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lpsreftes du pont de Caligula, puteolanas moles.
C ’eft grand dommage que cette v ille Toit dans
un fi trifte état : la douceur de Pair qu’on y refi
pire ^ l ’agrément de la fituation , l’abondance
de fes bonnes eaux, & la fertilité de la campagne
prouvent bien que ce-n’étoit pas fans rai-
ion que le s Romains faifoient leurs délices de
ce lieu. On ne peut rien voir de fi charmant
que fon afliette vis-à-vis les ruines de Rayes ;
& l’on ne peut rien imaginer de plus agréable
que la colline qui commence vers Pouzzol, &
régné Le long de la mer qui en bat le pie. Cettë
colline étoit tapiffée des maifons de plaifance de
Néron , d’Hortenfius , de Pilon , de Céfar , de
Pompée, de Servilius , de Cicéron, & de tant
d’autres. Cicéron y compofa fes quejlions académiques.
Il avoit ortie ce palais d’une grande
galerie , embellie de fculptures, de peintures ,
oc d’autres raretés qu’Àttiçus lui avoit envoyées
de Grece. Ce fut dans ce même lieu que Céfar
vint fouper avec lui au fort de fes victoires. On
trouve au voifinage des fources d’eau chaude ,
qui rempliffent les bains qu’on appelle encore
aujourd’hui les bains de Cicéron , bagni di Cicérone.
De plus , la mer eft fi tranquille .dans
ce quartier, qu’ on croit ne voir qu’un e-'vafte
riviere. En mot , tout y efl: fi riant qües -les
Poètes ont feint qu’Ulyffe s’arrêta dans ce lieu,
dont fes délices lui firent oublier les travaux
8c les périls auxquels il avoit été expofé.
On trouve encore prefque tout-autour de la
v ille de P o u z o l, une terre de fable , admirable
pour bâtir , qu’on nomme communément en
françois p o u fo la n eCette éfp'èeê de gravier efl;
d’un rouge de brique , & difpofé par lits de
différentes épaiffeurs. Quelquefois il y a des
lits ou le fable efl: fort f in , quelquefois il efl:
gros ou inégal. On employé le plus fin pour les
enduits, & le gros dans la Maçonnerie. Ce
qu’ ils ont de commun, c’eft que mêlés avec
la chaux, ils font un ciment très dur qui
fait corps , 8c qui fe, feche d’autant plus prom-
tement qu’on a plus foin de le noyer â force
d’ eau. Il prend dans l’eau, & fait corps avec
toutes fortes de pierres.
La cathédrale de Pouzzol eft bâtie en partie,
à ce qu’ on prétend, fur les ruines d’ un temple
de Jupiter , qui étoit d’ordre corinthien -, 8c
la façade porte une ancienne infcription, qui
prouve que ce temple avoit été élevé par Cal-
phurnius, chevalier romain, en l’ honneur d’Au-
gufte : voici cette infcription , Calphurnius L.
jp. templum, Augufto cum ornamcntis D. D.
En allant de Pouzzol à Capoue , on a trouvé
dans le dernier fiécle plufieurs ruines d’anciens
fepulcres dont ce lieu étoit rempli, avec les
niches des urnes où l ’on confervoit les cendres
des corps qu’on avoit brûlés •, voye\-en le récit
dans Miffon & Adiffon , voyages di Italie.
JLes feux' qui fortent par le fbinmet du Yéfuye
PO u
ne Semblent deftinés qu’à effrayer les hommes;
mais le terrein des environs de Pouzzol en contient
dans fon fein qui font moins terribles, &
dont l’induftrie humaine a fu tirer de très-grands
avantages : cet endroit fe nomme aujourd’hui la
Solfatara ou Soufiere^h. caufe de la grande quantité
de foufre qu’on en retire ; on le nommoit
autrefois forum Vulcani , on campus Phle-
groeus : on en tire , depuis plufieurs fiécles , une
quantité prodigieufe ae foufre & d’alun.
' Ce lieu efl: une petite plaine ovale dont le
grand diamètre, dirigé de l’eft à l’oueft, efl: à-
peu-près de 2.00 toifes, & dont la plus grande largeur
n’ excede pas 150 : elle efl: élevée d’environ
150 toifes au-deffus du niveau de la mer,
& il faut par conféquent beaucoup monter pour
y arriver, l’oit qu’on y vienne de Naples ou
que ce foit de Pouzzol.
La Solfatara n’a qu’une feule entrée, qui efl:
du côté du midi ; le refte efl: environné de hautes
collines, ou plutôt de talus très-roides,
compofés d’un peu de terre 8c de débris de
grands rochers continuellement rongés par
la vapéur du foufre , 8c qui tombent en morceaux.
Excepté quelques bronffailles , 8c un
taillis d’environ un arpent: , qui fe trouve
à l’entrée, tout le terrein y eft pelé 8t blanc
comme de la^narne : la feule infpeéljon fait juger
que cette terre contient beaucoup de foufre
& de fels ; 8ç la chaleur plus grande prefquer
par-tout qu’elle ne l’eft ailleurs dans les plus
grandes.chaleurs d’été, & qui vamême|en quelques
endroits jufqu’à brûler les piés à travers
les fouliers, cette chaleur, d is -je, jointe à la
fumée qu’ on voit fortir de toute part, annonce
qu’ il y a deffous cette plaine un feu fouterrein. f
On obferve au milieu de la plaine un enfoncement
de forme ovale , d’environ trois ou
quatre piés de profondeur dpnt le fond retentit
quand on le frappe, comme s?ij y avoit au-
deflous une vafte cavité dont la voûte fût peu
épaiffê. Un peu plus loin & dans la partie orientale
, on apperçoit unbafîin plein d’eau, cette
eau eft chaude , mais elle ne fait monter la
liqueur du thermometr.ç qu’à 34 degrés au-defl-
fus de la congélation ; degré bien inférieur à
celui de l’eau bouillante^ & qui ne rendoie
pas même cette eau capable de cuire des oeufs p
comme quelques auteurs l’ont affiné : cependane
cette eau paroît bouillir continuellement 2
un coin du bafïïn, quoiqu’elle foit trèsrtran-
quille dans tout le refte.
Les rochers qui entourent la Solfatara, continuellement
expofés à la vapeur du foufre ,
tombent, comme nous l’avons d it, par morceaux
, 8c fe réduifent en une efpèce de pâte ferme
8c grafTe , avec des taches jaunes, 8c d’autres
d’un rouge fort v if : mais ce qui eft de
plus fingulier, c’ efl: que parmi ces débris de
rochers fujnans 8c calcinés par la vapeur du
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foufre brûlant, on voit fur les petites parties de
terre qui s’y rencontrent, des plantes en abondance,
&que le revers de ces collines eft fertile
& cultivé.
La mine de foufre qu’on tire de la Solfatara,
eft une terre durcie, ou plutôt une pierre tendre,
qu’on trouve en fouillant. Pour tirer le
foufre, on la met en petits morceaux dans des
pots de terre, qui contiennent environ vingt pintes
de Paris. Ces pots font exa&ement fermés par
un couvercle qui y eft lutté : on les place dans
un fourneau fait exprès ; de maniéré qu’un quart ,
de leur pourtour fait faillie hors du fourneau, i
& demeure découvert au-dehors ; une fembla-
ble partie fait faillie au-dedans du fourneau
pour recevoir l’a&ion du feu, & par conféquent
la moitié du pot éft dans l’épàiffeur du mur :
chacun de ces pots communique par un tuyau
d’environ un pie de longueur, & de dix-huit
lignes de diamètre , avec un autre pot placé tout-
à-fait hors du fourneau, 8c un peu plus haut
que les premiers ; ces derniers pots font vuides
& fermés exa&ement , excepté vers le bas où
on a ménagé un trou d’ environ quinze à dix-
huit lignes.
Le foufre développé de fa mine par le feu qu’on
allume dans le fourneau , monte en fumée ,
& paffe dans le pot extérieur, où ne trouvant
plus le même degré de chaleur , il paffe
de l’état de vapeur à celui de fluide, & coule
par l’ouverture inférieure dans une tinette placée
au-deffous.
Le foufre n’efl: pas.la feule matière minérale que
contienne cette minière , on en tire aufli beaucoup
d’alun : c’efl: dans lapartie occidentale qu’on
trouve la matière qui le contient ; c’efl: moins
une pierre qu’une terre blanche, affez lem-
blable à de la marne pour la confiftance 8c
la couleur. .
Pouzzol eft une . ville peuplée de 10000
habitans ; elle fut fondée. 52,0 ans avant J. G.
8c elle fut appelée Puteoli, du grand nombre
de puits ou de fources minérales qui y font ;
.Cicéron l’appelle ville municipale, mais elle
fut aufli colonie ; une infcription du tems de
Vefpafien marque Colonia Flavia.
Lorfque les Romains eurent établi fur ce parage
le centre de leurs délices 8c du luxe de leurs
campagnes, Pouzol fut une ville confidérable.
On a tiré en *75° » des Pouilles du temple de
Jupiter Serapis ,• des ftatues 8c des vafes d’un
beau travail ; il étoit environné de quarante-
deux chambres quarrées , dont il en fubiifte encore
plufieurs , mais prefque ruinées.
Près du port de Pouzzol eft le ponte di Caligula
, dont. il refte treize piliers & deux arcs:
cet empereur infenf? voulant aller en triomphe
fur la mer de Baies’ à , fit conftruire un
pont de 3600 pas : on fixa les vaiffeaux du millieu
par des ancres, & on les affçinbla par çies
Qéogt, Tome II.
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chaînes : on y forma un grand chemin avec de
la terre , des pavés 8£x des parapets ce fut par
cette nouvelle route ‘que Caligula célébra l'on
triomphe ; le premier jour à cheval, avec une
couronne de chêne ; le deuxieme jour dans un
char de triomphe ,_ fuivi de Darius, que les
Parthes lui avoient donné en otage.
Le port endommagé- par la mer , tut-repère par
Antoriin, auquel les habitans élçverent un arq
de triomphe, avec une infcription , rapportée
par Jules Capitolin , dans la vie de pet empereur.
, j -■ : 7' . ■
L’amphithéâtre de P ou zo l, appel lé Çolojfeo 9 '
en effet aùfli grand que le Colifée de Rome ,
eft le morceau Le mieux confervé de toutes les
antiquités de cette ville-, quoique, ruiné. Sue-
tone nous apprend qu’on y célébra des jeux
auxquels Augufte aflifta.
Des le tems de la guerre d’Annibal , Pouzzol
étoit une place forte, où les „Romains tenoient
une garnifon de 6000: hommes qui réfifterent
aux efforts d’Annibal. Tite-Live , /. X X X 'I F .
c. xlv . 8c Yelleius Partercultis , 1. 1. c. x v . nous
apprennent qu’ap^ès que cette guerre fut finie,
les Romains firent de Pouzzol une colonie romaine.
Gomme T acite, l. X lV . c. xsçv. dit
qu’elle acquit le droit 8c le nom de colonie fous
l’empereur Néron, il ne faut pas l ’entendre du
fimple droit de colonie dont elle jouiffoit il y
avoit déjà long-tems , mais du droit de colonie
d’Augufte qui étoit plus confidérable que le
premier.
Pouzzol fut bâtie par les Samiens l’ an 4 de
la Ixiv. olympiade, qui étoit le 231 de Rome. Us
la nommèrent IDicoearchla, 8c les poètes latins
fe font fervis de ce mot pour la défigner, lors
même qu’elle eut changé de nom. Elle appartint
quelquestems à ceux de Cumes qui en firent
leur port. Les Romains la fubjuguerent pendant
la fécondé guerre punique l’ an 538 de Rome ,
8c y mirent une bonne garnifon. Ils l’érigerent
en colonie vingt ans après , & lui changèrent
fon nom en celui de Puteoli. Ge fut l’ un des
meilleurs ports qu’ ils euffent fur cette mer.
Elle devint très confidérable par la beauté des
édifiqes publics que l’on y b âtit, je veux dire par
fes temples , par fes cirques, par fes théâtres &
par fes amphithéâtres. Ses bains furent renommés,
& le font toujours.
Les dames romaines tiroient de cette ville
une.efpèçë de vermillon où il entroit de la
pourpre, & dont elles fe fardoient. Le leéleur
peut confulter l’ouvrage de Seipidne Mazella,
intitulé AnticJlita di Porgitolo , JYeapoli 1606 ,
auquel ouvrage on a joint le traité de Jean Eli—
fins, médecin, de balneis Puteolanis. .
Pouzzol fut réduite en cendres par Alaric l’ an
410 de l’ ere chrétienne, 8c par Genferic l ’an.
455 ; environ 90 ans après , .elle fut prife par
: T o tila , qui la faeçagea 8c la fit démanteler an
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