
78 I S L étoit défendu de prononcer lc nom de la peur, mime
dans Us plus grands dangers. Ce légiflateur réufitf
à détruire dans les foldats le fentiment de la
crainte. En effet, les Jomsbourgeois ayant fait une
irruption en Norwège, furent vaincus , malgré
leur opiniâtreté: leurs chefs ayant été fait pri-
fonniers furent condamnés à la mort. Cette nouvelle
loin de les alarmer, fut pour eux un fujet de
jo ie , & perfonnfc ne donna le moindre ligne d’effroi.
L ’un d’eux dit,à celui qui alloit le tuer, de le frapper
au vifage : je me tiendrai immobile , & tu çb/er-
veras f i je donne quelque figne de. frayeur. Un roi des
Goths mourut çn chantant un hymne fur le champ
de bataille , & s’écria à la fin d'une ftrophe, les
heures de ma vie Je font envolées , je mourrai en riant.
Un auteur de ce pays , parlant d’un combat fingu-
lie r , dit que l’un des combattans tomba, rit,. &
mourut. Le roi Regner Lodbrog, prêt à mourir de
les bleffures s’écrie : nous nous femmes détruits à
coups d'épées ; mais je fuis plein de joie en penfant
que le fefiin fe prépare dans le palais 4 'Od i n . Nous
foirons de la bière dans les crânes de nos ennemis :
un homme brave ne redoute point la mort ; jç ne pro-r
noncerai point des paroles d'effroi en entrant dans la
falle d'ODiN. Enfin , Thiftoire dç ces peuples eft
remplie de traits qui prouvent le mépris de la vie
& une joie fincère aux approches de la mort ; au
contraire ils fe lamentoient dans les maladies, par
la crainte d’une fin honteufe & mif'érable ; & fou-
vent les malades fe faifoient porter dans la mêlée
pour y mourir d’une façon plus glorieufe, & les
armes à la main,
Il n’eft; point furprenant que la religion d’une nai
tion fi.intrépide fût barbare & fanguinaire. L’hif-.
toire nous apprend que les peuples du Danemarck
s’affemblojenç tç>us les neuf ans au mois de janvier
en Sélande dans un endroit appelé Lethra : là ils
immoloient aux diçux quatre-vingt-rdix-neuf hommes,
& autant dç chevaux, de chiens, & de coqs.
Les prêtrçs de ces dieux inhumains , iffus d’une fa-
mille qu’on appeloit la race de B or, étoient chargés
d’immoler les viCKmes» Dans un tems de calamité
les Suédois façrifièrent un de leurs rois, comme le
plus haut prix dont ils puffent racheter lafayeur du
çjel,
Ces peuples avoient leurs oracles, leurs devins,
& leurs magiciens, qu’ils confultoient dans de certaines
occasions. Odin étoit regardé comme le père
de la magie & l’inventeur des caraélères runiques.
Voy. Runtques,
Chez mi peuple fi intrépide le gouvernement ab-
folu étojt ignoré ; l’qn y étoit fortement attaché à
la liberté qui a toujours été le partage des pays du
Nord, tandiç que l’affervifiement a été celui des
peuples énpryés du Midi. Les nations du Nord ,
avoient des loix dont plufieurs font parvenues juf-
qu’à nous ; elles étoient très r févères contre ceux
qui fuyoient dans les combats ; ils étoient déclarés
infâmes, exclus d$ ja foçiéçé & même étouffés
çlfins un bourbier.
Leurs idées de la juftice étoient c&nfoïmes aux
maximes que 1 on a vues, & ils croyoient que les
dieux fe rangent du côté des plus forts. Une de leurs
loix portoit : on décidera par le fer Us démtlés ; car il
eft plus beau de fe fervir de fon bras que d'invtéüves
dans les différends. Fondés fur cette maxime, ils fe
battoient dans tomes les occafions où nous plaidons
actuellement : ilparoît que c’eft de ces peuples qu’eft
venu l’ufage du combat judiciaire. C’étoit auffi d’après
ces principes, qu’ils alloient faire des incur-
fions & des pirateries chez tous leurs voifins : à la
faveur de ces irruptions ils ont conquis plufieurs
royaumes, & pillé un grand nombre de provinces.
La piraterie étoit une reffource néceflàire à des
hommes qui avoient un profond mépris pour les
arts & pour l’agriculture.
Les peuples du Nord , maigre leur ardeur suer-
îière & la rigueur de leur climat, n’étoient point
infenfibles à l’amour ; ils avoient une très-grande
vénération pour les femmes ; ils ne fe marioient
que tard, parçe <ju ils ne vouloient époufer leurs
maîtreftes qu’après les avoir méritées. Une beauté
norwegienne refufa de partager le lit d’un monarque,
avant qu’il eût terminé une expédition pé-
rilleufe qu’il avo.it commencée.
Le roi Regner Lodbrog effuya de femblables refus
dune fimple.bergère à qui il avoirpréfenté fes
voeux & fa couronne. Aflanga, c’étoit le nom de
la bergère , ne fe rendit à fes defirs , qu’après
qu’ils fut revenu viâorieux de fon entreprife. Les
femmes de ces guerriers méritoient bien d’être ac-
quifes à un très-haut prix ; elles excitoient les hommes
aux grandes chofes, & elles étoient renon^
mées par leur chafteté & leur fidélité. Suivant Tacite
, chez elles on ne rioiipoi.it des vices i & Von
ne je juftifioit point de fis intrigues amouréufes, fous
prétexte de la mode. Voyez VintroduSlïcnà l'hiftoire
de Dananarck , par M. Mallet, (/?.}
ISLE , étendue de terre environnée d’eau. Il eft
probable que plufieurs ifles que -nous connoif-
Ipns, ont été iéparées du continent par quelque
tremblement de terre. On connoît les vers de
Virgile fur la Sicile : on peut voir auffi la differta-
tion de M. Defmareft fur l’ancienne jonâion de
l’Angleterre au continent. Voye^ Terre, Mer,
Terraqué , Géographie , &ç. .
Les îles nouvelles, dit M. de Ruffon, dans fon
hifioire naturelle, fe forment dé deux façons , ou
fiibitement par l’aCfion des feux fouterrâins§ ou
lentement par le dépôt du limon des eaux. Nous
parlerons d’abord de celles qui doivent leur origine
à la première de ces deux caufes. Les' anciens Tyf-
toriens & les voyageurs modernes , rapportent à
ce fujet des faits, de la vérité defquels on ne peut
guère douter. Sénèque affure que de fon tems 1-ifle
de Thérafie, aujourd’hui Santorin , parut tout d’un
coup à la vue des mariniers. Pline rapporte qu’au-
trefois il y eut treize ifles dans la mer Méditerrai
née qui fortirent en même tems du fond des eayx,
que Rhodes & pélos.fon; .les principales d§
I S L ces treizes îles nouvelles mais il paroit pat* ce
qu’il en dit , & par ce qu’en difent auffi Ammian
Marcellin , Philon , &c. que ces treizes ifles n ont
pas été produites par un tremblement de terre,
ni par une explofion fouterraine^ Elles étoient auparavant
cachées fous les eaux , & la mer en sabaiffant
a lai fié , difent-ils , ces îles a découvert:
Délos avoit même le nom de Pelqgia9 comme
ayant autrefois appartenu à la mer. Nous ne favons
donc pas fi l’on doit attribuer 1 origine de ces
treize îles nouvelles à l’aélion des feux fouterrâins ,
ou à quelqu’autre câufe qui auroit produit un
abaiffement & une diminution des eaux dans^la
mer Méditerranée ; mais Pline rapporte que l’île
d’Hiera, près de Thérafie, a été formée de maf-
fes ferrugineufes & de terres lancées du fond de
la mer; & dans le chap. Ixxxix, il parle de plufieurs
autres îles formées de la même façon ; nous
avons fur tout cela des faits plus certains & plus
ï nouveaux.
Le 2.3 mai 1707, au lever du foleil , on vit de
cette même île de Thérafie ou de Santorin, à deux
ou trois milles en mer, comme un rocher flottant;
quelques gens curieux y allèrent & trouvèrent que
cet écueil, qui étoit forti du fond de la mer , aug-
mentoit fous leurs pieds ; & ils; en rapportèrent
de la pierre-ponce & des huîtres que le rocher qui
s’étoit élevé du fond de la mer, tenoit encore
attachées à fa furface. Il y avoit eu un petit tremblement
de terre à Santorin, deux jours auparavant
la naiffance de Cet écueil : cet;e nouvelle île
augmenta confidérablement jufqu’au 14 juin , fans
accident, & elle avoit alors un demi-mille de tour,
& vingt’ a trente pieds de hauteur. La terre étoit
blanche & tenoit un peu de l’argile; mais àprès
"cela la mer fe troubla de plus en plus ; il s’en/
éleva des vapeurs qui infeéîoient l’île de Santorin ^
& le 16 juillet, on vitdix-fept ou dix-huit rochers
fortir à la fois du fond de la mer ; ils fe réunirent.
Tout cela fe fit avet un bruit affreux qui coriti-
tinua plus de deux mois , & des flammes qui s’élë-
voient de la nouvelle île ; elle augmentoit toujours
en circuit & en hauteur, & lès exploitons Idn-
çoient toujours des rochers & des pierres à plus
! de fept milles de diftance. L’île de Santorin elle-
même, a paffé chez les anciens pour une production
nouvelle; en 72 6 , 1427 & 1573 , elle a
reçu des accroiffemens , & il s’eft formé de petites
îles auprès de Santorin. Voye£ l'hifloire de Cacad.
1708 , pag. 2.3 6* fuiv. Le même volcan , q u i, du
tems de Sénèque, a formé l’île de Santorin, a
produit du tems de Pline , celle d’Hiera ou de
^Volcànelie, & de nos jours a formé l’écueil dont
Bous venons de parler.
Le^to oâobre 1720, on vit auprès de l’ifle de
Terçère un feu affez eonfidérable s’élever de la mer.
Des navigateurs s’en étant approchés par ordre du
gouverneur,, ils apperçurent, le 19 du même mois,;
line ifle q;u n’etoit que feu & fumée , avec une pro-
.digieufè quantité de cendres jetées au loin, comme
I S L 79
par la force d’un volcan, avec un bruit pareil à
celui du tonnerre. 11 fe fit en même tems un tremblement
de terre , qui fe fit fentir dans les lieux
circonvoifins ; & on remarqua fur la mer une
grande quantité de pierres-ponces , fur-tout autour
de la nouvelle ifle : ces pierres-ponces voyagent,
& on en a quelquefois trouvé une grande quantité
dans le milieu même des grandes mers. Voy. Tran-
J,a fiions philofoph, abr. vol. V I , part. I I , pag. 134.
L'Hifioire de l'académie, année 1721, dit à l’occafion
de cet événement, qu’après un tremblement de
terre dans l’ifle de S. Michel, l’une des Açores, il
a paru à 28 lieues au large , entre-cette île & le
Tercère, un torrent de feu qui a donné naiffance
à deux nouveaux écueils , page 26. Dans le volume
de l'année fuiv ante 17 22 , on trouve le détail qui
fuit.
« M. de Lifle a fait favoir à l’académie plufieurs
» particularités de la nouvelle île entre les Açores,
n dont nous n’avions dit qu’un mot en 1721, page
n 26 : il les avoit tirées d’une lettre de M. de Mon-
» tagnac, conful à Lisbonne.
n Un vaiffeau où il étoit, mouilla lè 18 féptembre
» 17 2 1 , devant la fortereffe de la ville de Saint-
» Michel, qui eft dans l’ifte du même nom; &
» voici ce qu’on apprit d’un pilote du port.
» La nuit du 7 au 8 décembre 1720 , il y eut lin
» grând tremblement de terre dans la Tercère &
» dans S. Michel, diftantes l’une de l’autre de 28
» lieues, & lîle Neuve fortit: on remarqua en
»/ même-tems que la pointe de rifle de P ic , qui en
» étoit à 30 lieues, & qui auparavant jetoit du feu ,
» s’étoit affaiffée & n’en jetoit plus; mais 111e
/» Neuve jetoit continuellement une groffe fumée.,
n & effectivement elle fut vue du vaiffeau où étoit
» M. de Montagnac , tant qu’il en fut à portée. Le
» pilote afiura qu’il avoit fait dans une chaloupe le
» tour de vile J en l’approchant le plus qu’il avoit
» pu. Du côté du fud, il jeta la fonde, & fila
» 60 braffes fans trouver fond : du côté de l’oueft,
» il trouva les eaux fort changées ; elles étoient
» d’un blanc bleu & verd, qui femblolent du bas-
» fond , & qui s’étendoient à deux tiers de lieue ;
» elles paroiffoient vouloir bouillir. Au nord-oueft,
» qui étoit l’endroit d’où fortoit la fumée, il trouva
» quinze braffes d’ eau, fond de gros fable : il jeta
» une pierre à la mer, & il v i t , à l’endroit où elle
» étoit tombée, l ’eau bouillir & fauter en l’air avec
» isr.pétuofité. Le fond étojt fi chaud, qu’il fondit
» deux fois de fuite le fuif qui étoit au bout du
» plomb. Le pilote obferva encore de ce côté-là
» que la fumée fortoit d’un petit lac borné d’une
» dune de fable. L’île eft à-peu-près ronde & affez
» haute pour être apperçue de fept à huit lieues
» dans un tems clair.
« On a appris depuis par une lettre de M. Adrien ,
» conful de la nation françoife dans l’ile de Saint-
» Michel, en date du mois de mars 1722, que l’île
» Neuve avoit confidérablement diminué & qu’elle
I étoit prefque à fleur d’eau, de forte qu’il n’y