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pagne , a l’ Italie , à la Rufïie même à la
Chine des toiles, des foieries, des lainages,
des draps de Siléfie. L’exportation annuelle des
toiles s’élève à fix millions d’écus, 8c celle
des draps 8c lainage à quatre millions •, ce qui,
joint aux^ ouvrages de fer 8c de quincaillerie
du comté de la Marck , qui roulent fur un
million d’écus -, aux bois du Brandebourg. &
de la Poméranie , aux bleds , lins & bois de
la P ruße , & au commercé important de la
Pologne qui fe fait par Königsberg, Memel,
Elbing , .Dantzig 8c Sterin , affurent aux états
Prufliens une balance très-favorable de commerce.
On n’y compte, pas-moins de cinq cents
mille ouvriers ou fabiicansen foie , en la in e,
en toiles , en coton , en cuirs, & quincaillerie
Scc. d'où l’on voit qu’ il s’ en faut bien que 1 état Prulïien foie purement militaire , puif-
qu’ un douzième de fa population eft manufacturier.
Le feu roi favorifa, par toutes fortes
de moyens , cette clàffe d’habirans -, & pour
# prévenir leur déiertion 8c pourvoir aux incon-
véniens d’une mauvaife récolte , il a fermé
des magafms immenfes de bled dans toutes fes
provinces, ce qui fourniroit en même tems
a la fubfiftance de fon armée en tenfs de
I guerre.
Aux fabriques de toiles , de draps , d’armes,
8cc. qui exiftoient déjà. ,Ce même prince a
ajouté les fabr ques importantes de coton de
foie , de porcelaines, de fucre , de cuirs de
minéraux , & c . Les fabriques, de coton occupent
jnfqu’à cinq mille ouvriers. La manufacture
de porcelaine , qui par la bonté de la
matière 8c la beauté des peintures le difpute
a celle de S axe * occupe plus de cinq cents
ouvriers. Dans le Brandebourg. , le produit
des manufactures de foie, établies à Berlin 8c
a Poftdam, s’élève à deux millions d’écus. Elles
donnent douze cens mille deux cens cinquante
aunes d’étoffes 8c quatre cents mille degafe. Celles
de Crefeld, auffi très-importantes, font des
envois dans le nord 8c pour \e ferrai 1 de Conf-
tantinople, qui donnent lieu à des retours considérables.
Cinq mille ouvriers font employés
à ces différentes fabriques, & de foixaiîte-dix
mille livres de foie crue qu’ ils y confomment,
un cinquième eft déjà du cru du pays. La
culture de la foie y eft encouragée , & on
y en recueille aujourd’hui environ quatorze
mille livres , dont une grande partie égale en
qualité, les foies ordinaires de France & d’Italie
. Frédéric donna une prime de vingt fols
de notre monnoie par livre de foie -, 8c il a
fait bâtir a Berlin un moulin pour organfiner
la foie, dont l’ufage eft gratuit.
La partie des mines , principalement celles
de cuivre , donne déjà un produit d’un demi-
million , & celles de charbon de pierre que
l ’on exploite dans le comté de la Marck, four-
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j n!fient à mie exportation coniidérable en Hollande
, en Siléfie & ailleurs. La marine marchande
de 1 état emploie douze cents navires,
jx: environ douze.miile matelots. Ces vaiffeaux,
îui-tout ceux de l’Oftfrife commencent à faire
un .cabotage confiderable , & la ville d’ Eroden
emploie cinq centsmarelots à lapêche du hareng.
, f ' état flcinfTant: où nous voyons la monarchie
Pruilienne, eft l’ouvrage de Frédéric II
q u i, a fon avènement au trône , ne trouva
dans les états qu’une population de deux millions
deux cents trente mille habirans & une
armee de ioixante-dix mille hommes. Le nombre
entier des naiffances n’y étoit que de quatre-
.yingt-fept mille-, & .en, 1780 ,• il s’élevoit déjà
a deux cents dix-huit mille quatre cents qua-
ne v.ngt-dix-neuf, non compris les enfans des
lolaats : il y a même apparence qu’ en fuivant
les m-mes principes d’adminiftrarion, la population
des états Prulîlens recevra encore des
accroiflemens lotis le régné du roi aéluei. De- ‘
puis 1 année 1767 jufqu’à ^ | le nombre des
naiflancesa furpaflé annuellcmentcelui des morts
de loixanre mille, dans toute l’étendue des
domaines de S.a Majeflé. Lp Roi Fréde'ric I I
a augmenté fa domination de la Siléfie le
plus beau duché de l’Europe , de la Pmffh
Folonoife & de quelques diitrifts .voifins province
encore très-importante , & de la principauté
d’Oftfrife , pays de peu d’étendue , mais
riche. Sr très.-bien fitué pour le commerce1
fur la mer du nord ; elle lui échut en 1744
par l’extinâion de la famille des princes d’Olb-
frifé.
Lorfque ce-Prince inonta "fur le trône en
i fa population de fes états, comme nous
l avons obférvé^ etoit de deux millions deux-
cents trente mille habitans. SI l’ôn y ajoute
deux millions pour la population de la Siléfie
de la Prujfi occidentale & de l'Oftfriie , trois
provinces qu’ il a acquifes , & . qu’on déduife
ces deux millions de la population totale de
la monarchie , que nous avons .dit être de fix
millions , il en réfukera, pour l’augmentation
des -habitans des anciennes provinces, le nombre
d’ un million fept cents Ibixante-dix mille :
ainfi leur population a prefque doublé y 8c en
ajoutant les nouvelles provinces , il fe trouve
cjue le feu roi a triplé la population de fes
états ,
Ce monarque , autant par fa valeur 8c fa
prudence , que par le haut degré de perfection
qu’ il a donné à l’art militaire , eft parvenu
a créer en quelque forte une nouvelle
monarchie plus tonfidérable par fa force &
par le cara£ere que ce prince a fu imprimer à
la nation, que par fon étendue.
Mais ce qui met le comble à la gloire de
Frédéric I I , & le couvre de lauriers immor-
I te ls , eft la caufe de la liberté de l’Allema-
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gne 8c de l’Europe qu’ il a foutehue feu l, pour
laquelle il a combattu 8c expcle fa vie 8c les
états, dans la grande affaire de la lucceiTion
de Bavière , fur laquelle la cour de Vienne
forma des prétentions à l’ extinétion de la mai-
fon électorale de Bavière en. 177.8. Cette partie
de l ’empire une fois acquife à la mailon
d’Autriche, c’en étoit fait l ’équilibre étoit
abfolument rompu , 8c il falloir que l’Allemagne
fuccombât ! Quelle effrayante maffe de
puiffance n’eût-il pas réfulté de la Monarchie
Germanique , jointe en un feul corps de domination
avec la Hongrie, la Bohême , la Moravie
, partie de la Bologne , l’Efclavonie , la
Tranftlvanie , les Pays-Bas Autrichiens , la
Lombardie Autrichienne -, monarchie enfin q u i,
touchant prefque aux extrémités oppofées de
l ’Europe , 8c foumile à un prince ardent, ambitieux
8c fans céffe en a61 ivite , pouvoit faire
trembler toutes lés puiffances voifines ? Frédéric
le fentit : & ce qui eft prefque inconcevable
, il fut à peu près le feul qui parut
s’en appercevoir. Tout en Allemagne étoit
dans l’engourdiflement, dans la léthargie , dans
le fommeil de la mort? Frédéric veilloit : une
armée de .quatre cens mille combattans ne put
légitimer auprès de lui les prétentions < de la
maifon d’Autriche , & après avoir démontré
aux yeux de l ’univers la caufe de l’Allemagne
, de la maniéré la plus évidente, la plus
modérée , la plus noble , & fur-tout la plus
défintéreffée , il fe reffouvint de fes victoires ;
il fe reffouvint de fon nom & de ce qu’ il étoit-,
il reparoît à la tête de fes bataillons, il pénétré
dans le pays ennemi, & les fruits de fa
valeur & de fa fageffe furent la conclufion
•de la paix de Tefchen, plus glorieufe encore,
eu égard, à fon obj et y que celle de Huberts-
bourg. Elle fut fignée en. 1 7 7 9 , 8c conferva
la fuccefilon de la maifon éleétorale de Bavière ,
à la branche Palatine à laquelle elle appar-
tenoit.
On conçut de nouvelles alarmes pour le
fyftême 8c l’équilibre de l’Allemagne , lorfque
le projet de l’échange de la Bavière avec les
Pays-Bas Autrichiens , fut mis fur le tapis au
commencement de l’année 1785, Le roi de
PruJJe réclama avec le duc de Deux-Ponts
les traités de Tefchen & de P a vie , ainfi que
l ’équilibre de l’Allemagne , comme des titres
irréfragables contre l’aliénation de la Bavière.
La cour impériale promit alors par des déclarations
publiques, dé^ne point forcer à cet échange
la maifon Palatine , qui déclara de fon côté
ne vouloir jamais fe prêter à un échange volontaire
de la Bavière»
Enfin par la confédération formée & conclue
à Berlin, le 23 Juillet 1785 , à laquelle
ont accédé les éleéteurs de Brandebourg , de
Saxe, de Brunfwick, de Mayence, de Bavière,
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le prince de HefTe, 8cc, Frédéric I I a pourvu à
la confervation du fyftême conftitutionnel de
l’empire grièvement menacé -, il a afiis fa tranquillité
8c.fa durée fur une nouvelle baie ,
8c affûté pour long-tems les poffelîions 8c les
droits de tous les co-états.
L’équité avec laquelle ce prince gouverna
fes états , y a attiré 8c fixé', dans toutes fes
parties, des colonies d’émigrans mécontens de
1 ingratitude 8c de la dureté d’une patrie qui
les méconnut.
Frédéric I I , né en fâfëÆi a , pendant qua-
rante-fix ans , donné à l’univers le fpectacle
•-rare d’un guerrier, d’ un législateur, 8c d’ un
philofophe fur le trône. Son amour pour les
lettres , ne lui a point fait oublier ce qu’ il
devoir à fes-fujets, 8c a fa gloire. I l a augmenté
le crédit, la richeffe , 8c l’ influence politique
de fes états. Sa conduite 8c fa valeur ont
long-tems ibutenu les efforts réunis des plus
grandes puiffances de l’Europe. Sans fafte dans
la cour-, aélif & infatigable à la tête des armées,
inébranlable dans l’adverfité, il a arrache
le refpecl 8c l’admiration de ceux même
^.qui travailloient à fa perte. La poftérîré qui
ne juge point par les fuccès que le hafard détermine
, lui aiïignera parmi les plus grands hommes
un rang que l’envie n‘ a pu lui difputer
de fon vivant.
Dans les pays de fa domifiatiort : il y eut
tolérance universelle en fait de religion : la
juftice fut expéditive , adminiftrée impartialement,
& le Prince y veilla. Le militaire fut
tenu dans une exa&e difeipline , les impôts
furent répartis avec équité, & il put les alléger
en Amplifiant la perception. On ne connut
point dans fes états cette difproportion énorme
dans les fortunes qui met une poignée
d’individus dans une opulence infultante } aux
dépens d’une immenfité de viélimes, 8c de la
lubfiftance d’ une foule d’hommes qui vivent
dans la détreffe & dans la pénurie. Les bourgeois
y furent dans l’aifance", 8c le peuple y
jouit du néceffaire. Les Officiers entendirent
leur métier, il n’y eut point de miniftre qui
ne fut diriger fon département. La nobleffe fut
inftruite, la jeuneffe ri’y fut point oifive : le
gouvernement fut modéré , les loix douces ,
la peine de mort rare ; mais les délits n’y
demeurèrent point impunis. Lés crimes font
moins fréquents dans un pays où la mifere
ne rend pas les hommes méehans , ne les force
point aux mal-faits, ne les courbe point à la
baffeffe. Les fciences y furent cultivées , les
lumières généralement répandues , 8c il s’y
trouva plufieufs favans du premier ordre. On
y fut fociable, les étrangers y furent accueillis
, l ’on- n’y vit point enfin d’enlevement furt
i f , ni d’emprifonnement clandeftin.
Ce grand prince couronna les derniers jours