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pour elle jusqu’à présent moins une
soeur , qu’une tendre mère, puisqu’elle
a pris soin de l’élever. Elle lui recommande
seulement le secret, et elle lui
annonce , qu’elle fera porter, dès le
point du jour, dans le Temple d’Hécate
, j les drogues nécessaires pour
assoupir les redoutables Taureaux.
Clialciqpé sort pour annoncer à son
lils les promesses de sa sceur , pendant
que celle-ci, restée dans l’appartement
toute seule , se livre aux réflexions et
aux inquiétudes, qui sont naturellement
la suite du projet qu’elle a formé (f).
Il étoit déjà tard., et la nuit étendoit
son ombre épaisse sur la terre et sur
la mer. Un silence-profond régnoit dans
toute la nature. Le coeur Ue Médée
seul n’étoit pas sans agitation , et le
sommeil n’avoit pas fermé ses paupières;
Son amour et ses sollicitudes
pour Jason l’empêchoient dé prendre
du repos. Elle redoutoit pour lui les
affreux Taureaux, qu’il devoit atteler
a la charrue , destinée à sillonner les
champs de Mars. Ces craintes et ces
agitations sont assez .bien décrites par
le Poète , qui emploie à-peu-près les
mêmes comparaisons, dont se sertVirpilé
pour peindre la perplexité , soit^de
Didôn , soit d’Enée. I! met dans la
bouché'de la jeune Princesse un discours',
qui nous retrace l’anxiété de son ame
et les irrésolutions de son esprit (z)l
Elle porte sur ses genoux la précieuse
cassette , qui contient des trésors magiques
elle la baigne de ses larmes,
et fait les - reflexions les plus tristes.
Elle attend le retour de l’AurÙre ,- qui
vient enfin chasser les omîmes dé la
nuit. Argus cependant avoit laissé ses
frères , pour attendre le succès des
protnies'ges de Médée, et éfoit retourné
Bu vsisseata (3),
Le jour avoit reparu-, et là jeune
Princesse, occupée des soins de sa
(1) Ibid. v. 7^2.
(2) V. 770— ÏCX3.
(3) V. 8x6.
(4) V. 84..
toilette, avoit oublié quelque temps
les chagrins de la nuit et ceux qui la
menaçoient encore. Elle avoit réparé le
désordre de ses cheveux; elle avoit parfumé
son corps d’essences , et attaché
un voile blanc sur sa tête. Eli d o n n e
ordre à sesfemmes’, quiétoient au nombré
de douze , et toutes vierges , d’atteler
les mules, qui dévoient conduire son
char au temple d’Hécate (4).
Pendant ce temps-là, elle s’occupe
de préparer les poisons, extraits des
simples nées sûr le Caucase du sang de
Prométhée et d’une1 liqueur noirâtre,
qu’avoit vomie l’Aigle, qui lui rongeoit
le foie. Méclée en frotta la ceinture,
qui entonroit son sein (5). Elle monte
sur son char, ayarft à s e s c ô t é s deux
de ses femmes ; et elle traverse là ville,
en tenant lès rênes et le fouet, qui lui
servent à guider ses mules. Ses autres
femmes la suivent , et font un cortège
à-peu-près semblable à celui , que
forment les Nymphes de Diane autour
du char de cette Déesse (6). Elle étoit
déjà sortie hors de la ville et arrivée au
Temple, où elle descend, Là elle adresse
un discours à ses compagnes. Elle s’accuse
du peu de précautions qu’elle a
prises, pour éviter la rencontre des
étrangers, qui sont dans leur pays; elle
se plaint de ce que l’on ne voit pas
arriver au Temple le concours des
femmes , qui y affluent Ordinairement.
Elle les invite à cueillir des fleurs et
à se prêter à un projet, qu’elle a formé.
{7) Elle leur recommande le silence ,
et sur-tout de ne pas trahir son secret
à son pète. Elle leur communique le
projet de servir l’étranger, qui s’est
chargé d’atteler les Taureaux. Elle dit,
qu'elle a consenti à recevoir Ses présens
èt même à le voir ; et qü’ainsi
elles aient à se retirer, dès qu’il paraîtra
(8).
Pendant ce temps - là , le 111s d’Eson,
(3) V. 867.
(6) V. 885.
(7) V. 900.
(S) V. y ie.
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conduit par Argus et accompagné du
devin Mopsus , s’avançoit vers le
Temple , où il avoit appris que Médée
devoit se rendre au poinfdu jour. Junon
elle-même avoit pris soin de l’embellir ,
et de l’environner d’un éclat éblouissant.
Le succès de sa démarche lui est
déjà annoncé par des présages heureux,
qu’interprète Mopsus. Il conseille à
J ason d’aller trouver Médée seul, et de
s’entretenir avec elle , tandis que lui
et Argus, testeront à l’attendre (1). Cependant
Médée, peu occupée du jeu
et de ses compagnes , tournoit sans cesse
ses; regards du côté où elle attendoit
Jason. Enlin ce Héros parut à ses yeux,
tel que Sirius-, lorsque brillant de tout
son éclat, il sort du sein des flots.
Ici le Poète nous décrit l’impression ,
que cette vue produit sur la Princesse.
Ses yeux; se troublent , ses joues se
colorent, ses genoux chancèlent ; ses
femmes aussitôt s’éloignent. Les deux
amans restenten présence quelque temps
muets et interdits. Enfin, Jason prenant
le premier la parole, cherche à rassurer
sa pudeur alarmée, et l ’invite à lui
ouvrir son coeur, dans un lieu sur-tout
qui lui impose pour elle un respect
religieux. 11 lui dit, qu’il est déjà informé
de ses bonnes dispositions à leur égard,
et des secours , qu’elle a bien voulu leur
promettre. Il la conjure au nom d’Hécate
eÇ de Jupiter, qui protège les étrangers
et les supplians , de vouloir s’intéresser
an sort d’un homme, qui paroît devant
elle , à ce double titre. Il l ’assure d’avance
de toute sa reconnoissance, et
qu’ils iront publier en Grèce la gloire,
de .soit nom ; qu’elle seule peut combler
les voeux do leurs mères et de leurs
éppyses, qui les attendent, et qui .ont
les yeux tournés sur les mers , par où
iis idqÎYPpt retourner dans leur patrie.
Il lui cite l’exemple d’Ariadne, qui s’intéressa.
aux succès de Thésée, et qui,
après lui avoir assuré la victoire, s’em-
(1) Ibid. v. 945.
(s.) V. 1000.
N I V E R S E L L E .
barqua avec ce Héros et abandonna pour
lui sa patrie (2). En reconnoissance de
ce service, sa couronne fut placée aux
Cieux. La gloire qui vous attend n’est
pas moindre, si vous rendez à la Grèce
celte foule de Héros.
Méde'e, qui l’avoit écouté les yeux"
baissés, sourit doucemept à ce discours;
elle le regarde et veut lui répondre,
sans Savoir encore par où commencer
son discours; tant ses pensées
se pressent et se confondent. Elle tire
de sa ceinture la drogue puissante ,
qu’elle y avoit cadrée. Jason s’en saisit
avec joie; elle lui eût donné son ame
toute entière , s’il lui eut demandée ;
tant elle étoit éprise fie la beauté de
ce jeune Héros , dont le Poète nous
fait ici une charmante peinture. Tantôt
ils baissent l’un et l’autre les yeux vers
la terre; tantôt ils se regardent en face.
Enfin Médée prend la parole , et lui
donne des avis utiles, pour assurer le
succès de son. entreprise (3), Elle lui
dit , que lorsqu’Aëtès son père lui
aura remis les dents du Dragon, qu’il
doit semer dans les sillons , il attende
l’heure précise de minuit, pour faire
un sacrifice seul et en particulier,
après qu’il se sera lavé dans le fleuve.
Elle lui prescrit toutes les cérémonies
de ce sacrifice , dont Hécate est l’objet.
Elle lui dit ce qu’il doit faire et ce
qu’il doit éviter, pour que ce sacrifice
soit agréable à la DéesSe, et qu’il en obtienne
le succès qu’il en doit -attendre.
Elle lui enseigne ensuite l’usage ,
qu’il doit faire de la drogue qu’elle
lui a remise , et dont il doit frotter
ses urines et son corps , pour le fortilier
et Je rendre invulnérable. Elle l’engage
à S’armer d’un courage intrépide (4).
Elle lui donne encore un autre moyen
pour détruire les guerriers, qui naîtront
des dents du Dragon, qu’il aura semées;
c’est de lancer adroitement une grosse
pierre, qu’ils se disputeront enti’eux ;
(3) V. ioay
(4) V. 1050.