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Les quatre portes par lefquellçs on entroit de
la ville dans le fauxbourg Saint-Germain , favoir
la porte à laquelle on donnoit le nom du faux-
bourg, la porte Dauphine , celles de Buffy & de
Nefle ayant été abattues, tout ce quartier eft devenu
un des plus grands & des plus beaux de
Paris, fur-tout par la quantité d’hôtels magnifiques
qui s’y rencontrent.
Ce quartier a pris fon nom de l’abbaye royale
de Saint-Germain-des-Prez, fondée par le roi Chil-
debert, fils de Clovis. La réforme a été établie
dans cette abbaye en 1631. La bibliothèque eft
une des meilleures du royaume. Cette abbaye relève
immédiatement du faint-fiège , & a des biens
immenfes ; on ne lui donne pas moins d’un million
de revenu, & c’eft une des plus fameufes &
des plus confidérables de l’ordre de Saint-Benoît.
Néanmoins rien de fi lourd,-rien de fi mauffade
que fon églife, qui eft du plus déteftable gothique.
Au refte, elle eft remarquable pour avoir été
la fépulture de nos rois & reines de la première
race. Le vaiffeau eft orné de fort bons tableaux,
&. l’efcalier du monaftère mérite d’être vu. L’abbaye
dont nous parlons eft de la congrégation de
Saint Maur , & en commende. Elle étoit autrefois
hors de la ville; expofée aux incurfions des Normands
, elle fut entourée de murailles qu’on a
abattues pour y bâtir les maifons qu’on y voit
aujourd'hui.
Le palais du Luxembourg eft fans contredit un
dss plus magnifiques de l’Europe. Il fut bâti par
la reine Marie de Médicis, qui y employa l’ar-
chite&e de Broffe , & le vit terminer dans l’efpace
de fix ans. Ce château eft compris dans l’appanage
de Monfieur, frère dh^roi, & il eft rêverfible à
la couronne à défaut de poftérité. Il tient fon nom
d’un ancien hôtel de Luxembourg, fur l’emplacement
duquel il fut conftruit. On ne manque, pas
d’y voir la galerie dite de Rubens, où ce grand
maître, aidé de fes élèves, peignit dans une fuite
de grands tableaux les principaux traits de la vie
de la reine, qui fe propofoit, dans la galerie parallèle
& correfpondante, d’expofer également aux
yeu x'd e la poftériié l’hiftoire de Henri IV. Le
Luxembourg renferme d’ailleurs la colleâion de
tableaux du cabinet du ro i, qui fera inceffamment
transférée aux galeries du Louvre. On voit à regret
que l’on ait converti en logemens un des pé-
riftyles du palais. Ce petit arrangement économique
détruit abfolument la dignité de ce bel édifice,
& rompt tout l’effet de l’architeôure. Rien ne fe-
roit mieux que de rétablir les jardins dans leur intégrité.
Le retranchement d’un tiers ou environ de
leur étendue, les met hors de proportion avec l’af-
uence des citoyens qui y font comme entaffés les
jours de fête & de dimanche. Près du Luxembourg ,
eft la comédie françoife , çonftruélion moderne
d’un affez mauvais genre.
Il conviendroit d’ouvrir une communication de
la rue de Touraon à la rue de Seine ; alors du I
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Luxembourg partiroit une rue qui s’étendroit juf-
qu’à la rivière.
Le petit Luxembourg., contigu au palais dont
nous venons de parler, étoit autrefois l’hôtel d’Aiguillon
, que le cardinal de Richelieu fit embellir
pour la ducheffe d’Aiguillon fa nièce. Tout proche
eft le couvent des religieufes du Calvaire, de l’ordrg
de S. Benoît, fondé en 162,0 par.la reine Marie de
Médicis. Dans la même rue, on trouve le couvent
des Carmes-Déchauffés; il fut fondé,en r 6 n par
les libéralités de quelques» bourgeois, qui donnèrent
une petite maifon fituée en ce lieu-là à des
religieux Carmes venus d’ Italie , pour apporter en
France la réforme que Sainte Thérèfe avoit faite
en Efpagne de l’ordre du Mont-Carmel. Ces bons
moines n’ont pas mal profpéré. On admire dans
leur églife une ftatue de la Vierge en marbre blanc,
ouvrage précieux d’Antonio Raggi.
Le couvent des Grands-Auguftins relève immédiatement
du général. L’églife, où fe font faites
plufieurs fois les cérémonies de l’ordre du Saint-
Efprit, pour la réception des chevaliers, renferme
le tombeau du célèbre fabulifte J. de la Fontaine.
C ’eft dans les falles de ce couvent que le clergé
a coutume de tenir fes affemblées générales. Les
Grands - Auguftins, qui vinrent s’établir à Paris
vers l’année 1270, s’établirent d’abord au voifî-
nage de la rue Montmartre, dans la rue qui en a
depuis retenu le nom de rue des Vieux-Auguftins.'
L’églife de Saint-Sulpice, au fauxbourg Saint-
Germain, eft une des plus magnifiques églifes du
royaume. Elle fut commencée en 1655 fur les dèf-
fins de Levau , premier architefte du roi; & la
reine , mère de Louis XIV y en pofa la première
pierre. Les travaux fufpendus vingt ans après ne
furent repris qu’en 1719. Après le portail de Saint-
Pierre de Rome & celui de Saint-Geneviève de
Paris , je n’en connois aucun en Europe qui égale
celui de Saint-Sulpice, qu’il conviendroit enfin de
démafquer en abattant le féminaire qui en dérobe
l’afpeâ. Les deux tours ont 36 toifes d’élévation*
Le plafond de la chapelle du féminaire eft de la
main de le Brun , dans fes premiers tems.
Le monaftère des filles du Saint-Sacrement, qui
eft dans la rue Caffette,a été fondé par Margue- .
rite de Lorraine, fécondé femme de Gafton de
France, duc d’Orléans. Dans la rue Pot-de-Fer,
& qui aboutit dans celle de Vaugirard , fe trouve
l’ancien noviciat des jéfuites. Le grand autel de
leur églife étoit embelli d’un tableau du Poulfin.
L’endroit où fe tient la foire de Saint-Germain
eft à l’extrémité de la rue de Tournon. Ce lieu
confifte en plufieurs allées couvertes, difpofées
dans un quarré de pure charpente , rempli de boutiques
, de jeux & de fpeftacles , depuis la fête de
la Purification jufqu’à la femaine fainte. Les rues
de cet emplacement fe coupent à angles droits.
Le couvent moderne dés Prémontrés eft à l’entrée
de la rue de Seve. Proche d.e-là, eil l’hôpital
des Petites-Maifons | qu iétoit autrefois une
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maladrerie, & qui fut rebâri vers l’an 153 7, par
ordre de meflieurs de Ville. L’hôpital des Incurables
eft fitué dans la même rue: il contient dix:
àrpens de terre, & fut fondé l’an 1634, par le
cardinal de la Rochefoucault.
Le couvent des Cordelières eft dans la rue de
Grenelle : ces religieufes qui étaient auparavant
dans la rue des Francs-Bourgeois , ont acheté 1 hôtel
de Beauvais quelles ont accommodé à leur manière.
En continuant par la rue de Grenelle , proche
la rue du Bac ; on voit une magnifique fontaine
, que la Ville a fait conftruire en 1739, fur
les deffms d’Eelme Bouchardon.
An haut de la rue du B a c , eft le féminaire des
Millions étrangères ; non loin de-là eft lin monaftère
des filles de la Vifitation, qui font venues
s’établir en ce liêu en 1673 , en quittant la rue
Montorgueil, où elles avoient une chapelle, lorf-
qu’elles furent admifes en 1660.
L ’hôpital des Convalefcens eft de ce même côté.
I l fut fondé l ’an 1652, par Angélique Fraure ,
époufe de Claude de Bullion, fur-intendant des
finances , pour huit pauvres convalefcens fortis de
la Charité , qui peuvent y demeurer une femaine ,
afin d’y rétablir leurs forces. On trouve enfuite le
noviciat des Dominicains réformés, qui ont fait
bâtir fur leur terrein une nouvelle églife.
A l’extrémité de la rue Saint-Dominique, on
voit l’hôpital de la Charité : les religieux qui le
f ouvernent furent établis à Paris l’an 1602, &
larie de Médicis fut leur fondatrice. Prés de l’hôpital
, eft bâtie Téglife & les infirmeries pour les
malades, où chacun a un lit féparé.
La rue de l’Univerfité eft fort longue , & n’eft
appelée ainfi qu’à fon extrémité du côté du pré
aux Clercs ; le long dés hautes murailles de l’abbaye
de Saint Germain, on la nomme la rue du Colombier
, à caufe qu’il y avoit autrefois dans cet endroit
un grand colombier, appartenant aux religieux
de cette abbaye. Plus avant, elle eft appelée
rue Jacob.
La rue Mazarine eft parallèle à celle de Seine :
on la nommoit auparavant la rue des FoJJes de Nefle.
Au fortir de la rue des Foffés Saint-Germain , où
étoit le théâtre fi médiocre de la comédie Françoife
, on entre dans la rue Dauphine , pour fe
rendre fur le quai des Auguftins, qui commence
au pent Saint - Michel , oc finit au Pont-Neuf.
Cette rue qui n’étoit auparavant qu’un grand ef-
pace rempli de jardins, au travers delquels on
la perça, fut appelée rue Dauphine ,à caufe qu’on
la bâtiffoit dans le tems de la naiffance de LouisjXIlI.
A l’extrémité il y avoit une porte de la v ille , qui
fut abattue en 1673.
L ’hôtel de la monnoie qui en eft voifin, eft d’un
beau ftyle, 11 femble feulement qu’on eût dû lui
donner une direélien parallèle au cours de la rivière.
Le collège Mazarin eft dans l’endroit où étoit
autrefois la porte de Nefle ; c’eft un collège très-
fpacieux, dont la bibliothèque eft publique.- Le ta-
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bleau du grand autel eft de Paul Véronèfe, & les
petits tableaux dans des ronds, font de Jouvenet.
On y voit le Maufoléc du cardinal Mazarin ,
fondateur de cet établiffement. Il feroit à fouhaiter
qu’on détruisît les deux pavillons en retour qui
font à la façade du collège ; ils anguftient 8t barrent
le ouai fans y faire ornement. Le collège
Mazarin fe nomme aufiî collège des quatre Nations ,
parce qu’il étoit deftiné à l’entretien & à l’éducation
de 60 jeunes gentils-hommes de quatre provinces
nouvellement conquifes; favoir, 1$ du dif-
triél de Pignerol, io des Pays-Bas , 1 3 d’Alfàce
& 10 du Rouflilion. Aux nobles de Pignerol, on
a depuis fubftitué des nobles des pays de Breffe,
Bugey & Gex. D ’ailleurÿ quantité d’érudians externes
vont y entendre les leçons des profef-
fetirs.
O a voit enfuite l’égüfç des Thèatins : ces religieux
vinrent en France en 1644 , & le cardinal
Mazarin leur fondateur, leur laiffa en .mourant
cent mille écus pour commencer leur églife. Leur
principal inftitur eft de vivre des charités qu’on
leur fait; ils ont été nommés Thèatins, de Jean
ÇarafFc, évêque de Théate, qui inftitua leur ordre
en *324, fous le titre de Clercs réguliers«
Le Pont-Royal qui eft voifin des Thèatins, a
été bâti en la place du Pont-Rouge, qui n’étoit
que de bois. Comme les débordemens de la Seine
l’avoient fouvenr emporté, Louis XIV ordonna
que l’on en fît un de pierres, & les fondemens
en furent jettés en 1685. Ce pont eft foutenu de
quatre piles & de deux culées, qui forment cinq
ardhes entre elles ; les deux extrémités du même
pont font en trompe pour en faciliter l’entrée aux
carroffes & aux groffes voitures. Il y a des trottoirs
des deux côtés pour la commodité des gens
de pied : fa longueur eft à-peu-près de foixante &
douze toifes ; fa largeur eft de huit toifes quatre
pieds, defquelles on a pris neuf pieds pour chaque
trottoir , fans compter deux autres pieds pour l’é-
paiffeur des parapets.
Le Pont-Neuf fitué aü-deffus du Portt-Royal, fe
fait remarquer par fa longueur, fa largeur & fa
folidité. Henri III en fit jeter les fondemens l’an
1578. Henri IV le fit achever en 1604; la ftatue
équéftre de ce monarque y fut érigée en 1614; mais
le tout ne fut terminé qu’en 1635. Le cheval fondu
à Florence, eft de Jean Boulogne ; la figure du roi
eft de Dupré.
On voit avec ufic étrange furprife l’efpéce d’abandon
où on laiffe le monument deftiné à perpétuer
la mémoire de ce prince qui vit encore
dans le coeur des François. Miné, fappé par les
arbuftes & les végétaux qu’on laiflè croître dans
les joints du piédeftal, la ruine nous en paroît
inévitable.
Après la ftatue équeftre de ce grand prince,
: on trouve la Samaritaine au bout de ce pont, du
côté de Saint-Germain-l’Auxerrois, Ce bâtiment
conftruit fous le règne d’Henri IV , en 1604 > fût