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pour la douane, quarante églifes paroifliales, fans
compter celles des monaftères, plufieurs hôpitaux
magnifiques, & environ vingt mille maifons, qui
ont cédé à d’affreux tremblemens de terre , dont
le récit fait friffonner les nations mêmes qui font
le plus à l ’abri de leurs ravages.
Le matin du premier novembre 1755 , à neuf
heures quarante-cinq minutes, a été l’époque de
ce tragique phénomène, qui infpire des railonne-
mens aux efprits curieux, & des larmes aux âmes
fenfibles. Je laiffe aux phyficiens leurs conjeâures,
& aux hiftoriens du pays, le droit qui leur appartient
de peindre tant de défaftres. Quaque ipfa mi-
ferrima vidi, & quorum pars magna fui , écrïvoit
une dame étrangère, le 4 novembre, dans une
lettre datée du milieu des champs, qu’elle avoit
choifis pour refuge à cinq „milles de l’endroit où
étoit Lisbonne trois jours auparavant.
Le petit nombre de maifons de cette grande
v ille , qui échappèrent aux diverfes fécouifes de
tremblemens de terre de l’année 1755 & 1756,
ont été dévorées par les flammes| ou pillées par
les brigands. Le centre de Lisbonne.en particulier,
a été ravagé d’une manière inexprimable. Tous les'
principaux magafms ont été culbutés ou réduits en
cendres ; le feu y a confumé en marchandifes,
dont une grande partie appartenoit aux Anglois ,
pour plus de quarante millions de cruzades. Le
dommage des églifes , palais. & maifons, a monté
au-delà de cent cinquante millions de là même
monnoie, & l ’on eftimoit le nombre des perfon-
nes qui ont péri fous les ruines de cette capitale,
ou dans fon incendie-, entre quinze à vingt raille
âmes.
Toutes les puiffances ont témoigné, par des
lettres à S. M. T. F . , la douleur qu’elles reffen-
toient de ce trifte événement ; le roi d’Angleterre,
plus intimement lié d’amitié 8c par les intérêts de
ion commerce, y envoya, pour le foulagement
des malheureux , des vaiffeaux chargés d’or & de
provifions , qui arrivèrent dans le Tàge au commencement
de Janvier 1756 ; & fes bienfaits furent
remis au roi de Portugal. Iis confiftoient en
trente mille livres fterling en o r , vingt mille livres
flerling en pièces de huit, fix mille barrils de
viande falée, quatre mille barrils dç beurre, mille
facs de bifeuit, douze cents barrils de riz, dix mille
quintaux de farine, dix mille quintaux de bled,
outre une quantité confidérable de chapeaux, de
bas & de fouliers. De fi puiffans fecours, diffri-
bués avec autant d’économie que d’équité, fau-
vêrent là vie des habitans de Lisbonne, réparèrent
leurs forces épuifés, & & leur infpirèrent lé
courage de relever leurs muraiilles, leurs maifons
& leurs églifes.
Les archives royales, de la tour du Tombo où
elles étoient depuis le milieu du x v e fiècle, ont
paffé à la citadelle, d’où elles, ont été transférées
en 1755 au monaftère des Bénédiélins, la cita;-
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délie ayant été ruinée par le tremblement de terre
de la même ^nnée.
Terminons cet article de Lisbonne , par dire un
mot d’Abarbanel, de Govea , de Lobo, & fur-tout
du Camoens , dont.cette ville eft la patrie.
Le rabbin Ifaac Abarbanel s’eft diftingué dans
fes commentaires fur l’ancien Teftament, par la
fimplicité qui y règne, par fon attachement judicieux
au fens littéral du texte , par fa douceur. &
fa charité pour les chrétiens, dont il avoit été per-
fécuté. Il mourut à Venife en 1508 , âgé de foi-
xante-onze ans.
Antoine de Govea pafle pour le meilleur jurif-
confulte du Portugal ; fon traité de jurifdïfiione , eft
de tous fes ouvrages celui qu’on eflime le plus. Il
eft mort en 1565.
Le P. Jérôme Lobo, Jéfuite, finit fes jours en
1678 , âgé de quatre-vingt - cinq ans , après en
avoir paffé trente en Ethiopie. Nous lui devons
la meilleure relation qu’on ait de l’Abyflinie ; elle
a été traduite dans notre langue par M. l’abbé le
Grand, & imprimée à Paris en 1728 , in-40.
Mais le célèbre Camoens a fait un honneur
immortel à fa patrie , par fon poème épique de la
Luziade. On connoît fa vie & fes malheurs. Né à
Lisbonne en 1524 ou environ, il prit le parti des
armes, & perdit un oeil dans un combat contre
les Maures. 11 paffa aux Indes en 1553 , déplut au
vice-roi par fes difeours, & fut exilé. Il partit de
.Goa, & fe réfugia dans un coin de terre déferte ,.
fur les frontières de la Chine. C ’eft-là qu’il com»
pofa fon poëme ; le fujet eft la découverte d’un
nouveau pays , dont il avoit été témoin lui-même.
Si l’on n’approuve pas l’érudition déplacée qu’il
prodigue dans ce poëme vis-à-vis des Sauvages ; fi
l’on condamne le mélange qu’il y fait des fables
du paganifme, avec les vérités du chriftianifme ,
du moins ne peut - on s’empêcher d’admirer la
fécondité de fon imagination, la richeffe de fes
deferiptions , la variété &. le coloris de fes
images.
On dit qu’il penfa perdre le fruit de fon génie
en allant à Macao ; fon vaiffeau fit naufrage pendant
le cours de la navigation ; alors le Camoens ,
à l’imitation de Céfar, eut la préfence d efprit de
conferver fon manuferit, en le tenant d’une maint
au-deffus de l’eau, tandis qu’il nageoit de l’autre.
De retour à Lisbonne en 1569, il paffa dix ans
malheureux, & finit fa vie dans un hôpital en
1579. Te l a été le fort du Virgile des Portugais.
Jufqu’ici nous n’avons parlé que de l’ancienne
Lisbonne ; il nous faut dire quelque chofe de la
moderne. Elle occupe environ deux milles en longueur
, mais elle n’eft pas large dans la même
proportion. Depuis fon malheur affreux, elle a
été rebâtie aufli belle & aufli brillante que jamais ;
les rues ont été plus alignées , plus larges, & on
en voit de plus d’un mille de long au pied des
montagnes. Les ornemens ôç. les yafes facrés de
l 1 s
î ’églife patriarchale, font d’un prix qui a dû ab-
forber les richeffes apportées par plus d’une flotte
du B réfil. Le patriarche officie avec autant de
pompe que le pape même dans les plus grandes
folemnités. C ’en dans l’cgUfe des Dominiçains que
l ’on s’affemble pour la proçeflion d’un auto-da f é ,
& qu’on lit la condamnation des accufés. On voit
.près de là le palais du grand inquifiteur, ces murs
de fang qui demandent vengeance aux nations, &
attellent à la fois l’ignorance cruelle & fanatique
•des prêtres, là lâcheté des peuples , 8c la foibleffe
honteufe du gouvernement.
On compte dans Lisbonne trente-fix à trente-
fept paroiffes , cinquante maifons religieufes , dont
'trente-deux d’hommes, & dix-huit de femmes,
plufieurs confréries, & un clergé aufli opulent
qu’immenfe. Cette multiplicité de moines & de
prêtres , montre autant l’ignorance politique d’une
nation , que la corruption^ des moeurs. Par - tout
où le clergé eft trop nombreux 8c trop riche, il
femble que les moeurs & le gouvernement s’alitèrent
dans la même proportion. Tous ces cou-
vèns font moins des lieux de retraites confacres à
des pieux folitaires, qu’ils ne paroiffetit des palais
magnifiques, où tous les arts 8c toutes les jouif-
fances appellent la volupté. Dans un très-grand
nombre de fondations pieufes, on diftingué fur-
tout le grand hôpital & l’hôpital royal, qui jouif-
<ent de revenus confidérables. Le college établi en
1766*, en faveur de cent gentilshommes qui n’ont
pas encore atteint quatorze ans , mérite aulfi d’être
remarqué. Le palais royal eft au bord du T âge ;
il eft accompagné, à fon côte occidental, dune
grande place ou fe font les combats de taureaux ,
8c dans le voifinage fe trouvent les arfenaux de la
marine. Outre plufieurs autres édifices publics très-
bien bâtis, on compte un grand nombre encore
d’autres palais qui appartiennent aux feigneurs du
•premier rang.
L’air de Lisbonne eft fain & tempéré. On y
-voit deux académies, dont l’une appelée l'académie
royale d'hifloire portugaise, fut fondée en 1721.
C ’eft aufli le liège des grands départemens du
■ •.royaume , tels que le confeil d’état , le confeil de
guerre , celui du palais, la chambre des requêtes., le confeil des Finances , la chambre des comptes,
le confeil d’outre-mer , le tribunal du faint office ,
la douane , le tribunal des Indes , &c. &c. & c . Il
y a aufli un confeil de ville , auquel préfide une
perfonne du premier rang, afliftee de fix veréa-
dors , & d’autres officiers inférieurs.
Lisbonne eft l’entrepôt de tout ce que les Portugais
tirent de leurs aujtres poffeffions. On voit
toujours le port couvçrt d’un nombre de vaiffeaux
des différentes nations ; il a deux entrées , l’une
au nord, entre le banc & le rocher de Cachopos ,
& la tour de Saint-Julien , fe nomr^e Corredor, La
fécondé entrée eft au midi, entre Cachopos 8c la
tour de Saint-Laurent .; c’eft la plus large & la plus
facile : elle fe nomme Carreifa da alcqcova. .La ville
Géographie* Tome II» ■
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eft enceinte de murailles, flanquées de tours. Au
milieu , fur une des fept montagnes , eft une citadelle
qui commande la place , & où logent quatre
régimens d’infanterie dans des cafernes. A trois
milles vers la mer , font deux forterefles qui défendent
les deux entrées du port. L’approche de
la ville eft protégée par la tour de Belem, fur la
rive feptentrionale du Tag e, à un mille des murailles.
C ’eft-là que tous les vaiffeaux qui arrivent,
doivent s’annoncer. En général , depuis l’eistrée
du port jufqu’un peu en deçà de la v ille , il y a
plus de douze châteaux ou forterefles , munis d’une
nombreufe artillerie , pour empêcher les vaiffeaux
ennemis de forcer le paffage.
Le feu pape Benoît XIV accorda à fa majefté ,
en 1756 , une bulle pour lever le tiers du revenu
de toutes les églifes paroifliales 8c collégiales , des
dignités, canonicats, prébendes, chapelles, bénéfices
fitués dans la capitale, fans aucune exception
, pendant l’efpace de quinze ans. Cette blille
ne fut publiée qu’en 1 7 6 8 ,8c le produit- de cette
taxe a été employé uniquement à la réparation 8c
décoration des églifes de Lisbonne.
On fait que les dames portugaifes fortent rarement
de chez elles, au point qu’il eft .paffé en
proverbe , que les femmes ne vont à leur paroiffe
que trois fois en leur vie , pour y être baptifées,
mariées & enterrées. Afin de leur ôter tout prétexte
de fortir, prefque toutes les maifons ont des
chapelles où l’on fait dire la meffe.
Après un dénombrement .exaâ fait en 1748
on n’y compta pas plus de deux cents quatre-
vingts mille habitans, en y comprenant même les
étrangers.
Jean V , qui s’acquit l’amour de fes fujets par
fa bienfaifance & fon équité, embellit fa capitale
de plufieurs monumens qui ont été détruits par
le tremblement de terre du premier novembre
1735. Il n’exifte plus de ces monumens, que la
précieufe colleélion de tableaux, de ftatues , de
livres & de manuferits dont il avoit enrichi fa
bibliothèque. Anecd. portug. in-8°. 1773* (M a s s
o n DE MORV IL L IERS . )
LISBURE , ou Lisnagrave, bourg d’Irlande,'
dans le comté d’Antrim ; il envoie des députés au
parlement.
LISCA-BIANCA, la plus petite des îles dtp
Lipari, au nord de la Sicile. Elle c^oit fon nom à
la couleur blanche de fes laves qui font granitiques
: elle a un mille de circuit, & n’eft point
cultivée. On y voit quelques vefliges d’habitations
anciennes.
LICHNIZA , ville maritime de la Ruflie, dans
le diftriél de Staradub. C ’eft une longue ? fei-
gneurie, qui a 15 milles géographiques d’étendue
, & qui appartient au couvent de Petfchershi
de Kliowie.
LISIEUX , ancienne ville de France , dans la
haute-Normandie, au Lieuwin , avec titre de
1 comté, & un évêché fuffragant de Rouen.
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