un hommage religieux rendu à sa divinité
(1). Aussi Jean-Chrysostome, pour
prouver que les fleuves étoient anciennement
adorés , cite l’exemple encore
subsistant des Egyptiens : « Ils sacrifient,
» dit-il (2), au N il, au moment où il
x va se déborder ; et ce n’est point un
» hommage qu’ils rendent à la divinité
» par admiration pour son ouvrage ; cet
» honneur se rapporte au Nil lui-même,
» qu’ils regardent comme un Dieu ».
Héliodore, qui nous a donné la description
de cette fête , qu’il appelle la
plus grande de l’Egypte , et dont il fixe
l’époque aux approches du solstice d’été,
expliquant la cause de ces pompeuses
cérémonies, nous dit (3) « qu’alors le
» Nil reçoit un plus grand accroisse-
» ment, et que ce fleuve est regardé "
>» comme un Dieu, et même le plus grand
x des Dieux de J’Egypte ; qu il rivalise
» avec le cie l, dont il remplit pour eux
les f onctions, et dont il imite la marche ;
x que Ses eaux leur tiennent lieu de
» celles que le ciel et.les nuages versent
» dans les autres pays pour les arroser ».
Après tant vie témoignages , nous ne
pouvons plus douter que le Nil n’ait
été honoré comme Dieu par les Egyptiens
, qui virent en lui un e des parties les
plus actives de la cause universelle , et
une des sources les plus abondantes de la
bienfaisance de la Nature ou de la Divinité.
Les autres élémens n’étoient point
moins révérés chez eux , par cela même
qu’ils entroient dans la composition de
la cause universelle, et en formoient en
quelque sorte la substancte. Plutarque (4)
nous parle d’une cérémonie Egytienne ,
dans laquelle on formoit une figure avec
de la terre et de l’eau, pour indiquer,
d’une manière énigmatique, la nature
de deux de leurs grandes divinités. On
lisoit aussi,'sur une ancienne colonne ,
une inscription gravée en l’honneur des 1 * 3 4
(1) Idem. Nicetas.
{%) Jablohski. 1. 4, c. i , sect.'ié. ex. Chrysost.
in homiliâi
(3) Heiiodor. I. £,-p. 429,
(4) De Isid. P- 366»
Dieux immortels (5) ; et les Dieux qui
y sont nommés , sont , le Soufle ou ►
l’Air , le Ciel, la Terre , le Soleil, la
Lune, la Nuit et le Jour. Enfin , le
résultat de toute la doctrine des Egyptiens
, dont Orphée emprunta ses principes
théologiques, étoit « de regarder ,
» dit Eusèbe (6) ,* le monde comme une
„ grande divinité, composée de l ’assem- »
» Liage d’une foule de Dieux , qui >
» n’étoient autre chose que les parties
» mêmes du monde ; car ils ont, dit-il,
» compté au nombre des Dieux, chacune
» des parties de l’Univers (7) ». D’après
cela, nous concluerons avec ce savant,
avec Chérémon , et avec la foule des
autres savans, dont parle Porphyre dans
sa lettre à Annebon (8) , que le culte
Egyptien, primitivement, se rapportoit
tout entier à la cause visible universelle
et à ses parties, et que la doctrine même
secrète des prêtres n’admettoit d’autres
Dieux que les astres qui brillent au firmament
,soitplanètes, soit étoiles fixes y
que les ageris naturels , tels que le Nil et
les quatre élémens ; qu’elle n’admettoit
point origin airement de demiourgos incorporel,
ni d’intelligence demiourgique,
. ni de Dieux intellectuels , ni de puis-'
sances invisibles et incorporelles séparées
du monde ; qu’elle ne reconnoissoit
pour chef et modérateur du monde que
ce soleil visible, et pour Dieux que les
astres, causes et agens de l’organisation
de tous les corps, lesquels sont en tout soumis
à l’action impérieuse de la fatalité ,
qui dépend des astres, et résulte «le leurs
positions respectives et de leurs mouve-
mens. »Cette, opinion, ajoute ce savant,
» subsiste encore aujourd’hui parmi
» eux ».
Nous croyons avoir suffisamment
prouvé que l’Egypte , comme la Phénicie
, la Syrie, l’Arabie, avôit dirigé tout
son culte vers la Nature et vers les agens
(5) Theon. Smyrr.æ. De Mnsicâ. c. 47.
(6) Euseb. Præp. Ev. 1. 3 , c. 9.
(7) Euseb. Præp. Ev. 1. 3 , c. 4.
(8) Ci-dessus p. ÿ. ., t 3
sensibles de la cause visible et universelle.
C’est un point d’où nous allons
partir pour jeter nos regards sur le reste
du monde, à qui ces premiers peuples
semblent avoir communiqué leurs idées
religieuses, comme ils leur o*t communiqué
les lettres, les sciences et les arts.
Les émigrations et les longues courses
des Arabes dans le Continent; les voyages
des Phéniciens dans toutes les îles et
sur toutes les côtes du monde connu,
la haute réputation de science et de
sagesse des Egyptiens, jointe à leurs
anciennes conquêtes ; tout nous porte
à croire que ces peuples9 plus qu’aucuns
autres, ontinflué sur l ’opinion religieuse
du reste de rUHiyers.
Ancienne Religion en Europe.
La Grèce , civilisée par lés coloniçs
égyptien ries , fixera la première nos regards.
fies Grecs, dès la plus haute antiquité
, dit Platon (1) , «.semblent n avoir
» eu d’autres Dieux que ceux qu’ado-
» rent encore aujourd’hui les barbares ;
» et ces Dieux sont le soleil, la lune ,
» les astres , le ciel et la terre ». On sait
que par barbares les Grecs entendoicrit
tous ceux qui n’étoient pas CJrçco ( i j ,
et spécialement les Scythes , les Asiatiques
, et même les Egyptiens, les" Perses,
les Indiens, c’est-à-dire quils avoient
la Religion universelle (3). Ce même
philosophe , dans un autre endroit e
ses ouvragés , croit qu’on doit décerner
un culte, aux astres,, ,et lefir attribue ta
divinité (4). Il croit qu’il est juste d honorer
le ciel visible , comme étant pour
nous la source des plus grands biens.
Epieharmis (5) , disciple de Pythagore ,
(1) Plato. in Cratylo. p. 397.
(2) Sext. Emp. adv. Malh. 1. 10 ; p. 441*
(3) Euseb.Præp. Ev.l. 13 ,c. 19 , P-207'
(4) Plat, in Epinom. p.977.
(5) Stobéft. p. 2.26.
(6) Eratosth. c. 24.
(7) Poet. Græci. p. 508, &c.
la
disoit que le soleil, la lune, les astres,
la terre , l’eau et le feu étoieht des
Dieux. Orphée regardent Ië soleil comme
le plus grand des Dibux!(<5) e t l ’honoroit
sous le nom d’Apoflon , et souvent il se
levoit la nuit, et montant sur un lieu
élevé, il attendoit l’apparition de cet astre
pour lui rendre des hommages ; aussi
tons les hymnes attribués à j Orphée (7),
et qui contiennent la plus ancienne théologie
des Grecs , sont-ils adressés à la
Nature en général ; et en particulier au
soleil, à la lune , au ciel, à l’Ether, aux
étoiles , au jour, à la nuit, à l ’aurore ,
aux saisons , à la terre , à l’océan, au
féu et aux vents. Le mérite Poète dans le
voéù qu’il adrèsse à Musée (8) , irivoqué
d’abord lé ciel , la terre , le_ soleil, etr
les astres , ét "ensuite les génies répandus
dans toutes les parties de la Nature.
Palamède conseille aux Grecs d’adresser
leurs prières au soleil à son lever (9) , et
de lui immoler uu jeune cheval blanc,
qui n’ait point encore été assujetti au
frëin. Nous verrons'bientôt les Massantes
faire un semblable sacrifice au soleil.
Agamemnonjdansl’Iliade, prend le soleil
pour témoin ci; garant d é son traité avec
les Troyens £1 o) fil invoque aussi les fleu-
vès'et les montàgnës: U y âvôit à Athènes
le terhple de la ’terre 3 et celui du soleil
sous'le nom d’Apollon-Pythien (11). On
donnoitune fête et'des Combats en son
honneur ; on célébroit en Grèce des
fêtes qui àvoiént pour objet Jupiter-Am-
mrilo, ou'Hammel, nom du Bélier cé-
lestë, l’Ammon des Egyptiens (12). Les
Rliodiens a voient élevé une statue colossale
au Dieu-Soleil, otdoiinoient desfetes
et des combats gymniques en son honneur.
( i3) Une feuille ou une couronne
(8) Ibid. p. 501- " , „
(9) Philostr. Heroic. in Palamed. p. 683.
(10) lliad. 1.3 > v. 277.
\u) Thucuidyd*!. 2. . ■ , .
(12) Hesych. ia voc. Ay-/2«x®. Diod. 1. 5, c.
56(i3)57Àrist;d. ïthçt, in Rhod. & Schol. PinA"
Qlymç. Od. 7.