
74 I S L M. Horrebow, fa longueur eft de cent vingt milles
danois ; quant à fa largeur, elle varie, étant dans
quelques endroits de quarante, dans d’autres de
cinquante à foixante milles.
Les habîtans de l’Mande profeffent la religion
luthérienne, comme les autres fujets du roi de
Danemarck. On compte deux évêchés dans
cette île : l’un eft à Hotum, & l’autre à Skalholt.
Il n’y a proprement point de villes en Illande ;
on donne ce nom aux endroits où l’on fe raf-
femble pour le commerce : ce font des villages
Air le bord de la mer , compofés de quarante
ou cinquante maîfons. Beffefted eft le lieu où
réfident les officiers que la cour de Danemarck
envoie pour le gouvernement deT l’île & pour la
perception de les revenus. Le pays eft partagé
en différens diftriâs, que l’on appelle Syffd. Les
habitations des Iflandois font éparfes & féparées
les unes des autres. Le commerce confifte en poif-
fbn fec, en viandes falées, en fu if, en laine, en
beurre-, en peaux de brebis & de renards de différentes
couleurs, en foufre, en plumes, en aigle-
don ou édredon, &c. C’eft une compagnie privilégiée
qui porte en Mande les marchandifes
dont on peut y avoir befoin.
L’Iflande eft remplie de montagnes fort élevées,
qu’on nomme Joeklar ou Joekul en langage du pays.
Poyci l’article Glacier, Elles font perpétuellement
couvertes de neige, & leurs fommets font
glacés ; c’eft ce qui., jouit au froid rigoureux qu’on
y fent, a fait donner à cette île le nom qu’elle
porte, qui lignifie pays de glace. Quelques-unes de j
ces montagnes font des volcans, & jètent des
flammes en de certains tems : le mont Hecla eft
fur-tout fameux par fes éruptions. Voye^ Hecla.
L ’Mande porte par-tout des marques indubitables
des ravages que les éruptions des volcans y ont
caufés, par les laves, les pierres-ponces, les cendres
& le fotifre que l’on y rencontre à chaque pas.
Les tremblemens de terre y font très-fréquens, &
tout femble annoncer que ce pays a fouffert de terribles
révolutions.
Un feigneur norwégien nommé Ingolphe s’étant
mis à la tête de plufieurs de fes compatriotes, mé-
contens , comme lu i, de la tyrannie de Harald ,
roi de Norwège, paffa en l’an 874 dans l’île d’If-
lande, & s’y établit avec fa colonie compofée
de fugitifs. Leur exemple Ait bientôt fuivi par un
grand nombre d’autres Norwégiens, & depuis ce
tems les Iflandois ont confervé une hiftoire très-
complette de leur île. Nous voyons que ces fugitifs
y établirent une république , qui fe foutint vigou-
reufement contre les efforts de Harald & de fes
fucceffeurs. Elte ne fut foumife au royaume de
Norwège que quatre cents ans après , avec lequel
Flflande fut enfin réunie à la couronne de Danemarck.
On a toujours cru que l’Iflande étoit Tultima.
Thule des Romains ; mais un grand nombre de
circonftartces femblent prouver que jamais les ana
i l ciens n’ont pouffé leur navigation fi loin dans le
Nord. ô
L’ Iflande n’a reçu que fort tard la lumière de 1 Evangile ; Jouas fixe cette époque à l’an 1000 de
l’ère chrétienne. Cette île a produit plufieurs auteurs
célèbres, dont les écrits ont jeté un très-
grand jour fur l’hiftoire des peuples du Nord , 6c
fur la religion des anciens Celtes qui habitoient la
Scandinavie. De ce nombre font Sæmund Sigfuffon ,
qui naquit en 1057 ; Arc Frode, Snorro Sturlefon,
qui naquit en 1179 , ^ £ÎU1 aPr®s avoir rempli deux
fois la dignité de juge fuprême d’Iflande , fut affa£
fine par une faélion en 1241. C ’eft à lui qu’on eft
redevable de Y Edda, ou de la mythologie iflan-
doife , dont nous allons parler. Parmi les hiftoriens
on compte anffi Jonas Arngrim , Torfæus , Ôte. La
defeription qui nous a été donnée de flflande par
M. Anderfon, eft très-peu fidèle, elle n’a été faîte,
de l’aveu de l’auteur même, que fur les relations
de perfonnes qui ne connoiffoient ce pays que
très - imparfaitement ; la defeription la plus moderne
& la plus exaéle , eft celle qui a été publiée
à Coppenhagueen 175a, par M. Horrebow, iflandois
de nation, & témoin oculaire de tout ce qu’il
rapporte.
De CEdda, ou de la Mythologie des Iflandois,
L Edda'tft un livre qui renferme la théologie, la
théogonie, & la Cofmologie des anciens Celtes
Scandinaves, c’eft-à-dire des peuples qui habitoient
la Norwège, la Suède, le Danemarck, &c. Le
mot d'Edday fignifie en langue gothique aïeule;
on l’appelle Edda des Iflandois, parce que ce font
des auteurs iflandois qui nous ont confervé ce
1 morceau curieux de la mythologie commune à tou-
~tcs les nations feptentrionales de l’Europe. Dès 1 antiquité la plus reculée, les Celtes ont connu la
poéfie ; leurs poètes , qui s’appeloient Scàldes
faifoient des ^'hymnes pour célébrer les dieux &
les héros ; ces hymnes s’apprenoient par coeur ;
c etoit-là la feule manière de tranfmettre à leur
poftéritéjes exploits de leurs aïeux & les dogmes
de leur religion; il n’étoit point permis de les écrire;
ce ne fut qu’après que Flflande eut embraffé le
chriftiairifme , qu’un auteur iflandois, nommé Sæmund
Sigfuffon, écrivit Y Edda , pour conferver
parmi fes compatriotes l’intelligence d’un grand
nombre de poéfies qui avoient été faites d après
une religion qu’ils venoient d’abandonner, mais
dont les hymnes étorent encore dans la bouche de
tout le monde, l î paroît que ce recueil de Sæmund
s’efl perdu ; il ne nous en refle que trois morceaux
qui font parvenus jufqu’à nous. Cent vingt ans
après Sæmund, un favant iflandois, nommé Snorro
Sturlefon, (Tune des familles les plus, illuflres de
fon pays, dont il remplit deux fois la première
magiftrature, donna une nouvelle Edda, moins
étendue qwe la première , dans laquelle il ne fit
qu’extraire ce qu’il y avoir de plus Important dans
la mythologie ancienne ; il en forma un fyftême
abrégé , où l’on pût trouver toutes les fables pro»
1 s L
près à expliquer les exprèflions figurées, rapportées
dans les poéfies de fon pays. U donna a fon
ouvrage la forme d’un dialogue ou entretien
:,d’un roi de Suède à la cour des dieux. Les principaux
dogmes de la théologie des Celtes y on ,
' éxpofés, non d’après leurs philofophes, mais d 2-
près leurs [caldcs ou poètes ; ce livre fait con-
| noitre les dieux que tout le Nord a adores avant le
j chriflianifme. . , n
M. J. P. Refenius publia, en 1665 , à Coppen-
liaeue, le texte de Y Edda en ancien iflandois ; il
y joignit une tradition latine & une autre tra-
’ duélion danoife. Enfin, M. Mallet, profeffeur de
Belles-Lettres françoifes à Coppenhague, * publie
en 1756, une traduélion françoife de Y Edda des
Iflandois; c’eft un des monumens les plus curieux
de l’antiquité ; il eft dépouillé d’inutilités > & re-
\ digé par lin homme judicieux, favant & philofo-
; phe ; Y Edda eft à- la fuite de fon introduction a
fhiftoire de Danemarck. Nous allons tirer de cet
| ouvrage intéreffant les principaux points de la
| mythologie des anciens Scandinaves.
| Ils admettoient un dieu nomme Alfader ou
I Odin, qui vit toujours, qui gouverne tout fon
I royaume, & les grandes chofes comme les peti-
j tes ; il a créé le ciel & la terre ; il a fait les hom-
j mes, & leur a donné une ame qui doit vivre &
qui ne fe perdra jamais , même après que le corps
le fera réduit en pouffière & en cendres. Tous
les hommes juftes doivent habiter avec ce dieu ,
d’abord dans un fejôur appelé vahalla, & enfuite
1 dans un lieu nommé gimle ou vingolf, palais d ami-
i tié ; mais les médians iront vers nela, la mort ;
j & de-là à niflheim, l’enfer, en bas dans le neu- I vième monde; & enfuite après la deftrudion de
[ l’univers dans un féjour appelé naflrand. Ce dieu
I avant que de fermer le ciel & la terre vivoit avec
[ les géants ; un poëme ancien des peuples du Nord >
■ appelé volufpa, dit de lui : « au commencement
> » du tems , lorfqu’il n’y avoit rien , ni rivage , ni I » mer , ni fondement au-deffous, on ne voyoit
j> point de terre en bas , ni de ciel en haut; un vafte
I »abîme étoit tout; on ne voyoit de verdure nulle
L » part ». Dieu créa nilfheim , ou le féjour des fcé-
* lérats, avant que de créer la terre. Au milieu de
; ce féjour funefte eft une fontaine qui fe nomme
: Huergelmar, d’où découlent les fleuves appelés
Yangoiffe, l’ennemi de la joie, le féjour de la mort,
la perdition , le goufre, la tempête , le tourbillon
, le rugiffement ; le hurlement, le vafte le
bruyant, qui coule près des grilles du féjour de la
: mort , qui s’appeioit Hela. Cette Hela avoit le
j gouvernement de neuf mondes , pour y diftri-
huer dés logetnens à ceux qui lui (ont envoyés,7
[ c’eft-à-dire à tous ceux qui meurent de maladie ou
de vieillefle ; elle poflède dans l’enfer de vaftes
^ appartemens , défendus par des grilles ; fa falle eft
la douleur ; fa table eft la famine ; fon couteau la
faim ; fon valet le retard ; fa ferVante la lenteur ;
6 portç le précipice ; fon veftibyle la langueur ;
î S L 7Ï fon lit la maigreur & la maladie ; fa tente la male-
diâien : la moitié de fon corps eft bleue, 1 autre
moitié eft revêtue de la peau & dé la couleur humaine
; elle a un regard effrayant : mais avant tou-'
tes chofes exiftoit un lieu nommé mujpelhdrn ; c’eft
un monde lumineux , ardent , inhabitable aux
étrangers, fitué à l’extrémité delà terre; Surtur
le noir y tient fon empire; dans fes .mains brille
une épée flamboyante ; il viendra à la fin du monde
; il vaincra tous les dieux, & livrera l’univers
en proie aux flammes.
Ces morceaux tirés de l’Edda, font connoître
quelle étoit l’imagination de ces anciens Celtes
& leurs idées fur la formation du monde & fur fa
deflruéfion , qui devoit entraîner les dieux & les-
hommes. On voit aufîi que leurs dogmes tendoient
à exciter le courage, puifqu’ils aflignoient des places
aux enfers pour ceux qui mouroient de vieil-
le ffe& de maladie; quant à ceux qui périffoient
dans les combats , ils alloient au fortir de ce inonde
dans un féjour nommé valhalla , ou le palais d'O-'
dït\ , où ils paffoient leur tems en'feftins & en batailles.
Voye^ Odin, & voye^Valhalla.
Suivant cette mythologie, il y avoit trois grands
dieux ; Odin , qui s’àppeloit le père des dieux & des
hommes, & de toutes les chofes produites par fa
vertu ; Frigga, la terre , étoit fa fille & fa femme,
& il a eu d’elle le dieu Thor ; c’étoient-là les trois
grandes divinités des peuples du Nord. Ils recon-
noiffoient outre cela plufieurs autres dieux fubal-
ternes; Balder étoit le fécond fils d’Odin ; on croit
que c’eft Belenus ou le Soleil. Niord étoit le Neptune
des Scandinaves ; il eut un fils & une fille-
nommés Frey & Freya ; le premier étoit le dieu
qui préfidoit aux faifons; Freyà étoit la déeffe de
l’Amour ou la Vénus des Celtes. T y r , étoit le dieu
de la guerre, très-révéré par des peuples chez qui
la valeur étoit la plus haute des vertus. Heimdall
étoit un dieu puiffant ; on l’appeloit le gardien
des dieux ; il défendoit le pont de Bifroft , c’eft- à-
dire, l’arc-en-ciel, pour empêcher les géants d’y
paffer pour aller attaquer les dieux dans le ciel.
Hæder étoit aveugle , mais extrêmement fort ;
Vidar étoit un dieu puiffant ; Vali ou Vile étoit
fils d’Odin & dé Rinda ; Uller étoit. le gendre de
Thor ; Forfete étoit fils de Balder ; c’étoit le dieu
de la réconciliation , & il affoupiffoit toutes les
querelles.
Quelques-uns mettent Loke au rang des dieux ;
mais il étoit fils d’un géant, & l’Edda l’appelle le
calomniateur des dieux, l’artifan des tromperies,
& l’opprobre des dieux & des hommes ; il paroît
que les Scandinaves vouloient défigner fous ce
nom le diable ou le mauvais principe.
Les déefles dont il eft fait mention dans l'Edda ;
font Frigga, femme d’Odin , c’eft la terre ; Saga
Eira, deéffe de la médecine ; Géfioné, déeffe de
la chafteté ; F y lla , compagne & confidente de
Frigga ; Freya, la déeffe de l’amour, à qui on
donnoit aufu lç nom de Vanadis, déeffe del’efpé»