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» nature dans ce rapport de mère avec
» l’ordre des deux. C'est sur ces deux
» pivots, que roule le cercle des généra-
» tions et des phénomènes sublunaires,
» que régit le ciel par son action supé-
» ricure , comme père, et en modifiant
» la matière et les vapeurs que la terre,
» comme mère, lui fournit et soumet à
» son énergie demioiïrgique,qui imprime
» la forme (i) ; la terre reçoit dans son
» sein la force divine génératrice du ciel;
» et elle est comme le centre, vers lequel
» se dirige le bien , qu’il verse comme
» père dans la Nature ; elle partage ainsi
» sa puissance et son sceptre, et en
» quelque sorte sa paternité. Aussi
» Orphée a - t - i l chanté la première
» royauté, celle du ciel et de la terre (2).
» C’est à son exemple qu’Hésiode, cju’a
» suivi Platon, a chanté Uranus et Ghê,
» ou le ciel et la terre , premiers rois de
» l’Univers. (3) Proclus ajoute ensuite,
» en parlant de l’union et du concours
» de ces deux causes, que leur action
» réciproque s’appeloit en langue théo-
» logique, mariage ; la terre étoit re-
» gardée, comme la première mariée,
» et son union au ciel; comme lepre-
» mier mariage; aussi, dit-il, les lois
» Athéniennes vouloient, que les nou-
» veaux époux sacrifiassent d’abord au
» ciel et à la terre ; et dans les mystères
h d’Eleusis, on invoquoit le ciel, et la
►> terre, en les regardant et les apos-
» tropha-nt par des noms, qui carac-
» térisoient le père et la mère de tous
» les êtres produits ; ces noms mysté-
» rieux étoient Vies pour le ciel , et
» Tokuie pour la terre. »(4)
Nos explications vont bientôt justifier
ce que dit ici Proclus des deux premiers
époux, et des deux premiers rois , qui
aient existe dans l’Uhivers, et que nous
retrouverons à la tête de toutes les
cosmogonies. En effet, si, comme nous
le prétendons, les Théogonies, et les
Cosmogonies ancienne?, qui composent
(1) Procl. ibid. 1. 4 , p. 280,
(2) Ibid. 1. 5, p. 293.
(3) Ib»d- p- ‘ ÿ’ -
ce qu’on appelle la mythologie , ne
contiennent que le tableau allégorique
de la Nature , de ses parties et de ses
agens personnifiés et mis en action ;
si l’histoire de leurs phénomènes est
renfermée dans les récits merveilleux ,
que les poètes , les théologiens et les
prêtres anciens nous ont laissés, il s’ensuit,
que nous devons retrouver Uranus
et Ghê, ou le ciel et la terre à la tête
de toutes les généalogies de l’histoire
sacrée ; qu’ils doivent être les premiers
rois de tous les peuples, les chefs et les
pères de tout ce qui est né ici-bas, puisque
effectivement ils sont à la tête de
toutes les causes. Si nous les y trouvons,
ce sera une preuve de la bonté' de notre
méthode ; et le succès de cette première
explication doit nous encourager à
chercher aussi, dans les causes secondaires,
l’histoire de leurs en fans ; car
elle porte le même caract'ère ; et si l ’histoire
de la Nature a été écrite dans ce
style, quand le ciel et la terre en ont été
l’objet, il. est fort vraisemblable qù’on
n’en sera pas.résté-là, et que le tableau
des différentes parties, qui les composent,
aura été peint des mêmes couleurs.
Consultons donc les origines anciennes,
que l’on nous a transmises, sous les noms
soit de théogonie, soit de mythologie,
soit d’histoire des premiers temps..
L ’histoire des Phéniciens, attribuée à
Sanchoniaton, place au rang des premiers
princes de Phénicie, Uranus et
Ghê , père et mère de Saturne ;
l’un donna son nom au ciel, et l’autre
à la terre (5). Uranus s’unit à Ghê par les
liens d’un mariage , dpnt il eut quatre
enfans ; il s’appeloit originairement
Epigée , nom qui signifie supérieur à
la terre. Tel est le ciel ; ce fut lui que
l’on appela ensuite Uranus, et de qui
l’élément, qui est au-dessus de nous,
dit l’écrivain Phénicien, prit lé nom
d’Urauus oü de ciel, à cause de son
admirable beauté ; il épousa sa goeur
(4) Ibid. p. 293.
(5) Euseb. præp. Ev. 1. 1 , e. 10,
, Ghê , ou terre , qui donna aussi son
[nom à la terre.
Je ne crois pas qu’on se persuade aisé-
iment, que les Phéniciens aient attendu
[le règne d’Uranus et de Ghê , pour
nommer le ciel et la terre, ou que pour
[leur plaire ils aient changé le nom de
[leurs Dieux ; car on sait que le ciel,
Iles astres et la terre étoient les seules
[divinités des Phéniciens, comme nous
l’avons vu plus haut, dans un passage
[d’Eusèbe rapporté dans le premier livre
[de cet ouvrage (1). Il est plus simple
d’y voir le récit allégorique des phénomènes
naturels, d’autant plus que l ’au-
[teur termine sa narration en disant, que
[ce n’est qu’une suite d’allégories physico-
icosmiques , ou qui roulent sur la physique
et sur l’ordre du monde, et qu’on
ne les a couvertes d’un voile aussi merveilleux,
qu’afin d’inspirer plus de respect
et d’admiration aux initiés, qu’on
mstruisoit dans la science de la Nature.
[Nous n’y verrons donc que cela, et
[notre méthode aura eu tout son succès.
U'ajouterai, que parmi ces enfans, on
en distingue plusieurs , qui tiennent au
[ciel et à son mouvement, tels que
Mirône, Dieu du temps, Atlas, qui porte
le monde, et engendre les Pléiades, les
pioscures ou les Gémeaux , Béthula ou
la Vierge, Dagon ou le Poisson, Escu-
pq>e ou le Serpentaire , &c. Il suffit ici
M’indiquer ces rapports entre les êtres,
fjni figurènt dans cette théogonie, et
peux qui sont au ciel parmi les enfans
P Uranus. Nous y reviendrons.
L’histoire de la génération des Dieux,
pueur généalogie donnée par Hésiode,
phez les Grecs, place aussi le ciel et la
^erre , Uranus et Ghê, à la tête de la
famille des Dieux , comme ils le sont
P la tête de la série des causes physi-
Rues (2). L ’un etl’aufre sont censés avoir
pte unis par un mariage , d’où sont sortis
[ous les êtres, tant ceux qui brillent au
a ch. 2,
G) Kesiod. Theog. v. 123, - 133 , - 195, &c.
j . u J schol. ml, 3 . Argon. Apoll. Coe. de Nat.
*'eor- 1. z, ç, 15.
ciel, que ceux qui restent sur la terre, ou
ceux qui font partie de l ’un et de l ’autre.
Le ciel,semé d’étoiles, enveloppe la terre
et la couvre de toutes parts, etelle s’unit
à lui par un hymen fécond, d’où naissent
plusieurs divinités. Un de ces Dieux
est Saturne, le plus rusé de ses enfans,
quelle arme , comme dans l’histoire
Phénicienne , du fer meurtrier , qui
ravit à Uranus les principes de fécondité,
pour les faire tomber sur la terre et dans
les eaux, et y faire naître la Déesse de
la génération. Il est aisé d’apercevoir
le but allégorique de ce récit, d’après
Ve fiue nous avons dit sur la cause active
et passive de la Nature, qui s’unissent
avec la marche du temps pour
engendrer tous les êtres.
C’est donc avec raison (3), que Chry-
sippe et Zenon prétendoient rapporter
aux agens de la Nature et au jeu des
causes physiques toute la théogonie
d’Hésiode et celle d’Orphée. Ce dernier
, en effet, suppose aussi que le ciel
épouse la terre , et qu’ils deviennent
père et mère de plusieurs enfans, si on
en croit Athénagore (4). Orphée faisoit
la divinité , ou le.grand Tout, mâle et
femelle , attendu qu’il n’auroit pu rien
produire , s'ii n'eût réuni en Lfi fa f orce
productive des deux sexes ; il appelle le
ciel Pangenetor, le père de toutes
choses , le plus ancien des êtres le
commencement et la fin de tout, celui
qui renferme en soi la force incorruptible
et infatigable de la nécessité. Il avoir
écrit un livre ou. poème sur la vénération
des êtres, par l ’action des cieux
et Au zodiaque , ou un livre (5) Géne-
thhaque , intitulé : ( a )
Dodécaeteride, ce qui prouve assez” la
liaison de la théologie ancienne à la
science des astres. Les Egyptiens avoient
été les maîtres d’Orphée; et le codé
de leur science religieuse étoit renfermé
dans les livres de leurs Mercures (6) ,
(4) Athen. Légat, prb Christ, p. 73.
(5) Salmas. Ann Clim. p. 46*,
£6) Ibid. Salmas .606.