
478 N I S îvépargnoît pas le bronze pour orner les temples.
Sans parler ici des ftatues des dieux & des trophées
qu’on, plaçoit au faîte des bâtimens , dont le métal
«ugmentoit l’éclat & la richeffe, l’on fait qu’on s’en
fervit pour les portes de ces temples, & les chapiteaux
des colonnes. On fait que l’arc de Conftanrin
à Rome , & celui de Trajan à Ancône , en étoient
ornes. Rien n’égaloit la grandeur & la magnificence
de ces maîtres du monde. Les provinces les plus
éloignées fe piquoient d’être les émules de Rome :
les princes fecondoient toujours leurs defirs.
La méthode que rouvrier fuivit pour attacher
les lettres à la frife du temple de Nîmes , n’a pas
été fouveht pratiquée par les Romains. Aux autres
édifices , les lettres à demi-gravées dans.la pierre,
y étoient retenues dans un petit canal ménagé au-
deffous : ici il n’y en avoir point; elles pofoient à
plat fur le mur où elles étoient fcellées en plomb.
Quoique cette première méthode fût plus lure que
l ’autre, on a cependant enlevé un grand nombre
de ces lettres dans les tems où l’empire a fouvent
changé de maîtres, & où les Barbares fe faifoient
une gloire de détruire les plus beaux édifices des
Romains. Mais du moins alors, quoiqu’on les eût
arrachées , ou quelles fuffeflt tombées d’ellcs-
mêmes, le canal qui reftoit, en confervoit la trace,
& l’on a toujours pu lire les infcriptions. A Nîmes,
dès que les caraâères ont difparu, il n’eft refié
qu’une multitude de trous dont l’application a
paru très-incertaine, 6t la combinaifon. encore plus
difficile.
Il n’y a pas lieu de douter que depuis le renouvellement
des lettres , & fur-tout après que Gaf-
fendi eut fait connoître qu’au moyen des trous on
pourroit deviner l’infcription , il n’y ait eu quantité
d’habiles gens qui ont tenté de faire pour
celle-ci ce que Peirefc fit pour celle d’Affife. Ils
fe feront rebutés apparemment par la quantité de
trous inutiles qui font des méprifes manifefies des ;
ouvriers, inexaélitude qu’on ne devoit pas même !
foupçonner chez les Romains. La différente ma- !
nière de cramponner les lettres qui n’a pas tou- !
jours été confiante, & qui dépendoit des ouvriers,
eft une autre difficulté qui dérange les idées qu’on
s’en eft faites fur d’autres bâtimens, & qui devient
encore plus embarraffante, lorfqu’à la même inf-
cription on a fuivi, comme dans celle-ci, des ar-
xangemens différens pour les mêmes lettres : méprises
, fi l’on doit les appeler ainfi, dont il n’eft
aifé de s’appcrcevoir qu’après la découverte de
J’iiîfcription.
M. Séguier, au bout de plufieurs tentatives in-
génîeufes dont on trouvera le détail dans fa differ-
tation , a découvert, à n’en pouvoir douter, qu’il
y avoir anciennement fur la façade de ce temple
i’infeription fuivante : fayoir, à la première ligne
fur la frife :
C. CA ES ART. AVGVSTT. F. COS.
L. CAESARI. AVGVSTI. F. COS,
DESIGNATO
N I S & a la fécondé ligne fur l’architrave î
PRINCïPIBVS. IVVENTVTIS.
j, inscription appartenoit aux fils adoptif#
d Augufte, & tout ce que les anciens monumens
nous apprennent de ces princes , nous confirme,
d une manière authentique, les titres & les qualités
qu ils portent dans l'infçription de Nîmes.
Il ne faut pas s’étonner que l ’on ait pouffé la flatterie
jufqu’à élever aux fils d’Augufie un temple de
leur vivant, puifque leur père en avoir plufieurs;
ainfi des enfans qu’il aimoit tendrement ( fes héritiers
préfomptifs) dévoient partager avec lui les
memes honneurs. Enfin, l’édifice de Nîmes fervoit
a cette ville de moyen pour faire la cour à Augufte,
en honorant la mémoire de deux princes fi chers
a 1 empereur, & enlevés à la fleur de leurs ans.
M. Séguier parle enfuite du bronze, des crampons
ou tenons des lettres, de la façon de les fcel-
ler en plomb, de l’impreflion que le métal alaifle
en certains endroits da mur , des trous qu’on a faits
pour 1 attacher ; détails dans lefquels nous ne pouvons
entrer i c i , mais qui font connoître que l’auteur
a etendu fes recherches à tout ce qui pouvoit,
le mener à la vraie connoiflance de l’infcription.
Il finit fa differtation en obfervant, que malgré
la magnificence du batiment de Nîmes, les caractères
de l’infcription n’ont point cette élégance &
cette belle proportion que l’on remarque dans ceux
dun âge qui fuccéda bientôt à celui-ci , quoique
les médailles de ce même tems en offrent de meil*
leur goût.
L amphithéâtre appelé les Arènes, eft un des plu»
beaux monumens de l’antiquité, en même tems
que c’eft un des mieux confervés. C ’eft une ellipfe
dont le grand axe eft de 67 toifes trois pieds , & le
petit de 52 toifes cinq pieds, le tout bâti de grands
blocs de pierres, affemblés à fec.
Ce qui refte de la tour-magne a 13 toifes de
hauteur. Elle étoit à fept faces, & de pierres de
taille. Quelques-uns croient qu’elle fervit de phare.
On découvrit fous François I , la médaille frappée
à l’occafion de l’établiffement de la colonie
Nîmoife, qui portoit Col. nem. avec un crocodillé
attaché à un palmier.
Les habitans érigèrent à cette occafion cette,
fameufe colonne, au haut de.laquelle eft.placée
une falamandre, avec cette infeription : Franc, ƒ. F,
Reg. P. P. M. P. Q. Nemauf. D . D. c’efLà-dire,
Francifco I. Francorum régi, patri patrice, magiftra-
tus populufque Nemauf dedicarunt«
La belle fontaine de Nîmes qui avoit été détruite
dans les fiècles de deftruélion & de barbarie, a été
^établie de nos jours, & magnifiquement décorée*
Les travaux qui en font achevés depuis plufieurs
années avoient commencé en 1744, & ils ontpro-r
çuré plufieurs morceaux curieux de l’antiquité retrouvés
fous les ruines. La fontaine de Nîmes a été
Récrite par M. de la Ferrière, chanoine de la cathédrale,
8t M. l’abbé. Expilli a donné un extrg.il
N I S ce cette defeription dans fôn article de Nîmes.'
La ville,de Nîmes eft bien déchue de fon ancien
ïuftre, & la révocation de l’édit de Nantes lui a
porté un coup funefte. On y compte cependant
encore aujourd’hui 3 à 40,000 habitans , dont
fort grand nombre eft proteftant, & il s’y fait un
commerce fort confidérable en foieries, fur-tout
en bas de foie en général de médiocre qualité,.
mais à très-bon compte. Il y a d’ailleurs des fabriques
de ferges, & de quelques autres étoffes de
laine.
C ’eft le fiège d’un gouvernement particulier &
d’un état-major. 11 y a préfidial, fénéchauffée, lieutenance
des maréchaux de'France. On n’y compte
que deux paroiffes. Le féminaireyeft régi par les
pères de la Doârine Chrétienne. Il y a un collège,
une académie fondée en 1682, qui s’occupe des
Belles-Letrres, & de l’étude de l’antiquité ; plufieurs
couvens de l’un & l’autre fexe, & plufieurs
hôpitaux. Elle eft d’ailleurs munie d’une citadelle,
& pourvue de cafernes.
Cette ville jouit d’un ciel pur & ferein pendant
prefque tonte l’année, & fe troüvefituée dans un
des plus agréables pays du monde. Une belle plaine
fait une partie de fon terroir ; l’autre eft compofee de
vallons couverts d.e vignes & d’oliviers, & de coteaux
nommés Guarigues, couverts de bois taillis, où
croiffent le/thin, le romarin, la farriette & le fer-
poiet. Ces Guarigues produifent aufli des y eu x , fur
lefquels croît l’infecle qui fournit le kermès.
Nîmes eft fituée à 5 lieues n. o. d’A rles, 8 f. o.
d’Avignon, 8 n. e. de Montpellier, 30 n. e. de
Narbonne, 147 f. e. de Paris. Long. félon Caffini,
a i , 32, 30; lat. 43 , 50, 25.
Parlons des gens de lettres de Nîmes, enpaffant
fous filence Domitius A fe r , parce qu’il trouvera
fon article entre les orateurs qui brillèrent à Rome
fous Tibère.
Brouffon ( Jacques ) , né à Nîmes en 1647,
fuivit aufli la profeflion du barreau, 6c devint dans
fon pays le plus célèbre avocat des Proteftans,
dont il défendit la religion &. les intérêts, par fon
éloquence, par fa plume & par fes veilles. Les
plaies de fa mort iaignent encore aux yeux des
réfugiés ; & certainement l’idée de fon fuppliee ne
peut qu’arracher des larmes à tous ceux qui ont
des fentimens d’humanité, & la plus légère teinture
des principes du chriftianifme. Il fut condamné
pour fa religion , le 4 novembre 1698 , à être
rompu v if fur la roue. L ’infendant du Languedoc
avoit publié une ordonnance, par laquelle il pro-
mettoit cinq mille livres ( c’eft dix mille livres actuelles)
à qui livreroit morts ou vifs MM. Brouffon
& de Vivens. Le premier fut arrêté à Orléans le 19
Septembre 1698 , conduit à Pau , & exécuté à'
Montpellier le 4 novembre fuivant, fur un échafaud
entouré de deux bataillons du régiment d’Auvergne
, & de vingt tambours qui battoient la eaiffe ;
mais enfin les efprits fe font adoucis en s’éclairant
^avantage.
N I S 4 7 9
L’abbé Caffaigné, dofleur en Théologie , né &
élevé à Nîmes, où fon père étoit tréforier du domaine,
devint garde de la bibliorhèqne du roi. Il
fut reçu à l’académie Françoife à l’âge de 27 ans,
&• M. Colbert le nomma l’un des quatre premiers
membres dont on compofa d’abord l’académie des
Irifcriptions, On fait par coeur le trait piquant de
Defpréaux :
Si Von ejl plus à l'aife ajjis dans un fejlin,
Qu'aux fermons de Caffaigné, ou de L'abbé Cotin.’
Il mourut en 1679 , à 46 ans. Il a publié entr’au-
tres ouvrages une affez bonne tradudion de Sa-
lufte, & des trois livres de Cicéron de Oratore ;
outre une préface aux .oeuvres de Balzac, qui n’eft
pas mauvaife.
Cotelier ( Jean-Baptifte ) , de la fociété de Sorbonne,
profond dans la connoiflance de la langue
Grecque, étoit de Nîmes. Il s’eft diftingué, i° . par
fon recueil des monumens des Pères dans lés tems
apoftoliques, Paris 1672, & Holl. 1698, 2 vol.
in-fol. 2°. par fes monumens de l’églife Grecque ;
3°* par fa tradudion des homélies de Saint Chry-
foftôme ; 40. par le catalogue des manuferits Grecs
de la bibliothèque du roi, qu’il a dreffé avec M. Du-
cange. Il mourut à Parisien 1684, à 58 ans.
N ic o t (J e a n ) , natif de Nîmes, devint maître
des requêtes de l’hôtel du ro i, fut envoyé ambafla-
deur en Portugal en 1559, & en rapporta le premier
dans ce royaume la plante qui de fon nom
1 fut appelée nicotiane , aujourd’hui fi connue fous
le nom de tabac» Il mourut en 1600.
Petit (Samuel), un des plus favans miniftres
calviniftes du x v n e fiècle , fit encore plus d’honneur
à la ville de Nîmes fa patrie. Nous ayons de
lui plufieurs ouvrages exceliens, & tout remplis
d’érudition. Les principaux font, leges atticce ; mif-
celianeorum libri novem ; eclogæ chronologies, vario-
rum leciionum libri quatuor ; obfervationum libri tresy
&c. Il mourut en 1648 , âgé de 54 ansf
Saurin ( Jacques ) , miniftre proteftant de ce
fiècle. Il avoit d’abord pris le parti des armes, mais
il le quitta pour étudier à Genève la théologie. Il
paffoit pour le prédicateur le plus éloquent des
réfugiés François de Hollande. On créa en fa faveur
une place de miniftre de la nobleffe à la Haye, oit
il mourut en 1730, à 53 ans. Ses fermons, qui
forment 11 vol. in-8°., ne font pas tous é g a le m e n t
bons. Ses difeours fur l’ancien & le nouveau Tefta-
ment brillent davantage par les planches & la
beauté de l’édition, que par le favoir & la folidité
des principes.
Ajoutons aux îlîuftres Nîmois, les noms de Se-
guier,de Léon Ménard, tous deux de l’académie des
Infcriptions & Belles-Lettres de Paris ; ce dernier
a fait l’Hiftoire de Nîmes en 7 vol. in-40. publié»
en 1750 & ann. fuiv. M. de Maucomble en a
donné un excellent abrégé in-8°. en 1767. Le célèbre
Efprit Flechîer a illuftrê ce fiège épifcopal
1 par fes vertus, fa charité & fes ouvrages.