les précautions et les mesures ordinaires,
<ju’îl pourrait prendre, autres tpie l'expulsion
entière de Typhon hors de ses
états,n’aboutiroient àricn. Ils lui dirent,
qu'il étoit sons la protection des Génies
malfaisans , qui avoient une nature commune
avec lu i, et à qui il devoit servir
d’instrument,pour opérer les maux qu’ils
se plaisoient a faire .aux hommes , dont
la félicité excite leur envie.IJs ajoutent que
ce sont eux qui, dans cette vue, ont lait
naître Typhon, l’ont élevé, et l’ont formé
dans leurs principes , comptant en tirer
grand parti pour leurs dessins pernicieux
; qu’il ne manque rien à leurs désirs,
que de le voir investi de la souveraine
puissance , pour pouvoir faire plus de
mal. Que la volonté de nuire, accompagnée
de la puissance de le faire,
mettra le comille aux maux qu’ils méditent.
Vous-même , continuent-ils, leur
êtes odieux , et ils voient en voxis un
ennemi, puisque vous êtes l’ami des
hommes ; car ces Génies se repaissent du
spectacledes maux de l’humanité. C’étoit
par une suite de la connoissance, qu’ils
avoient du caractère dottx d’Osiris, què
les bons Génies ne cessoient de l’exhorter
à bannir son perlide frère, et à le reléguer
loin de ses états ( 1 ) , en lui représentant,
que son indulgence causerait
ses malheurs , et ceux de ses sujets, et
qu’il paierait bien cher les égards, qu’il
auroît eus pour le nom de frère.
A ces sages discours Osiris répondoit,
qu’il saurait bien se garder des attaques
de son frère, sans l’eloigner, ainsi que
de la haine injuste des mauvais Génies,
dont eux-mêmes, bons Génies, peuvent
corriger l’action maligne. Ici commence
un superbe discours du père à son fils, où
il lui fait voir qu’on ne doit pas laisser
tout faire ici-bas à la providence des
Di eux ; que la sagesse des hommes doit
aussi entrer pour beaucoup dans la conduite
des affaires de la vie. Que la Providence
se sert souventd'un bon prince (2),
(0 Ibid. p. 97.
( î ) Ibid. p. 99.
comme d’un agent visible, déstiné J
maintenir l’ordre des choses mortelles.
Car on doit regarder, comme un effet
merveilleux de la Providence, la naissance
d’un homme, qui seul prend soin du
bonheur de plusieurs milliers d’hommes.
Nous n’extrairons pas ce discours, qu’on
doit lire en entier dans l’Auteur
si on veut avoir une juste idée de la
manière, dont les Anciens concevoient
la Providence, et la concilioient avec les
opérations de la sagesse humaine. La
conclusion du discours du père est la
même, que celle des lions Génies ; savoir
qu’il doit exiler, loin de ses Etats ,
Typhon son frère , s’il ne vent compromettre
sa sûreté, et celle de tous ses
sujets. 11 lui annonce que, s’il montre
de la foiblesse et de l’indulgence , il
sera réduit à réclamer, trop tard, l’assistance
des Dieux (3). En achevant
ces mots , le père s’élève au ciel par
la route des Dieux , et laisse son fils
à la terre ; présent dont elle n’étoit pas
digne !
Dès ce moment, Osiris s’occupa du
bonheur des hommes , et du soin d’écarter
d’eux tous les m aux, sans jamais
employer la force pour cela ; mais il
eut recours à la persuasion, aux Muses ,
et aux Gr âces , auxquelles il sacrifia,
amenant chacun à une obéissance volontaire
à la Loi. Les Dieux répandirent
sur lui avec profusion les plus riches
dons de la Nature. Il les distribua aux
peuples, ne se réservant que le plaisir
de faire des heureux , et soutenant
courageusement toutes les fatigues d’un»
immense administration ( 4). Il lit naître
l’émulation des vertus par des récompenses
, et sur-tout par son exemple.
Il protégea l ’érudition et les talens oratoires
, persuadé que l’instruction est la
source des vertus. On vit sur-tout la
piété et la religion fleurir sous son
règne. Son empire sembloit être devenu
l ’école de tous les, arts, et de toutes
(3) Ibid. p. IC2.
(4) Ibid. p. 103.
)afl vei'tus'. Il méprisoit les richesses pour
lui-inême , et ne les aimoit que pour
les verser dans le sein des autres. Il
allégea le fardeau des impôts, répara
les établissements, qui alloient être détruits
; il agrandit et embellit les Villes,
en bâtit de nouvelles, ou repeupla celles
qui étoient désertes. On ne connut sous
son règne ni le deuil ni la mort(i).
Il alloit au-devant des besoins des in-
digens ; il accordoit aux uns des honneurs,
aux autres des pensions, afin
I d’encourager et de soutenir cenx qui
avoient des talens utiles. Aucune espèce
do mérite ou de service n’éehappa à ses
| recherches, et ne resta sans récom-
| pense. Il chercha à vaincre la résistance
des caractères les plus pervers, à force
de bienfaits ; et il .osa même se flatter
de pouvoir gagner par-là son frère et
son parti j et en cela seulement il se
| trompa. Car la vertu, loin d’éteindre
l’envie, nefaitque l’allumer davantage.
Aussi ses vertus et ses succès affligèrent
profondément son frère, qui pensa
mourir de la douleur qu’il ressentit, au
moment où il le vit monter sur le trône.
L’auteur entre ici dans le détail de toutes'
les marques, qu’il donna deson désespoir
et de sa violente frénésie (2). Son épouse
partagea ses fureurs , et son désir de la
vengeance, ne pouvant souffrir l’humiliation
dans laquelle elle se croyoit plongée,
par l’élévation d’Osiris au trône.
I Synésius nous fait la peinture de ses
moeurs lubriques , et de son caractère
ambitieux , qu’il oppose ■ à la modestie
ée l’épouse d’Osiris. Celle-ci vivoit retirée
dans son palais avec Horus son,
fils, La femme de Typhon releva le
courage abattu de son m ari, en lui faisant
chercher des distractions dans les
plaisirs, et dans la volupté, Ou plutôt
tlans la débauche (3 ) ^pendant qu’elle
s occupoit elle-même de projets d’usurpation
et de vengeance. L ’occasion s’en,
(*) Ibid. p. 104.
I (2) Ibid. p. 105.
(3) Ibid. p. ioy.
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présenta à elle , dans la connoissance
qu’ellefitdel’épouse d'un général Scythe,
qui cominandoit les armées en Egypte.
Elle lui persuada avec I leaucoup d’adresse
qu’Osiris avoit conçu des soupçons sur
la. fidélité de son époux (4) > qu’il avoit
formé le projet de lui ôter,le commandement
, de le rappeler , et de le'faire
punir ensuite, lui, sa femme et Ses enfans.
L ’artifice réussit. Cette étrangère crut
aisémeu t ce qu’on lui disoit, et elle rece-
voit tous les jours de nouveaux avi3 , qui1
teiuloieut à la confirmer dans cette
crainte d’une disgrâce de son mari et
de l’expulsion totale des Scythes (5 ).
D’un autre côté, 1’épouse de Typhon
lui insinuoit que son mari, frère d’Osiris
, appelé par sanaissance, comme lui,
au trône, étoit vivement affligé des projets
désastreux de son frère, contre ce*
étrangers , et qu’il pourrait utilement les
servir en cette occasion, et abattre la
puissance d’Osiris. Elle lui fit entrevoir
de grandes espérances , et l’éblouit par
les plus brillantes promesses (6). Dès ce
moment les deux femmes s’unissent pour
faire réussir leur projet. Ce général;
Scythe reçoit, des avis par écrit, qui lui
inspirent des craintes ; sa femme lui
fait appercevoir des dangers, et devant
lui on laisse échapper des mots, qui
donnent beaucoup à entendre, par l ’air
mystérieux qu’on, y met. Typhon enfin
a une entrevue avec lui j il hasarde de
lui faire cette importante confidence ,
et s’engage a lui abandonner la souveraineté
d’une partie de l’Egypte, à lui
et à ses Scythes. Le général fait d’abord
quelques difficultés d’entrer, dans cette
conspiration, contre ,un prince; révéré' de
toute l’Egypte mais on finît par décider,
qu’Osiris serait banni, et cela à' la suite
d’une harangue, que Typhon prononça
contre lui,devant l’assemblée desSey thés,
dans laquelle il avoit demandé sa mort.'
Les barbares;,se bornèrent à ordonner
(4) Ibid. p. 108.
(O Ibid. p. 109.
(6) Ibid. p. 11©*.