s’accordent; c’est que, pendant ce temps-
là, Mnesthée (i) flattait lé peuple dA-
tliènes , et excitait contre le fondateur
de leur démocratie les plus puissans
citoyens , qui ne supportaient qu’avec
peine Thésée, depuis qu’il leur avoit ote
à tous l’empire , qu’ils exerçoient autrefois
dans leurs bourgades. D’un autre
côté, Mnesthée remua aussi le peuple
par le fanatisme , en lui représentant
qu’on l’avoit privé de ses fêtes et des
sacrifices, que chacun dans sa bourgade
faisoit à ses Dieux, et qu’il n’avoitplus
le bonheur d’être gouverné par plusieurs
Rois naturels et légitimés. Mais ce qui
favorisa le plus les desseins de l’usurpateur
, ce fut la guerre que Castor et
Pollux, fils de Tyndare , portèrent dans
l ’Attique pour réclamer Hélène. On
prétend même, que Mnesthée lès y avoit
secrètement attirés.
D’abord ils ne firent aucune hostilité ;
ils demandèrent seulement qu’on 'leur
rendît la Princesse leur soeur. Les Athéniens
répondirent, qu’ils ignoraient où
Thésée l’avoit déposée. Les Tyndarides
regardant cette réponse comme une
défaite , ne songèrent plus qu’à se venger,
et ils alloient commencer la guerre ,
quand Académus leur découvrit qu’on
l ’avoit cachée à Aphidnes. Les frères
d’Hélène le récompensèrent de cette
confidence, par les honneurs dont iis le
comblèrent pendant sa vie. Castor et
Pollux allèrent ensuite attaquer Aphidnes
(2), qu’ils prirent d’assaut, et qu’ils,
rasèrent. Le brave A ly cu s, fils de Scyr-
ron , fut tué dans Ce combat de la main
même de Thésée.
La prise de cette place donna de
la crainte aux Athéniens. Mnesthée
en profita, pour leur persuader d’ouvrir
leurs portes aux Tyndarides, et
de les bien recevoir, les assurant,
qu’ils n’en vouloient qu’à Thésée, qui
les avoit outragés le premier, et qu’ils 1 2 3
(1) Pausan. Lacon. p.-ioo.
(2) Pausan. Attic. p. 15.
(3) Pausan. Attic. p. 39. Heliac. I , p 166.
étaient naturellement les bienfaiteurs
et les protecteurs de tous les hommes
Effectivement, Castor et Pollux, cta
venus maîtres d’Atlienes, ne demandèrent
qu’à être initiés , alléguant pour
raison , qu’ils étoient parens des Athéniens
, au même degré qu’Hercule. Ils
furent donc reçus aux grands mystères
après avoir été adoptés auparavant par
Aphidnès, comme Hercule l’avoit été
par Pylius. On leur rendit des honneurs
divins, et on les appela Anaces, oui
Dieux protecteurs et tutélaires des peuples.
Quelques-uns prétendent, que ce)
nom leur fut donné à cause de leurs
étoiles , qui paraissent dans le Ciel,
Onajoute qu’ Æthra, mère de Thésée,
fut menée à Lacédémone (3 ) , et que
de-là elle suivit Hélène à Troye (41J
D’autres disent que Pâris ayant été deJ
fait par Achille et par Patrocle , près
du fleuve Sperchius , en Thessalie,
Hector alla prendre le bourg de Tré-j
zène, et emmena Æthra prisonnière.
Cependant le, roi des Molosses, ayant
reçu chez lui Hercule , et étant venu pan
hasard à parler de Thésée et de Piri-I
thoüs , lui raconta le projet qu’ils
avoient formé, et la vengeance qu’il
en avoit tirée. Hercule fut fâché d’apprendre
la mort de l’un, et ne songea
plus qu’à sauver l’autre. U le demanda
au roi des Molosses, qui le lui accorl
da ( 5 ).
Thésée, délivré de sa prison, alla
à Athènes, où son parti n’étoit pas
entièrement opprimé. Ses premiers soins
furent de témoigner sa reconnoissanca
à son libérateur ; il consacra à Herculd
tous les parcs et toutes les terres, don«
les Athéniens lui avoient fait présent,
et au lieu de Tkéséia, il les appda|
Héraclcia.
R voulut gouverner Athènes, comme auparavant;
mais il ne fit par fà que provoquer
des séditions et des désordres. Ceui
(4) Pausan. Phocic. p. 342.
(5) Pausan. Attic. p. i,J.
B; le hâïssoient, avant son départ,
Soient ajouté l’insolence et le mépris
^ la haine; et le peuple était si gâté
èt si corrompu , qu’au lieu dé déférer,
comme autrefois à ses avis, il ne vou-
Joit plus qu’être flatté et caressé. Thésée'
I essaya vainement de le réduire par la
force : les tqpyçns qu’il preuoit ne
faisoient qu’irriter le mal. Ne voyant
plus de moyen de rétablir l’ordre , il
songea à se bannir lui et sa famille.
U envoya ; secrètement ses enfaris en
Cubée , chez, Elphénor ( 1 ) , fils de
Chalcodon; pour lui, il se rendit au
bourg de Gargette, et prononça des malédictions
contre les Athéniens, dans
un lieu appelé depuis Aratérion, ou
Ile lieu des malédictions. Le fruit de
ces malédictions prononcées contre
un peuple, qu’il avoit rétabli dans tous
ses droits , et dont il avoit reconnu
la souveraineté, fut sa propre mort.
Il songea d’abord à émigrer en Crète ,
chez Deucalion ; mais les vents le repoussèrent
sur l ’île de Scyros.
Thésée y débarqua, croyant y trouver
des amis. Lycomède, à la cour
[duquel fut élevé Achille , était alors
I roi de cette île. Thésée, en arrivant
chez lu i, le pria seulement de lui ren-
I dre ses terres, afin qu’il pût y demeurer
le reste de ses jours. D’autres prétendent
qu’il lui demanda du secours contre
les Athéniens. Lycomède, soit qu’il
craignît la réputation d’un aussi grand
personn âge, soit qu’il eût été gagné par
I Mnesthée, le mena sur la plus haute
montagne , comme pour lui faire voir
ton îl^ .> et il le précipita du haut des
rochers (g). Sa mort assura à Mnesthée
la tranquille jouissance du trône d’Athènes
, et les fils de Thésée suivirent
Elphénor au siège de Troye , comme
de simples particuliers. Après la mort de
Mnesthée, ils retournèrent à Athènes ,
et Y régnèrent. Quelques siècles après,
fi) Pausan. Ibid. P lu t, de Exil. p . 507.
(2) Hesych. v o c . Scyria.
(3) Diod. Sic . 1. 4 , c. 162. Suïd v o c . Thesea.
‘hsych. voc. T h eseii.
plusieurs choses obligèrent les Athéniens
à honorer Thésée, comme un
Dieu. On crut voir son image à la
bataille de Marathon, et il sembloit
y combattre les Barbares.
Les Athéniens se repentirent de leur
ingratitude envers Thésée. Ils firent
chercher ses ossemens, et les firent
rapporter à Athènes , où les honneurs
divins lui furent décernés ( 3 ). Ils bâtirent
chez eux un lieu sacré , sous le
nom de Théséium., ou azyle de Thésée.
Plutarque prétend , que ce fut l’oracle
du Soleil ou d’Apollon, qui leur donna
cet avis, et qui leur ordonna de ramasser
les os de Thésée , de les placer
chez eux honorablement , et de les
garder avec beaucoup de soin. La difficulté
était de les trouver , et d’obtenir
ce dépôt des Barbares , qui habitaient
l’île de Scyros. Mais Cimon,s'étant
rendu maître de leur ville, voulut à quelque
prix que ce fût trouver Ce tombeau
( 4 ). Pendant que l’on cherchoit
de tou3 côtés , il vit heureusement l’Oiseau
du Soleil et de Jupiter, ou l’Aigle,
qui becquetait un lieu un peu élevé,
et qui s’efforçoit de l’entre-ouvrir avec
ses serres. Frappé d’abord,comme d’une
inspiration divine, il fit fouiller dans
ce même endroit ; on y trouva la bierre
d’un homme d’une très-grande taille ,
avec le fer d’une pique et une épée.
Cimon fit charger le tout sur son vaisseau
, et le porta à Athènes. Les Athéniens
charmés reçurent ces restes de
Thésée, avec des processions et des
sacrifices, comme si c’eût été Thésée
lui-même, qui fût revenu, et ils le firent
enterrer au milieu de leur ville. Ce-
lieu devint dans la suite l’asyle des esclaves,
et de tous ceux qui craignoient
la violence des plus puissans, comme
Thésée avoit été durant sa vie le protecteur
des opprimés, et avoit toujours
reçu favorablement les prières de
(4) Pausan. Lacon. p. 84. Plut, vit Citn. p.
4S3.