Pendant ce temps-rlà , Jason harangue
les Argonautes rangés sur leurs
bancs, et tranquilles dans leur vaisseau
, qui monilloit à l ’entrée du lleuve.
Il leur communique ses projets, en
même-temps qu’il invite chacun d’eux
à lui faire part de leurs réflexions 5 il
les invite à rester sur leur bord, tandis
qu’il ira au palais d’A ëtès, avec les
fils de phryxus, et deiux autres' seulement
de ses compagnons. Son projet
est d’employer d’abord la voie de la
douceur et des sollicitations, pour obtenu?
de lui la fameuse foison ( 1 j.! Ce
■ W sera qu’après nn refus formel et
obstiné, qu’on devra songer à employer
la force;, mais, avant cela , on peut
tenter avec quelque succès les voies de
douceur et de persuasion. L ’accueil
qu’il a fait autrefois à Phryxus chassé
de son pays, et fuyant *les persécutions
de sa marâtre , annoncé- assez
qu’il respecte les droits sacrés de l ’hospitalité
envers les étrangers : (;k); Lé
discours de Jason est goûté?; et ce
Héros, accompagné des fils de Phryxus,
de Télamon et d’Augée , se met en
marche , tenant en main un Caducée.
Ils traversent la? prairie de Ciî-oé , plantée
de saule»; au sommet desquels'sont
suspendûs des cadavres, attachés à. des’
chaînes. Car l’usage, encore aujourd’hui
en Colchidei, n’est pas de brûler les
corps des hommes; pi de les enterrer :
mais > ils les renferment dans des? peaux
de boeuf, qu’ils suspendent aux arbres ;
quant aux femmes ils les enterrent (3).
Tandis que Jason et ses compagnons
s’avancent vers la ville d’Aëtès, Junon
les enveloppe d’un nuage , qui les dé-‘
robe à la vue de tous ceux qu’ils pou-
voient rencontrer dans un pays aussi
peuplé ; le nuage’ s’évanouit’ au mo-1
ment , où ils arrivent au palais du roi.?
Le Poète nous peint l ’étonnement des
Argonautes,, à' la vue de cet édifice ,
dont il nous fait la description. On y
remarquoit sur-tout quatre fontaines
qu’avoit ouvertes Vulcain ; l ’une don-
noit du la it, l ’autre du vin ; de la troisième
couloit une huile odoriférante,
1 et de la quatrième de l ’eau pure , qui
étoit chaude au coucher des Pleïades,
et glaciale à leur lever. Vulcain y avoit
placé des Taureaux d’airain , qui fouf-
floient le feu de leurs larges narines ; il
avoit aussi forgé un soc de charrue du
métal le plus dur, par reconnoîssance
pour le Dieu-Soleil, qui l ’avoit reçu
sur son char, lorsqu’il se trouva fatigué
de combattre dans la guerre des Géans
( 4 ). Le? Poète Continue de nous’ faire
la description des cours, des portiques
et des diverses galeries, que le Héros
traverse ; il nous peint entre autres deux
tours très-élevées. Dans l ’une habitoit
Aëtès .avec son épouse, et dans l ’autre
Absyrthe son fils, qu’il avoit eu d’As-
teradée, Nymphe du Caucase ; les Col-
ehidiens donnoient ù ce jeune prince
le nomade Phaè'ton, à cause de son
éclatante beauté (5 )?.
Dans les autres appartemens logeoient
Chàlciope et" Médee sa soeur; celle-ci
fàisojt les fonctions de prêtresse d’Hécate.
Dès qu’elle apperçüt les Argonautes
, elle poussa un c r i , qui fut
entendu de sa soeur, et des femmes
qui servoient cette Princesse ; elles
jettent toutes à terre leurs fuseaux et
leurs travaux ; et elles volent hors du
Palais. Chalciopé appercevant ses fils ,
lève de joie léS mains vers le Ciel. Ses
fils se précipitent entre ses bras, et lui
prodiguent toutes les expressions de la
plus vive tendresse. L a mère leur fait
quelques reproches sur leur séparation ,
et sur le désir des richesses , qu’ils al->
loient chercher à Orchomène ; en abandonnant
leur patrie et une mère tendre
(6).
Enfin Aëtès sort aussi de son Palais,
(1) Ibid. V. 180.
(i) V. 193.
D) v - ie9-
(4) V. *54.
(5) V. 346-
(6; V. »67.
accompagne d’Idya son épouse. Toute
la cour est en mouvement ; chacun
s’empresse de servir le ro i, dans ' les
différentes fonctions, qui lui sont confiées.
Cependant l’Amour, sans être ap-
perçu , avoit traversé les airs; il s’étoit
arrêté dan» le; vestibule , pour tendre
son arc ; puis franchissant le seuil de
la porte, il va se cacher derrière Jason ,
et de-là il décoche une flèche dans le
sein de Médée, qui resté muette et interdite.
Bientôt le-feu, qui est allumé
dans son coeur , fait des prOgrès , et
brûle dans toutes ses veines ; ses yeux
pétillent d’une flamme vive ?, ? et sont
tournés vers le fils d’Esbn. îSon Coeur
soupire ; un léger battement agite son
sein ; sa respiration est pressée, la pâleur
et la rougeur occupent successivement
ses joues. Le Poète s’amuse ici à péînclfe
les effets de l ’amour sur la jeune Princesse
( 1 ) ; il. passe ensuite ' au récit dé
l ’accueil que fit Aëtès à Ses petits-fils ;
dont le retour inattendu le surprend.
Ce Prince rappelle aux fils de Phryxus
les avis, qu’il leur avoit donnés avant
leur départ, pour les détourner de
cette entreprise , dont il cbnndissoit
tous les dangers. Il les questionne sur’
les obstacles, qui. les ont arrêtés, et
sur ces étrangers, qui les accompagnent.
Argus se charge; de répondre au nom
de tous ; il commence par le récit de
la tempête , qui; leur' a fait faire naufrage
, et qui les a jetés sur le rivage
d’une île déserte consacrée à Mars. Il
lui parie ensuite des secours, que leur
ont donnés ces étrangers , à qui ils ont
inspiré de l’intérêt, dès qu’ils ont eu
prononcé les noms de Fhryæus leur
père, et & À é tè s , leur aïeul. Car c ’est
vers vous qu’ils alforent, ajoute Argus,
En même-temps il découvre â son aïeul
le sujet de leur voyage, et le* terribles
ordres, que leur avoit donnés Pélias. Il
annonce , qu’ils viennent chercher la
fameuse Toison, et que Minerye elle*
( 1 ) Ib id . y . 29 8 .
<*) V. 350.
même; ; s’intéresse à leur stiCcès, puisqu’elle,
a pris soin de construire lé vaisseau
qu’ils montent. Il vante l'excellence
de cette construction, qui met
le vaisseau à l’épreuve de tous les dangers
; il est monté par l’élite des, Héros
Grecs , qui font dépendre’leur sort 'de
ïa bonne volonté du rbi ( 2).’ I l fait ensuite
connaître à son aiëlil les Héros,
qui l’ accompagnent, et sut-tout Jason,
fils d’Eson , fils de Crethée. Il ajoute ,
que tous ceu i qui le suivent sont, fils,
ou petits-fils des Dieux ( 3).
Ce discours met en furèùr’ le >oî ,
qui s’indigne", ’sur-tout contre les’ fils
de Phryxus, qui se sont chargés d’un
tel message ; il éclate èn' menaces
contre eux et contré lès Argonautes.
Pendant qu’il exhaloit ainsi sa colère ,
le bouillant Télamoïr , ne pouvant contenir
là Siéhne, se préparait à lui répondre
aven non iUdins de I violence.'
Mais jason le prévint, et prenant un
ton modeste et doux , il lui expose lés
motifs de son voyagé , dont l’ambition
n’a jamais été le b u t, et qu’il n’a entrepris
, que pour obéir au» ordres re-
doutàhlës 'dé Pélïas'('j'j. Il lui pfonaet
de rétournèr èn Grèce publier sa gloire,
et dé l ’aider dans la gùerrè, qu’il pourrait
avoir à soutenir contre les Sur-
martes et ses autres voisins. Aëtès ,
d’abord incertain du parti qu’il doit
prendre à leur égard, së détermine à
leur prqmettre ce qu’ils demandent,
mais soùs uné condition qu’il leur impose,
ét dont l ’exécutiçn sera pour lui
un sûr garant de leur courage. Il lui
dit, qu’u a deux TaureaüX'foui ont .des
pieds d’airain, et qui soufflent lë feu
de leurs’ narines. Qu’il lè’s attèle à une
cltarrtiei et" qu’il trace des sillons clàns
un champ consacré à Mars; qu’au lien
de blés j il ÿ sème des dents de Serpent,
où naissent tout-à-coup des guerriers
, qu’il moissonne ensuite avec le
fer de sa lance ; et tout cela s’exécute
(3) V. 3 6 6 .
(4) V, 395,
S i ! v