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une portion de notre continent pat* le changement
du centre de gravité de r.otre globe, qui a pu
caufer l'inclination de Ton axe. A l’égard de la retraite
des eaux de la mer qui fe fait mcceffivement
& par degrés infenfibles, pour peu qu’on ait confédéré
les bords de la mer, ©n s’apperçoit aifé-
ment qu elle s’éloigne peu-à-peu de certains endroits
, que les côtes augmentent, & que l’on ne
trouve plus d’eau dans des endroits qui étoient
autrefois des ports de mer où les vai&èaux abor-
doient. L’ancienne ville d’Alexandrie efl actuellement
affez éloignée de la mer ; les villes d’Arles ,
d’Aigues-Mortes, de Fréjus, &c. étoient autrefois
des ports de mer; il n’y a guère de pays maritimes
qui ne fourniffent des preuves convaincantes
de cette vérité ; c’efl fur-tout en Suède que ces
phénomènes ont été obfervés avec plus d’exaéli-
tude depuis quelques années ils ont donné lieu à
une difpute très-vive entré plufieurs membres il-
luflres de l’académie royale des fciences de Stockholm.
M. Dalin ayant publié une hifloîre générale
de la Suède, très-eftimée des connoiffeurs,
ofa jeter quelques foupçons fur l’antiquité de ce
royaume, & parut douter qu’il eût été peuplé auiîi
anciennement que l’avoient prétendu les hiflo riens
du nord qui l’ont précédé; il alla plus loin, & crut
trouver des preuves que plufieurs parties de. la
Suède avoient été couvertes des eaux de la mer
dans des tems fort peu éloignés de nous ; ces idées
ne manquèrent pas de trouver des contradicteurs;
prefque tous les peuples de la terreront de tout
tems été très-jaloux de l’antiquité de leur origine.
On-crut la Suède déshonorée , parce qu'elle n’avoit
point été immédiatement peuplée par les fris de
Noé. M. Celfius, favant géomètre de. l’académie
de Stockholm , inféra , en 1743 , dans le recueil
de fou académie, un mémoire très-curieux ; il y
entre dans le détail des faits, qui prouvent que les
eaux ont diminué & diminuent encore journellement
dans là mer Baltique, ainfi que l’Océan qui
borne la Scandinavie à l’occident. Il-î s’appuie du
témoignage d ’un grand nombre de' pilotes & de
pêcheurs avancés en âge , qui atreflent avoir,
trouvé dans leur jeuneffe beaucoup plus d’eau en
certains endroits qu’ils n’en trouvent aujourd’hui ;
des écueils & des. pointes de rochers qui étoient
anciennement fous l’eau ou à fleur d’eau, fort-ent
maintenant de plufieurs pieds aurdeffus -du niveau
de la mer ; on ne peur plnspaffer qu’avec des cha-i
loupes ou des barques dans, des endroits, où il
paffoit autrefois des navires chargés ; des bourgs;
& des villes qui étoient areciennemenffùt les bords
delà mer, en font maintenant à une diftance de
quelques lieues ; on trouve dès ancres & des débris
de vaiffeaux qui font fort avancés dans les;
ferres. Après avoir fait Fénuméranon de toutes
ces preuves, M. Celfius: tente de déterminer de
combien les eaux de la mer baiffent en un tems
donné. Il établit fon calcul fur plufieurs obfervà-
tions qui ont été faites en. difîerens endroits.; il.
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trouve entriautres qu’un rocher qui étoit il y às
168 ans à v fleur d’eau , & fur lequel on alloità la
pêche des veaux marins,, s’eft élevé depuis .ce
tems de 8 pieds au-rdeflùs de la furface de la mer,
M. Celfius trouve que l’on mar.chc à fee dans un
endroit où 30 ans auparavant on avoit de l’eau
jufqu au genou. Il trouve que des écueils q.ui.étoient
caches fous 1 eau, dans la jeuneffe de quelques,
anciens pilotes, & qui même étoient à 2 pieds de
profondeur , forcent maintenant de 3. pieds, &c«
De toutes, ces obfervations , il réful'te, fuivanc M.
Celfius,.que Fon peut faire une eflimation commune,
& que l’eau de la mer baiffe en un an dé-
4 £ lignes , en 18 ans de 4 pouces & Jk lignes, en
100 ans de 4 pieds 5 ponces, en 500 ans de 22,
pieds 5 pouces , en 1000 ans de 45 pieds géométriques,
&c.
M. Celfius remarque , avec raifon , qu’il feroit
a fouhaiter que Fon obfervât exaélement la hauteur
de certains endroits au-defiùs du niveau de
la mer: par ce moyen la poflérité feroit à portée-
de juger avec certitude de la diminution de fes-
eaux : à fa prière, M. Rudman fon.ami,fit tracer
en 1731 , une ligne horifo.ntaie fur une roche appelée
fwanhallen pce wihcktn, qui fe trouve à la
partie feptentripnale de l’ile de Loefgrund,. à a,
milles^ au nord-efl de Gefle. Cette ligne marque
précifément jufqii’où venoit la furface des eaux ère
; 1731. Voyc£ les Mérn. de Vacad. de Suède, tom, V v
année 1743. 11 feroit à fouhaiter que l’on fit des.
obfervations. de ce genre fur toutes les côtes &
dans toutes les mers connues ; cela, jereroit beaucoup
de jour fur un phénomène très-curieux de-
1 la phyfique, & dont jufqa’à préfent L’on ne paroît
! s’être fortement occupé qu’en Suè’de.-
La grande queftion qui partage maintenant les;
' académiciens de Suède, a pour objet de {avoir fi;
, la diminution des eaux de la mer efl réelle ; c’efl-
| à-dire , fi la fomrne .totale des eaux de la mer di-
■ Nminue effeclivement fur notre globe , ce qui paroît
y être le fentiment de M. Celfius, du célèbre Mi.
Lirenaeus & de plufieurs autres ou fi, comme M..
; Browalliùs & d’autres le prétendent, cette diminution
des eaux n’efl que relative , c’efl-à-dire,, fila
mer va regagner d’un côté ee qu’elle perd dure
;; autre. On lent aifément combien cette queftion eft
embarraffante; en. effet, ilfaudroit un,grand nombre
d’obfervations faites dans toutes les parties de»
• notre iglobe., & continuées pendant plufieurs fié-
: clés, pour la décider avec quelque certitude.
Il efl confiant que les eaux-de la mer s’élèvent
’ ère vapeurs * forment des nuages. & retombent en.
’ pluie ; une partie' de ces pluies rentre dans la.mer,,
une autre forme des rivières qui retombent- encore
dans la mer ; de là il réfulte une circulation perpé-,
tuel-le des eaux de la mer ; mais , fui.yant-M-. Celfius,,
la-partie des eaux qui abreuve les terres , & quiferf
■ à la végétation. , c’eft-à-dire à Faççrqiffeiqent des-
j: arbres & des plantes, efl perdue pour la fomme
F totale des eaux ;& cette partie, félon lu i,,peut fe
M E R i
Convertir en terre par la putréfaéliotl des végétaux*
fentiment quia été foutenu par Van-Hel-
raont-, & qui n’efl rien moins que démontré ; le
grand Newton , qui l’a adopté, en conclut que les
parties folides de la terre vont en s’augmentant,
tandis que les parties fluides diminuent & doivent
un jour difparoître totalement, vu que, fuivant ce
favant géomètre , notre globe tend perpétuellement
à s’approcher du foleil- ; d’où il conjeélure
qu’il finira par fe deffécher totalement , à moins
que l’approche dé quelque comète 11e vienne rendre
à notre planète l’humidité qu’elle aura perdue.
Au refie, il efl beaucoup plus probable que la
partie des eaux employées à'la végétation, efl rendue
à l’atmofphêre, aux fleuves & à la mer, par
fa diffolution & la décompofition des végétaux. '
. M. Celfius trouve encore une' autre manière
d’expliquer la diminution des eaux de la nier ; c’efl
que , félon lu i, une partie des eaux fe retire dans
les cavités & les abfmes qui fout au .fond de la
mer ; mais il ne nous dit point comment ces cavités
fe forment: efl-ce le feu qui feroit place à l’eau?
Les eaux de la mer iroient-elles occuper les e.fpaces ■
qui ont été creufés par les feux fouterreins, dont
l ’intérieur de notre globe feroit perpétuellement
eonfumé ?
Il feroit très-important que Fon fît les obfervations
nécefTaires pour conftater jufqu’à quel point
ces idées peuvent être fondées ; cela ne manquerait
pas de jeter beaucoup de lumières fur la phyfique
, fur la géographie, & fur la connoiffance
de notre globe. M. Celfius croit que la Scandinavie
a été anciennement une île , &. que le golfe de
Bothnie communiquoit autrefois avec la mer Blanche
par les marais aujourd’hui formés par l’Ulo-
Elbe : ce fentiment s’accorde avec celui de Pto-
lomée & de plufieurs anciens géographes , qui ont
parlé de la Scandinavie comme d’une île.
Ce n’efl point feulement dans le nord que Fon
a pbfervé que les eaux de la mer fe retiroient &
laiffôient à fec une partié de fon lit : les plus anciens
hifloriens nous apprennent que File du Delta
en Epypte, qui fe trouve à la partie baffe du N il,
à été formée par le limon, que ce fleuve a fuccef-
frvement dépofé. Les voyageurs modernes ont
obfervé que le continent gagnoit continuellement
de. ee côté..Les ruines du port de Carthage font
aujourd’hui fort éloignées de la mer. On a aufiâ
remarqué que la méditerranée fe retiroit d.es côtes
méridionales de la France vers Aigues-Mortes,
Arles, &c , & l’on pourroit conjeâurer qu’au bout
de quelques milliers d’années cette mer difparoî-
tra totalement, comme M. Celfius préfume que
cela arrivera à la mer Baltique. On peut en dire
autant de la mer Noire, de la mer Cafpienne dont
le fond doit néceffairement hauffer par les dépôts,
qu’y font les grandes rivières qui vont s’y rendre.. *
Tout ce qui précède nous prouve que les mers
produifent, fur notre globe, des changemens perpétuels,
Il y en a qui. difpajoiffent dans un en- .
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droit; il n’ên efl pas moins certain qu'il s’en produit
de nouvelles dans d’antres. C ’efl ainfi qu’a été
formée la mer de Harlem en Hpllande, au fud de
Harlem & d’Amflerdam , dont Ta formation , qui
efl affez récente y efl due à des vents violens qui
ont pouffé les eaux de la mer par-deffus fes anciennes
bornes,■ & qui parTà ont inondé un' terrein
bas d’où ces eaux n’ont point pu fe retirer. Pline-
regarde la mer Méditerranée comme formée par
une irruption pareille de l’Océan.
Il y a des mers ^ telles que la mer Cafpienne , la!
mer Morte, &c. qui fe trouvant au milieu des
terrés, jn’ont point de paffages fenfibles par où
l’écoulement des eaux qu’elles reçoivent puiffe fe
faire. L e P. Kircher & plufieurs autres naturalifles y
ont foupçonné que leurs eaux s’écouloient par des
conduits ou canaux fouterreins , qui les- portoienc
dans d’autres mers. Ils ont cru qu’il y avoit une
communication cachée fous terre entre la mer Cafpienne
& le golfe Perfique, entre la mer Morte
& la mer Méditerranée. Ces auteurs n’ont trouvé
que ce moyen d’expliquer pourquoi ces mers ne
débordoient point, malgré les eaux des rivières-
qu’elles reçoivent continuellement ; mais ils n’ont
point fait attention que l’évaporation pouvoit être
équivalente à la quantité d’eau que ces mers re-'
çoivent journellement.
C ’efl au féjour des eaux de la mer , fur de certaines
portions de notre continent, qu’il faut attribuer
la formation des mines de fel gemme ou de
fel marin foffile que Fon trouve dans plufieurs pays
qui font maintenant très-éloignés de la mer. Des
eaux falées font refiées dans dès-cavités d’où elles
ne pouvoient fortir. Là , par l’évaporation, ces
eaux ont dépofé leur fel, qui, après avoir pris une
confiflance folide & concrdtte , a été recouvert de
terre , & forme des couches entières que Fon rencontre
aujourd’hui à plus ou moins de profondeur.
V o y e z l’article Sel gemme. 11 n ’efl p o in t fi aifé d e re n d re raifo n d e la fa -
lure des e au x d e la m e r , & d ’e x p liq u e r d ’o ù elle;-
tire fore o rig in e. U n g ra n d n o o n t c ru q u e l’o n d ev o ir fiip pmo fberre ldee fopnhydf ideiée nlsa-.
m e r re m p li d e m affes o u d e;ro ch e s d e fel q u e les e au x d e la m e r d iffo lv o ien t p e rp é tu e lle m e n t, m a is o
n n e n o u s a p p re n d p o in t c o m m e n t c es m affes d e
fe l o n t é té e lles-m êm es form ées.-
Au relie, le célèbreSthal regarde la- formation;
du fel marin comme un des myfières. de la nature
que la chimie n’a point enfore pu découvrir..
En général,, nous favons que tous les fels font
compofés d’une terre atténuée & d’eau, & Fore
pourroit préfumer que le fel marin fe génère continuellement
dans la mer. Quelques phyficiens ont
cm que l ’eau de la mer avoit été falée dès Ta: création
du monde. Ils fe fondent fur ce que fans celai
les poiffons de mer exigeant une eau falée n’au-
roient pas pu y v iv re , fi elle, n’avoit été falée
dans fon origine.
M. Cronfleclt, de 1 academie des Sciences de