
par ^lequel il étoit ordonné que Phocée en Ionie
îeroit rafée jufqu’aux fondemens , pour àvoir tenu
le parti de l’impofteiir Ariftonique, qui vouloit
s’emparer du royaume d’Attale. Les Marfeillois,
par reconnoiflance , favorifèrent la conquête de
la Gaule Tranfalpine , mais ils furent fubjugués
par Jules-Céfar, pour avoir embrafféle parti de
Pompée.
Après avoir perdu leur puiflânce , ils renoncèrent
à leurs vertus, à leur frugalité, 8c s’abandonnèrent
à leurs plaifirs, au-point que les moeurs des
Marfeillois paffèrent en proverbe, fi l ’on en.croit
Athénée, pour déligner celles des gens perdus
dans le luxe 8c la mollefle. Ils cultivèrent encore
toutefois les fciences , comme ils Tavoient pratiqué
depuis leur premier établiffement ; 8c c’eft par
eux que les Gaulois fe défirent de leur première
barbarie. Ils apprirent l’écriture des Marfeillois, &
en répandirent la pratique chez leurs voifins ; car
Céfar rapporte que le regiftre des Helvétiens, qui
fut enlevé par les Romains , étoit écrit en caractère
grec , qui ne pouvoit être venu à ce peuple
que de Marfeille.
Les Marfeillois dans la fuite quittèrent eux-
mêmes leur ancienne langue pour le latin ; Rome
& l’Italie ayant été fubjuguées dans le v e fiècle
par les Hérules , Marfeille tomba fous le pouvoir
d’Enrie roi des Wifigoths , & de fon fils Ala-
ric , après la mort duquel Théodofe roi des Oftro-
goths, s’empara de cette ville & du pays voifin.
Ses fuccefleurs la cédèrent aux rois Mérovingiens ,
qui en jouirent jufqu’à Charles-Martel. Alors le
duc Moronte s’en rendit le maître, 8c fe mit fous
la prote&ion des Sarrafins. Cependant ce prince
étant preffé vivement par les François, fe fauva
par mer, & Marfeille obéit tfux Carlovingiens,
puis aux rois de Bourgogne, & finalement aux
comtes d’Arles.
Ce fut fous le règne de Louis l’A veugle, & le
gouvernement d’Hugues comte d’Arle s , que les
Sarrafins, qui s’étoient établis & fortifiés fur les
côtes de Provence, ruinèrent toutes les villes maritimes
, & fpécialement Marfeille.
Elle eut le* bonheur de fe rétablir fous le règne
de’Conrad le Pacifique. Ses gouverneurs qu’on ap-
peloit vicomtes, fe rendirent abfolus fur la fin du
Xe fiècle. Guillaume , qui finit (es jours en 1004,
fut fon premier vkomte propriétaire. Hugues Geo-
froi* un de fes defcendans, laifla fon vicomté à
partager également entre cinq de fes fils. Alors les
Marfeillois acquirent infenfiblement les portions
des uns & des autres , & redevinrent république
libre en 12 7.6.
Ils ne jouirent pas long-tems de cet avantage.
Charles d’Anjou, frère de S. Louis, étant comte
de Provence, ne put fouffrir cette république. Il
fit marcher, en 1261 , une armée contr’elle 8c
la fournit ; cependant fes habitans fe font maintenus,
jufqu’à Louis X IV , dans plufieurs grands
privilèges, 8c entr’autres dans celui de ne c©ntnbner
en..1'ien al,x charges de la province.
Vllle? continué pendant tant de fièdes;
d e tre l entrepôt ordinaire & des marchandifes dé
la domination Françoife, & de celles qui s’y
tranfportoient des pays étrangers. C ’eft dans fon
port quon debarquoit le vin de Gaza, en latin
ffnonuné dans les Gaules du vivant
de Grégoire deTfcurs ; & le commerce étoit alors
continuel de Marfeille à Alexandrie.
Enfin ,1 an 1660 , Louis XIV étant allé en Pro-
vence, fubjugua les Marfeillois. leur ôta leurs'
droits Sr leurs libertés, bâtit une citadelle au-def-
fusde 1 abbaye de Saint-Viélor, & fortifia la tour
de Saint-Jean qui eft vis-à-vis de la citadelle , à 1 entrée du port. On fait que c’eft dans ce port
que le retirent les galères, parce qu’elles y font
abritées des vents du nord-oueft.
Cependant Marfeille eft reftée très - commerçante
, & même les prérogatives dont elle jouit
ont prefque donne à cette ville & aux manu-
méridionales de la France, le privilège
exclufif du commerce du Levant, fur quoi il eft
permis de douter fi e’eft un avantage pour le
royaume. o r
Perfonne n’iguore que cette ville fut défolée;
en 1720 & 1721, par le pins cruel de tous les
fléaux. Un vaiffean venu de Seydevers le iç ju in
1720, y apporta la pelle, qui de là fe répandit
dans prefque toute la province. Cette violente
maladie enleva dans Marfeille feule, to à 60 mille
âmes.
Son églife eft tme dès plus anciennes des Gau-
les ; les Provençaux ont foutenu avec trop de
chaleur qu’elle a été fondée par le Lazare qu’avoir
refliifcité J. C . ; & le parlement d’Aix , dans le
J T ° ermer j^coffdamna au feu un livre de Mé
de Launoy, où ce favant critique détruit cette
tradition par les preuves les plus fortes»
Les trois petites ries fortifiées, fituées à environ
une lieue de Marfeille, fontfiériles, & ne méritent
que le nom d’écueils» Il efi fingulier qu’on les
ait prifes pour les Stoëchades des anciens.
Marfeille efi proche la mer Méditerranée, à c
li. f. o. d’A ix , 12 n. o. de Toulon , 16 f. e. d’Ar-;
le s , 35 f. o. de Nice, 166 f. e. de Paris. Long.. 23?
d. 58' 30*; lut. 43 d. 19 *30*.
j Ératofiène & Hipparque conclurent autrefois^
d’une obfervation de Pithéas, que la difiance de
Marfeille à l’équateur, étoit de 43 deg. 17'. Cette
latit. a été vérifiée par Gaffendi ,par Caflîni & par
le P. Feuillée. On voit quellediflere peu de celle
que nous venons de fixer, d’après MM. Lieutaud
oc de la Hire.
Il efi bien glorieux à la ville de Marfeille d’avoir
donné le jour à ce même Pithéas, le plus ancien
de tous les gens de lettres qu’on ait vu en
occident, 8c dont Pline fait une mention fi honorable
: il fleurifioit du tems d’Alexandre le Grand»
Afironome fublime 8c profond géographe, il a
porté fes fpéculations à un point de fubtilité où
les Grecs, qui fe vantoienr d’être les inventeurs
de toutes les fciences, n’avoient encore pu atteindre.
Cet écrivain en profe & en vers > fi délicat 8c fi
voluptueux, qui fut l’arbitre des plaifirs de Néron,
Pétrone en un mot étoit de Marfeille. Mais comme
j ’aurai lieu de parler de lui plus commodément
ailleurs , je pafle à quelques modernes dont Marfeille
eft la patrie ; car quoique cette ville s’occupe
principalement du commerce, elle a cependant
produit au XVIIe fiècle des hommes célèbres dans
les fciences & les beaux arts.
Le chevalier d’A rvieux, mort en 1701 , s’eft
îlluftré par les voyages, par fes emplois , 8c par
fon érudition orientale.
Le P. Feuillée, Minime, s’eft diftingué par fon
journal d’oblervations aftronomiques & botaniques
, en 3 vol. in-40 , imprimés au Louvre.
Jules Mafcaron , évêque de Tulles 6c puis d’Agen
, où il finit fa carrière en 1703, à 69 ans , prononça
des oraifons funèbres, qui balancèrent d a-
bord celles de Bofiuet ; mais il eft vrai qu’aujour-
d’hui elles ne fervent qu’à faire; voir combien Bof-
fuet étoit un grand homme.
Charles Plumier, un des habiles botaniftes de
l’Europe, fit trois voyages aux îles Antilles pour
herborifer. Il alloit une quatrième fois en Amérique
dans Ja même v u e , lorfqu’il mourut près de
Cadix en 1706. On connoît .fes beaux ouvrages
fur les plantes d’Amérique, 6c fon traité de l’art
de tourner, qu’il avoit appris» du P. Maignan, religieux
Minime comme lui.
Antoine de Ruffi, mort confeiller d’état en 1689,
a par-devers lui trop de titres honorables pour que
je fupprime fon nôm. Auteur d’une bonne hiftoire
de Marfeille 8c des comtes de Provence , il joignit
l’intégrité la plus délicate à fa vafte érudition.
Etant membre de la fénéchauflée de fa patrie, &
fe reprochant de n’avoir pas affez approfondi la
caufe d’un plaideur dont il étoit rapporteur, i!
lui remit la fomme que lui avoit coûté Ut perte
de fon procès*
Honoré d’U rfé, le cinquième de fix fils, 8c le
frère de fix foeurs, s’eft rendu fameux par fon roman
de l’Aftrée. Il époufa, dit M. de Voltaire, j
Diane de Châteaumorand, féparée de fon frère,
de laquelle il étoit amoureux, 6c qu’il a déguifée
dans fon roman fous le nom d’Aftrée 6c de Diane,
comme il s’y eft caché lui-même fous ceux de
Céladon 6c de Sylvandre. Il mourut en 1625 , à
58 ans.
Il faut réferver l’article du Puget, né à Marfeille,
au mot Sculpture moderne, à caufe de
fon mérite éminent dans ce bel art.
Il y a à Marfeille une académie de belles-lettres.
Elle rut établie en 1726 par lettres-patentes du r o i,
fous la proteâion de feu M. le maréchal duc de
Villars, gouverneur de Provence, 6c adoptée en
même tems par l’académie Françoife, à laquelle
elle envoie pour tribut annuel un ouvragé de fa
compofition , en profe ou en vers. Les objets que
fe propofe cette académie, font l’éloquence , la
poéfie , l’hiftoire, 6c la critique. Toute matière de
controverfe fur le fait de la religion , y eft interdite.
Les académiciens font au nombre de vingt,
6c ont trois officiers, un directeur , un chancelier
6c un fecrétaire. Le fort renouvelle tous les ans
les deux premiers, mais le fecrétaire eft perpétuel.
Le directeur eft chef de la compagnie pendant
fon année d’exercice ; il porte la parole, &
recueille les voix. Le chancelier rient le fceau de
l’académie, fait l’office de tréforier. Le fecrétaire
écrit les lettres au nom de l’académie , fait
l’éloge hiftorique des académiciens qui meurent,
6c fupplée le directeur 6c le chancelier en leur
abfence. L’académie a-vingt affociés étrangers,
• dont chacun eft obligé de lui envoyer tous les ans
un ouvrage de fa compofition , 6c qui ont droit
de féance dans l ’académie lorfqu’ils lont préfens.
Il leur eft permis de travailler pour le prix fondé
par M. le maréchal de Villars, à moins qu’ils ne
viennent s’établir à Marfeille. Ce prix étoit donné
tous les ans par. la libéralité du proteâeur ; mais
il le fonda en 1733 , par un contrat de rente
annuelle de 300 livres , qui doivent être employées
en une médaille d’or qu’on donne tous
les ans à un ouvrage en profe ou ça vers alternativement
, dont l’académie propofe le fiajet.
Cette médaille, qui portoit d’abord d’un côté le
nom du protedeur, 6c au revers la devife de l’académie,
porte maintenant d’un côté lebufte, 6c
au revers la devife du maréchal de Villars. Le duc
de Villars fon fils, lui a fuccédé dans" la place de
protecteur.
L’académie de Marfeille s’aflemble tous les
mercredis, depuis trois heures après midi jufqu’à
cinq, dans la laite que le roi lui a accordée à l’ar-
fénal ; fes vacances durent depuis la Saint Louis •
jufqu’au premier mercredi après la Saint Martin.
Elle tient tous les ans , le 25'août, une aflemblée
publique où elle adjuge le prix. Elle accorde Ja
vétérance à ceux des académiciens qui vont fe domicilier
hors de Marfeille, ou à qui leur âge 8c
leurs infirmités ne ^permettent plus d’aftifter aux
aflemblées ; 8c quoiqu’on les remplace par de nouveaux
fujets , ils ont toujours droit de féance 6c
voix consultative aux aflemblées. Il faut avoir les
deux tiers des fiiffrages pour être élu académicien
ou afTocié, 6c les électeurs doivent être au moins
au nombre de douze. En «734 l’académie obtint
du roi la permiflion de s’aflocier dix perfonnes
verfées dans les fciences, telles que la phyfique ,
les mathématiques, 8cc. La devife de l’académie
eft un phénix fur fon bûcher , renaiffant de fa
cendre aux rayons d’un foleil naiflant , avec ces
mots pour ame , prirnis renafeor radiis , par allufion
à cette académie de Marfeille , fi fameufe dans
l’antiquité, 6c qui eft en quelque forte reflufeitée
au commencement du règne de Louis X V , dont
le foleil eft l’emblème.
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