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qu'il a coupées , tout devoit être peint
à-peu-près comme Virgile nous a représente
, dans un des plus beaux,
morceaux de son poème., la victoire
de pe même héros sur le monstre
Cncus. On sent quel développement un
poète de génie devoit donner à toutes
Ces idées Astronomiques, auxquelles
durent se joindre d’autres idées .tirées
soit de l’agriculture, soit de la géographie
, soit de la politique et de la morale.
Car tous ces différens buts particuliers
entroient dans le grand but général
du Mystagogne. Que de morceaux épisodiques
durent se lier au sujet .principal
de chaque chant du poème, où le
gcnie allégorique et poétique avoit la liberté
de tout feindre ! Car rien n’est
impossible, à la puissance des Dieux,
et c’est à eux seuls qu’il appartient
d’étonner l’homme par l’appareil magique
du merveilleux. Quelle carrière
pour le génie, que cèlle que lui ouvre
la nature elle-même, qui lui met sous
les yeux ses plus riches tableaux pour
être imités ! C’étoitbien là véritablement
l’âge d’or de la poésie, fille du Ciel
et des Dieux, Homère , lfien des siècles
après, recueillit les précieuses étincelles
de ce feu sacré , qui resta enseveli dans
1’ombre des siècles d’ignorance, et
que tout-à-coup nous voyons briller chez
lui dans son plus grand éclat, sans
connoître les nuances intermédiaires,
et pour ainsi dire l’aurore, qui a préparé
le grand jour défcs lequel se produit
l’Epopée dans l’Iliade et l ’Odyssée.
Elle semble, pour ainsi dire, descendre
du Ciel toute formée, et n’avoir point
connu d'enfance chez les Grecs. Homère
n’auroit-il fait que recomposer d’anciens
Poèmes cycliques, et en réunir, dans
ses rapsodies, les morceaux êpaps,
comme Nonnus , dans ses Dionysiaques,
avec moins de génie voulut réchauf-
ser les anciens poèmes sur Osiris r Ce
qu’il y a de bien certain, c’est que les
chants de l’IIéracléide ou sur Hercule,
et en général de tous les poèmes, qui font
la base de la Mythologie Grecque,
datent de plus de i 5oo ans avant
l’âge d’Homère, et que son Priam étoit
frère.d’Hésione, chantée dans le Poème
d’Hercule, plus de a 5oo ans avant l’Ere
Chrétienne ; et que les Dioscures,. avec
lesquels Hercule voyagèa dans l’expédition
des Argonautes, étoient frères de
son Hélène, dont l’enlèvement ausa
la guerre de Troye,
• Quelle cause physique on morale a
pu plonger la Grèce dans l’ignorance
après des siècles dé lumière et de génie
tels que ceux qu’annoncent ces anciens
poèmes , et l’y retenir durant tant de
siècles , au point que les Grecs répétèrent,
sans les entendre,les chants sacré.«,
cju’avoient autrefois composés leurs
pères? Car ces chants furent faits en
Grèce ; l’allusion continuelle qu’on y
fait aux montagnes , aux forêts , aux
rivières*, aux villes , aux peuplades de la
Grèce,et en particulier à celles du Pélopo.
nèse et de la Boeotie , ne permet pas de
douter, que ces poèmes n’aient été faits
dans ces pays et pour ces pays. S’ils eussent
été apportés d’Egypte ou de Phénicie, on
y trouveroit les montagnes et les fleuves
de ces régions perpétuellement nommés.
Par-tout, au contraire, on ne rencontre
quede sol de la Grèce ; ou si l’on y parle
d’autres contrées , c’est qu’on ne pou-
voit pas faire voyager le héros , sans que
la géographie des pays, qu’il traversoit,
n’entrât en partie dans le poème. Mais
la partie géographique, qui domine dans
cet ouvrage, c’est la Grèce , et la Grèce
assez instruite , pour avoir déjà' une
connoissance étendue de la géographie
des autres pays ; ce qui n’a rien
de surprenant chez un peuple éclairé.
Quelle que puisse être cette lacune immense,
qui se trouve entre le siècle d’flu-
mere et d’Hésiode, et l’âge où vivoien t ces
Grecs ingénieux , qui composèrent les
poèmes, dont les débris forment l’anuis
Confus des ruines Mythologiques, il pa-
refit constant, que le fil sacré; uneLofi
rompu, ne fut plus renoué par les Grecs ;
et nous-mêmes ne l’avons retrouvé q”é
dans les sanctuaires d e l’Egypté. Cette
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difficulté, qu’il y eut à la renaissance des
lettres dit temps d’Homère , et depuis à
renouer avec les anciens Poètes de là
Grèce , vint deî la nature même des
poèmes anciens , qui tous étoient fondes
sur la science, et sur une science difficile,
qui s’environna toujours d’un voile mystérieux
, l’Astronomie sacrée , dont les
prêtrqs seuls avoient été dépositaires1.
On recueillit, on rassembla les anciens
chants poétiques , dont les fictions- les
plus saillantes avoient passé en tradition
dans le pays , depuis plus de quinze'
siècles, et s’étoient conservées, à quelques
altérations près, clans les temps d’ignorance
; et l’on composa un corps
d’histoirqs merveilleuses, dont personne
ne connoissoitplus le sens,mais assez universellement
répandues, et depuis assez
de siècles , pour qu’on n’osât en attaquer
l’authenticité , malgré leur invraisemblance.
On crut, parce que les anciens
avoient cru,et on crut, sans rien entendre,
parce qu’il n’y avoit plus personne assez
instruit, pour pénétrer le sens des allégories
sacrées,qui tenoient à de hautes sciences,
telles que l’Astronomie. Or ce n’est
point ordinairement par-là qu’un peuple
commence ses premiers progrès vers la
civilisation , au moment ou il sort de
l’état de barbarie ou d’ignorance, c’est-
à-dire clés siècles où le merveilleux seul
sesoutient,au milieu dés débris de toutes
Iles sciences et de tons les arts. La première
fois qu’un homme de bon sèns
voulut soumettre à la critique ces histoires
romanesques des héros , devenus
Lieux, il se trouva arrêté, dès le premier
pas, par le préjugé universel de son pays,
fortifié par là crédulité de plusieurs siècles
, et par l’ignorance où il étoit lui-
meme de la science, qui avoit fourni le
canevas de ces histoires. Elles répu-
gnoient à la vraisemblance'; elles étoient
consacrées par tous les nionumens du
culte ; et si on ne pouvoit les expliquer ,
on ne pouvoit non plus les rejeter1 ;
Ont elles étoient accréditées. Les pays
(') Macrob. Sat. 1. i , c. 17.
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auxquels on les rapportoit, les montagnes
, les fleuves nommés dans ces histoires
existoient ; on étoit porté à croire
que les faits, qui leur étoien t liés, avoient
aussi eu lieu ; que les acteurs avoient
existé-aussi réellement, que lç lieu de la
scène ; fet on crut au Lion de N'émée, au
sanglier d’Erymanthe , parce que les
forets de Néméeetle mont Erymanthe
avoient. une réédité ‘physique. On disputa
long-temps , pour concilier les fictions
sacrées avec la vraisemblance historique
, etc. Le dernier effort de la,
critique fut d’y voir des faits réels exagérés
pu dénaturés , qui présentoient
de grandes difficultés à résoudre. t>ans
notre manière de les envisager, qui est
la seule vraie, toutes ces difficultés s’évanouissent
, et il en résulte au contraire
un ensemble parfait et un, tout
symmétrique et correspondant avec
l ’ordre du monde; Tout s’explique ; le
merveilleux de cette histoire est tout
entier l’ouvrage de la poésie , et il ne
reste plus d’absiirdité , que celle qu’il y
auroit d’y voir autre chose que dés faits Ôrsiqùes et cosmiques; Car , comme
isefiyë judicieusement Maerbbe (1) ,
c’est dans les sanctuaires de la philosophie
, que la plftpart des Poètes ont puisé
les sujets de leurs fictions sur les Dieux.
Et quand ils rapportent an Soleil presque
toutes les Divinités , ce . n’est pas
l’effet d’une vaine superstition , mais le
Résultat d’une raison divine. L ’histoire
d’Hercule n’adonc plus rien d’étrange ,
dès. qu’elle cesse d’être l’histoire- d’un
homme , et qu’elle devient celle de la
nature1 et dfe là force étemelle, qui la
meut par l’action puissante dùSeleil ic’est
lui qui nous distribue le temps , l'année ,
les saisons ét les mois. Aussi voyoit-on
ài Mégalopolis en Arcadie , près de la
statue d’Hercule , celles des saisons (2),
avec celles d’Apollon et de Pan , qui y
prenoient le titre de premiers Dieux.
Le-poème d’Hercule, ou les chants
sur le Soleil, ont du renf ermer, comme
t y 2
(2) Pausan. Arcad. p. 263,