réguliers, que le c ie l, par son action
sur eux, devoit créer dans leur sein, par
une succession non interrompue de générations
particulières. Ces quatre substances
, qui s’étoient ainsi dégagées du
calxbs ou de la masse confuse,où elles se
trouvoient mêlées, sont les quatre élé-
ïn'ens, feu , a ir , eau , terre. Chacun
de ces éléméns avoit pris dans l’Üniyers
la place que lui assignôit sa pesanteur
spécifique (i). Le feu le plus mobile et
le plus léger de tous, s’étoitélancé vers
la sphère de la lune, qui pesoit immédiatement
sur lui. Au-dessous du feu, s’étoit
placé l'air , substance moins mobile et
moins légère. A la troisième place se
trouva l’eau , qui étoit encore moins
mobile que l ’air & moins légère. Enfin,
la partie la plus lourde, la plus compacte
resta en bas, et forma la terre, vers laquelle
retomboit le sédiment des autres
elémens, à mesure qu’ils se séparoient et
recouvraient leur homogénéité. Neanmoins
, par le mouvement qui agitait
toujours irrégulièrement ces quatre
couches, souvent le feu se trouva mêlé
à l’air, à l’eau et à la terre , et ainsi
des antres.
La terre sur - tout, dans le sein de
laquelle se fesolvoifeM lés corps , composée
de Ces quatre éléinens , les renferma
souvent en elle dans un état de
confusion , jusqu’à ce qu’ils se fussent
de nouveau dégagés. La plupart des organisations
se faisoient à sa surface ou dans
son sein, et c’êst à ce titre qu’elle donna
son nom à la cause passive entière qui
résidoit dans les quatre élémens. Les
parties mêmes delà terfe devinrent aussi
des causes partielles ou des Dieux à qui
elle avoit donné naissance (2). Tels
étoient dans la cosmogonie phénicienne
ces enfans de la terTe', d’une grandeur
et d’une taille extraordinaire , dont les 1 * 3
(1) Achill. Tat, c. 3. Blog. Lier. 1, 7, ;Vit.
Zenon, p. 52c, 321. . V '
(s) Voyez ci-dessus, I. 1. c. 3. ,
(3) .Euseb. Præp. Ev. 1. 1. c. 10.
'/ (4) PrcciuE', 1. i'.‘in Tima-em ; p 33;
(;) Paufan. in Atcad. c. J.
monts Liban , l'Anti - Liban , le mom
Cassius et le mont Brathys portoient les
noms (3). Les habitans des côtes occi.
dentales de l'Afrique virent dans le mont
Atlas un Dieu bienfaisant dont ils des.
cendoient (4) ; et ceux de l'Arcadie
avoient la forêt Pelasgique qui leur four,
nissoit dequoi se couvrir et se nourrir
et ils attribuoient ce bienfait à Pélasge,
qu’ils regardoient comme leur premier
père (5). Il en fut de même des rivières
et des fleuves qui arrosoient un pays,
et qui se changèrent en autant de divinités
ou de causes éternelles bienfaisantes.
Le Nil étoit un Dieu en Egyp.
te (6) , et il n’y avoit pas en Grèce une
petite peuplade,qui ne déifiât le ruisseau
dont les eauxabreuvoientet fertilisoient
ses campagnes.
Voilà donc une foule de divinités ,
pour la mythologie, qui ont leur origine
sur la terre, et qu’il ne faut pas confondre
avec les Dieux qui habitent
l’Olympe et qui reposent sur le sein
d’Uranusleur père. Voilà une multitude
de causes partielles et secondaires nées
de la cause universelle, qu’il faudra s’attacher
à bien réconnoitre , sur - tout
lorsque ces divinités terrestres se mêle-j
ront avec les Dieux celestes dans les
allégories poétiques, et dans les chants
sur la nature , sur ses agens et ses parties
, ce qui arrive très-souvent (7).
On assigna souvent à l’élément de
la terre la première place avant les trois
autres , et on la mit.tau premier rang
des Dieux élémens ; car les elémens furent
déifiés. Achilles Tatius lui assure (8)
cette prérogative, d’après l’opinioii de
certains philosophes. Pherccydes pensoit
ainsi sur la terre (9), qu’il regardoit
comme le principe de toutes choses.
Xenophanes de Colophon (10) faisoit
tout sortir ds la terre, même le soi»
(6) Ci-dessus, 1. 1. o. 2.
(7) Ci-dessus-. 1. 1. c. 3.
(8) Achill. Tat. c. 3.’ p. 75-
(ç) Sex. Empir. Hypoth. Pyrrh,I. 3. c. 4!
{10) Eusebe Frsep. Ey., I. 1. c. 8. •- )
Z W ÊÊM lît
R E L I G I O N D N I V E S E L L E .
et les autres astres, qui s'alimentaient
de ses vapeurs , idée cosmogonique qui
rentre dans celle d’Hésiode : il lui asso-
cioit aussi l'eau ou le fluide cahotique.
OEnomaüs y joignoit l’activité du feu,
et Empedocle n’excluoit aucun des
quatre élémens du rang des causes premières,
et leur donnoit une part égale
dans la génération des corps (1). Euripide
désïgnoit le principe passif par le
terme générique, terre , en comprenant
6an s doute les trois autres couches qui l’enveloppent
, etdont elle occupe le centre ,
puisqu’il la soumet immédiatement à
faction de l’éther , ou du ciel qui en
est formé (2). C’est l’idée cosmogonique
d’Euripide , qui a été consacrée dans
ces beaux vers de Virgile, que nous
avons déjà cités (3) , dans lesquels ce
poète peint le mariage de l’éther ou du
ciel avec la terre au printemps. C’est
là ce fameux oeuf, dont nous parlerons
bientôt (4), qui renferme en lui les quatre
fluides, dont se composent tous les corps,
que la chaleur du feu éther féconde
par 1’incubation du ciel, et dont il fait
éclore tous les êtres passagers que la
nature sans cesse organise : car c’est
dans cet espace sublunaire , et dans
ce lieu où s’opèrent lés générations ,
que résidoit principalement la nature ,
suivant Ocellus de Lucanie (5) ; cette
nature qui sans cesse produit , et la
discorde qui toujours détruit.
! C’est la terre suivant Plotin (6) , qui
renferme en elle cette force végétative ,
qui agit dans l’organisation des plantes,
et qu’elles ne partagent avec elle, que
par ce quelles tiennent à elle par leurs
racines. C’est à ce titre , continue l’auteur
qui donne à la terre, non-seulement
la vie, mais l’intelligence , qu’elle fut
honorée sous les noms de Vesta, de
Cérès, ec .
(1) Sex. F.mp. ibid. I. 3 , c. 4.
(2) Achill. Tat. c. 4.
(31 V. ci-dess. 1. 2. c. 2.
(4) Achill. ibid. c. 4. p. 76,
(3) Ci-dessus, 1. 2 , c. 2.
(6) Pto tin Ennead 4 , 1. 4. c. 27.
Relig. Univ. Tome I.
i 8 5
Il est certain que les Romains adoraient
la déesse Tellus, qui n’est autre
chose que la terre , et que les Grecs élevèrent
aussi des autels à la terre. On
peut voir dans Cicéron l ’opinion de
plusieurs philosophes, qui ont cru recon-
noître dans la terre et dans la force vive
qui la pénètre (7), l’origine de plusieurs
divinités. Sans admettre à beaucoup d’égards
leurs explications, j’y trouve au
moins des preuves de l’opinion qu’on
avoit de la divinité de la terre, et de
celle des autres élémens; car il n’en est
pas un seul en qui ces philosophes ne
plaçassent un Dieu. C’étoit sur-tout la
doctrine des Stoïciens, et de Zenon leur
chef (8).
Aprèsla terre et ses parties principales,
qui ont été considérées comme causes ou
comme divinités, et à ce titre personnifiées
dans les allégories sacrées, l’élément
de l’Eau fournit un grand nombre
de Dieux, soit dans sa masse générale.,
soit dans les fleuves et les ruisseaux, et
les fontaines , qui étoient formés de sa
substance. L ’Océan, père des fleuves, Té-
toit aussi d’une foule de Dieux. L ’Océan,
suivant Orphée (uuu) , étoit une source
de génération pour tous les êtres. Les
astres eux-mêmes s’alimentoient de ses
eaux ou de celles des rivières, qui sortaient
de son sein par l’évaporation,
et qui y rentroient ensuite par le lit des
fleuves (9). Virgile peint le berger Aris-
tée, qui avec Cyrène sa mère ( 1 0 ) , fait
des libations à l’Océan à qui ils donnent
le titre de père de toutes choses. Cette
qualification lui est donnée, dit Ser-
viùs, parce que de lui sont formées toutes
choses suivant Thalés ( x x x ). Effectivement,
c’étoit le dogme favori de ce phi-
sophe ( 1 1 ) , qui l’avoit emprunté des
Egyptiens, chez qui l’eau du Nil pas-
soit pour être le premier agent de la
1 (7) DeNaturâ Deor. 1. 1 , c. 15— 1. 2,c. 26, etc.
(8) Achill. Tat. c 3 , p. 75.
(9) Plin. 1. 2 , c. 68.
(10) Georg. I. 4. v. 382.
(11) Cicer denat. Deor. 1. t , c . 10, Dîog.. ■
Laer. 1. 1 , c. 1 , p. 18 , Plut, de placit. Phil. 1. r j
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