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d’Alexandré, jufqu’au tems où la Syrie fut réduite
en province romaine. Séleucus Nicanor fit bâtir un
grand nombre de villes ; & il n’étoit pas poflible
qu’on négligeât une ville fituée auflj commodément
que Palmyre : car comme elle fervoit de frontière
du côté des Parthes, elle dut être d’une grande
importance depuis qu’Arface , fondateur de cet
empire , eut fait prifonnier Séleucus Callinicus.
Cela pourroit donner lieu de croire que les édifices
de Palmyre étoient l’ouvrage de quelques-uns des
Séleucides, fi cette opinion étoit appuyée par leur
hiftoire ; mais bien loin de l'être, on n’y trouve
pas même le nom de cette ville.
Ce fut Pompée qui fit la conquête de la Syrie,
mais on ne voit pas que l’hifloire romaine fafîe
mention de cette v ille , avant lé tems de Marc-
Antoine. On peut conclure de ce fait, que les
Palmyréniens étoient dans ce tems-là un peuple
riche, commerçant & libre ; mais depuis quel
tems poffédoient-ils ces avantages ? C ’eft ce qu’on
ignore.
Il eft probable que leurs richefles & leur commerce
n’étoient point récens ; car il paroît par les
infcriptions , qu’en moins de 40 ans après, leurs
dépenfes & leur luxe étoient fi exceflîfs, qu’il fal-
loit abfolument un fonds de richefles confidérables
pour y fuffire.
Suivant Pline, la ville de Palmyre eonferva fon
indépendance entre les deux grands empires de
Rome & des Parthes , dont le foin principal étoit,
lorfqu’ils étoient en guerre, de l’engager dans leurs
intérêts. Elle eft, dit-il, éloignée de Séleucie , fur
le Tigre, de 337,000 milles; de la côte de la
Méditerranée, la plus proche, de 2.0.3 , & de 176
de Damas.
Ces diflances 11e font pas abfolument exaéles ,
& Palmyre eft un peu moins éloignée de ces
lieux.
Ce que Ptolomée appelle la rivière de Palmyre,
n’étoit, je crois, autre chofe que ces ruifleaux réunis
, dont le courant eft encore aujourd’hui aflez
rapide dans les endroits où leur ancien lit n’a pas
été détruit; car on leur en avoit fait un de pierre ,
au lieu qu’aujourd’h ui, faute de cette précaution ,
elle eft bientôt imbibée dans le fable. Les montagnes,
&c apparemment une grande partie du dé-
fert, étoient autrefois couvertes de palmiers , mais
il n’y en a plus dans le pays.
On n’apprend rien de Palmyre, ni dans l’expédition
deTrajan, ni dans celle d’Adrien, dans
cette partie de l’orient, quoiqu’ils aient dû pafler
par cette vilje ou bien près. Etienne rapporte qu’A-
drien la fit réparer, & qu’il la nomma Àdrianovle.
On câraétérife Palmyre de colonie Romaine ,
fur la monnoie de Caracalla ; & Ulpien nous apprend
qu’elle l’étoit de droit italique. On trouve
dans les infcriptions qu’elle fe joignit à Alexandre-
Sévère, dans fon expédition contre les Perfes :
on n’en entend plus parler jufqu’à Galien ; mais
fous ce règne Palmyre figure dans l ’hiftoire de ce
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tems - là , & éprouve en peu d’années les plus
grandes viciftitudes de la fortune.
Les reftes magnifiques des édifices que Diode4*
tien fit élever à Rome, à Spalatro & à Palmyre,
prouvent que l’arehiteéhire florifloit encore fous
le règne de cet empereur, quoique le chevalier
Temple prétende le contraire.
La première légion Illyrienne fut en quartier
à Palmyre, vers l’an 400 de Jéfus-Chrift ; mais il
paroît incertain que cette ville 1 ait continué fans
interruption d’avoir une garnifon romaine ; car
Procope marque que Juftinien fit réparer Palmyre,
qui avoit été prefque abandonnée pendant quelque
tems, & qu’il lui fournit de l’eau pour l’uiage
de la garnifon qu’il y laifla. Il y a lieu de croire
que ces réparations-là fe firent moins pour orner
la ville , que pour la fortifier.
Il n’eft guère poflible de, favoir ce qui eft arrivé
à Palmyre depuis Mahomet; il paroît par les
changemens faits au temple du Soleil, qu’elle a
fervi de place forte. Ces changemens , de même
que le château qui eft fur la montagne, ne fau-
roient avoir plus de cinq ou fix cens ans d’ancienneté.
Des auteurs Arabes , qui parlent de Palmyre,
Abulféda , & quelques - uns de ceux qui ont lé
mieux écrit de la géographie ancienne, & qui fa-
voient en gros l’hiftoire de Palmyre, paroiffent en
avoir entièrement ignoré les ruines.
Tout ce qu’on apprend des auteurs au fujef des*
édifices de cette v ille , c’eft qu’ils ont été réparés
par Adrien, par Aurélien, par Juftinien 8c par
Dioclétien.
On peut aifêment diftinguer à Palmyre les ruines
de deux périodes, fort différens de l’antiquité ; le
dépériffemeut des plus anciennes, qui font des dév
combres tout purs, font l’ouvrage graduel du teins
les moins anciennes portent des marques de violence.
Il y a une plus grande identité dans Parchitec-
ture de Palmyre qu’on n’en remarque à Rome,
à Athènes, 8c dans les autres grandes villes, où
les ruines montrent évidemment différens âges ,
autant par la diverfité de leur manière, que par
leurs différens degrés de dépériffement. C ’eft à leur
fimplicité 8c à leur utilité qu’on reconnoît à Rome
les édifices qui ont été faits durant la république ;
au lieu que ceux qui ont été élevés par les empereurs
, font remarquables par les ornemens. Il
n’eft pas moins aifé de diftinguer à Athènes l’am-
cien ordre dorique ‘fimplè & uni du corinthien
d’un fiècle poftérieur ; mais à Palmyre, on ne fau-
roit tracer un progrès aufîi vifible de l’art 8c des
manières de l’architeélure, & les édifices les plus
ruinés femblent devoir leur dépériffement plutôt
à des matériaux moins bons , ou à une violence
accidentelle, qu’à une plus grande antiquité. Il eft
vrai que les monumens funèbres qui font hors de
la ville , ont en-dehors un air de fimplicité bien:
différent du goût général de tous les autres édil
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fices ; ce qui-, joint à leur forme fingulière , fait j
croire d’abord que ce font des ouvrages du pays, 1
antérieurs à l’introduélion des arts grecs : mais ils
ont en-dedans les mêmes ornemens que les autres
édifices. t
Il eft remarquable qu’à l’exception de quatre
demi-colonnes ioniques , dans le temple du Soleil,
8c deux dans un des maufolées, tout le refte eft
de l’ordre corinthien, orné de beautés frappantes,
mais qui ne font pas fans défauts vifibles. §
On remarque dans la diverfité des ruines qu on
trouve en parcourant l’orient, cjue chacun des trois
ordres grecs a eu fon période à la mode. Les plus
anciens édifices ont été doriques; à cet ordre a
fuccédé l’ionique qui femble avoir été l’ordre favori
, non-feulement dans l’Ionie, mais par toute
l’Afie Mineure , le pays de la bonne archite&ure •
dans le tems de la plus grande perfection de cet
art. Enfuite le corinthien eft venu en vogue, &
la plupart des édifices de cet ordre qu’il y a dans la
Grèce, femblent poftérieurs à l’établiflement des
Romains dans ce pays-là. Après cela a paru le
compofite , accompagné de toutes fes bizarreries ,
& alors on facrifia entièrement les proportions à
la parure & à la multiplicité mal entendue des
ornerfiens. .
On peut fixer la date des édifices de Palmyre
après l’âge le plus heureux des beaux arts. On
voit par celle des. infcriptions, qu’il n’y en a point
de plus ancienne que la naiflance de Jéfus-Chrift,
& qu’il ne s’en trouve aucune fi tard que la deftmc-
tion de la ville par Aurélien, à l’exception d’une
latine qui fait mention, de Dioclétien.
Deux des maufolées , qui font encore prefque
entiers, ont fur leur façade des infcriptions très-
lifibles , dont l’une nous informe que Jamblichus ,
fils de Mocimus , fit bâtir ce monument, pour fer-
vir de fépulture à lui & à fa famille , l’année 314,
qui répond à la troifième année de Jéfus-Chrift ; &
l’autre , qu’Elabélus Manaïus le fit bâtir l’an 414 ,
la 103e année de Jéfus-Chrift. Les événemens de
ces deux maufolées font dans le même goût ; mais
le dernier eft le plus élégant, & fini avec plus de
foin. Ils font tous deux tellement dans le goût &
la manière des autres édifices publics en general,
qu’on peut fuppofer que ce ne font pas des ouvrages
de fiècles fort différens.
On a dû connoître les fources abondantes 8c
»continuelles de Palmyre, aufli-tôt qu’on eut trouvé
le paffage du défert èc qu’on l’eut pratiqué, & que
dès le tems auquel le commerce a commencé à
attirer l’attention, on a dû faire grand cas de la
fituation d’une ville qui étoit néceffâire pour entretenir
la communication entre l’Euphrate & la Méditerranée
, Palmyre n’étant qu’à environ .20 lieues
de cette rivière, & à environ 50 de T y r & de
Sidon, fur la côte. Comme ce défert fe trouve dans
le voifinage des premières fociétés civiles dont
nous favons quelque chofe , il n’y a point de doute
que cela ne foit arrivé de bonne heure : les écrits
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de Moïfe atteftenj pofitîvement qu’il, y a eu une
communication très-ancienne entre Padan 8c A ran,
qui a été enfuite la Méfopotarnie & la terre de
Canaan.
Le pays n’a point changé de face, & a toujours
été tel qu’on le voit; ce qui n’eft pas improbable ,
y ayant peu d’endroits dans le monde qui changent
moins que les déferts. Il y a lieu de croire
que Palmyre a toujours été pourvue d’eau comme
elle eft, 8c que fon voifinage en a toujours eu le
même befoin. Jofèphe dit que c’eft pour cette rai-
fon que Salomon fit bâtir dans cet endroit là. Les
Perfes, après s’être rendus les maîtres de l’Afie,
entreprirent, en quelque forte, de fournir d’eau
le défert, en accordant des terres en propriété
pendant cinq générations, à ceux qui y feroient
venir de l’eau : mais les aqueducs fouterrains qu’on
fit pour cela, depuis le mont Taurus, étoient ü
expofés à être détruits , qu’ils ne répondirent pas
long-tems à la fin pour laquelle on les avoit faits.
On voit que dans la guerre entre Arface & An-
tiochuà-le-Grand, diacun faifoit fon foin principal
de s’affurer de l’eau du défert, fans laquelle une
, armée ne po avoit pas le traverfer.
Il eft évident par l’hiftoire que le commerce des
Indes orientales a extrêmement enrichi tous les
pays par où leurs marchandifes ont pafle depuis
Salomon jufqu’à préfent. Il a été la fource des richefles
de ce prince , des Ptolomées, & certainement
de Palmyre : on n’en fauroit rendre raifort
autrement.
Quel que foit le tems auquel Palmyre eft devenue
un’des canaux par où paffoient les marchandifes
des Indes, il femble très-raifonnable d’attribuer
fon opulence à ce commerce, qui doit avoir
été très-floriflfant avant la naiflanc-e de Jéfus-Chrift,
d’autant plus qu’on trouve par les infcriptions,
qu’environ ce tems-là les Palmyréniens étoient riches
& donnoient dans le luxe. C ’eft faute d’avoir
fait attention à cette circonftance du commerce des
Palmyréniens & des richefles qu’il a dû produire ,
que les écrivains opt attribué jufqu’ici leurs édifices
aux fucceffeurs d’Alexandre ou aux empereurs
romains, & qu’ils ont avancé cela comme quelque
chofe de certain, plutôt que de fuppofer qu’ils
• en avoient fait la dépenfe.
Comme les anciens auteurs gardent un profond
filence fur ce période opulent & tranquille de l’hif-
toiré des Palmyréniens ,: on en peut conclure que
tout-à-fair appliqués au commerce , ils fe mêloient
peu des querelles de leurs voifins, & qu’ils étoient
aflez fages pour ne point négliger les deux avantages
de la fituation de leur v ille , favoir le commerce
& la fureté. Un pays où l ’on mène une vie aüfli
paifible , fournit peu de ces événemens frappans ,
que les hiftoriens prennent plaifir à raconter. Le
défert étoit, à beaucoup d’égards à Palmyre , ce
qu’eft la mer à la Grande-Bretagne ; il faifoit fes
richefles 8c fa défenfe. La négligence de ce double