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de la terre, n’en étoientque plus miférables ; de-là
commencèrent les famcufes querelles des deux
maifons, d’Anjou & d’Aragon , dont on fait l’hif-
toire. C ’eft affez de dire ici que Jeanne I I , fille
de Charles de Duras , qui s’étoit établie fur le
trône de Naples, adopta Alphonfe V roi d’Aragon
&. de Sicile, l’an 142,0. Celui-ci y laiffa en
mourant Fernando fon fils naturel : la bâtardife
n’excluoit point alors du trône. C ’étoit une race bâtarde
qui régnoit en Caftille ; c’étoit encore la race
bâtarde de Pedro le Sévère qui étoit fur le trône
de Portugal ; Fernando ou Ferdinand, régnant à
ce titre dans Naples, avoit reçu l’inveftiture du
Pape , au préjudice des héritiers de la fécondé
maifon d’Anjou, iffue d’un frère de Jean, roi de
France, qui reclamoient leurs droits ; mais il n’é-
toit aimé ni du pape fon fuzerain, ni de fes fujets ,
& la poftérité de Ferdinand a régné à Naples juf-
qu’en 1501. Charles VIII roi de France, qui avoit
hérité des droits des comtes de Provence de la fécondé
maifon d’Anjou , s’empara en 15 jours du
royaume de Naples , & s’y fit couronner roi. Mais
la deftinée des François, qui étoit de conquérir
'Naples dans le XVe fiècle, étoit auffi d’en être
chaffés. Gonfalve de Cordoue, qui mérita fi bien
le titre de grand capitaine, & non de vertueux,
trompa d’abord les troupes de' Louis X I I , & en-
fuite les vainquit. Louis XII qui avoit partagé le
royaume de Naples avec Ferdinand, roi d’Aragon
& de Sicile , conjointement avec lequel il
Pavoit conquis en 150 1, perdit fa part du royaume
de Naples fans retour, par les fuites d’un différend
qui s’éleva entre ces deux princes, pour
, la province de Capitanate. Ferdinand fe rendit
maître de tout le royaume en 1503. Nous avons
une bonne hiftoire de toutes ces révolutions par
Giannone, traduite en François, en quatre volumes
i/z-40.
Durant la guerre de la fucceffion , l’armée impériale
réduint le royaume de Naples fous la pnif-
fance de Charles I I I , compétiteur de Philippe V ,
depuis empereur fous le nom de Charles V I ,
qui en 1720 , devint en outre maître de la Sicile.
En 1734 les Efpagnols s’emparèrent de ces deux
états pour l’infant dom Carlos'; & en 1736, par
le traité de Vienne, l’emjpereur y renonça fo-
lemnellement. En 1759, dom Carlos, en paffant
au trône d’Efpagne, laiffa le royaume de Naples
& de Sicile à l’infant dom Ferdinand , le troisième
de fes fils, qui y règne aujourd’hui.
Ce royaume eft un fief de l’Eglife, dont le
poffeffeur rend tous les ans au pape le tribut d’une
bourfe de fept mille écus d’or & d’une haquenée
blanche. C ’eftlà un témoignage encore fubfiftant
de ce droit que les pontifes de Rome furent prendre
autrefois avec tant d’a r t, de créer & de donner
des royaumes.
Le royaume de Naples fe déligne auffi fous le
00m de royaume dés deux Siciles , parce qu’il
té uni t fous une même domination la Sicile ©£ le
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royaume de Naples proprement d it, qui a fou-
vent été appelle Sicile en-deça du phare. Le royau-’
me de Naples proprement d it, fut connu ancien-:
nement fous le nom de Grande Grèce , à caufe
des nombr'eufes colonies que les Grecs y formèrent.
Sa population, en 1782, étoit de 4,675,396
. habitans, non compris le militaire.
Le climat du royaume de Naples eft le plus
chaud de 1 Italie. La fertilité du terrein y eft extrême.
Les bleds, les v in s , les huiles, les fruits
de toute efpèce y abondent. On y recueille du
r iz , du lin & du fafran. Il y croît des vins ex-
quis î tels font en particulier ceux de Lacryma
Chrifii, & de Syracufe. On y trouve des mines
dalun, de vitriol & de fouffre, & des carrières
de marbre. On y fabrique de bon favon^ le bétail
y réufiit très-bien, & les chevaux Napolitains
font renommes. La laine en eft fine & de bonne,
qualité, & l’on en exporte une grande quantité
de foie. Les figues, les oranges, les cédras , les
limons , les grenades y font d’excellente qualité.
Mais un tiers des biens fonds eft entre les mains
des eccléfiaftiques, ce qui énerve abfolument l’état
, qui auroit affez de reffource dans fon étendue
dans fon fol & dans fa pofition pour jouer
un rôle confidérable.
Les Napolitains font fort fpirituels, niais la religion
mal entendue, met obftacle chez eux aux progrès
de l’efprit, de la raifon , &.des connoiffances
utiles. Ils fonttrès-fuperftitieux, & on les aeeufe
d être méchans. On compte dans le royaume de
Naples 147 tant évêchés qu’archevêchés.
L ordre de chevalerie de Saint-Janvier fut fondé
en 1738 par le roi dom Carlos. Il a pour marque
l’image de ce faint attachée à un ruban on dé
couleur de chair, placé en forme de baudrier,
& les chevaliers portent fur le côté gauche de la
poitrine une croix brodée en argent. Toute la marine
du roi de Naples confifte en un ou deux
vaiffeaux de ligne , deux frégates & quelques
galères. Ses forces de terre ne confident qu’en
32000 hommes lorfqu’elles font complettes.
Naples, capitale de tout le royaume, eft une
des plus belles villes du monde, & l ’une des plus
considérables de l’Europe. C ’eft la plus grande &
la plus peuplée de toute l’Italie. On n’y compte
pas .moins de.450,000 habitans. Elle eft fi ancienne,
que fon. origine eft enveloppée dans robfcurité
des fables de la haute antiquité. Elle eft fituëe à
40 d. 50'de lat. & à 31 d. 52' de long.}1 53 li. de
Rome, 353 de Paris.
Rien de plus beau , de plus grand , que le développement
de Naples, lorfqu’on y aborde par
mer. On croit généralement que l’ancienne ville
de Parthenope étoit fituée dans la partie la plus
feptentrionale &-la plus1 élevée de la ville que nous
décrivons, Lorfqu’Anrtibal s’en approcha, cette
ville n’étoit point finette-, mais alliée des- Romains ;
elle ne reçut même le nom de colonie Romaine
[ ue fous les empereurs, & elle ne difeontinua
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point d’être une ville Grecque dans fes ufages,
dans fa religion & même dans fon langage. Adrien
la fit augmenter vers l ’an 130, & Conftantin en
308. C ’étoit un lieu de délices & de repos pour
les plus riches habitans de Romé. Ce fut dans un
de fes châteaux que le jeune Augufte, dernier
empereur de Rome, fe retira après avoir été détrôné
par Odoacre , roi des Hérules, l’an 476.
Bélifaire la prit d’affaut & la livra au pillage, & en
fit maffacrer les habitans fans diftin&ion d’âge ni
de fexe. Il fut le premier à prendre des metures
pour fon rétabliffement, & elle fut en état de fou-
tenir un nouveau fiège contre Totila , l’an 542.
Elle fut obligée de fe rendre, & fes murailles furent
abattues* • ^
Charles I , de la maifon d’Anjou, y fit conf-
truire le château neuf en 1170. Charles I I , fon
fils , augmenta la vlile, & éleva le château Saint-
Elme. La plus grande longueur de cette ville eft
de 2600 toifes. On y entre à toute heure de jour
& de nuit, ainfi qu’à Paris. Il n’y a que de foibles
barrières à l’entrée des fauxbourgs. La rue de T o lède
, qui eft la plus belle de Naples , a 540 toifes
delongeur fur une feule ligne., tk 800 en y comprenant
la place du château & la grande rue qui
eft au-delà de la porte du Saint-Efprit. La ville
eft traverfée, d’orient en occident, par une autre
rue qui a 2030 toifes de long, mais qui eft moins
régulière, moins belle , & moins large que la précédente.
On y compte 39 paroiffes & un nombre
prodigieux de maifons monaftiques, dont nous
ne donnons point le dénombrement , attendu
qu’on ne doit guère préfumer de la fageffe du
prince, qu’il perpétue dans fes états un abus auffi
deftruâif, un fardeau auffi accablant pour fes
peuples.
Le plus bel édifice de Naples eft le palais du roi.
Les anciens rois de Naples habitèrent Caftel Ca-
puano , le château Neuf, le châtèau de l’OE uf, &
le château Vieux. Celui qui leur fert aujourd’hui
de réfidence donne d’un côté fur la mer, de l’autre
fur une fort grande place, mais irrégulière. L’ar-
chite&ure de ce palais , qui eft de Dominique
Fontana, eft d’un ftyle fage. La façade a près de
cent toifes de longueur. Sa décoration confifte en
trois rangs de pilaftres doriques, ioniques , &
corinthiens. On y voit quelques beaux tableaux
de Lanfranc, de Baffan , d’Annibal Carrache , du
Correge, entr’autres le mariage de Sainte-Catherine
de ce dernier.
Le port de Naples eft un quarré d’environ 150
toifes en tous fens , fermé par un grand mole , à
l’orient & au midi ; & par un petit mole du côté
du nord, défendus l’un & l’autre par un petit
fort. Au refte il n’eft pas fort fréquenté, le commerce
à Naples étant fort languiffant, & d’ailleurs
la marine royale eft encore au néant. Le port
de Naples eft petit, mais la rade, -entre le château
Neuf & le château de l’OE u f , eft fort
bonne.
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Le palais Gravina, le palais de Francavilia ,
ceux de Tarfia, de la Rocca , de Filamarino , de
San-Severo, de Caraffa , font les plus confidé-
rables de Naples , après celui du Roi. Ils font ornés
avec magnificence, tk décorés de tableaux précieux.
Celui de Caraffa renferme beaucoup d’antiques.
Joignant le palais San-Severo, eft la chapelle
fépulcrale des princes, qui font de la maifon de
Sangro. Elle eft revêtue des plus beaux marbres ;
& parmi les ftatues des maufolées, on diftingue
celle de la pudeur, & celle du vice détrompé. La
pudeur eft représentée fous l’emblème d’une femme
enveloppée dans un voile, de la tête aux pieds.
Elle eft traitée avec tant d’a r t, qu’on croit voir
la figure à travers du v o ile , qui accufe parfaitement
le nud, même les grâces de la phyfionomie.
Le vice détrompé eft déhgné par la représentation
d’un homme engagé dans un filet, & dont la figure
a été travaillée à travers les mailles. Le palais
de Francavilia eft accompagné de très-beaux
jardins. . ;
Le collège royal, fondé pour l’éducation de 50
gentils-hommes, eft fous la direéfion des Sco-
lopies.
Au-deffous du quai de Sainte-Lucie, près des
bords de la mer, il y a une fource d’eaux minérales
femigineufes, bonnes contre les obftruâions. Le
quai de Chiaia , eft vafte, dégagé , orné de palais &
de façades d’églifes, & long de près de mille toifes
: lé foir c’eft la promenade de Naples la plus
fréquentée. Non loin du Paufilippe, eft la petite
églife de Pié-de-Grotte , fameufe par la dévotion
que les Napolitains ont à l’image de la Vierge prétendue
miraculeufe qui eft fur le grand autel; le
peuple s’y porte en foule, fur-tout le famedi, &
la fête s’en célèbre le 8 Septembre avec une pompe
, une magnificence incroyables.
Le château de l’OEuf fait dans la mer une faillie
de 230 toifes , & le château Saint-Elme, placé fur
la montagne, domine toute la ville. Charles-Quint
en fit une citadelle en règle. C ’eft au pied de ce
château qu’eft la chartreufe de Saint-Martin , dans
le plus bel emplacement, la plus belle exposition :
l’on y jouit d’une vue fuperbe. Ce monaftère eft
d’une exceffive richeffe, & ne nourrit pas moins
de 400 chartreux. L’ églife , dans le goût moderne,
eft éclatante par les marbres , les ftucs, les dorures
; les peintures : mais les ornemens y font prodigués
& employés avec plus de profufion que
de goût. On y voit avec plus de plaifir les beaux
tableaux de Lefpagnolet, de Lanfranc, de Soli-
mene , de Paul Veronefe , du Guide, qui la décorent.
L’autel eft revêtu d’orfèvrerie enrichie de
pierres précieufes. C ’e/t dans la chambre du prieur
qu’eft ce chrift de Michel-Ange, dont l’expreffion
frappante a donné lieu de dire , quoique très-,
fauffèment, que Michel - Ange avoit crucifié un
homme pour lui fervir de modèle.
Mais l’objet le plus jntéreffant de Naples eft le