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dérablettient fleuri dans cette Tille ïVaftt la naîf-
fance de Jefus-Chrift ; car on trouve par les inscriptions
, que vers ce tems-là les Palmyréniens
étoient opulens, & donnoîent dans le luxe. Audi
Appien les appelle expreffément commerçans en
marchandises des Indes , du tems de Marc Antoine.
Ainfi les Palmyréniens ont été en état de faire
la dépenfe magnifique de leurs édifices , que les
écrivains ont jufqu’ici attribuée, fans aucune preuv
e , aux fucceffeurs d’Alexandre ou aux empereurs
romains. En effet, le commerce donnoit à Palmyre
les richeffes de l’orient & de l’occident ; car les
caravanes de Perfe & des Indes , qui viennent fe
décharger à Alep , s’arrêtoient alors à Palmyre ;
de-là on portoit les marchandifes de l’orient qui
lui yenoient par terre, dans les ports de la Méditerranée,
d’où elles fe répandoient dans tout l’occident
; & les marchandifes d’occident lui reve-
noient de la même manière. Les caravanes de l’orient
les portoientici par terre en s’en retournant;
de forte que comme T y r & enfuite Alexandrie ,
avoient eu autrefois tout le négoce de l’orient qui
fe faifoit par m er, Palmyre eut auffi pendant quelque
tems , & feule, tout le commerce qui fe faifoit
par terre. D ’ailleurs ce pays ne pouvoir fnb-
fifter que par le négoce ; mais la perte de la liberté
de fes habitans ayant entraîné celle de leur commerce
, la ruine de leur ville a été prompte.
Il eft difficile de deviner le fiècle des édifices
dont on voitJ.es ruines par monceaux, & qui font
gravées dans le bel ouvrage dont nous avons
parlé; mais il eft évident qu’ils font d’une plus
grande antiquité, que ceux dont les ruines font
encore élevées en partie. Si ce's ruines font les ref-
tes les plus confîdérables & les plus complettes de
l’antiquité que l ’on connoiffe, cela vient fans doute
de ce que le climat eft fe c , de ce qu’il y a peu d’ha-
bitans dans le pays pour les gâter, & de ce qu’étant
éloignée des autres v illes , on n’a pas pu en
employer les matériaux à d’autres ufages.
On fait que la religion des Palmyréniens étoit
la payen-n-e; & il paroîf par la magnificence extraordinaire
du temple du fo le il, qu’ils rendoient un
grand honneur à cette divinité, ainfi que les peuples
de la Syrie dont ils étoient voifins.
On voit parl’hiftoire & par les inferiptions, que
leur gouvernement étoit républicain; mais il ne
refte rien du tout de leurs loix & de leur police.
On fait très-peu de chofes de leurs coutumes ; leur
méthode d’embaumer les corps étoit la même que
celle des Egyptiens, & vraifemblablement ils
avoient emprunté plufieurs autres coutumes de
l’Egypte. Ils tenoient de ce pays-là la pompe extraordinaire
des monumens pour leurs morts.
Enfin les Palmyréniens imitoient de grands modèles
dans leurs manières, dans leurs vices & dans
leurs vertus. Les coutumes qu’ils obfervoient dans
leurs funérailles venoient d’Egypte , leur luxe de
Perfe , leurs lettres & leurs ans de Grèce ; fitués j
aa milieu de ces trois grandes nations, on peut
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raifonnablement fuppofer qu’ils en avoient adopté
plufieurs autres chofes. Q u’il eft fâcheux de n’en
pas fa'voir davantage d’un pays qui a laiffé des monumens
fplendides, qui eut pour reine Zénobie *
& Longin pour fon premier miniftre !
Il faut compter entre les monumens de Palmyre,
le temple du foleil. Tout fon enclos étoit un ef*
pace quarré, fermé de chaque côté d’une haute &
belle muraille, & orné de pilaftres par-dedans &
par-dehors. Cet enclos renfermoit le temple environné
de plufieurs rangs de colonnes de différens
ordres, & d’environ 50 pieds de hauteur» Il n’en
refte plus que 16 : ces colonnes foutenoient la
couverture d’une galerie ; le temple avoit 92 pieds
de longueur, & 40 de largeur. Ce lieu eft changé
en une mofquée, avec des ornemens à la mode
des Turcs , c’eft-à-dire quelques inferiptions arabes
, & des fentences tirees de l’alcoran , entrelacées
de quelques feuillages. Tout l’efpace de l’enclos
eft aujourd’hui rempli de méchantes huttes qui
fervent de demeure à des habitans également pauvres
& miférables. Il n’y a peut-être pas de lien
au monde où l’on voie tout enfemble & plus de
reftes d’une ancienne grandeur, & plus de marques
d’une défolation préfente.
A la (ortie de ce temple, on trouve dans l’efpace
d’un mille, une prodigieufe quantité de colonnes
de marbre , dont quelques-unes font debout, & les
autres renverfées dans la dernière confufion. Plus
loin on apperçoit un grand nombre de ruines, mais
parmi lesquelles on voit encore tant de grandeur,,
qu’on ne peut douter que Palmyre n’air été une des-
plus belles villes de toute l’Afie.
En continuant à marcher du côté du nord , oit
découvre un monument confirîërable ; e’eft une colonne
compofée de fèpt grandes pierres, outre fon
couronnement qui eft au-deffus. La fculpture en
eft fort belle , ainfi qui celle de tous les autres endroits.
Sa hauteur eft de plus de 50 pieds ; & apparemment
il y avok fur le fommet une ftarue que
les Turcs ont mife en pièces. Sa groffeur au-deflus
de fon piédeftal, eft de 12 pieds & demi.
A l’orient & à l’occident de cette colonne , on
en voit deux autres qui en font éloignées chacune
d’environ un quart de mille. Elles femblent
fe répondre l’une à Pautré ; & auprès de celle qui
eft du côté de l’orient, il y en a une autre rompue,
d’où l’on juge qu’il en exifta un rang dans
cet endroit-là. On a mefuré celle qui eft à l’orient
, & l’on a trouvé qu’elle avoit plus de 42
pieds de haut. Elle eft groffe à proportion, 8c 0»
y lit une infeription en langue grecque.
Cette infeription apprend que ceux qui avoient
fait dreffer cette colonne, étoient une nation libre ,
gouvernée par un fênat & par le peuple , & peut-
etre fous la proteélion de quelque puiffant empire »
tel que fut premièrement celui des Parthes, oc en-
fuite celui des Romains, qui ont fouvent difputê
aux Parthes la domination de ce pays- là. Cette
forme de gouvernement des Palmyréniens avoit
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'duré jufqu’au tems d’Aurélien qui prit cette ville
en 272 ,fur la célèbre Zénobie, la fécondé femme
du grand Odénat, chef ou prince des Palmyre-
niens , & qui ne rendit pas fon nom moins recommandable,
~ ,
Après la mort de fon mari , elle fe maintint dans
l ’autorité , & régna d’une manière tres-vigoureule
& très-gloneufe. Elle fe mit à latete de les troupes
, força les Perfes d’accepter la paix , & devint
fa terreur de toute. l’Afie. Elle ne put fouffrir que
les Romains y tinffent aucune place que ious la
proteélion ; & les barbares ayant fait irruption de
tous côtés dans leurs provinces, elle^ etendit les
conquêtes depuis les bords du Tigre' jufqua ceux
de l’H ellefpont, prit le fuperbe nom de reine d'O-
rient , après que Zaba, l’un de fes plus grands capitaines,
eut achevé de lui affujettir 1 Egypte. ,
Cette princeffe j dont la valeur foutenue d une
prudence extraordinaire, avoit fubjugue tant -de
provinces de l’À fie , fut enfin obligée de céder aux
armes romaines. Aurélien , qui avoit défait les Sar-
mates , les Marcomans, & chaffé tous les Barbares
hors de l’empire romain, eut honte qu une femme
ufurpât fur lui tant de pays : il fe prépara à humilier
cette reine ambitieufe. Il n ignoroit pas fa
réputation ni fes exploits. Il favoit quelle etoip
en mérite & en courage.
Il marcha donc contre elle avec toutes les forces
de l ’empire. 11 la vainquit auprès de la ville
d’Emèfe ; mais il lui en coûta fes meilleures troupes.
Il mit enfuite le .fiège devant Palmyre, où
cette princeffe s’étoit retirée, 8c ou il trouva plus
de réfiftance qu’il ne l’imaginoit. Fatigué de la
longueur du fiège , 8c redoutant toujours les eve-
ïiemens que pouvoir amener le courage de Zénobie,
il lui écrivit une lettre, dans laquelle il lui
marquoit, que fi elle fe remettoit entre fes mains,
.il lui offroit la vie , un état honnête, 8c un lieu
de retraite convenable à fon rang. Cette illuftre
reine rejeta de pareilles conditions.
I Sa lettre n’infpira que de la colère à Aurélien \
il pouffa le fiège de Palmyre avec vigueur, & Zénobie
n ayant plus d’efpérance d’empêcher la prife
de fa capitale, en fortit fecretetnent. Aurélien en
fut averti, 8c la fit fuivre avec tant de diligence,
qu’on l’atteignit lorfqu’elle étoit déjà dans le bac
pour paffer l’Euphraite: ce fut en 272, 8c la ville
de Palmyre fut prife peu de jours après.
Quoique toute l’armée demandât la mort de
Zénobie , Aurélien aima mieux la réferver pour
fervir d’ornement à fon triomphe. Elle fut menée
à Rome deux ans après, chargée de pierreries, de
fers d’or aux pieds, & de chaînes'd'or aux mains ;
enfuite l’empereur lui permit de paffer le refte 'de
fes jours avec fes enfans, en perfonne privée,
dans une maifon qu’il lui donna , 8c dont oa voit
encore lestruines près de Tivoli.
Les Anglois qui furent aux ruines de Palmyre
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en i6gi , y .«cueillirent dès-lors .plufieurs inferiptions
grecques, & quelques-unes en langue pal-
myréuienne. On les a communiquées au public ,
& elles ont été imprimées à Utrecht en 1690, lous
le titre de Infcriptïones grezea. Palmyrcnorum. On y
en joignit en même tems quelques-unes en caractères
du pays , dans Pefpérance qu’on pourroit de-
chiffrer ces caraftères pour en faire un alphabet ;
mais perfonne n’a encore pu remplir ce defir, oC
peut-être que cette recherche doit être mue au
nombre des curiofttés inutiles. . . . . . , ,
Il n’en eft pas de même de la médaillé de a
reine Zénobiè , trouvée.en-i 6.90 dans les ruines de
Palmyre, & que M. Vaillant le pere a .expliquée
Jans les Mémoires,de littérature , tom. Il,,-ta-4 .
Cette médaille eft de bronze & de petit modu e ;
tuais quoique le .métal n’en foit pas confiderable_,
ion plus que la grandeur , ;la rareré-en recompenfe
lien le prix & le mérite. Elle a d’un cote une tete
Je femme avec cette infeription i'Cepti^m Zhno-
bia'Ce b w Sa coeffure eft à la romaine , comme
relies du tems de Salonine;, femme de l’empereur
Salien ; & quoique cette .princeffe foit étrangère ,
rile ne porte pas le nom de reine , ni le diademe*
Çlleiprend le. titre d’Augufte qui avoit été accorde
i fön mari. . ■ ■ ' » .
M. Seguin eft le premier qui nous a donne le
portrait de cette illuftre conquérante , qu’il a mis
dans fes médailles choifies au nombre • des plus
rares, avec le type de l’efpérance au revers. Patin
, dans fon livre du moyen bronze , y a ajoute
un fécond type de l’image de l’abondance.-Wiftaa
avant eux, avoit écrit une partie de la vie de Ze-
nobie , quoiqu’il n’eût donné aucun monument de
cette héroïne. B f f i B r rr r '
-Il eft étonnant que 1 hiftoire faffe fi peu mention
de Balbeck & de Palmyre , deux villes qui font
peut-être ce qui nous refte de plus furprênant de
la magnificence des anciens. Ce filence de l’hiftoire
eft inftru&if, & nous apprend qu’il y a «ans 1 an"
tiauité des périodes qui nous font caches. Et les
reftes de Balbeck- & de Palmyre fubfiftem encore
pour compter, pour ainfi dire, eux-memes leur
hiftoire. . „ , . ,
Les habitans aâuels de Palmyre prétendent que
les ruines que l'on voit encore., font celles des ouvrages
de Salomon. Us montrent le ferrail de ce
roi?fon hararn,' le tombeau d’une de-fes concubines
favorites, &c. Cependant les édifices que ce
prince a pu élever dans ce lieu , ne fubfiftent, plus ;
& Jean- d’Antioche affure que Nabuchodonofor de-
truifit cette ville avant d affieger Jerufalem.
O n n e fa u r o i t f e p e r fu a d e r q u e d e s ie d ib c e s - d a n s
le goût de ceux de Palmyre, foient antérieurs aux
tems que les Grecs s’établirent dans la Syrie; auffi
n’eft-il pas furprênant qu’il ne foit.pas parle de
cette ville dans les relations des conquêtes que les
Babyloniens & les Perfes,firent de ce pays. La
période la plus propre pour faire des recherches
au fuiet de Palmyre, feinble être depuis la more
1 Z l l ij