
ce tems-là., les Turcs ayant tout laifîe ruiner par
leur négligence , n’ont point permis jufqu’ici aux
Francs d’y naviguer , quelques avantages qu’on
leur ait propofé pour en obtenir la faculté.
Les côtes de la mer Noire fourniffent abondamment
tout ce qu’il faut pour remplir les arfenaux,
les magafins & les ports du grand-feigneur. Comme
elles font couvertes de forêts & de villages, les
Jiabitans font obligés de couper des bois & de les
fcier. Quelques-uns travaillent aux clous , les autres
aux voiles, aux cordes & agrès néceffaires
pour les felouques, caïques & faïques de fa hau-
teffe. C ’eft même de là que les iultans ont tiré
leurs plus fameufes flottes , dans le tems de leurs
conquêtes ; & rien ne feroit plus aifé que de rétablir
leur marine. Le pays eft fertile ; il abonde en
vivres, comme bled, r iz , viande, beurre, fromages
; & les gens y vivent très-fobrement. Voyeç
Noire ( mer ). Voye^ Pont-Euxin. (J2.J
Mer du Nord : on appelle ainfi la partie de
mer qui lave les côtes orientales de l’Amérique,
depuis la ligne équinoxiale au midi, jufqu’à la mer
glaciale au foptentrion. Le golfe du Mexique fait
partie de cette mer. Elle comprend un grand nombre
d’îles : Terre-Neuve , les Açores , les Lu-
cayes , 111e du Cap-Breton, les grandes & les pe-
tes Antilles.
On appelle attffi mer du Nord, la partie de l’O céan
qui eft entre l’Ecofle & la Norwège. (T?.)
Mer de l’O uest. Cette mer prétendue, que
quelques fa vans géographes ont placée fur leurs
cartes, n’a d’autre fondement de fon exiftence ,
que certains récits attribués à des fauvages du Canada
, & des relations de voyages , la plupart imaginaires
, ainfi que leurs auteurs mais fur-tout
celle d’un certain Fuca , admife pour authentique
par MM. de Lifte & Buache, qui lui font honneur
de la découverte de cette mer.
Ce Fuca étoit un Grec de Céphalonie qui, après
avoir été fait prifonnier par les Anglois , on ne
fait pourquoi, ni comment, ni dans quelle occasion
, leur échappa, & alla, en 1592,, par les ordres
du vtceroi du Mexique, découvrir un paffage
au nord. A 47 degrés il trouva un détroit dont
l ’entrée étoït d’environ 40 lieues. 11 navigua vingt
jours , fans aucun tems contraire, & avança fi
loin , qu’il crut être dans la mer du Nord. 11 fom-
ble qu’il avoit achevé la découverte pour laquelle
il avoit été envoyé. Cependant il ne put obtenir
de récompenfe du viceroi. Mécontent, il vint en
Efpagne offrir fes for vices au roi même. Il ne
réuflit pas. Il s’en retournoit dans fa patrie par
Venife : il y trouva un Anglois, nommé Michel
Locke, qui le follicita de fo rendre auprès de la
reine ElHabeth, lui faifant envisager une grande
fortune s’il découvroit aux Anglois la route de la
mçr du Sud par un paffage au nord. Mais ce Grec,
loin d’écouter un confeil qui flattoit à la fois fon
ambition & fa vengeance contre les Efpagnols ,
préféra d’aller mourir de misère chez, lui. Cette
hiffoire paroît bien être une fable affez mal ima-'
ginée.
L’entrée de Martin d’Aguilar ne fut point regardée
par ce navigateurcomme l’entrée d’un détroit
, mais comme celle d’une rivière dans laquelle
il ne put entrer , à caufe de fa rapidité.
Malgré la fauffêté prefque. évidente de la découverte
de Fuca , quelques géographes, pour en
faire ufage , ont prétendu unir cette mer de l’ouefir
avec le Michinipi, ou la grande eau, par un détroit
, 8c celle ci avec la mer du Nord par un autre'
détroit. Ils n’en font pas moins embarraffés à placer
cette mer de l’Oueft.
i° . Dans la carte tirée des manuforits de feu M.
Gillaume de Lille de 169$ , cette mer fo trouve
depuis le 40e degré jufques vers le çc6 de latitude
la longitude vers l’oueft n’eft pas déterminée J mais
vers l’eft la mer finit à 281 degrés. Il y place Qui-
vira, 8c tous lés autres peuples connus par les relations
des Efpagnols ; les Xumanes , "Japies , Xa-
botaos ; après ceux c i,le s ÂpachesYaqueros ; enfin
les Apaches de Navaio , tous vers 1-oueft, en?
ajoutant auprès de ces derniers, fort étendus verst
l'ouejî, & à ce qu'on croit , jufqiCau détroit dC Anian*
Il place ce détroit & le cap Me’ndocin, plutôt fuivant
les anciennes cartes que fuivant les nouvelle
s, puifqu’il les place au-23oe deg. Le Miffouri ne
fo trouve pas fur cette carte.
2°. Dans celle qu’il a donnée au commencement
de ce fiècle , 8c dans celle de 1 7 1 - 7 , la latitude
de la mer de l’Oueft eft conforme à la précédente
: par contre il y a déjà adopté les nouvelles
idées , en marquant fon entrée au-deffus du
cap Blanc à 44 degrés. Quoique les longitudes ne
s’y trouyent pas, oh voit par la pofition de la
Californie ,n . n. o. 8c f. f. e . , qu'il viendra aux
environs de 25,0 degrés, comme les nouvelles
cartes.
30. M. le profefleur , Jpfoph-Nicoîas de Lifte r
dans fa carte de 1750 , place la mer de l’Oueft entre
245 8c 270 degrés de longitude r la latitude y
eft de 43 à 60 degrés. Le Miffouri s’ÿ trouve fort
en abrégé, ne prenant en longitude que l’efpace
d’environ 18 degrés. Pour la rivière de l’oueft, on
fo garde bien de lui aflîgner une place ; la mer de-
l’Oueften auroit été fort incommodée. Le Michinipi
, ou lac des Affinipoels, n’y a point de communication
avec la mer de l’Oueft , laquelle a à
fon nord les prétendues découveres de de Fonte*
Quivira eft à l’eft de Teguaio, contre tout ce-
que les autres cartes en marquent. Celui-là eft entre
le 270e 8c 280e degrés de longitude au nord du
Miftburi, au fud des Sioux. La place où Béering;
doit avoir. abordé , 2 degrés plus au nord que
Tfchirikow , n’y eft point indiquée.
4°. Dans Ta carte du même géographe de 175 2 ,,
la mer de l’Oueft , en y comprenant fon entrée la
plus occidentale, eft depuis 245 jufqu’à prefque 270
de longitude i, comme ci-deffus, 8c entre 43 8c 5 %■
& demi de latitude, Q uiv ira , fur le bord oriental
de cette mer. Teguaio au fud de Quivira. Le Miffouri
jufqu’aux montagnes de Quivira, prefqu’au
bord de cette mer. Le Michinipi eft changé en lac
de Fonte, à 6 degrés plus au nord que celui des
Criftinaux. La cote abordée par Beering, félon
quelques-uns, n’y eft point marquée.
50. La carte de M. Buache, du 9 août 1752.,
place cette mer de l’Oueft, depuis 250 à 264 degrés
de longitude , de 44 à 5 5 de latitude. De Ja
une communication à la grande eau, ©11 Michinipi,
entre 55 8c 58 degrés , d’où cette grande eau s’étend
jufqu’au 63e degré.
Ceci peut fufhre, parce que la plupart des autres
géographes n’ont pas mis cette mer de l’Oueft
fur leurs cartes, ou ils en ont copié la pofition fur
les cartes de ceux que j’ai cités.
Ce que je viens de dire de la prétendue decouverte
de Fuca, je l’applique à celle de l’amiral de
Fonte, dont la réalité a pourtant été foutenue, 8c
rnife dans un nouveau jour par un Anglois nommé
Théodore Swyndragé, dans un ouvrage qui a
pour titre, The great probability o f a north-wejl
pajfage deduced from obfervations on the letter o f
admirai de Fonte. Mais la relation de cet amiral
fo réfute par douze faits fur lefquels elle eft appuyée
, & qui font autant de fondemens ruineux, j
Ce de Fonte, dit-il, ou de Fuente , s’il eût été Portugais
, comme on le prétend , n’auroit pas été fait
amiral du Pérou par la cour d’Efpagne, même
dans un tems où celle-ci réuniffoit le Portugal à
fa domination. Si de Fonte étoit Efpagnol 8c non
Portugais, fa relation devoit être écrite dans fa
langue nationale: or , c’eft une relation portugaife
que les Anglois ont publiéè en 1708, d’une découverte
faite en 1640. LesJéfuites, à qui l’on
doit plufieurs découvertes dans toutes les contrées
de l’Amérique , ne citent nulle part le voyage de
cet amiral, qui parle lui-même de deux millionnaires
de cette fociété qu’il a rencontrés dans fa
foute. Cette relation raffemble un amiral Portugais
, un capitaine François, un pilote Anglois ,
employés par les Efpagnols dans une expédition
que ceux-ci* vouloient, dit-on, cacher à toutes les
nations de l’Europe. On cite une expédition des
Anglois faite dans le même tems, fans qu’il en
refte aucune trace en Angleterre, ni dans les archives
de l’amirauté, ni dans la mémoire des
hommes. On prépare l’expédition de l’amiral de
Fonte en fi peu de tems , on lui fait parcourir tant
de chemin, que ce voyage paroît vifiblement
controuvé. Cet amiral a vifité des nations innombrables
qui parloient toutes une langue différente,
.& il n’avoit pour interprête que Parmentiers,
françois, qui, dit-on, avoit vécu long - tems en
Canada ; mais l’hiftoire de ce Parmentiers eft aufli
inconnue en France, que l’eft chez les Anglois le
voyage de Shapley en Amérique, du tems de l’amiral
de Fonte. On fuppofe à ces peuples une
douceur envers les Efpagnols, qui n’eft pas com-
patible ^yeç l’horreur ^ flPP* Lewl de ces conquérans
àvoit répandue dans toute l’Amérique ;
cette douceur eft démentie p a r ia cruauté qu’on
leur prête à l’égard. de Shapley qui fut maffacré,
dit-on , par les Efquimaux. Des Indiens fi humains
pour les Efpagnols qui leur ont fai\ tant de mal ,
auroient - ils été fi barbares contre des Anglois
dont ils n’avoiënt point encore éprouvé d’injuftice
ni d’outrage ? On parle d’un lac de Fonte qui,
quoique fi tué au 70e deg<de latitude , contenoit des
îles couvertes de toutes fortes de fruits, de quadrupèdes
, d’oifoaux & d’arbres. On cite un lac
Velafco, que M. de Lifte place au 82e degré de
latitude ; & ce lac d’eau douce , quoiqu’environné
de montagnes couvertes de glaces au (h anciennes
que le monde, n’étoit point gelé ; car s’il l’eût
é té , l’on n’auroit pu favoir qu’il étoit d’eau douce,
puifque l’eau de la mer devient douce quand elle
eft gelée. Enfin tous les auteurs contemporains
ignorent ces découvertes de de Fonte ; les archives
de la cour d’Efpagne gardent un profond fi-
lence fur cette expédition : cependant les Efpagnols
ont conftamment publié des relations vraies
ou fauffes des pays qu’ils ont découverts. Voilà
certainement beaucoup plus de raifons qu’il n’en
faut pour rejeter la relation de l’amiral de Fonte,
comme abfolument faufîe & apocryphe.
On peut maintenant comparer les cartes de
MM. de Lifte & Buache avec la relation de Mon-
cacht-Apé, & enfuite avec toutes celles des autres
Sauvages.
Les Sauvages donnent 8 0 0 lieues de cours au
Miffouri ; il coule de l’oueft à l’eft : le voyage de
Monoacht - Apé a été, en fuivant cette rivière,
prefque tout entier entre le 40 & 42e degré de
latitude ; & la belle rivière qui doit avoir fon cours
vers l’oueft , aufti long que depuis cette longitude
du milieu, le Miffouri à l’eft , e’eft-à-dîre de 400
lieues , étant fuppofée être vers le nord de 2 , tout
au plus 3 degrés , fe trouvera à 44 ou 45. Que
cette mer foit donc étendue jufqu’au 60 , au 52 &
demi, ou feulement au 50e degré de latitude, on
voit bien que cela ne quadre pas avec le récit de
Moncacht-Apé, qui a paffé toute cette longitude
& latitude fans trouver aucune^ apparence de mer.
Si l’on veut révoquer en doute cette relation, je
ne m’y oppofe pas, pourvu qu’on rejète aufli
celles qu’on donne fous le nom de de Fonte & de
Fuca, qui manquent de vraifemblance, tandis
qu’elle fe trouve parfaite dans celle de Moncacht-
Apé. Du moins on convient que les Sauvages
font unanimes fur l’étendue du cours du Miffouri
& de la rivière de Foueft : l’on connoît
d’ailleurs la latitude du Miffouri ; & il eft certain
que la belle rivière doit trouver fa latitude,
puifque les relations donnent cinq à fopt journées
de diftance de l’une à l’autre. Ainfi de toutes
manières la mer de l'Oueft doit difparoître entièrement.
Avant que de quitter cette relation de Mon-
cachtrApé, donnons ici l’extrait de M. le Page, oit
V v ij