
454 N E Ü l'Europe où, fur un terrein aufiî peu étendu, l’on
trouve une fi grande quantité de coquillages, fof-
filles , 8c de plantes marines pétrifiées. Ces çiirio-
fitcs naturelles rempliffent les rochers & les terres
marneufes, dont le pays abonde. On en découvre
à toutes hauteurs, depuis le bord du lac jufqu’au
fommet des montagnes les plus élevées. Au haut
de celle qui i'épare la capitale du bourg de Va-
lengin, fe voit un rocher d’une étendue confidé-
rable , & qui n’eft qu’un aflemblage de turbinites
placées en tout fens, & liées par une efpèeé de tuf
cryftallifé.-On diftingue dans d’autres lieux des
pierres jaunes qui, par la quantité imtnenfe de petits
coquillages & de plantes marines qui s’y découvrent
i l ’oeil 6c avec le fecours de la loupe, donnent
lieu de croire que ce n’eft peut-être autre
chofe, finon de ce limon qui couvre le fond de
la mer ,. & qui s’eft pétrifié. Il ferait difficile d’é-
puifer la lifte de cette multitude innombrable de
teftacées, univalves, bivalves, multivalves, de
lithophytes , de zoophytes, de gloffopétres, 6c
de corps marins de toutes efpèces, dont tout ce
pays-là eft rempli. On pourra en prendre une
idée dans le traité des pétrifications du favant M.
Bourgùet qui fut prefeueur de philofophie à Neuchâtel.
Les deudrites, les échinites à mamelons,
les cornes d’Àmmon de toutes les efpèces, & dont
quelques-uns font d’une grofleur prodigieufe, ornent
principalement les cabinets des curieux. Enfin
divers lieux de la principauté préfenrent des
gypfes finguliers, liftes & à ftries, & des cavernes
Ornées de ftalaélites, dont la plus remarquable eft
près de la ville de Boudry.
Le principal produit du pays de Neuchâtel con-
fifte etf vins ; on nourrit une grande quantité de
beftiaux dans la partie fupérieure. Les terres mar-
neufes fervent d’engrais pour les prairies. Le lac
qui porte le nom de cette principauté eft extrêmement
poiflonneux. La pêche des truites, qui en
automne remontent la rivière de Reuze, forme un
revenu pour le prince , 6c un objet de commerce
pour les particuliers. Le gibier des montagnes eft
excellent, mais allez rare aujourd’hui, parce que
les habitans qui, jufqu’au dernier, ont le privilège
de chafler en tous lieux 8c dans toutes les faifons',
en abufent, 8c le rendront ijlufoire s’ils continuent
à l’exercer avec auffi peu de prudence qu’ils
le font aàuellement. Ce peut état eft très:penplé
proportionnellement à fon étendue ; 8e quoique
plufieurs "Neuchâtelois s’expatrient volontairement
pour un rems’, en vue de travailler plus ai-
fément à leur fortune dans l’étranger, on y compte
encore plus de 32000 âmes. Les Amples villages
font pour la plupart grands 8e. bien bâtis."
Tout annonce l’aifance dans laquelle vivent les
habitans. On n’en fera point furpris, fi l’on con-
fidère que ces peuples jouiffent dune paix qui
n’a point été troublée depuis plufieurs fiècles,
qu’ils vivent dans le fein de la liberté i'J tant
pour le fpirituel, çomme pour le temporel, 8c
N E U qu’ils ne payent ni tailles, ni impôts;
Les maifons de Neuchâtel , de Fribourg, de
Hochberg , d’Orléans-Longueville , & de Brande-
bourg, ont poffédé fuceffivement la principauté
dont il eft queftion. L’origine de la première, eft
très-ancienne ; l'a généalogie fuit de père en fils depuis
Huldéric , qui époufa Berthe* en 1 179. Louis,
dernier prince de cette maifon, ne laiffa que deux
filles ; Ifabelle, l’aînée, mourut fans enfans ; Va-
renne, la cadette, apporta .le comté de Neuchâtel
à Egon, comte de Fribourg , qu’elle époufa en
1 379- C e comté paffa enfuite dans la maifon de
Hochberg, par le teftament de Jean de Fribourg
en 1457» & de même dans celle d’Orléans, par
le mariage de Jeanne, fille & héritière de Phil-
lippe, marquis de Hochberg, avec Louis d’Orléans,
duc de Longueville, en 1504. Pendant plus
de deux fiècles les Neuchâtelois ont été loumis
à des princes de cette maifon. Henri II. duc de
Longueville, & premier plénipotentiaire de la
France à la paix de Weftphalie, en 1648, eut
deux fils. L’aîné, Jean-Louis-Charles , prit d’abord
le parti de l’E g life ,-& céda tous fes droits au
comte de Saint-Pol fon cadet ; mais il les recouvra
par la mort de ce dernier, qui fut tué au paffage
du Rhin, en 1672. Comme ni l’un, ni l’autre
de ces princes n’avoit été marié, la fouveraineté
de Neuchâtel parvint à Marie d’Orléans leur fceur,
époufe de Henri de Savoie, duc de Nemours ;
& cette princeffe, la dernière de fa maifon , mourut
en 1707 , fans avoir eu d’enfans de çe mariage.
Alors cette fouveraineté fut réclamée par un grand
nombre de prétendans. Quelques-uns fondoient
leurs droits fur- ceux de la maifon de Châlon ,
dont les anciens comtes de Neuchâtel étoient les
vaffanx. Tels étoient le roi de Truffe, le comte
de Montbeillayd , les princes de la maifon de
Naffau, le marquis d’A légre, madame de Mailly,
D ’autres , comme le margrave de Bade-Dourlach
les tiroient de' ceux de h maifon de Hochberg,
Les troifièmes demandoient la préférence en qualité
d’héritiers de la maifon de Longueville. Le
prince de Carignan , madame de Lefdiguières, M,
de Villeroi, M. dé Matignon , prétendoient chacun
être le plus proche héritier ab intefiat. Le prince
de Conti s’appuyoit fur un teftament de l’abhé
d’Orléans, & le chevalier de Soiflons fur.une
donation de la ducheffe de Nemours. Tous ces
prinçes fe rendirent en perfonne, ou envoyèrent
des repréfentans à Neuchâtel. Ils établirent
leurs droits refpeftifs, & plaidèrent contradiâoirer
ment fous les yeux du tribunal fouverain des états
du pays, qyi ; pat fentence rendue le 3 Novem?«.
bre 1707, adjugea la principauté à Frédéric 1 ^
roi de Pruffe, comme au plus proche héritier de
la maifon de Châlon. Depuis lors cet état a api«
partenu à la maifon de Brandebourg, & recon-
noît pour fon fouverain Frédéric i l , petit fils
de Frédéric I , qui règne fi glorieufement
jour d’hui,
N E U
La feigneürie de Valengin faifoit anciennement .
partie du comté de Neuchâtel ; elle en fut féparée |
au xm e fiècle. Ulderich, frère du comte Berch-
told , eut dans un partage les pays de Nidau &
d’Arberg , la montagne de Dieffe & Valengin.
Rodolphe, comte de Neuchâtel, obligea Jean
d’Arberg, feigneur de Valengin, à fe reconnoître
fon vafiàl. Ses prétentions à cet égard- furent confirmées
par la fentence que les cantons Suilïès rendirent
en 1584. Enfin Marie de Bourbon, veuve
de Léonor d’Orléans, acheta, en 1392,. du comte
de Montbeillard, la feigneürie de Valengin, qui,
depuis ce teins , a toujours été unie au comté de
Neuchâtel, mais en confervant fes privilèges particuliers
dont elle jouifloit auparavant.
L ’état de Neuchâtel fut d’abord compris dans le
royaume de Bourgogne, fondé par Rodolphe de
Stratlingue, en 888. Ses comtes fe mirent fous la
protection de la maifon de Châlon à titre de vaf-
faux. Rodolphe de Habsbourg, parvenu à l’empire
en 1273 » obligea tous les feigneurs bourguignons
à reconnoître fon autorité. Jean de Châlon
prétendit qu’Ifabelle , comteffe de Neuchâtel,
n’avoit pas été en droit de difpofer de fon fief en
faveur de Conrard , comte de Fribourg, fon neveu
, & cependant admit ce dernier à lui prêter
foi & hommage en 1397. Le même différend entre
le feigneur fuzerain & fon vaffal, fe renou-
vella lorlque le comté de Neuchâtel paffa dans la
maifon de Hochberg , qui afpiroit à fe rendre indépendante.
Il y eut procès à ce fujet, & l’hommage
ne fut pas prêté. En 1312 les Suiffes irrités
de ce que Louis de.Longueville , prince de Neuchâtel
, avoit fuivi le roi de France dans fes guerres
en Italie , contre le duc de Milan leur allié , s’emparèrent
de cet état, & ne le rendirent qu’en 1329,
à Jeanne de Hochberg & à fes enfans. René de
Naffau, neveu & héritier de Philibert de Châlon
, dernier feigneur de cgtte maifon, demanda
à ceile de Longueville la reftitution du comté
de Neuchâtel. Cette dernière la refufa, prétendant
être elle-même héritière tiniverfelle de la
maifon de Châlon-Orange. Il en naquit un fécond
procès qui n’a jamais été jugé. Mais c’eft de-'
puis cette époque que les comtes, qui poffédoient
ce petit état, fe font qualifiés, par la grâce de Dieu ,
prince fouverain de Neuchâtel , & la fentence de
1707 ayant reconnu le roî de Pruffe, comme le
vrai héritier de la maifon de Châlon, a réuni par
cela même le domaine utile à la feigneürie directe.
Quant, aux prétentions que l’empereur & l’empire
pourroient former fur la fouveraineté de cet
état, elles ont été anéanties par la paix de Bâle
en 1499 , comme par celle de Weftphalie en
1648 , qui afiùrent l’une & l’autre une indépendance
abfolue, non-feulement aux cantons Suiffes ,
mais encore à tous leurs alliés, membres du corps
helvétique ; & dans ces derniers eft effcntielle-
ment compris le pays de Neuchâtel. Ce petit état
eft donc aujourd’hui une fouveraineté indépen-
N E U ^ 455 dante, héréditaire aux filles , à défaut d’enfans
mâles , inaliénable fans le confentement des peuples
, & indivifible. Elle ne peut même être donnée
en appanage à aucun prince cadet de la maifon
de Brandebourg. L’autorité fouveraine eft limitée
par les droits des peuples. Les revenus du prince,
qui confiftent en cenfes foncières , lods, dîmes,
& quelques domaines , ne vont pas au-delà de
31,000 livres de France , & ne peuvent être
augmentés aux dépens des fujets. Le prince, lors
de fon. avènement, jure le premier d’obferver in-
violablement les us& coutumes, écrites & non écrites,
de maintenir les corps & les particuliers de L'état dans
la pleine jouijfance des libertés fpirituclles & temporelles
, franchi fes & privilèges à eux concédés par
les anciens. comtes, & leurs fucceffeurs ; après quoi
lesêfujets prêtent le ferment de fidélité ordinaire.
L’état de Neuchâtel a des alliances très-anciennes
avec le canton de Berne, de Lucerne, de Fribourg
& de Soleurre. Le premier, par fes traités particuliers
de combourgeoifie avec le prince & les
peuples , eft établi & reconnu juge fouverain de
tous les différends qui peuvent s’élever entr’eux
par rapport à leurs droits irefpeétifs.
La religion qui domine dans la principauté de
Neuchâtel eft la proteftante. Farel y prêcha le. premier
la réformation qui, en 1330, fut embraffée
par la plus-grande partie des peuples à la pluralité
des voix. Ceux qui habitoient la châtellenie de
Landeron , confervèrent feuls la religion catholique
qu’ils exercent librement depuis ce tems. O11
affure qu’un feul fuffrage en décida. Mais il faut
obferver que ce changement fe fit contre les de-
firs du prince qui ne donna point à cet . égard
l’exemple à. fes fujets. C ’eft le feul pays actuellement
proteftant où cette fingularité ait eu lieu; &
elle a valu aux eccléfiaftiques réformés de cet état
des droits beaucoup plus étendus que ceux dont
ils jouiffent ailleurs. Les peuples, devenus réformés
fans le concours de l’autorité fouveraine,
fe virent chargés feuls du foin dê régler toutes
les affaires qui concernoient la nouvelle religion
de l’état, & acquirent conféquemment tous les
droits qui leur étoient néceffaires pour remplir
une obligation auffi effentielle. Les chefs des corps
du pays drefsèrenr donc des conftitutipns eccléfiaftiques,
auxquelles le prince n’eufc*d’autre part
que la fandtion pour leur donner force de loi. Ils
fixèrent la doctrine en adoptant la confeffion des
églifes réformées de la Suiffe. Leurs nouveaux paf-
teurs commencèrent à former un corps à qui les
peuples confièrent le dépôt de la prédication & de
la difeipline. Ce corps, qu’on appelle la cLJfe, examine
les candidats pour le faint miniftère, leur
donne les ordres facrés , élit les pafteurs pour les
églifes de la campagne, fufpend, dépofe, dégrade
même fes membres fans que l’autorité civile y intervienne.
Perfonne n’affifte de la part du prince
dans Ces affemblées. Ün pafteur * nouvellement
élu , eft finalement préfenté au gouverneur du