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ries qu’on exerçoit contr’eu x , que de leurs fuperf-
titions : on- le voyoit voler.continuellement d’un
hémifphère à l’autre pour confoler des peuples
qu’il portoit dans ion fein, ou pour adoucir leurs
tyrans. Cette conduite, qui le rendit l’idole des
uns & la terreur des autres, n’eut pas le fuccès
qu’il s’étoit promis ; l’efpérance d’en impofer par
un caraétère révéré des Efpagnols, le détermina
à accepter l’évêché de Chiappa dans le Mexique.
Lorfqu’il fe fut convaincu que cette dignité étoit
une barrière infuffifante contre l’avarice & la
Cruauté qu’il vouloit arrêter, il l’abdiqua, A cette
époque , cet homme courageux , ferme, définté-
reffé, cita au tribunal de l’univers entier , fa nation
; il l’accufa, dans fon Traité de la tyrannie des
Efpagnols dans les Indes , d’avoir fait périrquinze
millions d’indiens ; on ofa blâmer ramertume de
fon ftyle, mais perfonne ne le convainquit d’exagération.
Ses écrits, où refpirent la beauté de fon
ame, la grandeur de fes fentimens, imprimèrent
fur fes barbares compatriotes , une flétriffure que
le tems n’a pas effacée & n’effacera jamais,
La cour de Madrid réveillée par les cris du vertueux
Las-Cafas , & par l’indignation de tous les
peuples, fentit enfin que la tyrannie qu’elle per-
mettoit étoit contraire à la religion, à l’humanité
& à la politique ; elle fe détermina à rompre les
fers des Mexicains, mais elle ne leur rendit pas
leurs terres. '
Mexico, qui put douter quelque ïéras fi les Efpagnols
étoient des btigans ou des conquérans,
le vit prefque totalement détruite par les guerres
cruelles dont elle fût le théâtre. Cortez la
rebâtit, l’embellit, en fit une cité comparable aux
plus magnifiques de l’ancien monde , fupérieure à
toutes celles du nouveau ; fa forme eft quarrée,
fes rues font larges, droites & bien pavées ; les
édifices publics y ont de la magnifience, les palais
de la grandeur ; les moindres maifons des
commodités ' fôn circuit eft d environ-2 lieues. Les
Efpagnols y vivent dans une fi grande fécurité,
qu’ils ont jugé inutile d’y conftruire des fortifiça-
tions , d’avoir des troupes & de l’artillerie.
L’air qu’on y refpire eft fort tempéré, quoique
fous la zone torride. Charles V demandent à un
Efpagnol qui arrivoit de México, combien il y
avoit de tems entre l’été & l’h iver, autant, répondit
il avec vérité'& avec efprit, quïl en faut pour
pajjer du foleil à l’ombre.
La ville eft fujète à des inondations , qui firent
penfer au viceroi Ladereyra , en 1639, à bâtir
ailleurs Mexico ; mais l’ayarico qui ne Vouloit rien
facrifier, la volupté qui craignoit d’interrompre fes
plaifirs, la pareffe qui redoutoit les foins, toutes
les pallions fe réunirent pour refter où on étoit :
ainfi Mexico refte toujours expofee à la fureur des
eaux, & la crainte d’y être enfeveli a beaucoup
diminué fa population. Les mines d’o r , le cacao,
la vanille, l’indigo, la cochenille, le riz, le coton ,
font une grande partie de fon commerce, (Æ>)
MEXIQUE ( l e ) , vafte contrée de l’Amérique
feptentrionale , foumife aux rois du Mexique avant
que Fernand Cortez en eût fait la conquête pour
les Efpagnols.
Lorfqu’il aborda dans le Mexique, cet empire
étoit au plus haut point de fa grandeur. Toutes
les provinces qui avoient été découvertes jufqu’a*
lors dans l’Amérique feptentrionale , etoient gouvernées
par les minières du roi du Mexique, ou
par des caciques qui lui payoient tribut,
L?étendue de fa monarchie, du levant au couchant
, étoit au moins de 500 lieues ; & fa jargeur
du midi au feptentrion,contenoit jufqu’à 100 lieues.
Le pays étoit par-tout fort peuplé, riche, 8t aboli*
dant. La mer Atlantique, que l’on appelle
tenant la mer du Nord, & qui lave ce long efpace
depuis Panuco jufqu’à lTucatan, bornoit l’empire
du côté du feptentrion. L’Océan , que l’on nomme
plus communément mer du Sud, le bornoit au
couchant depuis le cap Mindofin jufqü’aux extré*
mités de la nouvelle Galice. Le côté du fud oc-
cupoit cette vafte côte qui court le long de la-
mer du Sud , depuis Acapulco jufqu’à Guatimala 5.
le côté du nord s’étendoit jufqu’à Panuco, en y
comprenant cette province,
Tout cela étoit l’ouvrage de deux fiècles. Le
premier chef des Mexicains qui vivaient d’abord
en république , fut un homme très-habile & très-
brave ; & depuis ce tems-là , ils élurent & déférèrent
l’autorité fouver^ine à celui qui paffoit pour
le plus vaillant.
Les richeffes de l’empereur étoient fi çonfidéra-
bles , qu elles fuffifoient non-feulement à entretenir
les délices de fa cour, mais des armées nom*
breufes pour couvrir tés frontières. Les mines d*or
& d’argent, les falines , & divers droits , lui pro-?
duifoient des revenus immenfes. Un grand ordre
dans les finances maintenait la profpérité de cet empire.
Il y avoit différens tribunaux pour rendre la
juftice, & même des juges des affaires de commerce.
t a police étoit mge & humaine , excepté
dans la coutume barbare ( & autrefois répandue
chez tant de peuples ) , d’immoler des prifonnrers
de guerre à l’idole Vitzlipuzli , -qu’ils regardoient
comme le fouverain des dieux. L’éducation de la
jeuneffe formoit un des principaux objets du gouvernement.
Il y avoit dans l’empire des écoles
publiques établies pour l’un & l’autre fexe. Nous
admirons encore les anciens Egyptiens, d’avoir
connu que l’année eft d’environ 365 jours; les
Mexicains avoient pouffé jufques-là leur aftrono-
mie. Les Mexicains reconnoifloient un être fu-
prême , admettoient une vie à venir avec fes peines
& fes récompenfes. Ils invoquoient des puif-
fances fubaltemes qui avoient leurs temples , leur$
images , & faifoient des miracles. Ils avoient une
1 eau facrée dont ils faifoient des afperfions. Les
pèlerinages, lès pro défiions , les dons faits aux
prêtres , étoient de bonnes oeuvres. Ils avoient des
expiations, des pénitences, des macérations, des
jeqaes.
jeûnes. Les prêtres pétriffoient une figure de pâte,
qu’ils faifoient cuire : ils la plaçoient lur l’autel où
elle devenoit un Dieu. Ils la découpoient ;rils en
■ donnoient un morceau à chacun des àffiftans qui le
mangeoit, & fe croyoit fanélifié après avoir mange
fon Dieu.
■ Tel étoit l’état du Mexique iorfqtie Fernand
Cortez , en 1519 , fimple lieutenant de Vélaf-
quez, gouverneur de l’île de Cuba , partit de cette
'île avec fon agrément, fuivi de 600 hommes, une
vingtaine de chevaux, quelques pièces de campagne
, & fubjugua tout ce puiffant pays.
D ’abord Cortez eft affez heureux pour trouver
iiin efpagnol qui, ayant été neuf ans prifonnier dans
l’Yucatan, fait le chemin du Mexique, lui fert de
•guide & de truchement. Une américaine, qu’il
•nomme dona Maria, devient à la fois fa maîtreffe
& fon confeil, & apprend bientôt affez d’efpagnol
pour être aufli une interprête utile.
Cortez avance devant le golfe du Mexique , tantôt
careffant les naturels du pays , & tantôt faifant
la guerre. La puifiànte république de Tlafcala qu’il
fubjugue après plufieurs combats, entre dans fon
alliance, & lui donne fix mille hommes de fes
-troupes , qui l’accompagnent dans fon expédition.
Il entre dans l’empire du Mexique, malgré les
.défenfes dit fouverain qu’on nommoit Montézuma :
Mais ces animaux guerriers fur qui les principaux
Efpagnols étoient montés, ce tonnerre artificiel qui 1
•fe formoit dans leurs mains, ces châteaux de bois
,qui les avoient apportés fur l’Océan , c$ fer dont
ils étoient couverts, leurs marches comptées par
des viéloires, tant de fujets d’admiration , joints à
•cette foibleffe qui porte le peuple à admirer, tout
cela fit que quand Cortez arriva dans la ville de
Mexico, il fut reçu de Montézuma comme fon •
maître , & par les habitans, comme leur dieu.
Cependant peu - à-peu la cour de Montézuma
-s’apprivoifant avec leurs hôtes, ne les regarda plus
que comme des hommes. L’empereur ayant appris
qu’une ^nouvelle troupe d’Efpagnols étoit fur le
chemin du. Mexique , la fit attaquer en fecret par
un de fes généraux , qui par malheur fut battu.
Alors Cortez, fuivi d’une efeorte efpagnole , &
Raccompagné de fa dona Maria , fe rend au palais
du roi. Il emploie tout enfemble la perfiiafion’ &
la menace, emmène à fon quartier l’empereur ,pri- |
fonnier, & l’engage à fe recoiîtioj.tr«ç publiquement
vaffal de Charles-Quinf.
Montézuma, & les principaux de fa nation ,
donnent pour tribut attaché à leur hommage , fix
cents mille marcs d'or pur, avec une incroyable
quantité de pierreries, d’ouvrages d’or , & tout ce
que r.induftrïe de plufieurs fiecles avoit fabriqué '
de plus rare dans cette contrée. Cortez en mit à
partie cinquième pour foq maître, prit un cinquième
pour lu i, & diftribua le refte a fes foid,ats.
Ce n’eft pas-là le plus grand prodige ; il eft bien
plus fingulier que les conquérans de ce nouveau
ipjonde , fe déchirant euç-mémês, les conquêtes
Çeogr, Tonte IL
n’en fouffrirent pas. Jamais le vrai ne fut-moins
vraifemblable. Vélafquez offenfé de la gloire de
Cortez , envoie un corps de mille Efpagnols avec
deux pièces de canon pour le prendre prifonnier,
& fuivre le cours de fes vi&oires. Cortez laiffe cent
hommes pour garder l’empereur dans fa capitale,
& marche,.fuivi du refte de fes gens, contre fes
compatriotes. Il défait les premiers qui l’attaquent,
& gagne les autres qui, fous fes étendards , retournent
avec lui dans la ville de Mexico.
Il trouve à fon arrivée cent mille Américains en
armes contre les cent hommes qu’il avoit commis
à la gardé de Montézuma , lefquels cent hommes ,
fous prétexte d’une confpiration, avoient pris le
tems d’une fête pour égorger deux mille des principaux
feigneurs , plongés dans l’ivrefte de leurs liqueurs
fortes , & les avoient dépouillés de tous
les ornemens d’or & en pierreries dont ils s’étoient
parés. Montézuma mourut dans cette conjonéiure ;
mais les Mexicains animés du defir de la vengeance
, élurent en fa place Quahutiraoc, que nous
appelons Gatïmofm, dont la deftinée fut encore
plus funefte que celle de fon prédéceffenr.
Le défefpoir & la haine précipitoient les Mexicains
contre ces mêmes hommes, qu’ils n’ofoient
auparavant regarder qu’à genoux ; Cortez fe vit
forcé de quitter la ville de Mexico, pour n’y être
pas affamé. Les Indiens avoient rompu les chauffées
, & les Efpagnols firent des ponts avec les
corps des ennemis qui les pourfiiivoienr. Mais dans
leur retraite fa.nglârLte, ils perdirent tous les tré-
fors immenfes7 qu’ils avoient ravis pour Charles-
Quint & pour eux. Cortez n’ofant s’écarter de la
capitale , fit conftruire des bâtimens , afin d’y rentrer
par le lac. Ces brigantins reny^rfërent les
milliers de canots chargés de Mexicains qui cou-
vroienc le lac , & qui voulurent vainement s’op-
pofer à leur paffage.
Enfin, au milieu de ces combats , les Efpagnols
prirent Gatùnoziu ; & par ce coup funefte aux
Mexicains, jetèrent la confternation & l ’abattement
dans tout l’empire du Mexique. C ’eft ce Ga-
timozin fi fameux par les paroles qu’il prononça,
lorfqu’un receveur des tréfors du roi d’Efpagne le
fit mettre fur dés charbons ardens , pour favoir
en quel endroit du lac il avoit jeté toutes fes richeffes.
Son grand prêtre condamné au même fup*
plice , pouffoit les cris les plus douloureux , Gati-
mozin lui dit, fans s’émouvoir :« Et moi, fuis-je
» fur un lit de rôles » ?
Ainfi Cortez fe v it , en -1521, maître de la ville
de Mexico , avec laquelle le refte de l’empire
tomba fous la domination efpagnole , ainfi que la
Çaftille d’or , le Darien, jk toutes les contrées
voifines.
Ce fut Jean de Grijalva, natif de Cuellar en
Efpagne, qui découvrit,cette vafte région en 1 518 ,
& l'appela Nouvelle-Efpagne. Vélafquez, dont j’ai
parlé -, lui en avoit donné la commiffion, en lui
défendant d’y faire aucun établiflement. Cette dé-
■ ' Y y