
564 P AR dinal de Richelieu. Il eft aujourd’hui à M. le duc
de Chartres, par la ceffion que lui en a faite M. le
duc d’Orléans. L'édifice du Palais-Royal eft peut,
mal conçu, & de mauvais goût, quoiqu’avec des
beautés de détail ; d’ailleurs il ne correspond point
aux jardins. L’immenfe bâtiment qui les enveloppe
eft de i'archîteâure la plus riche, mais gâtée par
les cinq étages que l’on a pratiqués fur la hauteur
d ’un feul ordre. 11 femble d’ailleurs qu’on ait eu
intention de ne conftruire que pour une génération
, tant eft grande la légéreté de l’édifice. On
fent de refte que ces défauts ne peuvent s imputer
à Tarchiteae, M. Louis , dont les talens font
connus : des locations un peu plus ou un peu
moins confidérables, des fonds plus ou moins
grands à employer, l’ont.maîtrifé dans la conf
truâion & dans l’ordonnance de fon édifice
D ’ailleurs , cette belle décoration eft en pure
p e r te , puifqu’elle fera en grande partie dérobée
à la vue par les maronniers , & autres arbres dont
on a planté les jardins Ajoutons enfin que ces
mêmes jardins ne renfermant aujourd'hui qu’une
mafle d’air étouffée, ftagnante, & non renouvelé
e , n’y attireront probablement plus le concours
qu’on y vit autrefois. On voit au Palais - Royal
une bonne collection de tableaux, mais qui a bien
perdu de fon prix par la dévotion mal entendue
qui en a fupprimé, anéanti même les tableaux
capitaux , fous le prétexte que les figures n’en
étoient point affez modeftes.
A peu de diftaiioe de-là , vis-à-vis la rue de
Richelieu , étoit l’hôpital des Quinze-Vingts, que
S. Louis fit bâtir en 1254 pour trois cens gentilshommes
aveuglés qu’il ramena de la Terre-
Sainte , où les Sarrafms leur avoient crevé les yeux.
Les Quinze-Vingts font aujourd’hui tranfportés au
fauxbourg & prés la porte Saint-AntGine.
Plus loin eft l’églife paroiflïale de Saint-Roch,
l ’une des plus belles de la ville. L’églife des Jacobins
qu'on rencontre enfuite, n’éft remarquable
que par une chapelle , où eft élevé en marbre
blanc le tombeau du rifîtréchal de Créqui, mort
en 1687. Le couvent des Feuillans qu’on trouve
dans la même rue , a toutes les commodités que
peut defirer une nombreufe communauté. L’églife
fut commencée en 1601 , & le roi Henri IV y mit
la première pierre : Louis XIII en fit faire le
portail Tan 1624. Le couvent des Capucins n’eft
éloigné de celui des Feuillans que d’un fort petit
efpace; leuréglife fut bâtie par les ordres d’Henri
I I I , & fon favori, nommé le P. Ange 4e Joyeufe,
y fut enterré vis-à-vis le grand autel.
Le monaftère des filles de l’Aflomption fe préfente
enfuite. Ces religieufes demeuroient autrefois
dans la rue de la Mortellerie , proche de la
Grève , où elles étoient Hofpitalières ; on les
nommoit Haudriettes, à caufe d’Etienne Haudri,
écuyer du roi Saint Louis , qui les avoit fondées
pour loger & pour fervir les pauvres malades.
Cette communauté s’étant accrue dans la fuite,
& fe trouvant refferrée en ce lieu-là, vînt s’établîT
en 1622 dans l’endroit où elle eft préfentement.
C ’étoit une place vuide qui s’étendoit jufqu’aux
fofles de la ville. Le cardinal de la Rochefaucault
introduifit parmi ces religieufes la règle de Saint
Auguftin qu elles fuivent aujourd’hui. Vis à-vis du
monaftère de TAffomption , eft celui des filles de
la Conception ; ce font des religieufes du tiers-
ordre qui l’occupent.
Sur 1 emplacement de Tancien hôtel de Vendôme
fut formée la place qui en porte aujourd’hui le nom;
Elle a 75 toifes de ion'gueur, & 70 de largeur.
La ftarue équeftre de Louis XIV eft pofée au milieu
fur un piédeftal de marbre fort élevé, aur
tour duquel font quatre inferiptions compofées par
l’académie des belles lettres , pour lors des médailles
, m§is elles ne font pas modélées fur le
bon goût de la Grèce & de Rome. Cette magnifique
fiatue a été fondue fur les delfins de Gi-
rardon.
De deffus cette place, appelée auflî la place de
Louis - le - Grand, elle femble fermée de toute»
parts, fans débouchés, fans iffues. Il devroit entrer
dans le plan des embelliffemens de Paris d’ouvrir
une rue , qui des boulevards, par remplacement
des Capucines & la place Vendôme, abou-
tiroit aux Tuileries.
Le portail de Téglife de Saint-Roch a le défaut
de prefque toutes les conftruétions modernes de
ce genre ; favoir, de préfenter plufieurs ordres
d’architeéfure les uns au-deffus des autres. Le vaif-
feau, qui n’eft pas fort grand; eft d’un bon genre*
La chaire eft vantée. Le grand Corneille, Fonte-
nelle & Crébillon , y font inhumés-
La rue Neuve des Petits-Champs s’étend de la
place Vendôme à la place des Viâoires, ornée
d’une magnifique ftatue pédeftre de Louis XIV 9
placée fur un piédeftal de marbre blanc veiné de
gris , de vingt-deux pieds de haut, en y comprenant
un foubaffement de marbre bleuâtre. Ce
prince a un Cerbère fous fes pieds ; & la Victoire
derrière lu i, montée fur un globe, lui pofe
une couronne de laurier fur la tête. Ce groupe
eft de bronze , ainfi que les quatre figures de captifs
, enchaînées aux quatre angles du piédeftal ,
qui font d’un g-rand cara&ère & d’un travail admirable.
La ftatue du roi & les accefloires font dorés
partout. On lit fur la plinthe : Viro immortali. Le
piédeftal eft accompagné de bas-reliefs , & d’inf-
criptions latines & françoifes. C ’eft en fomme un
fuperbe monument.
Les nations qui s’y croiroient humiliées ne doivent
le confidérer que comme le réfultat d’une
imagination poétique, & comme un monument
de l’art ; c’eft même ainfi que le voient les François.
Ce que vaut une nation en elle-même, eft
ce qui fixe fon rang dans l’eftime des peuples, &
dans la hiérarchie des fouVerainétés.
Les Auguftins - Déchauffés, qu’on nomme les
Petits-Pères, s’établirent à Paris fous le règne de
touis XIII. Leur églife, dite quelquefois Notre•
Dame des ViBoins , contient de beaux rableaux:,
& renferme les cendres du célèbre Lulli. La mai-
ion a d’ailleurs une riche bibliothèque, & un ca-
binet de raretés.
La halle au bled eft fur l’emplacement de 1 ancien
hôtel de Soiffons. Dans un édifice deltme
purement à Futilité publique, on ne : s’attendrott
pas de trouver deux efcaliers d’une coupe aufli
élégante que hardie. Mais ce qui mérite fur-tout
l ’attention , l’admiration même des connoiffeurs ;
c’eft le dôme d’une conftruâion très-favante , &
qu’on regarde à jufte titre comme un chef-d’oeuvre
de l’art. Si elle n’exiftoit point, on en regarderoit
généralement l’exécution comme impoffible. On
n’auroit point dû engager dans la maçonnerie la
colonne de Soiflbns , qui, quoique très-belle, oft
néanmoins fort inférieure aux colonnes Trajane^ &
Antonine à Rome. Elle fut conftruite par la reine
Catherine de Médicis, qui y montoit avec quelques
favans de fon tems, pour y contempler les
aflres. Sa hauteur eft de 90 pieds.
L’églife de Saint-Euftache eft une des plus belles
de Paris. Le vaiffeau, qui eft fort délicat, eft plus
élevé que celui de Notre-Dame. Il eft d’architecture
moderne, avec un mélange du genre gothique
, dont on n’avoit point encore fecoué le joug
lorfqu’il fut entrepris. Le portail abfolument moderne,
& que l’on termine aétiiellement, eft hors
de proportion par fa petiteffe avec la grandeur de
Téglife qu’il annonce mal. D’ailleurs pour ne point
anguftier le parvis, ou pour éviter des démolitions
, on a tronqué la n e f, dont la longueur n’eft
point proportionnée à la hauteur des voûtes. Enfin
, les figures placées fur le portail font de mauvaise
main. On voit en cette églife le tombeau
du célèbre Colbert, l’un de ces hommes qui par
leurs talens , leur application , teur zèle , leur
amour du bien, décéloient la main du grand prince
qui les affocia à fon gouvernement pour la gloire
de fon règne. Cette églife ne fut d’abord qu’une
chapelle fous l’invocation de Sainte Agnès, qui
dépendoit du chapitre de Saint-Germain l’Auxer-
rois. Le bâtiment tel qu’on le voit aujourd’hui fut
commencé vers Tan 1530.
Le cimetière des lnnocens étoit le lieu public
de Paris où l’on enterrait les morts depuis près
de mille ans. Il a été très-fage de le condamner
enfin , & de pratiquer des fépultures hors de l’enceinte
de la ville. Les figures dont Goujeon a
orné la fontaine des lnnocens , font un chef-d’oeuvre
de fculpture. Ces reliefs admirables ont la pureté
de l’antique, & la France n’a rien de fi beau
en ce genre. On s’eft avifé très-mal-adroitement
de peindre ces figures, ( en 1783 ). C ’eft un maf-
que dont on les a couvertes, un voile dont on
les a revêtues , & qui fait difparoître la fineffe du
trait.
L’èglife du Saint-Sépulcre, bâtie en 1326 pour
les pèlerins du faint fépulcre de Jérufalem qu’on
logeoît autrefois, pendant quelques jours, eft un
peu plus loin de l’autre côté de la rue. C ’eft à
préfent une collégiale , dont les chanoines , au
nombre de cinq, font à la collation du chapitre
de Notre-Dame.
L’hôpital de Saint-Jacques, qui eft vis-à-vis de
la rue aux Ours,, fut fondé en 1317 par quelques
bourgeois de Paris. Le revenu de cet hôpital
, appliqué aujourd'hui aux Invalides , étoit autrefois
employé à loger les pèlerins qui paffoient
pour aller à Saint Jacques en Galice.
On trouve enfuite Thôpital de la Trinité , fondé
par deux frères Allemands , pour héberger les pèlerins.
On y entretient aujourd’hui des enfans orphelins
de père oit de mère, dont ie nombre eft fixé à
cent garçons & trente-fix filles. Prefque vis-à-vis
de cet hôpital eft Téglife de Saint-Sauveur, qui
doit fa fondation à Saint Louis.
L’arc de triomphe érigé à Louis XIV entre la
rue Saint-Denis & le fauxbourg de même nom ,
eft ün fuperbe morceau d’architeélure, & le plus
beau modèle en ce genre qui exifte en Europe.
On le nomme vulgairement Porte Saint - Denis,
On devroit faire difparoître cette petite toiture en
tuiles , placée très-mal-à-propos fur une extrémité
de Tacrotère. Renverfons les portes Saint-Bernard
& Saint-Martin, comme inutiles embarras ; mais
refpeétons la porte Saint-Denis, comme un monument
des arts.
La maifon des pères de la miffion de Saint-
Lazare eft dans le fauxbourg. C ’écoit autrefois un
hôpital deftiné à loger ceux qui. étoient affligés de
ladrerie; mais cette maladie ayant ceffé, la maifon
de Saint-Lazare tomba entre les mains du P. Vincent
de Paul, inftituteur de la miffion, qui en a
fait le chef-d’orde de toute la congrégation , d’après
des lettres-patentes enregiftrées au parlement
en 1632.
L’églife de Saint-Méderic, nommée communément
Saint-Merri, étoit 'anciennement Téglife de
Saint-Pierre; mais depuis la mort de Saint Merri,
I natif d’Autun en Bourgogne, & de Tordre de Saint
Benoît, elle.en a pris le nom. C ’eft une collégiale
deffervie par fix chanoines, & un cheffecier qui
en eft auffi curé.
Du côté de Saint-Merri en defeendant, on rencontre
Téglife de Saint - Julien des Meneftriers ;
c’étoit jadis un hôpital pour les joueurs de violon.
Plus bas , on va à Saint-Nicolas-des-Champs , qui
étoit anciennement une chapelle de Saint-Jean,
& qui èft à préfent une paroiffe confidérable.
A côté de Saint-Nicolas-des-Champs , on trouve
le prieuré de Saint-Martin de Tordre de Clugni ;
c’eft à Henri I qu’eft dû , en 1060 , la reftauration
de ce prieuré , qui donne le nom à la rue ; la nef
de Téglife eft décorée de bons tableaux de Jou-
venet. La maifon clauftrale, qui eft très-grande ,
a été bâtie dans ces derniers tems. L’efcalier en
eft fuperbe. Ce prieuré eft en commende : il eft
exceffivement riche, & vaut 45,000 1. au titulaire.