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avantage rendit les habitans plus remarquables &
moins heureux*
On ne fauroit déterminer d’une manière fatisfai-
fan te , les liaifons particulières qu’ils eurent avec
les Romains avant le teins d’Odenat, quand elles ,
commencèrent, ni combien de fois elles furent
interrompues. La marque la plus ancienne de leur
dépendance, eft qu’ils avoientune colonie romaine
du tems de Caracalla. Le feconrs qu’ils donnèrent
à Alexandre Sévere contre Àrtaxerxès, prouve
feulement qu’ils étaient fes alliés.
Avant le tems de Juftinien, Palmyre étoit réduite
à un état auffi bas que celui où on la voit
aujourd’hui. Elle avoit perdu fa liberté , fon commerce
, fon bien & fes habitans, dans cet ordre
naturel dans lequel les malheurs publics ont coutume
de le fuivre l’un l’autre.
Si la fucceffion de fes calamités fut plus prompte
qu’à l’ordinaire , on en peut trouver la raifon dans
la fituation particulière de cette ville. Un pays fans
terre , pour ainfi dire, ne pouvoir fubfifter que.par
le commerce ; l’induftrie des habitans ne pouvoit
opérer que par cette voie ; & la perte de leur liberté
ayant entraîné celle du commerce , ils furent
réduits à vivre fans rien faire du peu de leur capital
qu’Aurélien avoit épargné ; & quand cela fut
dêpçnfé , la néceffité les obligea à abandonner la
•y illé.
Si l’on peut former quelques conjeéhjres fur le
tems où fes édifices furent élevés , en comparant
l’état de dépérilfement où ils font avec celui
du monument de Jamblichus , on ne fauroit s’empêcher
de conclure qu’ils étoient très-anciens ; car
çet édifice qui eft bâti depuis mille, fept cent
foixante ans , eft le morceau d’antiquité le plus
complet qu’on ait jamais vu ; les planchers & les
çfcaliers en étant encore tout entiers, quoiqu’il
confiée en cinq étages.
Les édifices qui exigent ne font ni l’ouvrage de
Salomon , ni celui des Seleucides ; & il n’y en a
que peu qui foient celui des empereurs romains. Ils
pnt prefque tous été bâtis par Les Palmyréniens
mêmes. Le monument élevé par Jamblichus pouvoit
être le plus ancien, & l’ouvrage de Dioclétien le
moins : l’efpace qu’il v a entre deux eft d’environ
trois cents ans..
Les autres bâtimens ont fans doute été élevés
avant ce 4erni?r ? & probablement depuis le premier.
Il eft raifonnable de fuppofer que, quand les
particuliers ont pu élever des monumens auffi magnifiques
, Amplement pour l’ufage de leurs famille
s , la v ille , dans ce tems d’opulence, a été en
état de faire la dépenfe impienfe de fes édifices
publics. On ne fait que croire des réparations d’Adrien
: celles que fit Aurélien font çonfidérables,
ont dû coûter beaucoup.
Les infçriptjons nous apprennent feulement les
jjpms de quelques-uns de leurs raagiftrats.
Le traité du fpblime de Longin fuffit pour
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nous faire juger décrétât de leur littérature.
L’art de monter à cheval étoit fort effimé dans
ce pays, comme il l’eft encore par les Arabes i &
Appien nous affure que les Palmyréniens étoient
experts à manier l’arc.
Il paroît, par leur fituation , qu’ils ne pouvoient
pas s employer beaucoup à [’agriculture ; auffi eft-
ce pour cela qu’il eft plus aifé de rendre raifon de
la magnificence extraordinaire de leur ville, puif-
qu’il falloit qu’elle fût le centre de leurs plaifirs ,
de même que de leurs affaires.
On eft furpris de ne point trouver de reftes de
théâtre, de cirque, ni d’aucune place pour des
jeux 8c des exercices dans fes récréations chez un
peuple fi confiné par fa fituation , quand on confi-
dère que les Grecs & les Romains aimoient ces
divcrtiiTèmens à l’excès. Cependant il y avoit des
jeux publics à Palmyre, dont le foin étoit du reffort
de l’édile.
Les Palmyréniens tenoient de l’Egypte la magnificence
extraordinaire des monumens pour leurs
morts : il n’y a point de peuple qui ait approché davantage
des Egyptiens dans cette forte de dépenfe.
On trouve des momies dans leurs monumens funèbres;
8c la manière dont les Palmyréniens em-
baumoient les corps , eft exaétement la même que
celle des Egyptiens.
La ville de Palmyre eft fituée au pied d’une chaîne
de montagnes ftériles à l’occident, & eft découverte
de tous les autres côtés. Elle eft au 34*
degré de latitude, à 6 journées d’Alep , à autant
de Damas , & à environ 20 lieues de l'Euphrate à
l’orient. Quelques géographes la placent, les uns
en Syrie, les autres dans la Phénicie , & les autres
enfin dans l’Arabie.
Les murs de cette ville font flanqués de tours
quarrées ; mais ils font tellement détruits, qu’en
quantité d’endroits ils font au niveau de la terre ,
& que fouventon ne peut les diftinguerdes autres
ruines. On n’en apperçoit rien au fudeft, mais il y
a lieu de croire qu’ils renfermoient le grand temple
dans leur enceinte, & fur ce pied-là ils ont dû
avoir trois milles d’Angleterre de circuit.
On voit aux environs des ruines préfentes , un
terrein d’environ dix milles de circonférence, 8c
qui eft un peu élevé au-deffus du niveau du dé-
fe r t, quoiqu’il ne le foit pas tant que celui de ce
plan au-dedatis dés murs. Les Arabes prétendent
que c’étoit-là l’étendue de l’ancienne v ille, & qu’on
y découvroic des ruines. Vpici une meilleure raifon
que leur autorité. Un- circuit de 3 milles étoit
bien petit pour Palmyre dans fon état de profpé-
rité, fùr-tôut fi l’on confidère que la plus grapde
partie de cet efpace eft occupé d’édifices publics,
dont l’étendue & le grand nombre de magnifiques
fépulcres font dés preuves évidentes de la grandeur
d’une ville.
Les murs qu’on a marqués dans le plan ne renferment
que la partie de la ville où étoient les édi*.
ffees publics dans fon floriffant.
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En bâtiffanflc mur vers le nord-oueft, on profita
de la commodité de deux ou trois fépulcres
qui fe trouvoient dans cet endroit, & dont la
forme étoit fi convenable, qu’on les convertit en
tours de flanc.
Comme ce mur eft poftérieur aux fepulcres, on
doit conclure qu’il a été bâti depuis l’éubliflement
de la religion païenne à Palmyre. Ce mur exclut
de fon enceinte , non-feulement une grande partie
de l’ancienne ville , particulièrement au jud-ett,
mais renferme encore au nord & au nord-oueft,
du terrein qui n’en étoit pas. . ,
La partie du mur où il n’y a point de tours , de
même que le bâtiment en ruine, ont été ajoutes
long-tems après , & font bâtis dans le goût du
château dont nous parlerons plus bas.
Au haut de l’une des plus hautes montagnes qui
font au nord-oueft, eft un château où l’on monte
par un chemin très-difficile & très-efearpé. Il eft
entouré d’un foflTé profond ) taillé dans le ro c , ou
plutôt dont on a tiré les pierres; le pont-levis en
eft rompu. On en trouve dans le château un fort
profond, auffi taillé dans le roc, à deffein, ce fem-
b le , de faire un puits, quoiqu’il foit fec à préfent.
Les Arabes difent que c’eft l’ouvrage du fameux
Faccardin, qui le fit bâtir pour lui fervir de retraite
pendant que fon père étoit en Europe, ce qui
ne s’accorde point avec 1 hifloire des Druies.
La montagne fur laquelle il eft bâti, eft une des
plus hautes qu’il y ait aux environs de Palmyre. De
cette hauteur, d’où l’on voit extraordinairement
loin au fud, le défert reflemble à une mer ; & à
l’oueft, on voit le fommet du Liban & quelques
endroits de l’Anriliban.
Il y a à l’eft & au fud du temple du fo le il,
quelques oliviers avec du grain que les Arabes
cultivent & qu’ils enferment de murs de terre pour
en éloigner les beftiatix. On pourroit faire de ce
terrein une charmante campagne, par le moyen
de deux peiites rivières qui y font.
Leur eau eft chaude & chargée de foufre, ce
qui n’empêche pas que les habirans ne la trouvent
laine & affez agréable. La plus confidérable a fa
fource à l’oueft ,'au pied des montagnes, dans une
belle grotte qui eft affez haute au milieu pour pouvoir
s’y tenir debout. Tout le fond eft un baffin
d’eau très-claire j d'environ deux pieds de profondeur.
La chaleur ainfi concentrée en fait un excellent
bain , & le courant qui en fort avec affez de
rapidité , a environ un pied de profondeur, & plus
de trois de largeur. Cette eau eft refferrée en quelques
endroits dans un lit pavé ; mais après un
cours qui n’eft pas bien long, elle eft imbibée par
le fable à l ’eft des ruines. Les habitans difent que
cette grotte a toujours la même quantité d’eau. Il
paroît, par une infeription qu’il y a tout auprès
fur un autel dédié à Jupiter , qu’elle s’appeloit
Ephca , & qu’on en confioit le foin à des perfonnes
qui tenoient cet office par éleélion.
L’autre petite rivière dont on n’a pu trouver la
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fource, a autant d’eau à-peu-près, & tmverfe les
ruines dans un ancien aqueduc fouterrain , près
du grand portique, 8i dans la même direélion. Elle
fe joint à la première à l’eft de; ruines, & fe perd
avec elle dans le fable. Les Arabes difent qu’il y
en avoit une troifièmc qui n’étoit pas fi confidérable
que les deux autres , qui couloit auffi dans un
aqueduc fouterrain au travers des ruines , mais
dont le lit étoit tellement engorgé par les décombres
, qu’il y a quelque tems qu’elle ne paroît plus.
Outre ces eaux fouffrées , il y avoit encore autrefois
un aqueduc fouterrain qui apportoit de
bonne eau à la ville. Il étoit bâti très-folidement,
avec des ouvertures de diftançe en diftance pour
le nettoyer. Il eft à préfent rompu à environ un®
demi - lieue de la v ille , & les Arabes croient
qu’il s’étend jufqu’aux montagnes du voifinage de
Damas.
A 3 ou 4 milles au fud-eft des ruines, eft dans
le défert la vallée du S e l, ou David battit les Syriens
, & elle fournit encore une grande quantité
de fel à Damas & aux villes voifines. On a creufé
la terre dans plufieurs endroits pour lui faire contenir
un pied ou plus d’eau de pluie : l’eau ainfi
retenue couvre ces petites-foffes d’un beau fel
blanc. La terre eft imprégnée de fel à une hauteur
confidérable. Les autres partioularités dû plan de
Palmyre font ainfi défignées : [ PI. 1 des ruines
de Palmyre ].
i . Temple du Soleil.
* 2. La cour du temple , avec les huttes des
Arabes.
3. Le portique.
4. Mefquée turque.
5. Un arc.
6. Quatre colonnes de granité.
7. Péryftile d’un temple ruiné.
8. Colonnes difpofées en forme de cirque.
9. Celles d’un, temple.
10. Quatre'piédeftaux.
11. File de colonnes ifolées.
12. Celles d’un temple avec une partie de fon
périftyle.
13. Périftyle, aflez vraifemblafclement, d un
temple.
14 , 15 , 16, 17. Edifices diélincts, mais fi ruinés
, qu’il eft impoffible d’en deviner les plans.
18. Edifice de Dioclétien.
19. Ruines d’une fortification turque.
20 , 21 , 22. Sépulcres.
23. Sépulcres à plufieurs étages , hors des murs,
24. Temple ruiné vraifemblablement.
2 5 . Ruines d’une églife chrétienne.
26. Quatre colonnes.
27. Petit temple.
28. Grande colonne ifolée.
29; Terrein cultivé.
3 0 . Grande colonne avec une infcriptioiï.
31. Grande colonne.
• 3 2 . A u t e l a v e c u n e i n f e r i p t i o n