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lieues du même pays , c’eft en grande partie ce
qu’on appelloit autrefois Sarmatie.
Ce valte état fe divife en trois parties principales
, la grande Pologne au nord, la petite
Pologne au milieu , & le grand duché de Lithuan
ie , au nord-eft. Ces trois parties contiennent
plufieurs palatinats , qui ont chacun un gouverneur
& un caftellan.
Il eft des loix pour les particuliers *, mais y
en a-t-il pour les rois ? le coupable eft puni dans
fes biens 8c dans fa perfonne, parce qu’ il eftfo i-
frle -, mais s’il commande à un grand état, il fa-
crifie le fan g d’ un demi million d’hommes , il
réduit fes fujets à une affreufe mifere , il peuple
ies états de veuves & d’orphelins-, & dans fes
vaftes palais , il voit croître fa nombreufe famille
fans ceflér dans le deuil général, de jouir
-des délices de la vie.
Aux yeux de la philofophie , comment juge-
ra-t-onrce brigandage politique , que l’on ap-
•pella en 1773 , le démembrement de la Pologne
? Quel etoit le délit des Polonois, & de
leur roi ? Quels étoient les droits de ceux qui
le s dépouilloient ? Où étoit donc la France
Où étoit donc l’Europe entière ? comment veut-
t-on que les propriétés foient facrées entre-les
particuliers, li elle ceffe de^ l’être parmi les rois?
Les rois ; les rpprélentans des peuples ; les dépo-
fitaires de la foi 8c de l’honneur des nations 1
Combien étoit' donc foible cette tête royale à
laquelle tout un peuple avoit dit -, » je te confie
mes droits , & qui n’avoit pas fu les conferv er 1
défens moi, & qui n’ a voit pas fu le defendre 1
ce roi cependant étoit éleftir : il étoit du choix
de la nation ; mais cette nation elle -même qui
par fa conftitution politique , fe précipitoit vers
î ’efclavage 1 quel eft l’homme un peu inftruit,
qui en voyant les principes du gouvernement
Polonois, n’a pas du prévoir cette étonnante ca-
taftrophe , je ne craindrai point de le dire 1 le
Polonois brave, fpirituel, fait pour la guerre ; eft
cependant arriéré de plus d’ un fiécle dans les
fciences , les arts, & fur-tout le grand art de la
guerre ? Que peuvent produire cette nombreufe
cavalerie indisciplinée •, cette infanterie fi foible,
8c qui ne peut avoir plus d’intérêt à vaincre qu’à
être vaincue ? que peut-on attendre d’un roi ef-
clave , d’un fénat divife -, d’une nation fans ref-
jfort, fans argent, fans commerce , où l’homme
attaché à la glebe n’eft qu’ un v il morceau d’ arg
ile que fon maître peut. brifer. Où ''ce maître
efclave & defpote a fon tour , commande, &
fe trouve enchaîné , eft roi ou tyran dans fes
terres , & aux diètes générales rentre dans la
foule immenfe de fes égaux , où l’on difpute ,
on négocie , on cherche à 'corrompre , lorfqu’ il
faudroit agir 1 où enfin un feul homme , ivre ,
Ignorant, ou féduit, peut arrêter d’un feul mot,
tout le bien qui dëvoit réfulter des réflexions des
meilleures têtes, La Pologne avec cette taille
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coloffale en apparence , n’eft donc qu’ un peuple
foible , & ne préfente que l’ affemblage informe
de plufieurs corps , qui réunis en faifceau , ré-,
fifteroient à tout -, mais que l’on peut rompre
& briferSéparément fans la moindre peine. S
Le gouvernement de Pologne étant ariftocra-
ti - monarchique •, la nobleffe dans les éleétions
par conféquent a autant d’intérêt a limitei le
pouvoir de fon r o i, qu’à chercher à en ufurper
elle-même. Le peuple eft fe r f , 8c vit dans un
honteux efclavage -, les feigneurs ont droit de
vie & de mort fur leurs paylans , droit barbare
qui n’eft ni dans la raifon ni dans lanature, puif-
Sfue l’une a fait tout les hommes égaux , & que
1 autre, leur défend d’être juges dans leur propre
caufe. r r
On évalue la population de la Pologne à 15
millions , dont prefque un quarantième en gen-
tilhommes; mais beaucoup de ces nobles ne different
du le r f, que par ce qu’ ils font libres ,
par un lot orgueil ne voulant point travailler
aux arts méchaniques, & à la culture des terres,
ni fe livrer au .commerce -, ils fe croient moins
avilis d’entrer domeftiques chez les grands foi-
gneurs , 8c les autres nobles opulens -, là ils rem-
pliffent les emplois les plus bas , mais c’eft la
nobleffe qui fert la nobleffe, & elle ne croit pas
avoir à rougir. Un tiers de cette population eft
compofee d’Allemands , 8c fur-tout de Juifs qui
montent à quelques millions. Ce lont ces der->
niers qui tiennent prefque toutes les auber-
ges , principalement dans la petite Pologne &
le grand duché dé Lithuanie.
Mais pour mettre quelque ordre dans ces dé—,
tails : on divife les habitansde laPologne en trois
claffes. Les Gentilshommes, les Bourgeois 8c les
Serfs. J’ai dit que la nobleffe Polonoife étoit très
nombreufe, mais que les trois quartslangu ffoient
dans une extrême pauvreté. Les payfans font preft
que ferfs de la nobleffe qui jouit de grandes
prérogatives , & de beaucoup de privilèges,: la
rameufe liberté Polonoife n’appartient réeliemene
qu’à la claffe des nobles. Chaque gentilhomme
eft louverain dans fes terres. Le roi n’ en perçoit
aucune efpece d’impôt , 8c l’on ne fauroit y loger
de foldats. Sa maifon eft un àfyle pour les
coupables. On ne peut les arracher de vive
force. Les jugesdes villes n’ont nul pouvoir ni
fur les fujets, ni fur les terres de ces nobles •
ils font exempts de tous droits, péages, peuvent
exploiter les mines, & le roi lui-même ne peut
faire emprifonner,aucun d’eux, fans l’avoir fait
citer , fans l’avoir préalablement convaincu à
moins de crime honteux , comme celui de
vol , ,&c. d’avoir été pris en flagrant d é lit, ou
lorfqu’il ne peut donner de caution ; enfin il
ne dépend que du roi feul., & ne peut être jugé,
que dans le royaume. Les charges & les dignités
féculieres ou eccléfiaftiques ne peuvent être
occupées que par des nobles ; ils peuvent feuls
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aufli pofféder des terres -, il n’y a que les bourgeois
des villes de 'Ihorn , de Cracovie , de
ËP'ilna , de Lemberg & de Lablin , qui foient
exempts de cette régie. Les gentilshommes qui
poffedent des maifons dans les villes , font fournis
aux charges bourgeoifes. Les affaires des
nobles , civiles ou autres font jugées aux tribunaux
provinciaux , 8c fi un gentilhomme eft en
procès pour une chofe qui concerne une terre
royale ; le fait eft décidé par des commiffaires.
Le roi qui nommoit autrefois les évêques, les
palatins , les caftellans , les miniftres & aux
places de l’état major ; aujourd’hui par l’ëtablif-
fement d’ un confeil permanent, ne peut plus
que, choifir parmi trois candidats qui lui font
préfentés par le confeil. I l ne refte à ce vain
fantôme de roi que la libre nomination des autres
charges inférieures. Ce confeil eft compofé
du r o i , de trois évêques, parmi lefquels doit
être le primat, de onze fénateurs féculiers , de
quatre membres du miniftere du maréchal de la
diète , de 18 confeillers de l ’ordre équeftre &
de plufieurs officiers fufialternes. Ce confeil me
femble avoir bien des avantages fur l ’ancienne
maniéré de régler les affaires.
Avant 1773 , tous les revenus de ce royaume
ne montoient qu’à 6 à 7 millions de notre mon-
noye. M. Bufchning ne les fait même monter
qu’à 5,044,655 livres argent de France ; &
cependant cette fomme médiocre fuffifoit aux
dépenfes ordinaires de l’état , parce que le roi
percevoit fon entretien des économies royales,
8c que les Starofties & autres biens royaux font
une fource abondante pour d’autres dépenfes.
Aujourd’hui ces revenus font plus confidérables,
& chaque puiffance dans les états qui lui font
tombés en partage lors du démembrement, a fu
ranimer ce grand corps politique qui étoit plongé
dans une inertie profonde.
Quand à l’état militaire de ce royaume ^il lui
manque trop de chofes, pour qu’i l puiffe jamais
être redoutable. Les Polonois pourroient faire
cependant d’excellens foldats *, mais il faudroit
pour cela une augmentation d’impôts, qui ne
peut avoir lieu que difficilement. D’ailleurs une
mauvaife infanterie , mal payée , mal habillée,
mal armée, fans difcipline , une cavalerie nombreufe
8c volontaire , ne feront jamais que des
armées très-foibles. Les troupes réglées de la
couronne ne montoient qu’ à 15 à 28 mille hommes,
ce nombre même n’étoit pas complet. L’ armée
de Lithuanie ne montoit' guere qu’à 6 à
y mille hommes. En tems de guerre, ces troupes
font beaucoup plus nombreufes , fans être
plus redoutables : quand la nobleffe a refté deux
lemaines au lieu où elle s’eft affemblée , fans
qu’ il y ait eu occafion de marcher à l’ennemi,
il lui eft libre de le retirer > elle n’eft pas non
plus obligée de paffer les frontières de la république
, à moins que la chofe n’ait éçé décidée
p o l m
par les états. Le roi doit être en perfonne à la tête
de l’ armée, les villes doivent fournir des chariots
& autres attirails de guerre, 8c un certain nombre
de fantaflins. En Pologne & en Lithuanie il
n’y a prelêque aucune fortereffe-, prçfque toutes les
villes font ouvertes , & les autres ont à peine
une muraille & un foffé , excepté Kaminie^ s
Samot^y Dan^ick , &c. Depuis le démembrement
de cette monarchie , les piiiffances conquérantes
n’ont point adopté le fiftême des Polonois
qui prétendent que les villes n’ont pas de meil*-
leurs remparts que les fabres & les poitrines de
leurs habitans : ils ont fortifié leurs places, 8c
n’ont pas à s’en repentir.
L’air de la Pologne , quoiqu’un peu froid eft
tres-fâin , le pays eft prefqlie par-tout uni , &
n’offre que peu de montagnes. Le froid eft très-
v if fur les monts Carpathy qui fëparent ce royaume
de la Hongrie. Il y tombe fouvent de la
neige dans le coeur même de l’été. Le terroir eft
par-tout d’une fertilité extraordinaire ; il abonda
tellement en bleds que l’on en exporte annuellement
près de 4000 vaiffeaux 8c radeaux qui
vont à Vaniick , par la Wiftule. On y recueille
aufli beaucoup de thanvre 8c de lin ; les pâturages
font excelléns : & danslaPodolie, l’herbe
croît à une telle hauteur , qu’on apperçoit à
peine les cornes des boeufs qui y pâturent. On
fait paffer annuellement à l ’étranger, depuis
80 jufqu’à 90 mille boeufs. Les chevaux font
aufli en grand nombre ; on vante fur-tout leur
beauté, leur force 8c leur vîteffe. On y nourrit encore
de grands troupeaux de chevres & de brebis.
On trouve delà tourbe près deDantzick & de
Marienbourg , de l’ocrè brunâtre , d’un rouge
clair & foncé, & de la craye dans beaucoup
d’endroits. Ce'royaume poffede aufli du marbre*^
de l’albâtre, des belemithes , des agates., des
chalcedoines , des opâles , des amethiftes’ , des
Topafes, des faphirs. Les monts Carpath, & c .
renferment beaucoup de rubis & des diamans
affez femblables à ceux de Bohême. Ailleurs on
trouve de la pierre fpéculaire & du talc. Beaucoup
de falpêtre & d’alun, du vitriol ^ de la
naphte , de l ’afphalt, & dans plufieurs endroits
de l’ambre jaune , foit dans la terré , foit dans
les lacs ; du charbon de terre près de Tencin 8c
de la ville de Dobrin , au bord de la Wiftu’le.
Dans le palatinat de Cracovie, font ces fa-
meufes mines de gfel , dans lefquelles il fo
trouve en blocs imnienfes que l’on taille comme
la pierre. Ces mines font inépuisables. Dans d’autres
endroits font des mines de fol de différentes
couleurs & des fources falees. Je ne dois pas
oublier de dire que ce pays produit de l ’antimoine
en abondant* , du vif-argent qui en
certaines faifons de l’année décoûle de foi-même
du fein de la montagne de Zimnawoda à fix
milles de Cracovie *, des mines de fer très-nom-
breufes , très riches ? quelque peu d’étain , mais