bien centré.
Voye[ C e n t r e r . Voye^ auffi un plus grand détail
fur ces différens objets dans Y ouvrage de M. Bou-
guer, fur la figure dé la terre , p. 208 & fui v. ( O )
LU N E T TE S , ( Hifi. des invent. mod. ) les lunettes,
ou plutôt les verres à lunettes qu’on applique fur le
nez ou devant les yeux pour lire, écrire , & en général,
pour mieux découvrir les objets voifins que
par le fecours des yeux feuls , ne font pas à la v érité
d’une invention auffi récente que les lunettes
d’approche ; car elles les ont précédé de plus de trois
fiecles, mais leur découverte appartient aux .modernes
, & les anciens n’en ont point eu connoiflance.
Je fai bien que les Grecs & les Romains avoient
des ouvriers qui faifoient des yeux de verre, de
cryftal, d’o r , d’argent, de pierres précieufes pour
les ftatues, principalement pour celles des dieux.
On voit encore des têtes de leurs divinités, dont les
yeux font creufés : telles font celles d’un Jupiter
Ammon, d’une Bacchante, d’une idole d’Egypte ,
dont on a des figures. Pline parle d’un lion en marbre
, dont les yeux étoient des émeraudes ; ceux de
la Minerve du temple dé Vulcain à Athènes, qui,
félon Paufanias, brilloient d’un verd de mer, n’é-
toient fans doute autre chofe que des yeux de béril.
M. Buonarotti avoit dans fon cabinet quelques petites
ftatues de bronze avec des yeux d’argent. On
nommoit faber ocularius , l’ouvrier qui faifoit ces
fortes d’ouvrages ; & ce terme fe trouve dans les
marbres fépulchraux ; mais il ne fignifioit qu’un fai-
feur d’yeux poftiches ou artificiels, & nullement
un faifeur de lunettes, telles que celles dont nous
faifons ufage.
Il feroit bien étonnant fi les anciens les euffent
connues, que l’hiftoire n’en eût jamais parlé à propos
de vieillards & de vûe courte. Il feroit encore
plus furprenant, que les Poètes de la Grece & de
Rome, ne fe fuffent jamais permis à ce fujet aucun
de ces traits de fatyreou de plaifanterie, qu’ils ne fe
font pas refufé à tant d’autres égards. Comment
Pline qui ne laiffe rien échapper, auroit-il obmis
cette découverte dans fon ouvrage, & particulièrement
dans le livre V II. ch. Ivj. qui traite des inventeurs
des chofes ? Comment les médecins grecs &
romains, qui indiquent mille moyens pour foulager
la vû e , ne difent-ils pas un mot de celui des lunettes ?
Enfin, comment leur ufage qui eft fondé fur ies be-
foins de l’humanité, auroit-il pû ceffer ? Comment
l’art de faire un inftrument d’optique fi fimple , &
qui ne demande ni talent, ni génie, fe feroit-il perdu
dans la fuite des tems ? Concluons donc, que les lunettes
font une invention des modernes, & que les
anciens ont ignoré ce beau fecret d’aider & de foulager
la vûe.
C ’eft fur la fin du xiij. fiecle, entre l’pn 1280 &
1300, que les lunettes furent trouvées ; Redi témoigne
avoir eu dans fa bibliothèque un écrit d’un Scan-
dro Dipopozzo, compofé en 1298 , dans lequel il
dit : « je fuis fi vieux que je ne puis plus lire ni écrire
» fans verres qii’on nomme lunettes, fença occhiali ».
Dans le dictionnaire italien de l’académie delà Cruf-
c a , on lit ces paroles au mot occhiali : « frere Jor-
» danus de Rivalto, qui finit fes jours en 13 11, a
» fait un livre en 1305, dans lequel il d it, qu’on a
^'découvert depuis 20 ans l’art utile de polir des
» verres à lunettes ». Roger Bacon mort à Oxford
en 1291, connoiffoft cet an dç trayailiçr les y erres ;
% om 1 X X
L U N 743
cependant ce fut vraiffemblablement en Italie qu’on
en trouva l’invention.
Maria Manni dans fes opufcules feientifiqueis, tome
IV . & dans fon petit livre intitulé de gl'occhiali
del nafo, qui parut en 1738, prétend que l’hiftoirè
de cettejjdécouverteeft due à Salvino de gl’ armati,
florentin, & il le prouve par fon épitaphe'. Il eft
vrai que Redi, dans fa lettre à Charles Dati, imprimée
à Florence en 1678, in-40. avoit donné Alexandre
Spina dominicain, pour l’auteur de cette
découverte ; mais il paroît par d’autres remarques
du même Redi, qu’Alexandre Spina avoit feulement
imité par fon génie ces fortes de verres trouvés
avant lui. En effet, dans la bibliothèque des peres
de l’Oratoire de Pife, on garde un manufcrït d’une
ancienne chronique latine en parchemin, oîi eft
marquée la mort du frere Alexandre Spina à l’an
1313, avec cet éloge : quoecumque vidit aut audivit
facla ffcivit, & facere ocularia ab aliquo primo facla y
& communicare nolente, ipfe fecit, o* communicavit.
Alexandre Spina n’eft donc point l’inventeur des
lunettes ; il en imita parfaitement l’invention, &
tant d’autres avec lui y réuflirent, qu’en peu d’années
cet art fut tellement répandu par-tout, qu’on
n’employoit plus que des lunettes pour aider la vûe.
De-là vient que Bernard Gordon, qui écrivoït en
1300 fon ouvrage intitulé , lilium Medicinæ , y déclare
dans l’éloge d’un certain collyre pour les yeux,
qu’il a la propriété de faire lire aux vieillards les
plus petits cara&eres, fans le fecours des lunettes.
( D . J . )
L u n e t t e d ’ a p p r o c h e , ( Hifi. des inventions
modernes. ) cet utile & admirable inftrument d’optique,
qui rapproche la vûe des corps éloignés,n’a
point été connu des anciens, & ne l’a même été des
modernes, fous le nom de lunettes d'Hollande, ou
de Galilée, qu’au commencement du dernier fiecle.
C ’eft en vain qu’on allégué pour reculer cetté
date, que dont Mabillon déclare dans fon voyage
d’Italie, qu’il avoit vû dans un monaftere de fon ordre
, les oeuvres de Comeftor écrites au treizième
fiecle, ayant au frontifpice le portrait de Ptoloméej
qui contemple les aftres avec un tube à quatre
tuyaux ; mais dom Mabillon ne dit point que le tube
fût garni de verres. On ne fe fervoit de tube dans
ce tems-là, que pour diriger la vûe, ou la rendre
plus nette, en féparant par ce moyen les objets
qu’on regardoit, des autres dont la proximité auroit
empêché de voir ceux-là bien diftinélement.
Il eft vrai que les principes fur lefquels fe font les
lunettes d'approche ou les télefeo p esn ’ont pas été
ignorés des anciens géomètres ; & c’eft peut-être
faute d’y avoir réfléchi, qu’on a été fi long-tem's
fans découvrir cette merveilleufe machine. Semblable
à beaucoup d’autres, elle eft demeurée cachéô
dans fes principes, ou dans la majefte de la nature;
pour me fervir des termes de Pline, jufqu’à ce que
le hafard l’ait mife en lumière. Voici donc comme
M. de la Hire rapporte dans les mémoires de l'acad.
des Sciences , l’hiftoire de la découverte des lunettes
d?approche ; :& le récit qu’il en fait eft d’après le plus
grand nombre des hiftoriens du pays.
Le fils d’un ouvrier d’Atcmadr, nommé Jacques
Métius, ou plutôt Jakob Metzu, qui faifoit dans
cette ville de la Nord-Hollande , des lunettes à porter
fur le nez, tenoit d’une main un verre convexe,
comme font ceux dont fe fervent les presbytes oii
vieillards, & de l’autre main un verre concave, qui
fert pour ceux qui ont la vue courte. Le jeune homme
ayant mis par amufement ou par hafard le verre
concave proche de fon oeil, & ayant un peu éloigné
le convexe qu’il tenoit au-devant de l’autre main,
il s’apperçut qu’il voyoit au-travers de ces deux verres
quelques objets éloignés beaucoup plus grands,
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