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Là porte Saint - Martin eft un otivrage de
cinquante pieds de hauteur & de largeur. L’archi-
teéhire eft en boffages ruftiques , vermiculés, avec
des fculptures au-deflùs des çeintres, & un grand
entablement dorique, compofé de mutules au lieu
de triglifes , fur lequel eft un attique. Les deftins
de cette porte font de Bulet.
Le fauxbourg Saint-Martin a l’églife de Saint-
Laurent pour paroiffe. Le lieu ôù fe_ tient la foire ,
appelée Saint-Laurent, en eft voifin , & les loges
que les marchands y occupent appartiennent aux
pères de Saint-Lazare. Vis-à-vis eft le couvent des
Récolers, derrière lequel on voit l’hôpital de Saint-
Louis , fondé par Henri IV, pcJur ceux qui étoient
attaqués de la pefte.
En rentrant dans la ville par la même porte
Saint-Martin, on vient à la rue Neuve de Saint-
Méderic , & de - là on entre dans la rue Saint-
A v o y e , qui prend fon nom d’un couvent de re-
lieieufes que Saint Louis fonda pour de vieilles
femmes infirmes ; c’eft aujourd’hui une maifon de
jreligieufes Urfulines, •
Le Temple, ainfi nommé des chevaliers Templiers
, fe trouve à l’extrémité de cette rue qui en
porte le nom. Nos rois, après l’extinéHon des Templiers,
donnèrent ce bâtiment aux chevaliers de
Saint-Jean de Jérufalem , qui en ont fait leur maifon
provinciale du grand-prieuré de France ; c’eft
un lieu de franchife, où fe retirent: les ouvriers
qui ne font pas maîtres. C ’eft aufli un lieu d’afyle
pour p.lufieurs cas, & l’on ne peut y arrêter per-
fonne qu’avec la permiflion du grand-prieur, &
avec une lettre de cachet.
Le.Temple appartient aujourd’hui à M. le duc
d’Angoulème, fils de M. le comte d’Artois, comme
grand-prieur.
L’hôpital des Enfans-Rouges eft dans ce même
quartier, rue Porte-Foin. Il fut fondé l’an 1554
par Marguerite • reine de Navarre, foeur de François
I er, pour des enfans orphelins, originaires de
Paris , ou des lieux circonvoifins.
La rue des Billettes a pris fon nom d\m couvent
que l’on y trouve, 8c qui fut fondé par Saint
Louis en 12.68. 11 y yiit des religieux de l’ordre
de Saint Auguftin, qui vivent à préfent de leurs
revenus. L’hôtel de Guife , aujourd’hui hôtel de
Soubife, eft peu éloigné de là; il occupe un grand
terrein, & s’annonce avec une forte de magnificence.
Le couvent des Blancs-Manteaux eft une
maifon de religieux de l’ordre de Saint Benoît,
dont l’églife a été rebâtie depuis peu d’années. -
De la vieille rue du Temple, on pafle dans
celle de Saint-Louis, à l’extrémité de laquelle ôn
entre dans celle du Calvaire, où eft le couvent
des religieufes de ce nom, fondé en 1636 par le
crédit du P. Jofeph Leclerc, Capucin,- favori du
Cardinal de Richelieu.
En venant vers la rue des filles du Calvaire,
on trouve le réferyoir, dans lequel on garde l’eau
pour rincer je grand égout général, afin de garantir
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la ville de ce côté-là de la mauvaife odeur qui do-
minoit fortement jufqu’au bas de Chaillot, où les
immondices fe déchargent dans la rivière. Ce réfer
voir eft un ouvrage utile achevé en 1740.
La rue de Saint-Louis eft une des plus belles
de Paris, par fa largeur & fa longueur. On voit
dans cette rue l’hôtel Boucherat, dont le jardin
eft d’une grande étendue. Toutes les maifons des
environs font du x v i ic fiècle. Ce quartier fe termine
à la rue Saint-Antoine l’une des principales
de Paris, & dans laquelle les rois faifoient
autrefois leurs courfes de bagues, leurs joûtes &
leurs tournois.
La place de Grève, où l’on peut dire que commence
la rue Saint-Antoine, étoit anciennement
un grand terrein inutile, fur lequel la rivière jetoit
quantité de gravier, d’où lui vient fans doute le
nom qu’elle porte.C’eft fur cette place que fe tirent
les feux d’artifices dans les réjouiffances publiques
, & qu’on exécute la plupart des criminels
condamnés à mort. Sa face principale eft occupée
par l’hôtel-de-ville, grand bâtiment, partie gothique
, partie moderne, dont voici l’hiftoire peu
connue.
Ce fut en 1387 que le prévôt des marchands
& les échevins allèrent pour la première fois y
tenir leurs affemblées. Cette maifon appelée originairement
La maifon des piliers, parce que des
piliers foutenoient la partie qui donnoit fur la
place , avoit appartenu à Gui & à Humbert, derniers
dauphins de Viennois ; & c’eft de-la qu’elle
avoit pris fon autre nom d'hôtel du Dauphin.
Charles V , régent du royaume pendant la prifon
du roi Jean , jouiffoit, en qualité de dauphin., de
tous les droits de Humbert. Il donna cet hôtel à
Jean d’Auxerre, receveur des gabelles de la prévôté
& vicomté de Paris; & c’eft de ce Jean
d’Auxerre qu’Etienne Marcel, prévôt des marchands
, & les échevins l’acquirent au mois de
juillet 1357, moyennant deux mille quatre cent
florins d’or au mouton , valant deux mille huit
cent quatre-vingt livres parifis , forte monnoiet
ainfi , le florin d’or valoit vingt - quatre fols ; &
comme il y en avoit cinquante-deux au marc,
& que le marc d’or fin vaut à préfent fept cent
quarante livres neuf fols, un denier, un onzième ,
la première acquifition de l’hôtel-de-viüe a coûté
trente-deux mille cinq cent foixante-trois livres fix
fols huit deniers cinq treizièmes de notre monnoie.
Cette fomme étoit alors confidérable ; aufli s’em-
preffa-t-on dans le même mois de juillet, à faire
confirmer l’acquifition parle dauphin régent, afin,
difent les lettres de confirmation de ce prince, que
lefdits prévôt des marchands 8c échevins , au nom
d’icelle, ne puiffent être fraudés de fi grande fomme
de florins.
Au refte , il s’en fallait bien que cet édifice contînt
tout remplacement que l’hôtel-de-vilie occupe
aujourd’hui ; par-derrière étoit la ruelle du Mar-
trai-Sajnt-Jean-ea*Grève, qui étoit la continuation
P AR 8e la rue des Vieilles-Garnifons, & qui a long-
tems féparé l'hotel-de-ville de l’églife de Saint-
Jean-en-Grève. . .
L ’hôtel-de-vilte, qui avoit été 1 habitation des
dauphins , fut aufli celle de quelques prévôts des
marchands. Jean Juvenal des Urfins y demeu-
roit , lorfque des fcélérats , qui avoient voulu
l’affaftiner, vinrent dans la place de Greve nuds
en chemife 8c la corde au cou, lui demander
pardon. , , A .•
On ne fongea qu’en i$ 3a a agrandir ce batiment
fous le règne de François I . Les maifons
voifines furent achetées dans cette vue ; & le 15.
de juillet de l’année fuivante, on jeta les fonde-
Hiens du nouvel édifice; ce fut le corps-de-ville
en cérémonie qui pofa la première pierre. Le premier
8c le fécond étage ne furent élevés qse vers
l’an 1549 ; mais l’ordonnance en ayant paru gothique,
on en réforma le deflin, qui fut prefente
à Henri II.au château de Saint-Germain-en-Laye,
& que cinquante ans après on fuivit, fous le règne
d’Henri IV ; toute la face du côté de la G rève, 8c
le pavillon de l’arcade , n’ont été finis qu en 1606 ,
fous la prévôté de François Miron, qui étoit en
même tems lieutenant civil. Le befroi &. la grande
fable neuve le furent en 1608 , & le pavillon du
côté du Saint - Efprit, en 1612. Sur la porte de
l’hôtel - de - ville , on a placé la ftatue- équeftre
d’Henri IV à demi-boffe , en couleur de bronze
fur un fond de marbre noir ; au fond de la cour ,on
en voit une en bronze 8c pédeftre de Louis XIV.
De la Grève on vient à l’églife de Saint-Ger-
vais, qui eft une des plus anciennes paroifles de
Paris , & dont le portail eft vanté. C’eft en effet un
excellent morceau d’architeélure, d’un ton mate &
favant. Il eft compofé des trois ordres grecs l’un
fur l’autre , 1e dorique , l’ionique 8c le corinthien ,
dont tes proportions font fi régulières, qu’il n’y
a rien au-deffus dans tes ouvrages modernes les
plus fomptueux. Les colonnes doriques font engagées
d’un tiers dans 1e v if du bâtiment, 8c unies
jufqu’à la troifième partie de leur hauteur ; 1e refte
eft cannelé de cannelures à côtes. Celtes des autres
ordres font détachées & hors d ’oeuvre. Ces trois
ordres enfemble font un front de vingt-fix toifes
de hauteur, qui eft d’un grand effet. Ce portail
fut achevé en 16 17 ; Louis XIII y avoit mis la
première pierre.
En continuant dans la rue Saint-Antoine, on
voit l’églife qu’on appeloit les grands Jè fu it e s , avant
l’extinélion de cet ordre en France ; elle eft dediée
à Saint Louis, 8c fort décorée ; elle a été finie en
1641 : fon dôme eft 1e premier qu’on a fait à
Paris ; & fon portail, qui eft de mauvais goût &
trop chargé d’ornemens , réfulte de trois ordres
d’architedure les uns au-deffus des autres. On y
remarque la belle chapelle de la maifon de Condé,
& aux deux côtés du maître autel des anges d’argent
qui portent tes coeurs de Louis XIII 8c de
Louis XIV. Cette églife, dite de Saint-Louis au
Marais, ainfi que la maifon, ont été cédés aux
prêtres de la Culture ou Couture-Sainte-Catherine,
dont l’églife fut bâtie par Saint Louis pour quelques
officiers de fa maifon qui forme lent entr’eux
une efpèce de confrérie. La bibliothèque qu’y ont
laiffée les Jèfuites eft aujourd'hui convertie en bibliothèque
publique.
La place Royale fut conftruitc en 1604. Les
maifons qui la forment font d’une même fymmé-
trie, 8c elles ne furent achevées qu’en 1660. Cette
place occupe 1e même lieu qui avoit fervi de jardin
au palais des Tournelles, fitué du côté du
rempart, où François Ier, & quelques rois fes pré-
déceffeurs, avoient tenu leur cour. Catherine de
Médicis 1e vendit à plufieurs particuliers qui élevèrent
tes maifons que l’on y voit à préfent. La
place Royale, qui eft un quarré parfait, eft formée
de trente-fix pavillons d’une même ordonnance.
L’efpace du milieu offre un grand préau enfermé
d’une grille de fer; c’eft là qu’on a placé la ftatue
équeftre de Louis XIII. La figure du cheval eft un
bel ouvrage fait pour Henri I I , par Daniel Ric-
ciarelli, né à Volterre en Tofcane, 8c difciple de
Michel-Ange. La figure du roi, faite par Biard ,
eft bien éloignée de répondre à la beauté du
cheval.
La Baftille étoit autrefois une porte de la ville ;
cette fortereffe, bâtie en 1360, fous 1e règne de
Chartes V I , eft compofèe de huit greffes tours
rondes, jointes l’une à l’autre par des mafîifs de
même hauteur 8c de même épaiffeur, dont le def-
fus eft en terraffe. Entre ces tours, on trouve une
cour qui fert de promenade aux perfonnes qui font
les moins refferrées dans cette prifon d’état. La
Baftille a un gouverneur, un lieutenant de r o i,
un major, 8c une garde d’invalides, La porte Saint-
Antoine , qui étoit à côté de la Baftille, & qui
conduifoit au fauxbourg Saint-Antoine avoit été
bâtie fous Henri I I , pour fervir d’arc de triomphe
à ce monarque. L’ordonnance en étoit mauvaife
, mais la fculpture en, étoit eftimée. On l’a
détruite dans ces derniers tems, coinme anguf-
tiant la communication de la ville avec 1e faux-
bourg & tes dehors.
Dans 1e fauxbourg Saint-Antoine eft l’abbaye
de ce nom, dont les religieufes font de l’ordre
de Cîteaux. On commença d’élever cette maifon
l’an 11935 8c elle fut achevée fous 1e règne de
Saint Louis , qui aflifta à la dédicace. de l’églîfe ,
avec la reine Blanche de Caftille fa mère. On voie
dans la même rue la manufa&ure où l’on polit 8c
où l’on étame tes glaces de miroir ; on tes fond
à Cherbourg & à Saint-Gobin. \
Un peu au-delà, eft le couvent des Picpus, qui
fut commencé en 1594. Vincent Maffart ou Muf-
fart, parifien, en a été 1e fondateur : il réforma 1e tiers-ordre de Saint François, que l’on nomme
ordinairement les Pénitens, 8c qui n’étoient auparavant
que pour tes féculiers. Maffart en fit une
règle particulière, 8c s’établit dans le village de