
magne & de la France, par une longue chaîne de
montagnes prefque inaccelliblés. Piufieurs" parties
de la Méditerranée prennent leurs noms des diverses
provinces de 1 Italie, tels font ceux de la iner
de Gênes , de Tofcane, de Naples", de la Pouille ,
de Sardaigne & de Corfe, Du côté oppofé eft
la mer Adriatique; & entre Piombino & Luni,
dans la mer de Tofcane, on remarque un mouvement
fur la côte , Suivant lequel le flot fe retire
de Piombino vers Luni ; enforte que l’efpace de
trois milles environ, les vagues s’écartent de cette
plage.
Les principales montagnes font les Alpes & l’A pennin.
Les Alpes font une longue chaîne de montagnes
qui commencent à l'embouchure du Y a r ,
& fe terminent, après piufieurs finuofltés, près de
la rivière d’Arfia dans llft r ie , fur la mer Adriatique.
Toute.leur longueur comprend plus de quatre
cents milles Italiens. Leur plus grande largeur n’excède
pas un el'pace qu’on peut parcourir en cinq
jours : ils féparent l’Italie de la France , de la Suiffe
& de l’Allemagne. L’Apennin commence dans le
voifinage du mont Appio en Ligurie , traverfe
l ’Italie par le milieu , s’approche vers Ancône de
la mef Adriatique, puis paffe parTAbbruzze & la
Campagne de Rome, fe divife dans le royaume-
dc Naples, en deux branches , dont l’une s’étend
jufqu’au mont Saint-Ange dans la Pouille ; & l’autre
traverfant la Bafilicate , fe partage près de Vé-
nofa en deux autres bras. L’un va fe terminer à ce
détroit qui fépare l’Italie de la Sicile, l’autre aboutit
à la mer Ionienne. Les monts particuliers qui
n’appartiennent ni aux Alpes ni à l’Apennin, font
il monte Maflico , dans la Terre de Labour, monte
Barbaro, entre Ea/es & Pouzols ; monte di Capua,
le Véfu ve, monte Sant-Angelo, qui forme un promontoire
dans la Pouille, Si la Golga Néra, dans
la Tofcane. Quelques-unes des montagnes des
Alpes font d’une hauteur effrayante : le mont Çe-
n is , mefuré par M. de la Condamine, a 149° toifes
de hauteur perpendiculaire au-deflùs du niveau de
la mer. Le mont Maudit, qu’on appelle aufli Le
mont Blanc, il monte Bianco, dans la province de
Faucigny en Savoie ,3 1 5 lieues au nord du mont ;
C en is , a 2334 toifes au-deffus du niveau de
la mer. Le couvent du mont Saint - Bernard a
1483 toifes de hauteur, & le mont Tourné, entre
le mont Cçnis Si le petit Saint-Bernard, 2146
toifes.
Les plus grands fleuves d’Italie font, i°. le Pô,
qui naît fur le mont Ve fuie, une des plus hautes
montagnes des A lpes, & fejète dans la mer Adriatique
par fept embouchures : comme il s’accroît de
la fonte des neiges , il efl bien plus confidérable
en été qu’en hiver ; ç’e ft, après le Danube, le plus
grand fleuve de l’Europç. Il reçoit dan$ fbn cours
leTanaro* la Trebbia, la Parma ,lçT a ro , la Lenza,
la Secchia , le Panaro , & le Réno. Toutes çeç r i vières
defçendent de l ’Apennin. Celles qui fortent
des Alpes pour fe rendre dans le Pô, fûntla Stura,
l’OrcOjla Bora, la Sefia, le Tefin, le LamBroJ
l ’Adda, l’Oglio, & leMincio. Le cours de ce fleuve
efl très-rapide, & il fait quelquefois d’affreux ravages.
Comme il entraîne avec lui du gravier, du
fable, du limon & des pierres , fon lit s’eft comblé
au point qu’il a fallu conftruire, en piufieurs en-,
droits, des levées pour contenir fes eaux.
20. L’A d ig e , qui vient du T i r o l, traverfe la
Lombardie , 6c fe rend dans la mer Adriatique.
3°. L’Arno prend fa fource dans l’Apennin du
mont Falterona, 6c fe jête près de Pife, dans la
mer de Tofcane.
4°. Le Tibre fort du pied de l’Apennin, du meme
coté où l’Aruo prend fa four'ce,: traverfe la Tofcane
& l’état de l’Eglife près de leurs limites , reçoit
quarante-deux rivières ou torrens ; & après
un cours d’environ cent cinquante milles, fe rend
dans la mer auprès d’Oflie.
Les lacs les plus remarquables font ceux de
Garde , d’Idro , d’Ifeo, de Corne, de Lugano, le
lac Majeur, celui de Peroufe, de Piediluco, de
Bolfena, de Bracciano, de Celano, le lac Averne,
& le lac Lucrin.
On trouve des eaux chaudes & minérales dans
le Padôuan , le Yéronois , le Breffan, le Frioul »
le Piémont ; dans les territoires d’Acqui, de Luc?
qfïes, de P ife, de Volterre & de Sienne ; dans le
Boionois , la Romagne , le Péroufan, le canton de
Viterbe, la Terre de Labour, & dans différens
autres endroits du royaume de Naples.
L’air efl généralement pur & fain dans l’Italie
excepté dans les endroits où la pareffe & Findo-
lence naturelle à fes habitans ont laiffé des eaux
flagnantes & des marais qui corrompent l’a ir , &
font la caufe d’une foule de maladies épidémiques*
On regarde avec raifon ce beau pays comme le
jardin de l’Europe : on y trouve , je ne dis pas
feulement tout ce qui efl néceffaire à la v ie , mais
même tout ce qui peut la rendre délicieufe ; des
grains de toute efpèce, des vins exquis , tels que^
les Chiarelli, le Lacryma-Ghrifti, les mufeats de
monte Fiafcone , les vins de la rivière de Gênes,
du Montferrat, du Frioul, du Vicentin, & du,
Boionois, Sic. Les vignes, prefque par-tout, font
unies aux arbres , & forment de Fun 8c de l’autre
côté des efpèces de guirlandes, Cette manière d’élever
le fep , ne peut s’adopter que dans un climat
affez chaud pour mûrir en même tems le fruit de
l’arbre & le raifin, Dans les cantons les plus froids
de l’Italie, on efl forcé de fe conformer à l’ufage
ordinaire. Les fruits les plus beaux & les plus fa?
voureux, font des oranges, des limons, des olives,
dçs grenades , & c. L’huile, le fucre, le miel, la
cire , les amandes , les raifins fecs, le fafran & la
manne, &c. Les beftiaux , le gibier, les bêtes
fauyes, & c. En général, il ne manque en Italie,
que des bras pour tirer de la terre lès véritables
richeffes. La grande quantité de foie que Fon y
recueille & fon excellente qualité, fait encore une
des meilleures branches de fes revenus.
Il
I T A
Il y a aufli des carrières d’albâtre ,^de jafpe, &
de toutes fortes de marbres ; des mines de fe r ,
d’alun, de foufre , d’or , d’argent, &c. On y
trouve des béryls , des agates, des calcédoines,
des cornalines, & autres pierres precieufes; du
criftal & des coraux. Prefque toutes les provinces
font pourvues de bois. Les collines, les montagnes,
les côtes de la mer , fur-tout à l’occident, font couvertes
de forêts. Malgré cette quantité de productions
de tous genres, l’Italie fouvent fe trouve dans
la difette , foit par la mauvaife adminiftration, foit
par la pareffe des habitans. Tout le monde connoît
la famine de 1766 , fléau qui caufa d’autant plus de
défefppir aux malheureux, que comme en France
en 1771 , on mouroit de faim au milieu de l’abondance.
Des hommes de fer vendoient au poids de
l’or à des infortunés , les grains qu’ils avoient accaparés
à vil prix. Et ce que l’on concevra moins
encore , c’étoient des prêtres, des évêques, des
cardinaux ; c’étoit la chambre eccléfiaftique , c’étoit
le gouvernement même, le gouvernement fait
pour protéger les peuples, qui les écrafoit, & les
réduifoit à périr de mifère !
L’Italie feroit très-riche fi l’on encourageoit davantage
l’agriculture, & fi le cultivateur, par la
plus déteftable adminiftration, n’étoit forcé de
donner à trop bas prix fes grains & fes fruits, que
l’on vend tres-eher à l’étranger. Q u ’arrive-t-il de
ce brigandage politique ? Un mal que doit toujours
produire cette avarice aufli fordide qu’ignorante :
c’eft que le cultivateur ne travaille guère au-delà
de ce qu’il lui faut pour fes befoins & ceux de fa
famille : c’eft qu’il dédaigne un état qui ne peut
l’enrichir , & préfère de vivre dans la médiocrité ,
plutôt, que de voir une chambre de déprédateurs
recueillir le prix de fes fùeurs & de fes peines.
La même chofe arrivera par-tout où le gouvernement
fera lui-même le commerce : il ecrafera
l’înduftrie Si. les arts ; il découragera le cultivateur
, & amènera tôt ou tard la dépopulation
& la famine. Protéger le commerce, & non le
faire , empêcher le monopole , & non pas être
monopoleur foi-même; tel doit être le fecret de
tous les gouvernemens, & c’eft de qui fait les richeffes
des nations. Piufieurs princes de l’Italie ont
déjà fi bien fenti cette vérité , que le grand-duc de
Tofcane a affranchi ce commerce de toute efpèce
d’entraves.
Le froment, le bled de turquie, & les fèves, étant
en Italie d’une qualité excellente , forment aujourd’hui
un objet d’exportation très-avantageux.
Les Italiens , à 1 exception cependant dès Vénitiens,
n’ont prefqu’aucune des connoiffances nécef-
faires à l’exploitation des mines. Us voient même
avec envie les profits qui pourroient en réfulterpour
leurs princes Sc les ouvriers étrangers qu’ils emploient.
Le grand-duc de Tofcane avoit confié l’exploitation
d’une mine de cuivre à des mineurs Hongrois:
les nobles Tofcans, jaloux de cette augmentation
des revenus de leur fouverain, firent jouer tant
Géographie, Tome IL
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de refforts, qu’ils parvinrent à l’en dégomer. Toute
invention dans les arts rencontre en Italie à-peu-
près les mêmes obftacles. On ne doit plus être fur-
pris que cette nation fpirituelle, & fl propre aux
fciences , fe foit laiffé fi fort devancer par quel-,
ques autres nations.
Quant au gouvernement en Italie, il efl difficile
d’en rien dire. Variant félon les lieux, il n’eft pas
à Venife ce qu’on le voit à Rome, ni à Naples ce
qu’il efl à Florence. Une république même n’a
rien qui reflemble à une autre république, fi ce
n’eft dans quelques points fondamentaux ; mais on
traitera à chaque article-, de la forme d’adminiftra-
tion qui lui efl propre, & l’on en parlera avec
cette noble hàrdieffe qu’un ‘écrivain doit à la
vérité.
A la décadence de l’empire Romain, lorfque les
Goths, les Huns, les Vandales, les Lombards les
autres barbares fortis du nord & du midi, Vinrent ra-
vager ces belles provinces, on vit le latin peu-à-peu
fe corrompre par le mélange des langues de tous
ces peuples. La différence des gouvernemens, des
loix Sc des moeurs, les befoins réciproques des
peuples , & la néceflité de s’entendre, formèrent
entre les vaincus & les vainqueurs, une efpèce de
langue nouvelle, enrichie des mots de prefque
toutes les langues. Piufieurs écrivains croient que
le latin ceffa d’être vulgaire vers les premières années
du règne de Louis le Débonnaire. Au concile
d’Arles, en 851 , il fut ordonné aux eccléfiaftiques
de faire leurs inftméfions en langue Romance , afin
que chacun pût les entendre. Avant le XIIe fiècle ,
le langage n’offroit encore qu’un amas informe de
mots de toutes les nations. Chaque province d’Italie
avoit un dialeéle différent : nulles règles encore
, nuis principes d’établis ; mais vers le milieu
du XIIIe fiècle, Brunetto Latinï, Ricco da Varlugno,
6* Dïno Florentins, Salvina Doni9Ugo daSïtnay
Guido Novtllo, Farinata Degli Uberti, Lambertuc-
cio Frefcobaldi , Parmuccio del Bagno, Guitton
d'Areva, & beaucoup d’autres Tofcans, acquirent
par leurs ouvrages une telle réputation au
dialeâe de leur pays, qu’il devint la langue de tous
les lettrés de l’Italie. La poéfie eut les mêmes lieux
pour berceau : un de leurs premiers modèles fut le
Dante, né à Florence en 1265 > & mort en 1321.
Ce poète a de la chaleur , de l’énergie, eft quelquefois
même fublime ; mais il eft toujours difficile
à entendre, à caufe du peu de progrès encore que
la langue italienne avoit pu faire. L’A^iofte enfin
& leTaffe donnèrent à l’italien une perfeâion &
une grâce qu’il i f avoit point encore ; leurs vers
paffèrent de bouche en bouche, & l’eftime que
ces deux grands poètes arrachèrent à leurs contemporains
, a été confirmée par la poftérité. La langue
italienne a beaucoup plus de douceur 6c. de
dclicateffe , que d’énergie : rich e é légan te , har-
monieufe ; elle abonde en tours d’expreflions, dont
une partie lui eft propre, & l’autre qu’elle tient
de l’antique, Nulle langue fans doute n’eft plus