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aux étoiles fixes, et à tout ce qui avoit
été formé par Ormusd , principe lumière
, comme il avoit aussi répandu
son influence maligne sur les arbres ,
et sur toutes les productions de la
terre. Ce mélange du mauvais principe
aux planètes et aux fixes , ne doit
s’entendre que des influences de ces
Astres répandues dans le monde sublunaire
, dans lequel seul le mal pouvoit
avoir lieu. Car le ciel lui étoit interdit
; et si quelquefois dans ces fictions
sacrées sur ses combats contre Ormusd,
soit dans la guerre de celui-ci contre
Ahriman, soit dans celle de Lucifer
contre Dieu, soit dans celle des Géans
et de Typhon contre Jupiter, ces Génies
sont supposés vouloir s’élever jusques
dans l ’Olympe , et en détrôner le
Dieu delà lumière ; ils finissent toujours
par être chassés de l’Olympe, et précipités
dans le Tartare, séjour des ténèbres
étemelles ; ensorte que ces fables
n’ont d’autre but que de relever la puissance
du Dieu lumière, en chantant
sa victoire et la défaite de son ennemi,
et de fixer les limites des deux empires,
jen mettant chacun des combattans à
sa place. Tous les Génies placés dans
les Astres, étant formés d’une substance
pure , sont bons naturellement ;
comment peuvent-ils être corrompus et
déchoir de leur véritable grandeur ,
comme nos mauvais Anges ? C’est en
entrant dans la sphère- des élémcns,
et en se mêlant à la matière ténébreuse
et à l’esprit qui la meut, lequel corrompt
tout le bien qui avoit été originairement
mis en eux, en leur faisant
produire des effets absolument opposés
à leur nature. C’est ce qui a donné heu de
distinguer entre eux des Astres de bonne
et d’heureuséinfluence, et d’autres d’une
influence maligne, comme les Chaldëens
et les Astrologues en ont distingué.
Cette supposition s’accorde parfaitement
avec les principes théologiques
de. Jamblique. ( r ) , qui dit « que tout
^ (1) Jambüch. de Myster. c. 8.
» est bon dans les animaux célestes
» ou dans les astres; mais que ce bien
» original est corrompu en passant dans
33 la matière sublunaire 33. IL ne faut
donc pas considérer simplement la
nature des astres dans le lieu où ils
sont ; mais bien et sur-tout dans le
lieu où ils agissent. C’est ainsi que des
intelligences pures dans leur nature,
auront l’air de s’être corrompues, et
d’être dégradées de leur dignité primitive.
Voilà donc un nouvel Univers, divisé
et subdivisé dans toutes ses parties
, rempli d’intelligences, dont la
nature prend la teinte et la trempe,
et comme la couleur de chacune de ces
parties. Elles sont célestes etpures au ciel,
terrestres et. plus corporelles, pour ainsi
dire, sur la terre et dans des élémens;
lumineuses dans l’Olympe , ténébreuses
dans la matièré , et elles sè placent chacune
dans leur siège naturel, et de-là
font des incursions l’une contre l’autre,
pour produire tous les effets bons ou
mauvais, qui résultent des deux causes,
qui agissent dans le grand tout, appelé
Univers. Voilà de fond sur lequel.
on a brodé tant de dessins bizarres,
qui contenoient le jeu des agens
physiques, et des intelligences qui les
dirigeoient dans le système de l’action
universelle du monde. Voilà lés Dieux,
les Génies, les Héros qu’ont chanté les
Poètes, et qu’ils ont mis aux prises
les uns, avec les autres dans leurs différentes
-guerres , ou qu’ils ont unis
dans leur sympathie et leurs amours.
Voilà l’origine des Anges, des Archanges
et de toute l ’hiérarchie céleste, ainsi
que celle des Démons ; et des Princes
dé ténèbres , rebelles à Dieu, en gt,erre
avec lui. et avec ses Anges, et ennemis
de-ses productions les plus parfaites.
Voilà le sujet des plus beaux poèmes,
comme des plus sottes légendes sacrées
et des livres prétendus révelés.et apocalyptiques.
Voilà , pour les artistes »-la1-
senal le plus ancien de tous les beaux
arts , arsenal dans lequel les Peintres,
I les Sculpteurs, et les hommes de talent
; de tout genre, soit pour la poésie épique ,
s o it pour la poésie dramatique , soit
' pour la poésie lyrique, ont été et vont
l encore aujourd’hui chercher lesdifférens
s u j e t s , qu’ils ont revêtus et embellis des
formes les plus brillantes, et ces personnages
, qu’ils ont animés du feu de
leur immortel génie. Sous ce rapport,
la religion est belle, majestueuse, riche,
pompeuse et digne de tenir le sceptre
du goût, de l’imagination et des arts
ds génie.
Mais ces fleurs , ces roses éclatantes
furent bientôt desséchées par le souffle
aride de la métaphysique, spectre sans
substance , sans esprit , ni couleur,
! c: qui ronge tous les corps, en les ré-
j duisant en atomes subtils , que l’intellect
seul peut saisir. Nous voilà sortis
des limites du monde réel , et nous
allons entrer dans le vide immense
qu’habitent les songes et les chimères.
Tout ce qui aura été fait dans ce nouveau
monde ne nous regarde plus, et
notre méthode n’a pas plus de prise,
que la raison , sur ces fantômes. Ce
n’est pas que, semblables à ces ombres,
ou mânes , qui restent à la mort, ces
spectres n’aient encore conservé dans
leur surface infiniment déliée la forme
des corps , qu’ils ont abandonnés ,
pour exister quelque temps seuls avant
de se volatiliser absolument. Mais ce
n’est plus qu’une surface semblable
a celle du cachet gravé , d’après -
nne figure solide , et qui retrace en
creux , ce que celle - ci avoit en solidité.
-ÀA; «h- ■;
Tel étoit le monde Archétype et intellectuel
, que les métaphysiciens, à
torce d’abstractions , vinrent à bout
d extraire du mondeuvisible, et sur le
■ oodèle duquel ils crurent, que celui-ci
avoit été formé, parce qu’il en avoit
gardé'tout le dessin et: tons lies finéa-
niens. Leur erreur fut celle d’un homme,
qw voyant un tableau très-bien fait
par un grand peintre, finiroit par se
persuader , que celui à qui ce tableau
ressemble est.né,d’une femme , dont
la tete avoit été fortement remplie, et
frappée de la vue de ce. tableau. Si le
monde Archétype! , que les Métaphysiciens
mirçnt daps la tête de. leur Dieu
créateur, avec toutes les divisions du
monde, visible, étoit parfaitement ressemblant
avec celui-ci,’et s'il en étoit
l ’expressjon matérielle, c’est que le premier
avoit été imaginé d’après la vue
du second, et calqué exactement sur
lui. Si le monde Archétype .çontenoit
le tableau idéal des corps célestes ; et
de toutes les parties du monde visible,
ainsi que celui de leurs intelligences ,
c’est que l’imagination avoit depuis longtemps
créé des intelligences, qui avoient
leur siège dans les différentes parties
de la Nature, et que la métaphysique,
ou l’ignorance les en avoient séparées.
Je dis l’ignorance ; car il suffit qu’on
eût oublié le rapport, qui lioit ces intelligences
aux corps visibles, ( ce qui
ne fut pas difficile ), pour qu’il en ait
dû sortir un système . de pures intelligences,
soit Dieux, comme ceux d’Ho-
mère, soit Anges, .comme céux des
Juifs et des Chrétiens. Ce. système
sembla placé hors du monde, lequel alors
n’étoit plus qu’un ouvrage, ou une machine
de Nature inférieure, soumise, à
l ’aetion de ces intelligences, par une-
suite de cette prééminence que l'esprit
étoit censé avoir sur la matière. La
Métaphysique n’en fit pas davantage
en séparant les intelligences, qui avoient
leur siège dans le monde, (lu monde
lui-même, pour les ranger dans un
espace invisible, et supérieur de beaucoup
au monde.
C’est contre ce système d’intelfigences,
conçues indépendamment dns corps
visibles et des agens de la Nature, et
d’une existence abstraite , que reclame
Cbérémon , quand il, dit que les fables
sacrées des: an:ciens ^Egyptiens roulent
sur les agens physiques ,. sur le Soleil ,
la Lunc^ et les Astres, et nullement
P p a