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fuite ; ils enlèvent la Toison , et retournent
promptement à leur vaisseau. Cependant
Médée , par la force de ses
poisons, avoit tué le redoutable dragon,
qui, toujours éveillé, gardoit la Toison,
qu’il enveloppoit de ses longs replis ;
et déjà elle descend vers le rivage avec
Jason. Le Roi, instruit par les fuyards ,
marclie à la tête de ses troupes contre
les Grecs, qu’il trouve encore sur le rivage
, et tue Iphitus , un des Argonautes
, père d’Eurysthëe , de celui qui
avoit inspiré à Hercule les douze Travaux.
Bientôt Méléagre les repousse , lès
taille en pièces ; le Roi lui-mêine périt
dans la mêlée. Les Argonautes, animés
par le succès , pressent vivement les
Colchidiens , les mettent en déroute , et
en massacrent la plus grande partie ;
plusieurs des Chefs néanmoins furent
blessés ; Jason , Laërtes , Atalante et
les Thespiades. Médée les guérit en
peu de jours , par la vertu des plantes
médicinales. Les Argonautesa, yant embarqué
des provisions , se mettent en
mer, et déjà ils étaient au milieu de la
mer du Pont , lorsque tout-à-coup ils
sont accueillis d’une yiolente tempête.
Mais Orphée ayant, comme la première
fois , fait des voeux aux Dieux de Sa-
mothrace , les vents se calment , et
Glaucus , Dieu marin , paroît près de
leur vaisseau ; il accompagne pendant
deux jours le vaisseau , et prédit à Hercule
l’immortalité pour récompense de
ses Travaux héroïques. Il prédit aussi
aux fils de Tÿndare, qu’ils seront appelés
Dioscures , ou fils de Jupiter, et qu’ils
obtiendront les mêmes honneurs que
les Dieux , chez tous les mortels. Ayant
apostrophé les Argonautes , il leur
dit, que c’est encore par le voeu d’Orphée,
qu'il leur apparoitet illeur dévoile
les secrets de l’avenir. Il finit par leur
conseiller de s’acquitter de leurs voeux
à l’égard des Dieux, qui lesont sauvés
deux fois , dès qu’ils auront abordé £
terre.
Il d it, et se replonge au sein des
flots (1). Les Argonautes arrivent à
l’entrée du Pont-Euxin , où régnoit
Eyzas , qui bâtit une ville qui a conservé
le nom de Byzance. Ils y posent un
autel et s’acquittent de leurs voeux , èt
consacrent cet endroit, respecté encore
aujourd’hui des matelots, qui voyagent
dans ces parages. Après avoir passé la
Propontide et lTIellespont, ils abordent
en Troade. Là Hercule envoie Iphitus
, son frère , et Télamon , redemander
Plésione et ses chevaux. Lao-
médon refuse,emprisonne les Députés,
et médite secrètement la perte des Argonautes.
Priain est le seul de ses fils
qui s’y oppose ; voulant qu’on respecte
les droits de l’hospitalité , et que l’on
rende Plésione et les chevaux promis.
Son avis n’ayant point été reçu , il
donna secrètement deux épées à Télamon
et à Iphiclus , à qui il fit part du
dessein de son père. Ceux-ci egorgent
les gardes , regagnent la mer, et infor-
Inent leurs compagnons des desseins de
Laomédon contre eux. Les braves Argonautes
marchent contre le Roi perfide
et contre ses Troyens .; et après un
combat opiniâtre , ils en triomphent ;
Pfercule fait sur-tout des prodiges de valeur.
Il tue de sa main Laomédon ;
prend d’emblée la ville , sévit contre
les complices du forfait de Laomédon ,
remet le sceptre aux mains de Priam,
pour récompenser son équité jet ayant fait
fin traité avec lu i, il se rembarque avec
les Argonautes , qui font voile vers Sa-
mothrace. Là ils s’acquittent dé rechef
des voeux faits aux Dieux, et déposent
dans le Temple des fioles qu’on y toit
encore aujourd’hui.
Le retour des Héros était encore
ignoré en Grèce (2) : le bruit s’étoit
même répandu en Thessalie , que Jason
avec ses compagnons avoit péri aux
environs du Pont. Pelias , croyant que
Je temps était venu de se défaire de
tous ceux qui pouvoient aspirer à l’Empire
, force le père de Jason de boire
du sang d’un. Taureau , et tue Proina-
chus son frère , encore jeune enfant.
Comme il songeoit aussi à faire périr
Amphinomé. sa mère , elle se sauva
près de l’Autel des Pénates du Roi , et
là , s’armant d’une épée , elle finit elle-
même ses jours par un trépas héroïque.
Ainsi périt toute la famille de Jason j
mais bientôt le tyran fut puni. Ayant
débarqué secrètement dans un port de
Thessalie , voisin de la ville , et ayant
appris le désastre des siens, Jason s’avance
avec sa troupe pour les venger,
et punir à quelque prix que ce soit Pelias.
Les uns sont d’avis de surprendre
le Tyran j les .autres craignent, étant
en si petit nombre , de l’attaquer, et
veulent attendre des secours , pour lui
faire une guerre commune. Dans cette
incertitude , Médée leur offre son
secours , s’engage à faire périr Pelias
par artifice, et a livrer le palais entre
leurs mains j elle leur promet d’employer
pour cela l’art des enchantemens,
qu’elle a appris de sa mère Hécate et
de sa soeur Circé : elle les avertit de se
tenir prêts aux signaux qu’elle, leur
donnera.
Elle fait faire une statue creuse de
Diane (1,) , qu’elle remplit de drogues
de toute espèce j elle prend elle-même
la forme d’une vieille magicienne; et
portant la statue arrangée dune manière
propre à réveiller la superstition,
elle entre dans la ville dès le point du
jour. Le peuple s’attroupe en foule autour
d’elle , comme si elle eût été inspirée
; elle les exhorte à recevoir religieusement
la Déesse, qui des pays Hy-
perboréens venoit les visiter. Ayant
rempli la ville d’un respect superstitieux
, elle pénètre jusqu’au palais.
Elle inspire à Pelias et à ses filles les
mêmes idées superstitieuses, èt leur fait
croire, que la Déesse va répandre ses
bénédictions sur le palais. Elle publioit,
que Diane, portée sur un char traîné
par des dragons , avoit parcouru diverses
contrées , et qu’enfin elle rendit
établir pour toujours son culte dans les
états du Prince le plus religieux ; elle
ajoutait, que la Déesse luiavoit enjoint
d’employer certains médicameus , pour
faire disparoître la vieillesse de Pelias -,
et lui rendre les forces et la fraîcheur
de la jeunesse , et enfin de lui procurer
une foule d’autres biens, qui pussent lui
rendre la vie heureuse et agréable aux
Dieux. Le Roi parut surpris d’une promesse
aussi étrange ; mais Médée, pour
le persuader, s’engage à en faire l’essai
sur son propre corps. Elle charge une
des filles de Felias de lui apporter de
l’eau pure ; elle s’enferme dans un appartement
; se lave et reparoît avec toutes
les grâces de la jeunesse ; ce qui étonna
tout le monde. Ensuite , par ses enchantemens
, ■ elle présente aux yeux
des spectateurs des fantômes de dragons
, qu’elle disoit avoir été attelés au
char de la Déesse , et qui l’avoient ramenée
des contrées Hyperboréerines.
Pelias lui donne toute sa confiance ;
dans ses entretiens particuliers avec ce
Prince, elle demande que ses filles lui
prêtent leur ministère, et fassent ce
qu’elle leur commandera : ce qui fut
exécuté.
Pendant une nuit obscure (2) , où
Pelias était enseveli dans le sommeil,
elle ordonne à ses filles de le mettre
bouillir dans une chaudière. Quoique
les filles fussent disposées à obéir, cependant,
pour les déterminer , elle fait
une expérience devant elles. Il y avoit
dans les étables un vieux Belier ; elle
leur dit qu’elle va le faire cuire , et qu’il
reparoîtra bientôt jeune agneau. En
conséquence, elle le fait couper par
morceaux, le fait cuire, et par son art magique
elle fait paroîtreun jeune agneau,
qui sort de la chaudière. Les filles, per-
O o o a