L ’auteur du Pimander, ouvrage qui
contient les principes de la théologie
des Egyptiens ( i ) , l’appelle le grand
instrument dont se sert la Nature pour
métamorphoser la matière élémentaire
;sous toutes las formes. Philolaiis parle
de l’eau lunaire (2 ) , qui se-mêle au
feu , ou aux émanations ignées de
l ’éther, et que;l ’air roule dans ses cou-
xans.
On retrouve des traces de cette ancienne
opinion sur les qualités ignées
et humides du soleil et de la lune chez
les Calmoucs OEroëts (3 ) , qui pensent
que le soleil et la lune sont de verre,
mais l’un mélé de feu et l’autre mêlé
d’eau. On trouve aussi dans Pliitarqué
de ces soleils de verre ou de "crystal
mélé, soit au feu, soit à l’air hümide.,
dans les. principes de la philosophie
d’Empédocle ; ( 4 )•
Il estasse» ciurieux de rapprocher
souvent les opinions physiques et cosmogoniques
des différens peuples et des
différens, siècles. Ainsi on comparera
les préjugés qui ont eu lieu sur la lune,
depujs la plus haute antiquité jusqu’à
nos jours , chez toutes les Nations et
dans toutes les sectes philosophiques ,
afin de fixer le caractère le plus universel
qui a été donné à cette Divinité ;
ce .que nous nous proposons ici, et ce
qui nous servira à la reconnoître sous
les différens voiles', dont elle a pu être
couverte par les amis de l’allégorie.
On trouvera dans Kirker l’usage que,
les Cabalistes et les Astrologues Hébreut;
en ont-fait, et le rang qu’ils lui ont
assigné dans le fameux arbre sépiro-
thique (5) , dont ejle forme la branche
inférieure. On peut lire ce qu’à écrit
dans ces derniers siècles sur ses influences,
e t . en général sur celles de tout
le ciel, Marsiljus Ficin (6) dans ses comf1)
Poetnan. t. 11.
(al Plut, de Plac. Phil. 1. 2, c. 5 , p. 887.
(3) Mercure de Frince 1783, n°, ai , samedi
24 mai.
(4) Plut, de princ. phil. 1. a , ç. 20, p. jco.
0 ) t a , p. H 7 -
mentaires surPlotin, ainsi que la foule
des Astrologues modernes, et entr’autres
la,compilation de Léopold, fils du duc
d’Autriche ( 7) , sur la science des
Astres, On y remarquera particulièrement
des details sur la manière, dont
le soleil et la lune agissent .conjointement
sur,; les élémens mis en génération
par leur influence active; ét demiour-
gique ; et comment deux de ces élémens
, le .feu et l’air 5 et deux autres,
la terre et l’eau, sont affectés, les premiers
au soleil, et les seconds à la lune.
C’est ainsi qu’on tiendra les deux extrémités
de la chaîne des opinions des différens
peuples , et dés; différens siècles
sur la Divinité du soleil et de la lune,
et sur la manière ‘dont ils concourent
l’un et l’autre au grand ouvrage des
générations sublunaires.
En remontant le torrent des siècles,
on arrivera an temps où les Egyptiens
et les Phéniciens remirent l’administration
de l’Univers à ces deux grandes
divinités, qui sous les noms d’Isis et
d’Osiris tenoient les rênes du temps,
de l’année et des saisons, et dispensaient
tous les biens de la Nature. Les
Egyptiens gn effet, suivantDiodore (8),
« admettaient deux grands Dieux, qui
» étoientle soleil et-la lune , ouOsiiiset
»> Isis , lesquels étaient chargés, de gou-
» verner le monde, et d’en régler Fad-
» ministration par la dispensation des
» saisons qui , quoique différentes dans
» leur nature , concourent cependant
» entre ellesà former le.grand ensemble
» de la révolutiou annuelle. Telle est
» la Nature de ces deux grandes Divi-
» nités, qu’elles impriment une force
» active ét féconde par laquelle s’opère
» la génération des êtres ; le soleil par
» la chaleur et par ce principe spiri-
x tueux qui forme le soufle des vents j
(6) Mars. Ficùt in Ennéad. * , Plotini, h 3>c'
6, c. 7, ibid. 1. 1 , c. 7 , 1. 9, c. 13, Ennead }/
1. 2, c. 1.
(7) Léopold, p. lë— 17.
(8) Diod. Sic. 1. 1 , c,-io— U.
„ et la lune par l’humide et le sec ; l’un
„ et l’autre par les forces de l’air qu’ils
„ partagent en Commun. C’est par leur
„ bienfait que tout nait, que tout croît
„ et végète. C’est pourquoi tout ce grand
» corps, eh qui réside la Nature, se
„ soutient, par l’action _ combinée du
,, soleil et dé la lune , et des cinq qua-
» lités que nous leurs avons assignées,
33 savoir les principes spiritueux, igné,
» sec, humide et aérien ». Ainsi, de
même que le corps de l’hqmme est
formé de l’assemblage de la • tête, des
mains,- des pieds,, et des autres membres
(x ) , de même aussi celui de la
Nature résulte de l’assemblage de toutes
ces causes particulières.
Ces idées cosmogoniques sur les cinq
élémens ou qualités élémentaires , qui
s’unissent au soleil et à la lune, comme
causes de toutes choses, se retrouvent
dans la Théologie Indienne (2). On y
lit que le Créateur engendra cinq puissances
primitives. Le premier de ces
êtres futnommé Maycssoura, c’est l’air;
le second s’appela Sadisvici, c’est le
vent, ou le spiritus dont vient de parler
Diodore ; le troisième est Roudra, le
feu ; le quatrième est l’eau, et s’appelle
Vichenou ; ét le cinquième est Brouma,
ou la terre. Voilà ce que les Indiens
appellent Panja- Cartaguel , les cinq
Puissances, les cinq Dieux. On retrouve
aussi chez les Chinois ( 3) ces cinq élémens
, qu’ils supposent animés par cinq
génies \sss\ placés à la tête des cinq
Dynasties des empereurs Chinois.
Nous avons cru devoir en passant
faire remarquer les rapports qui se
trouvent entre les idées cosmogoniques
des Indiens , celles des Chinois et celles
des Egyptiens. C’était aussi l’opinion
des Phéniciens , lesquels, si on en croit
Eusèbe, regardoient, ainsi que les Egyp-
t'ens , le soleil, la lune et les astres ,
comme les seules causes de génération
etde destruction ici bas. Ces deux peuples
(0 Euseb., prasp. ev. ]. 3 , c. 3, p. 88.
y ) Sünnerat , voyage de l ’Iuoc, t. a , I. 3 ,
avoient répandu sur toute la terre leur*
opinions théologiquçs et cosmogoniques,
comme nous l’avons dit au commencement
de cet ouvrage (4 )■ La cosmogonie
Phénicienne de Sanchoniation offre
des traces de ces cinq puissances, savoir
, de la terre ou du limon primitif t
de l’eau, du feu, et du principe spiritueux
, qui entrent dan» l’organisation
du monde.
Nous pensons avoir suffisamment déterminé
le caractère présumé du second
agent de la génération universelle ou
de la lune , pour qu’on puisse le recon-
Aoltre dans les différentes fables faite»
sur cette divinité , qui avec le soleil se
trouvera presque toujours figurer à la
première place dans le système religieux
des différens peuples du monde.
Nous ferons sur elle les mêmes observations
que nous avons conseillées
pour le soleil j et nous croyons qu’il
sera important d’examiner dans quels
signes elle était nouvelle ou pleine et
en quadrature, au commencement de
l ’année et des quatre saisons ; quelles
constellations se lioient à elle par leur
lever ou leur coucher ; et sur-tout qu’elle
étoit la température de l’a ir, à raison
des variations de chaleur et de froid ,
de sec et d’humide affectées aux saisons;
quel spectacle présentait alors la
terre stérile ou féconde, couverte de
neiges ou de fleurs, de moissons ou de
fruits , nouvellement labourée et ensemencée
, ou récemment produisante.
Car la lune étant supposée avec le soleil
cause de tous ces, effets , ils doivent
entrer en considération dans l’cxplica^
tion des monumens religieux, et des
fables faites, sur cette divinité.
On fixera sur tout son attention sur
le passage de la lune aux limites éciui-
haxiales, lorsquellemonte dans la partie
supérieure du Zodiaque, ou lorsqu'elle
descend dans sa partie inférieure. On
remarquera dans, quelle phase se fait
(3) Paw. recherche sur tes Egyptiens et les
Chinois, i. a, p. 148.
(4) Ci-dessus, L r , e, 2, p, 4.