
50 ou 60 toifes au-defibus. Ces térribleS chemins^
dont tous les voyageurs ne parlent qu’ avec
épouvante , fe nomment Laderes. Quantité
de malheureux y périfient -, mais par compensation
du péril, il n’y a rien à craindre des voleurs,
& le voyageur furpris par la nuit s’arrête au premier
lieu un peu commode , 8c y dort fans inquiétude
, quoiqu’ il foit chargé d’or 8ç d’argent.
Nous (ommes bien .loin d’adopter les exagérations
ridicules des hiftoriens Espagnols fur ce
pays. I l faut mettre au rang des menfonges h if-
toriques , cette légiflation admirable des anciens
Incas , cette fucceflion de fouverains fi fages
eette population fi immenfè , ce nombre prodigieux
de villes magnifiques , ces palais majef-
tueux, ^ ces temples fuperbes élevés au fo le il,
quantité furprenante de fortereffes, ces aqueducs
& ces réfervoirs , ces chemins admirables qui
trâverfoient l’Empire , ces ports fi v a n t é s & c .
On voit au contraire par ce qui eft échappé au
génie deftruéteur des conquérans , que ces palais
n’étoient que des malles informes de pierres
brutes, affemblées fans art & fans goût. A peine
trouve-t-on de foibles vefi:iges de ' toutes ces
villes & forterefles -, ces aqueducs n’étoient que
des rigoles ou des canaux pratiqués pour arro-
fer les plaines ; quelques-uns feulement étoient
bordés de pierres placées à fec pour contenir les
terres. Ce qui refte des chemins n’a rien de plus
remarquable -, comment d’ailleurs ces. peuples
euflent iis pu conftruire ces grands édifices eux
qui manquoient des premiers inftrumens pour
tailler là pierre & travailler le bois? Quant à leur
légiflation , le peu qu’on en fa it, c’eft que leurs'
Incas étoient les maîtres les plus defpotes -, que
par la plus abominable barbarie , leurs prêtres
îmmoloient des victimes .humaines , & que tout
portoit l’empreinte d’ un empire nouveau , com-
pofé d’un nombre de petits peuples dont la plû-
part fouffroient impatiemment le joug. Leurs arts
répondoient au refte , & rien de plus giroflier
que leurs ouvrages, tant vantés en or & en ar- ;
gent , pour imiter les fleurs, les plantes , ' les
animaux , &c. Ces prétendus chefs-d’oeuvre , à
en juger par le peu qui en eft confervé, n’a-
voient de précieux que la matière. La douceur
& l’obéiflance des Péruviens étoitbiefï moins lé
fruit d’une bonne civiîifation que de leur foi-
blefle. Ce peuple énervé, vivoit de peu , 8c paf-
foit des jours tranquilles dans une douce oifiveté.
Leurs manufactures fe réduifoient à quelques
étoffes groflierement tiflïies de laine 8c de coton
qu’ ils employoîent à fe mettre à flabri des
injures de l’air.
Aujourd’hui cette nation infortunée eft pref-
qu’entiérement détruite ; ce qui en refte a mêlé
en partie fon fang avec celui de fes vainqueurs.
Le Péruvien des campagnes fur-tout eft tombé
dans une abbrutiflement extrême.
On voit cependant que c’eft bien moins la
faute de la conftitution organique, que de la
dureté des Espagnols. Rien n’égale fon infenfi-
bilitë & fon indifférence pour la mort} on fe-
roit tente de le prendre pour un vil automate ,
fans (on penchant invincible pour l’ ivrognerie
8c fa naîne, pour les opprefieurs de fon pays.
I l femble que cette haine germe’ 8c fermente
de génération en génération, 8c que ce peuple
devenu prefque imbécile par les mauvais traite-
mens, couve & murifle lentement fa vengeance.
Lé Péruvien parle encore la langue ancienne de
fa nation , 8c il n’ adopte qu’à regret quelques
expreflions du langage de fes vainqueurs : le
Péruvien des villes annonce moins d’averfion ,
parce qu’ il a peut-être mieux l’art de diflimulef,
pu que les fetes , les bals , les plaifirs qui lui
font communs avec les Efpagnols , ne lui laiffent
pas lé tems de les haïr. L’adrefle de ces peuples
à combattre les animaux les plus féroces ,
leur infouciance pour 4a mort, le courage avec
lequel il (Apportent la pauvreté , la faim 8c _la
douleur , laiflent voir allez ce qu’ ils pourroient
faire, fi jamais ils fongeoient à venger leurs -
outrages 8c ceux de leurs ancêtres'. On a cru les
• enchaîner par le çhriftianifme -, mais la crainte
feule leur a fait adopter, en apparence une religion
qu’ ils n’ont jamais pu aimer , parce qu’on
n’a jamais penfé.à la leur rendre aimable. Cés
chrétiens à moitié idolâtres ont reçu des moines
Efpagnols , ce çhriftianifme chargé de pratiques
ridicules 8c fuperftitieufes. L’empire de ces
moines y eft univerfel; delà c’eft un defpotifme
religieux aufli favorable à la corruption des
moeurs qu’ à l’ignorance. Les Péruviens ont une
taille bien faite , & des. traits agréables , leurs
femmes font charmantes ' 8c l’emportent fur les
femmes Efpagnoles , qui cependant ont prefque
toutes une phifionomie vive & piquante. La
mufique eft le goût dominant des deux peuples ;
dans les villes & fur-tout à Lima, c’eft moins
un goût qu’ une pafllon. On y danfe avec une
legereté admirable , & avec une agilité dont
l’peil a de la peine à fuivre les mouvemens.
Les objets de commerce , qui. s’exportent du
Pérou, confiftent en cacao , en quinquina , en
laine de vigogne , en cuivre , en o r , en argent
çn étain , en platine , & en mercure. ’
Le pays produit une efpéce de limaçon, qui
donne cette pourpre fi célébrée parles anciens
La coquille qui les renferme eft attachée à des
rochers baignés par la mer. On y cultive du
coton , du maïs , du piment, de l’orge, du froment
, du manioc, du fucre, des oliviers & de
la vigne. On y éleve des boeufs & des mulets •
la chèvre y a réuflx, mais la brebis a dégénéré *
8c fatoifon eft extrêmement grofliere. La pêche
y eft abondante, 8c le fel n’y manque po nt.
Les Péruviens cultivent aufli la Coca, arbrif-
feau qui rapporte une efpèce d’amande. La feuille
de cette plante fait les délices de ces peuples ;
lis la mâchent après l’avoir mêlée avec une terre
d’ un gris blanc , 8c de nature favoneufe qu’ ils
nomment Tocera.
Les animaux les plus remarquables du pays ,
font principalement le Lama, qui eft haut de
4 pieds , 8c long de 5 à 6 -, mais le cbl feul occupe
la moitié de cette longueur. Une laine courte
fur le dos , mais longue fur les flancs 8c fous le
ventre fait partie de fon utilité. On employé les
lamas comme des mulets , 8c il peut traniporter
dans des lieux efearpés des charges d’environ
cent livres. Cet animal 'vit jufqu’à 15 ans& eft
très-doux.
Le paco eft au lama , ce que l’âne eft au cheval
■, c’eft une efpéce , pour ainfi-dire altérée. Sa
fourufe eft très-épaifle , il fert à porter des fardeaux
; un peu d’herbe lui fuffit. Il y a aufli des
lamas fauvages, qu’on -no.mme quanacos , ils
font plus grands 8c plus forts que le, lama dont
eft i que. La vigogne , eft une efpéce de p a -
fio; cet animal très-timide, fe pla t dans le
froid & fur les montagnes. C’eft avec leur laine
qu’on fait ces belles étoffes fi recherchées , fi
légères 8c fi chaudes. La chair de ces-elpécés
d’animaux eft bonne à manger quand ils font
jeunes.
■ Les Efpagnols ont plufieurs manufaéltires de
toutes fortes d’étoffes , mais il n’ en fort rien dont
le travail foit fini. Cette nation indolente n’eft
pas moins inférieure aux autres peuples , du côté
de l’ induftrie , que du côté des fciences;& des
arts. L’Efpagnol eft à-peu-près par tout le même,
un peu plus dégradé cependant en Afliérique
qu’en Europe. A moins d’ une fecoufle violente
. qui tire ce peuple paralifé, de fon afloupiflement,
8c lui rende fon énergie antique, il eft à cra:n-
dre , que fon caractère phifique 8c moral ne
foit tôt ou tard aufli abbruti que celui' du Péruvien.
Il faut efpérer que la guerre aéluelle,
& quelques réformes récentes de la part du gouvernement
lui redonneront un peu de vigueu r>
8c que l’Efpagnol reprendra une place honorable
parmi les- nations de l’Europe. ( Majfon
de Morvillers. )
PÉROUGES, petite v ille de France dans la
Brefle , avec titre de bà’oniè. Elle eft le fiêge
d’un grenier à f e l , & elle députe aux aflembléés
de la Brefle •, à y lieues S. de Bourg, 6. N. E.
de Lyon.
PÉROUSE , en latin Pernpa 8c P erujium, 8c
én italien Perugia , v ille d’Italie dahs l’état de
PEglife , capitale du Pérugin , oïi Péroufin.
Elle fut atitrèfois une des douze principales
villes de l’ Etrurie -, mais durant les guêtres civiles
, entre Oélave & Marc-Antoine, ce premier
l’ayaiït prife, la (àecâgea impitoyablement,
en abandonna le pillage à fes troupes , 8c fit tuer
en fa préfence les trois cent citoyens qui com-
pofoient fon fénat. Elle fe rétablit dans la fuite ,
& foutint un fiége de fept ans contre Totila ro1
des Goths, qui la prit à la fin, la ruina, 8c
pafla au de ni l’epée une partie' de habitans.
Les rois de France l’ayant conquife au viij.
fiecle , la donnèrent au faint fiége. Enfin elle
fut‘ ravagée plufieurs fois 8c défoiée durant la
guerre des Guelphes & des Gibelins -, mais elle
s’ eft relevée de tous fes malheurs. Elle eft aujourd’hui
très-propre , a fiez peuplée , 8c défendue
par une citadelle. Elle etoit épifcopale dès
le iij. fiecle. L’évêque ne televe que du pape.
Elle eft fituée entre le Tibre au levant , & la
riviere de Genna au couchant , fur une colline ,
à 8 milles au nord-eft d’A flïe , 15 ou e ftd eNo -
céra. Long. 3,2..-2. lat. 43. 8.
Përoiife, aujourd’hui peut avoir 17 à 18
mille habitans. Elle eft à 44 mille de Rome ,
fur une montagne élevée , & d’un accès difficile.
Sa citadelle eft très-forte , mais e l le 'n ’a/
que quarante 8c quelques hommes de garriifon.
On y compte 24 couvens de Religieux autant
de religieufes , un. grand nombre de paroifies ,
des aqueducs, quelques beaux palais, beaucoup
de colleges 8c d’académies. I l s’y tient tous lès
ans pendant les trois premiers jours de novembre
une foire ,‘ rôù l’on vend beaucoup de bef-
tiaux.
Péroufe fe diftingue par une univèrfité, qui
même a produit des jurifeonfu 1res célébrés «dans
lé xiv. fiecle. Balde , difciple de Bartole,
fut du nombre! '
• Mais ce font l es Dante de la famille des Rai-
■ ilaldi,• qui ont fur-tout tlluftré de bonne-heure
l ’ univerfité'dë cette ville.
Dante ( Pierre Vincent ) fe fit un nom dans les
bëîles-lettreis, les mathématiques, l ’architec-
tu-e , & compofoit de fi beaux vers à l’ imitation
du Dante florentin, .que l ’on jugea qu’ il
faifoit revivre en quelque façon la fublimité de
ce grand génie.
Le lac de Péroufe eft à 3 lieues de la v ille ,
du côté de l’occident. On le nommoit autrefois
le lac de Trafimène , lacus Trajî menu s , aujourd’hui
lago di Perugia, il eft prefque rond
8c à environ 2 lieues un quart de diamètre. On
y voit trois îles , dont deux dans la partie fep-
tentrionale, nommées Ifola majore , & Jfola
minore j la 3 . fe nomme Ifola Poaicfe, ce lac
eft très-poifibnneux.' Les Romains furent défaits
près de fes rives par Annibal,
Dante (Ign a ce ) fe fit moine jacobin, mais
moine jacobin favant dans les Mathématiques.
I l fut appellé à Florence par le grand duc Cof-
me I , & enfuite à Rome par Grégoire X I I I qui
lui donna l’évêché d’Alatri. Il publia quelques
livres à Florence , 8c entr’àutres un traité de
la conjlru&ion & de Vufage de tdltrolabe. Il
mourut en 1586.
Lancelot ( Jean-Paul ) - fîorifibit dans le droit
H h h h i j