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Ville, pour contraindre Philippe à quitter Agnès
cle Méranie. En 12.02, on en tint un dans lequel
on défendit la leâure d’Ariftote. Jean de Nanton,
archevêque de Sens, préfida au concile de Paris
de l’an 1429 , pour la réforme de l’office divin,
des minières de l’églife, des abbés & des religieux.
La fituation de Paris eft très-heureufe. L’Yone,
la Seine , la Marne , l’O ife , & les canaux de
Briare & d’Orléans lui apportent les denrées des
provinces les plus fertiles ; les greniers de la Beauce
font prefque à fes portes. La Seine"jui, depuis
qu’elle eft fortie de Paris, va toujours en ferpen-
tant comme un méandre, & qui, par des contours
de près de cent lieues, fe rend à la mer qui n’en
eft pas éloignée de plus de quarante-deux, devient
ainlî fort aifée à remonter, & apporte à Paris les
commodités & les richeffes de la Normandie &
de la mer. La réfidence des rois, la proximité de
Verfailles, la dépendance où l’on eft des minif-
tres , le luxe, l’amour des plaifirs y ont augmenté
l'affluence , & chaque jour voit reculer les limites
de cette immenfe capitale, dont l’air au refte eft
épais, nébuleux, groffier, & peu falubre par l ’ex-
hauflement des maifons, l’humidité habituelle des
nies , le défaut de circulation d’un air ftagnant &
*on renouvelé, & la congeftion outre mefure de
matières vivantes.
Nous ignorons le tems de fa fondation , & ce-
ui de fes premiers agrandiffemens ; cependant
Raoul de Prefles nous fournira dans la fuite quelques
faits curieux. Grégoire de Tours nomme feulement
les fondateurs des deux églifes de Saint
Pierre & de Saint Vincent : de forte que fi l’on
peut tirer des écrits de cet auteur, quelques éclair-
ciffemens fur l’état de la ville de Paris, ce n’eft
qu’en rapprochant des paflages épars çà & là , en
les comparant entr’eux , & avec ce que nous apprenons
des écrivains qui ont vécu de fon tems,
ou qui font venus après lui.
On lit dans les commentaires de Céfar, l. V I , le
premier des auteurs anciens qui a parlé de Paris,
qu’il transféra l’affemblée générale de la Gaule
dans la ville de Lutèce des Parifiens , Lutécia Fa-
rfiorum. Céfar la nomme Oppidum, ce qui prouve
qu’elle étoit déjà la capitale d’un peuple, avant que
ce grand capitaine en eût fait la conquête. Le tranf-
port de l’affemblée générale de la Gaule à Lutèce,
marque que cette ville jouiftoit pour lors d’une
certaine conftdération. Auffi les Lutéciens fe con-
duifirent avec beaucoup de courage contre l’armée
de Labienus ; ce général s’étant approché de
Lutèce , les habitans mirent le feu à la ville, c’eft-
à-dire , félon les apparences', aux maifons qui
étoient près de la rivière, rompirent les ponts. &
fe campèrent fur les bords de la Seine, ayant la
• rivière entr’eux & le camp de l’ennemi. Strabon &
Ptolémée, qui ont écrit depuis C éfar, honorent
auffi Lutèce du nom de ville ; il eft vraifemblable
que Lutetia eft lin pur nom gaulois, ou celtique.
On a déçouvert une infcription du teins de l’çnj-
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pereur Tibère fur une pierre qu’on trouva en 1710
fous l’églife métropolitaine de Notre-Dame. On y
lit ces mots, Nautot Parifiaci 9 ce qui doit s’entendre
des marchands ou nautonniers de la province
des Parifiens , qui, formant un corps de communauté
à Lutèce, avoient confacré ce monument
pour conferver à la poftérité la mémoire de quelque
événement fingulier arrivé fous Tib è re , ou
pour quelques aétions de grâces à Jupiter. Voici
l’infcription. Tib. Ceefare. Aug. Jovi. Optimo. Mar
ximo. N au ta Parifiaci Publiée Pofuerunt.
Les Lutéciens étoient les habitans de la capitale
de la province des Parifiens; mais on Ignore le
tems où le nom de la province eft devenu celui de
la capitale. Les auteurs qui dérivent le mot de
P arifii de TrufZ & d'l<ris, peuples fous la prote&iqn
d'Ifis, débitent une pure fiâion; la déeffelfis n’a-
voit jamais été adorée dans la province des Parifiens
, & l’on n’a pas un feul ancien auteur qui le
dife.
L’empereur Julien cherchant un afyle dans les
Gaules, choifit Paris pour y faire fa demeure ordinaire.
Il eft probable que ce fut du tems de ce prince,
qu’on bâtit le palais des Thermes ou dès Bains,
dont on voit encore quelques veftiges à la Croix
de fe r , rue de la Harpe. Clovis , après avoir tué
Àlaric roi des Vifigoths, y fit fa réfidence en 508 ,
félon l’abbé de Longuerue. Son palais étoit fur la
montagne, aux environs du lieu où l’on a bâti depuis
le collège de Sorbonne. Saint Louis , dans fes
lettres, «témoigne que ce lieu étoit ante palatium
Thermarum , devant le palais des Thermes, d’où
l’on voit qu’il fubfiftoit dès ce tems-là, de manière
à mériter la dénomination de palais.
Raoul de Prefles , après avoir parlé de ce palais
dc:s Thermes , dit dans fon vieux langage : A donc
les gens commencèrent à édifier maifons à Venviron
de ce chaflcl, & à eulx logier, <$* commença celle
partie lors premièrement à efire habitée j ri encor es ,
ne defpuis long-tems ne fut F autre partie de Paris
devers Saint-Denis , laquelle efi à préfent la plus
grant habitée. ; maïs y avoit par-tout foré fis & grands
bois , & y faifoit F en moult domiciles.
Defpuis fut habitée & fermée Paris, jufques-au
lieu que Fon dit à Barchet - Saint - Merry , ou il
appert encore le coté cF une porte. Et là fut la mai fon
Bernart des Fojfl^, où Guillaume d’Orange fut logié,:
quand il defeonfit Yforç qui faifoit fiège devant Paris.
Cette porté alloit tout droit fans tourner à la
rivière , ou heu que F en d it, les planches de Mi-
bray. Et la avoit un pont de fufi qui s'adrejf oit droit
à Saint-Denis de la Chartre , & de-là tout droit parmi
la cité , s’adrejf oit à F autre pont que F en dit Petit-
Pont.
Et efloit ce lieu d it, à proprement parler, les planches
de Mibras; car détoit la moitié du bras de
Seine.
Après F en fifl le cimetiere ou lieu ou efi F églife des
Jnnocens, qui étoit lors tout hors & loing de la ville ,
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'fi comme F en te faifoitanciennement; çar F en faifoit
6» les boucheries & les cimetières tout hors des cités,
pour Us punaifiers & pour les corruptions ejehiever.
Près de ce cimetiere, F en commença à faire le
marchié ,6* F appelloit F en Champeaux, pour ce que
défiait tout champs.
E t ainfi crut la ville jufques-à la porte. Saint-
Denis ,& là fut fermée & abattue la vieille mur pâlie.,
& à préfent s’efient la ville jufques à la bafiïlle S.
Denis. Qui il fo.it, il appert car quand l eglijè Saint-
Magloire, laquelle fut premièrement en la cité ,fu t
tranfportèe au lieu ou elle efi de "prejent , elle fut
édifiée aux champs > & fe trouve encores qu en la
date des letters royaux qui furent faites pour lors,
avoit efeript : donné en notre églife de le{ Championx
près Paris.
' Raoul de Prefles parle enfuite des temples des
Parifiens. A la'montagne de Mercure {aujourd'hui
Montmartre) , fu t envoyé, dit-il, par Domitien-
Maxence , 6* mené monfeigneur Joint Denis & fes
compaignons , pour facrifief à Mercure, à fon temple
qui là efloit, & dont appert encores la vieille mui aille.
E t pour ce qu il ne voult faire, fut ramené lui & fes
compaignons , jufques au heu ou efi fa chapelle , 6»
là furent tous décole£. E t pour celle, ce mont qui
paravant avoit nom le mont de Mercure , perdit fon
nom , & fut appellé le mont des Martirs , 6* encores
efi.
Ce monfeigneur faint Denis fonda à Paris trois
églifes 1 la première de la Trinité ou efi aou é faint
Beno'fi à préfent, & y mit moines ; la fécondé faint
Etienne-des Grès , 6» y fit une petite chapelle où il
chantoit ; la tierce Notre Dame-des-Champs , en laquelle
églife il demeuroit, & y fu t prias : & ces
chofes nous avons dit pour montrer F ancienne création
de Paris.
Au refte, on ne devinerait pas l’ouvrage où fe
trouve tout le récit de Raoul de Prefles ; c’eft dans
le chapitre xxv du hv. V de fes Commentaires fur
la Cité de Dieu de S. Auguftin. Cet écrivain naquit
vers l’an 1315 ; il florifloit fous Charles V , qui eut
pour lui une eftime particulière, & prifa beaucoup
fon ouvrage de la Cité de Dieu , dont un des
plus anciens exemplaires eft celui qui eft noté à la
bibliothèque Royale , n°. 5824,6835 ; il a appartenu
à Louis X I I , & les miniatures en font belles.
Cette ville fouffrit beaucoup eu 845 & 856, par
les courfes des Normands, & ils l’aflugèrent en
886 & 890. Elle fut encore ravagée fous le règne
de Louis d’Outrcmer : & fous celui de Charles
V I I , les Anglois s’en rendirent maîtres. Non-
feulement elle avoit été prefque toute brûlée en
585 , mais elle éprouva un nouvel incendie en
10 3 4 ,& une grande inondation de la Seine en
1206.
Revenons à l’état où étoit la cité de Paris avant
le j£vage des Normands ea 886. On y entrait par
deux ponts de bois du tems de Tempereur Julien,
comme il nous l’apprend lui-même. Quoique plusieurs
paflages de Grégoire de Tours donnçjn à
Gèogr. 1 çtiu IL
entendre que nos rois avoient un palais dans la
cité; il faut cependant convenir qu’aucun auteur
n’en a parlé d’une manière pofitive avant teffiège
de Paris parles Normands. Le palais où demeuroit
Julien n’étoit pas dans la cité, mais au midi de
la Seine auprès du palais des Thermes : c’étoit dans
le palais des Thermes que venoient fe rendre les
eaux d’Arcueil, par un aqueduc dont il refte encore
des veftiges , depuis ce village jufqu’à l’hôtel
de Clugny , rue des Mathurins ; &. la rue des Ma-
thurins qui fut percée au travers de ce palais , fut
nommée la rue des Bains de C é far , viens Thermarum
Cafaris.
On a abattu auprès de l’hotel de Clugny , en
1737, une falle fort exhauffèe; fur la voûte de
laquelle il y avoit un jardin qui dépendoit de
ce palais ; mais on peut voir encore à la Croix de
fer dans la rue de la Harpe, une autre grande falle
voûtée , & haute d’environ 40 pieds , conftruite Sfi
liée des mêmes matériaux que les reftes de l’ancien
aqueduc d’A rcueil, dans laquelle il y a une rigole
a deux banquettes , couverte d’un enduit de ciment
, & d’une conftrudion femblable à des reftes
de rigole , que M. Geoffroy de l’académie des
Sciences a découvertes en 1732.
Les bains palais que Julien habitoit avec
toute fa cour , étoient dans cet endroit-là , mais ils
n’en formoient qu’une petite partie. Nos rois de la
première race y firent auffi leur féjour. Childebert
fe plaifoit à cultiver les jardins qui raccompagnaient,
& qui dévoient être fitués du côté de
l’abbaye de Saint-Germain, puifque Fortunat nous
apprend que c’étoit en les traversant que ce prince
fe rendoit à cette églife.
Charibert, dont les moeurs ne fe reffentoient
en rien de la barbarie de nos premiers rois , céda
à la reine Ultrogothe , femme de Childebert, &
à fes deux filles, le palais des Thermes , & le retira
dans celui de la cité. Les Normands qui brûlèrent
les maifons du quartier de l’Univerfité , n’épargnèrent
pas le palais des Thermes ; & c’eft au
tems de leurs ravages qu’il faut rapporter la def-
tru&ion de l’aqueduc d’Arcueil. Malgré cela il fut
encore la demeure de quelques-uns de nos rois de
la troifième race ; & fous Louis-lc-Jeune, il s’appe-
loit le vieux palais. Jean de Hauteville, qui vivoit
fous le règne de Philippe-Augufte, en fait une
defeription magnifique, auffi bièn que de fes jardins
, dont l’emplacement devoit occuper le ter-
rein des rue de la Harpe, Pierre-Sarrafin, Hauter
feuille, du Jardinet, & autres.
Quoi qu’il en foit de l’étendue précife du palais
desThermes , il eft certain qu’il fubfiftoit encore
en 1218, puifque cette année-là Philippe-Augufte
le donna à un de fes chambellans avec le preffoir
qui y étoit, à condition qu’il le tiendrait du roi
& de fes fnccefleurs, moyennant douze deniers
de cens. Depuis le règne de ce prince, ce palais
éprouva les mêmes changemens qui font arrivés
dans la fuite à d’autres palais de nos rois, comme
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